Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La Russie se consolide en Méditerranée orientale

Un des choix les plus imbéciles du secteur international du PCF, totalement inféodé à l’OTAN, a été de pousser les Kurdes vers les USA : une vision folklorique du “communisme maintenant” mais catastrophique. La seule solution pour ces pauvres gens eut été d’entretenir leurs relations traditionnelles avec Moscou et même la Syrie. Tout n’est pas perdu même si l’espoir d’une patrie kurde n’est pas à l’ordre du jour, si elle l’a jamais été. Non seulement les USA ne l’ont jamais envisagée mais les Kurdes au sein de la coalition en déshérence étaient ceux qui payaient pour tous les autres, en revanche, dans la nouvelle situation, on peut limiter les dégâts pour s’être retrouvés dans le camp US. Moscou, y compris dans le cadre de la réconciliation Ankara-Damas, joue la carte de la stabilité aussi bien avec Israël qu’avec les Kurdes. Ce qui est décrit ici par ce diplomate indien, à savoir l’influence grandissante de la Russie en Méditerranée orientale (et peut-être dans toute la Méditerranée) pourrait être étendu à bien d’autres points de la planète, en Afrique, en Asie centrale, en Amérique latine, en Inde, où la Russie joue un rôle positif dans la relation tendue de l’Inde avec la Chine. Cette analyse nous dit à quelle illusion d’optique pro-USA nous pouvons continuer à être soumis y compris quand nous analysons le rôle de la France – qui avait aussi ses traditions jusqu’à Chirac au moins dans cette partie du monde, traditions abandonnées par Sarkozy Hollande Macron – mais on se demande comment par quel miracle la gauche et les communistes au point où ils en sont peuvent jouer un rôle quelconque dans la paix nécessaire et qui passe on le voit ici par la diplomatie. (note et traduction de Danielle Bleitrach dans histoireetsociete)

03/01/2023

  • illustration : Le ministre russe de la défense, Sergueï Choïgou, à gauche, et son homologue turc, Hulusi Akar, se serrent la main lors d’une réunion à Istanbul, en Turquie, le vendredi 22 juillet 2022. VADIM SAVITSKY / AP

par M. K. BHADRAKUMAR

Le rideau tombe sur le conflit syrien brutal vieux de 11 ans, que l’ancien président américain et lauréat du prix Nobel Barack Obama a initié, alors que le printemps arabe balayait l’Asie occidentale il y a deux décennies. Les États-Unis ont subi un autre grand revers en Asie de l’Ouest alors que l’année 2022 touche à sa fin. Le processus de réconciliation turco-syrien en cours sous médiation russe doit être analysé comme une saga de trahison et de vengeance.

Ankara a subi d’immenses pressions de la part de l’administration Obama en 2011 pour mener le projet de changement de régime en Syrie. Obama a allègrement supposé que Turkiye servirait joyeusement de conducteur de l’islamisme « modéré » pour la transformation en Asie occidentale. Mais Ankara a pris son temps pour calibrer sa politique étrangère afin de s’adapter au printemps arabe avant de réagir au paysage changeant en Syrie.

Erdogan a été pris au dépourvu par le soulèvement en Syrie à un moment où Ankara poursuivait une politique de « zéro problème » avec les voisins de Turkiye. Ankara ne savait pas comment le printemps arabe se déroulerait et est restée silencieuse lorsque la révolte est apparue pour la première fois en Tunisie. Même sur l’Egypte, Erdogan n’a lancé un appel émotionnel au départ d’Hosni Moubarak que lorsqu’il a senti, à juste titre, qu’Obama se désolidarisait du fidèle allié de l’Amérique au Caire.

La Syrie était le test ultime et un véritable défi pour Erdogan. Ankara avait beaucoup investi dans l’amélioration des relations avec la Syrie dans le cadre de l’accord dit d’Adana en 1998 en aval de l’épreuve de force massive de l’armée turque avec Damas sur ce dernier abritant le leader du PKK [kurde] Öcalan. Erdogan ne voulait initialement pas que Bachar al-Assad perde le pouvoir et lui a conseillé de réformer. Les familles d’Erdogan et d’Assad avaient l’habitude de passer leurs vacances ensemble.

Obama a dû déléguer le chef de la CIA de l’époque, David Petraeus, à deux reprises en Turquie en 2012 pour persuader Erdogan de s’engager avec les États-Unis dans la planification opérationnelle visant à mettre fin au gouvernement Assad. C’est Petraeus qui a proposé à Ankara un programme secret d’armement et d’entraînement des rebelles syriens.

Mais en 2013 déjà, Erdogan a commencé à sentir qu’Obama lui-même n’avait qu’une implication américaine limitée en Syrie et préférait manipuler en retrait. En 2014, Erdogan a déclaré publiquement que ses relations avec Obama s’étaient détériorées, disant qu’il était déçu de ne pas obtenir de résultats directs sur le conflit syrien. À ce moment-là, plus de 170 000 personnes étaient mortes et 2,9 millions de Syriens avaient fui vers les pays voisins, y compris vers la Turquie, et les combats avaient forcé 6,5 millions de personnes supplémentaires à quitter leur foyer en Syrie.

En termes simples, Erdogan s’est senti aigri de se retrouver aux prises avec une boîte de Pandore et avec un Obama en fuite. Pire encore, le Pentagone a commencé à s’aligner sur les groupes kurdes syriens liés au PKK. (En octobre 2014, les États-Unis ont commencé à livrer des fournitures aux forces kurdes et en novembre 2015, des forces spéciales américaines ont été déployées en Syrie.)

En effet, depuis lors, Erdogan avait protesté en vain contre le fait que les États-Unis, un allié de l’OTAN, s’étaient alignés sur un groupe terroriste (les Kurdes syriens connus sous le nom de YPG) qui menaçait la souveraineté et l’intégrité territoriale de Turkiye.

C’est dans ce contexte que les deux réunions à Moscou mercredi entre les ministres de la Défense et les chefs du renseignement de Turquie et de Syrie en présence de leurs homologues russes ont eu lieu. Le processus de réconciliation d’Erdogan avec Assad est avant tout sa douce vengeance pour la trahison américaine. Erdogan a demandé l’aide de la Russie, l’archétype du pays ennemi aux États-Unis et dans le collimateur de l’OTAN, afin de communiquer avec Assad qui est un paria aux yeux des Américains. La matrice est allée de soi.

Jeudi, le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, a déclaré: « Lors de la réunion (à Moscou), nous avons discuté de ce que nous pourrions faire pour améliorer la situation en Syrie et dans la région dès que possible tout en assurant la paix, la tranquillité et la stabilité… Nous avons réaffirmé notre respect de l’intégrité territoriale et des droits de souveraineté de tous nos voisins, en particulier la Syrie et l’Irak, et que notre seul objectif est la lutte contre le terrorisme, nous n’avons pas d’autre but ».

Le président russe Vladimir Poutine a conseillé à Erdogan ces dernières années de mesurer que les préoccupations de sécurité de Turkiye seront mieux traitées en coordination avec Damas et que l’accord d’Adana pourrait fournir un cadre de coopération. Le ministère turc de la Défense a déclaré que la réunion à Moscou s’était déroulée dans une « atmosphère constructive » et qu’il avait été convenu de poursuivre le format des réunions trilatérales « pour assurer et maintenir la stabilité en Syrie et dans la région dans son ensemble ».

Sans aucun doute, la normalisation entre Ankara et Damas aura un impact sur la sécurité régionale et, en particulier, sur la guerre syrienne, compte tenu de l’influence que Turkiye exerce auprès de l’opposition syrienne résiduelle. Une opération terrestre turque dans le nord de la Syrie pourrait ne pas être nécessaire si Ankara et Damas devaient relancer l’accord d’Adana. En fait, Akar a révélé qu’Ankara, Moscou et Damas travaillent à la réalisation de missions conjointes sur le terrain en Syrie.

La volonté du ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, en plein milieu de la guerre en Ukraine, de prendre la direction des opérations et d’œuvrer à sa réconciliation avec la Syrie ajoute une toute nouvelle dimension à l’approfondissement des liens stratégiques entre Moscou et Ankara. Pour Erdogan aussi, la Syrie devient le dernier ajout à ses initiatives politiques ces derniers temps pour améliorer les relations de Turkiye avec les États de la région. La normalisation avec la Syrie passera bien auprès de l’opinion publique turque, ce qui aura des implications pour la candidature d’Erdogan à un mandat renouvelé lors des prochaines élections.

Du point de vue syrien, la normalisation avec la Turquie aura des conséquences bien plus importantes que le rétablissement des liens avec divers États régionaux (à commencer par les Émirats arabes unis) qui ont alimenté le conflit ces dernières années. Les relations de la Turquie avec les groupes militants syriens (par exemple, l’Armée nationale syrienne et Hayat Tahrir al-Sham), son occupation continue du territoire syrien, les réfugiés syriens en Turquie (au nombre de 3,6 millions), etc. sont des questions vitales pour la sécurité de la Syrie. 

   Les États-Unis n’apprécient pas la volonté d’Erdogan de normaliser les relations avec Assad – et ce, avec l’aide de la Russie. Il est maintenant encore plus improbable qu’ils renoncent à leur présence militaire en Syrie ou à leur alliance avec le groupe kurde syrien YPG (qu’Ankara considère comme un affilié du PKK).

Mais les YPG se retrouveront dans une situation difficile. Alors que la Syrie demande à Turkiye de se retirer de ses territoires (Idlib et les soi-disant zones d’opération) et de cesser de soutenir les groupes armés, Turkiye insistera en retour pour éloigner les YPG de la frontière. (Le quotidien syrien Al-Watan, aligné sur le gouvernement, a rapporté avoir cité des sources selon lesquelles, lors de la réunion tripartite à Moscou, Ankara s’était engagée à retirer toutes ses forces du territoire syrien.)

En effet, le remplacement de la milice YPG par les forces gouvernementales syriennes le long des frontières avec Turkiye conduirait à l’affaiblissement des YPG et de la présence militaire américaine. Cependant, la question restera toujours sans réponse quant à la place des Kurdes dans l’avenir de la Syrie.

Le département d’État américain a récemment déclaré : « Les États-Unis n’amélioreront pas leurs relations diplomatiques avec le régime d’Assad et ne soutiennent pas d’autres pays qui améliorent leurs relations. Les États-Unis exhortent les États de la région à examiner attentivement les atrocités infligées par le régime d’Assad au peuple syrien au cours de la dernière décennie. Les États-Unis estiment que la stabilité en Syrie et dans l’ensemble de la région peut être atteinte par un processus politique qui représente la volonté de tous les Syriens.

Les réunions de la semaine dernière à Moscou montrent que la position de la Russie dans la région de l’Asie occidentale est loin d’être définie par le conflit ukrainien. L’influence russe sur la Syrie reste intacte et Moscou continuera de façonner la transition de la Syrie hors de la zone de conflit et de consolider sa propre présence à long terme en Méditerranée orientale.

L’OPEP Plus a gagné du terrain. Les liens de la Russie avec les États du Golfe ne cessent de croître. Les liens stratégiques russo-iraniens sont à leur plus haut niveau de l’histoire. Et le retour de Benjamin Netanyahu au poste de Premier ministre signifie que les relations russo-israéliennes se dirigent vers une refonte. De toute évidence, la diplomatie russe est en plein essor en Asie occidentale.

La sagesse conventionnelle était que les intérêts géopolitiques de la Russie et de Turkiye entreraient inévitablement en collision une fois les vannes ouvertes en Ukraine. C’est là que réside le paradoxe, car ce qui s’est passé est tout à fait contraire.

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1 Commentaire

  • Daniel Arias
    Daniel Arias

    Sur quoi les USA flippent ?

    Un document édité le 7 février 2022, juste avant l’opération spéciale.
    Par le très officiel Intelligence Community du gouvernement des USA.

    https://irp.fas.org/congress/2022_hr/threat-2022.pdf

    Dans l’ordre des menaces:

    Chine
    Russie
    Iran
    Corée du Nord

    Tous présentant des moyens de dissuasion militaires efficaces, une influence diplomatique et des capacités de cyber attaques massives et bientôt la dissuasion nucléaire pour ceux qui ne l’ont pas encore.
    Tous avec des missiles balistiques, dont trois possèdent déjà un avantage sur les USA avec les HGV, les véhicules planeurs hypersoniques ; détenus par la Russie, la Chine et la RPDC.
    La RPDC peut depuis peu lancer des missiles depuis leurs sous marins.

    Il est probable que les USA ne puissent plus menacer aucun de ces quatre pays militairement ; ils sont à la peine diplomatiquement, à la merci d’une attaque massive de leur Internet leur coupant l’accès aux carburant et à l’eau. La Russie a la capacité de couper l’Internet mondial avec ses sous marins et de détruire une bonne partie des satellites.

    Il semblerait bien que America is dead !

    En France c’est la catastrophe qui s’annonce chaque jour sur le plan économique et sanitaire.

    La Gauche c’est pour quand le réveil ?

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