Pour tous ceux qui dans ce blog attendent avec impatience les traductions de Marianne sur “le front de l’est” voici aujourd’hui quelques textes qui disent à quel point au lieu de jouer à l’union sacrée nos forces politiques si elles en sont encore capables, ce dont on peut douter, devraient s’orienter vers la paix. Si d’un point de vue occidental, nous en sommes encore à couvrir la guerre telle que les Etats-Unis sont prêtes à la faire sur le sol européen avec un mélange d’agitations vaines et de bulletins de victoire imaginaire, ce qui est décrit ici est d’une tout autre nature: vous voulez faire la guerre à la Russie et au-delà, nous en sommes conscients, nous savons qui vous êtes et ne nous faisons plus d’illusion sur votre capacité à ne pas respecter vos accords, à les utiliser pour vous mettre en position de détruire. Il y a au moins un point sur lequel Zelensky et la Russie sont d’accord, les négociations seront l’acte final du terrain et pas l’inverse. Le résultat des trahisons de la voix diplomatique par l’Occident, prendre au sérieux le refus russe de subir “la décapitation”, l’application de ce dont ici nous ne cessons de vous mettre en garde, la théorie de la frappe “préventive” assortie de leur droit supposé à intervenir partout des blocus en sanctions sur toute la planète en niant les souverainetés. (note de danielle Bleitrach)
Un sommet de l’Union économique eurasiatique qui regroupe le Belarus, la Fédération de Russie, l’Arménie, le Kazakhstan et le Kirghizstan s’est tenu à Bichkek capitale du Kirghizstan le 9 décembre en présence des chefs d’Etat concernés.
A son issue le président russe a tenu une conférence de presse. Nous reproduisons son interview par un journaliste russe à partir de la version anglaise officielle qui a été diffusée.
Quoiqu’elles soient laconiques voire lapidaires ces réponses ou précisément parce qu’elles le sont ont jeté la diplomatie occidentale dans l’angoisse au point qu’elles ont d’abord été ignorées par les médias de masse pour ensuite être caricaturées. Qu’on en juge !
Le président russe est interviewé par Konstantin Panyushkin de Channel One (chaine de télévision russe présentée à l’Ouest comme « organe du gouvernement russe », l’Ouest ayant, c’est connu, une préférence marquée pour les chaines des milliardaires.
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Bon après-midi. Une question sur l’opération militaire spéciale.
Que pensez-vous de l’état de l’OPERATION MILITAIRE SPECIALE ?
En parlant avec des militants des droits de l’homme mercredi, vous avez dit, je cite : “Ce sera un long processus.” « Si possible, pouvez-vous expliquer ce que vous aviez à l’esprit ? »
Et une autre question sur la même réunion. Vous avez dit, et je cite : “Si la Russie n’utilise pas les armes nucléaires en premier, elle ne les utilisera pas non plus en second.” Cela a provoqué un tollé. Veuillez expliquer ce que vous vouliez dire.
Vladimir Poutine : « En ce qui concerne la durée du SMO (acronyme anglais mais OMS est déjà utilisé en français), je faisais référence au temps nécessaire au processus de règlement. Le SMO suit son cours et tout est stable – il n’y a pas de questions ou de problèmes sur ce sujet. Comme vous pouvez le constater, le ministère de la défense fonctionne de manière transparente. Dans ses rapports quotidiens il reflète tout ce qui se passe dans la réalité, sur le terrain. Voilà ce qu’il en est, objectivement, à cet égard. Je n’ai rien à ajouter.
Quant au processus de règlement en général – oui, il sera probablement compliqué et prendra un certain temps. Mais d’une manière ou d’une autre, les parties à ce processus devront accepter les réalités qui se dessinent sur le terrain. Voilà pour la première partie de votre question. »
Commentaire COMAGUER :
Sur la vidéo le Président russe est impavide. Pour lui, la mission a été fixée, l’heure est aux militaires qui l’exécutent et informent sur son déroulement, ensuite viendra le temps des diplomates.
Vladimir Poutine : « Maintenant, sur votre seconde question. Je comprends que tout le monde soit inquiet et l’ait toujours été depuis l’avènement des armes nucléaires, et des armes de destruction massive en général. Les gens, toute l’humanité, se sont inquiétés de ce qui allait arriver à la planète et à nous ? Mais écoutez ce que j’avais en tête, je vais vous expliquer certaines choses.
Les États-Unis ont cette théorie de la frappe préventive (ou première frappe). C’est le premier point. Maintenant, le deuxième point. Ils sont en train de développer un système pour une frappe de désarmement. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie frapper les centres de contrôle avec des armes modernes de haute technologie pour détruire la capacité de l’adversaire à contre-attaquer, et ainsi de suite. »
Commentaire COMAGUER
« Frappe de désarmement ». Cette expression qui peut paraitre anodine ou imprécise dans le vocabulaire auquel le lecteur non militaire est habitué est le cœur de la réflexion stratégique. Pour lui donner sa véritable importance il faut utiliser un terme très fort utilisé, dit-on, entre militaires dans les écoles de guerre qui est celui de « décapitation ». La métaphore est limpide : dans un champ clos deux adversaires armés d’un sabre s’affrontent. Le premier qui coupe la tête de l’autre a gagné. Des images du Kenjutsu, ancêtre du kendo, pratiqué par les samouraïs, viennent aussitôt à l’esprit.
L’affrontement entre deux Etats modernes ne met pas face à face deux personnes mais deux entités qui ont toutes deux une tête : l’état-major et l’exécutif politique et un cerveau d’où partent toutes les impulsions nerveuses qui vont mettre en mouvement la machine de guerre sous toutes ses formes. La « décapitation » consiste donc à détruire le cerveau nécessairement très centralisé de l’adversaire. Le cerveau détruit, sa machine de guerre s’arrête dans l’instant.
Vladimir Poutine : « Quelles sont ces armes modernes ? Ce sont des missiles de croisière que nous n’avions pas à une certaine époque – nous n’avions pas de missiles de croisière basés à terre. Nous les avions supprimés ; nous les avions mis au rebut. Pendant ce temps, les Américains étaient plus malins lorsqu’ils menaient des discussions avec l’Union soviétique. Ils ont mis au rebut les missiles terrestres mais ont conservé les missiles aériens et maritimes qui n’étaient pas couverts par le traité, et nous sommes devenus sans défense. Mais maintenant nous les avons et ils sont plus modernes et encore plus efficaces. »
Commentaire COMAGUER
Très succinctement Poutine fait allusion au traité ABM signé entre les Etats-Unis et l’URSS en 1972 qui stipulait que la défense anti missile pouvait être mise en place uniquement pour la protection de la capitale de chacun des deux pays. Il s’agissait bien d’une renonciation à la « décapitation ». Mais profitant au fil des mises à jour du traité ABM de l’affaiblissement de l’URSS puis de sa disparition les Etats-Unis poursuivirent le déploiement des missiles anti-missiles un peu partout et pour finir George W. Bush dénonça le traité ABM en 2002. A partir de ce moment-là les Etats-Unis pouvaient lancer librement leurs missiles balistiques sur la Russie et détruire au plus près de la frontière russe surtout après l’entrée en 2004 de la Pologne, de la Hongrie et de la Roumanie dans l’OTAN tous les missiles balistiques que la Russie aurait imaginé de leur envoyer pour riposter et de toute manière bien avant que ces missiles atteignent le sanctuaire : le territoire des Etats-Unis. En fait la Russie les avait démantelés. Elle était donc sans défense.
Vladimir Poutine : « Il était prévu d’effectuer une frappe préventive de désarmement avec des armes hypersoniques. Les États-Unis ne disposent pas de ces armes, mais nous nous en avons. En ce qui concerne une frappe de désarmement, nous devrions peut-être penser à utiliser les réalisations de nos partenaires américains et leurs idées sur la manière d’assurer leur propre sécurité. Nous sommes en train de réfléchir à ce sujet. Personne ne s’est gêné pour en discuter à haute voix dans le passé. C’est le premier point. »
Commentaire COMAGUER
Poutine insiste sur le fait que la « décapitation » était au cœur du traité ABM (Anti Balistic Missiles) initial d’où son expression « discuter à haute voix ». La négociation, la signature et la publication d’un tel traité n’ont évidemment aucun caractère confidentiel.
Vladimir Poutine : « Les États-Unis ont une théorie et même une pratique. Ils ont le concept d’une frappe préventive dans leurs documents stratégiques et dans d’autres documents politiques. Ce n’est pas notre cas. Notre stratégie parle d’une frappe de représailles. Il n’y a aucun secret. Qu’est-ce qu’une frappe de représailles ? C’est une frappe de riposte : c’est-à-dire que lorsque notre système d’alerte avancé, le système d’alerte d’attaque de missiles, détecte des missiles lancés vers le territoire de la Fédération de Russie. Il détecte d’abord les lancements, puis les actions de riposte commencent.
Nous organisons régulièrement des exercices de nos forces nucléaires. Vous pouvez les voir tous, nous ne cachons rien. Nous fournissons des informations dans le cadre de nos accords avec tous les pays nucléaires, y compris les États-Unis. Nous informons nos partenaires que nous effectuons ces exercices. Soyez assurés qu’ils font exactement la même chose.
Après que le système d’alerte précoce ait reçu un signal indiquant une attaque de missiles, des centaines de nos missiles sont lancés et ils ne peuvent pas être arrêtés. Mais ça reste une frappe de représailles. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie que les têtes de missiles ennemis tomberont sur le territoire de la Fédération de Russie. Cela ne peut être évité. Elles tomberont de toute façon. Mais comme il est impossible d’intercepter des centaines de missiles, il ne restera rien de l’ennemi. Et c’est, sans aucun doute, un puissant moyen de dissuasion. »
Commentaire COMAGUER
Poutine souligne que la Russie dans sa doctrine stratégique actuelle n’a pas prévu de frappe nucléaire préventive mais simplement des frappes de riposte, mais des frappes suffisamment massives pour que les deux adversaires soient anéantis. Cette affirmation est le cœur même de la déclaration officielle commune des cinq chefs d’Etat (Biden, Poutine, Xi Jinpjng, Macron, Johnson) du 3 Janvier 2022 qui peut être résumée par cette sentence qui met fin à la culture du Western : « Celui qui tire le premier meurt aussi ».
Vladimir Poutine : « Mais si un adversaire potentiel croit qu’il est possible d’utiliser la théorie de la frappe préventive, alors que nous ne le faisons pas, cela nous fait quand même réfléchir à la menace que de telles idées dans la sphère de la défense d’autres pays représentent pour nous.
C’est tout ce que j’ai à dire à ce sujet. »
Commentaire COMAGUER
Le président russe est encore plus elliptique dans cette dernière phrase qui tombe comme un couperet.
Explicitons : la doctrine nucléaire des Etats-Unis prévoit explicitement la frappe nucléaire préventive. Toujours le western : « Je tire le premier ». Les armes hypersoniques russes aujourd’hui opérationnelles rendent possible la décapitation de l’adversaire donc de ses centres de commandement par une arme nucléaire de faible puissance ou même par une arme conventionnelle. Dans ce nouveau contexte pour se défendre si elle est gravement menacée, la Russie peut envisager une « décapitation préventive » des Etats-Unis. La Russie y réfléchit. A bon entendeur. …
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POUR CONCLURE
Mais dans ce nouveau cas la métaphore de la « décapitation » est invalide. Un corps sans tête meurt, un pays sans dirigeants ne meurt pas. Il les remplace. Qu’est-ce à dire ?
Tout simplement que le long chapitre de la menace d’extermination nucléaire de masse écrit par les Etats-Unis depuis 77 ans à Hiroshima et auquel l’URSS avait répondu par une menace symétrique est clos. GAME OVER !
Les Etats-Unis qui ne savent que détruire et menacer d’annihiler vont devoir faire de la politique comme les autres grands Etats : en tenant compte des rapports de force internationaux, en se résignant à l’idée jusqu’alors proprement impensable que la guerre peut atteindre leur territoire et sans faire courir à l’humanité le risque d’une fin atomique.
La déclaration du 3 Janvier 2022 des cinq puissances nucléaires annonçait ce virage historique. Poutine vient d’en confirmer l’immense portée.
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Deux articles sur le sujet
southfront.org/ Why Putin Says Russia Could Adopt US-Style Preemptive Strike DoctrineSouth Front
Russia may borrow US idea of disarming strike — Putin – Russian Politics & Diplomacy – TASS
Vues : 636
Daniel Arias
La tactique de la décapitation me semble un peu datée.
Si elle est la base du jeu d’échec qui était censé donner des bases militaires aux princes, la technologie a fortement évolué depuis.
En France avait été construit sur le plateau d’Albion des silos de lancement de missiles nucléaires. En 1996 cette dissuasion statique a été définitivement abandonnée.
Dans les forces nucléaire il existe une triade composée de : forces aériennes, forces terrestres et forces navales.
Les premières ont été aériennes avec un système de bombardement “classique” et des contraintes techniques liées aux vecteur : l’avion qui a une relativement faible autonomie. L’ours soviétique Tu-65 a un record de mémoire de 36 heures de vol. Les avantages sont la grande mobilité et une certaine discrétion garantissant la frappe nucléaire comme avec le Mirage 2000N ou aujourd’hui le Rafale-N.
Les forces terrestres sont soit mobiles et souvent de moyenne portée, soit fixe en silo et c’est là que vous trouverez les armes de l’Apocalypse SATAN, SARMAT ou MINUTEMAN. Ceux-ci sont destinés à des frappes massives et ont pour fonction d’assurer la Terreur Nucléaire. Elles sont assez nombreuses pour assurer la fin de la civilisation dans l’hémisphère nord.
Les forces navales sont aujourd’hui assurées essentiellement par les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins SNLE, ils sont équipés de centrale nucléaire pour assurer leur propulsion ce qui en fait des véhicules qui en théorie n’ont jamais besoin de revenir à la base, ici le facteur limitant est l’humain. Ces sous-marins sont pratiquement indétectables et pour certains comme le monstrueux Typhoon soviétique peut résister à une frappe nucléaire directe. Il peuvent frapper depuis n’importe où relativement près de l’ennemi. Les Russes ont quelques croiseurs de l’ère soviétiques à propulsion nucléaire et capable de lancer des missiles nucléaires.
Ces capacités nucléaire peuvent détruire des centres stratégiques.
L’adaptation a été de construire en profondeur, tous les centes de commandement des forces nucléaires peuvent résister à des frappes nucléaires et sont enterrés hors de portée parfois à des centaines de mètres de profondeur ou dans des montagnes. Les métros soviétiques étaient des abris anti atomiques.
Une frappe nucléaire en atmosphère haute provoque l’effet électromagnétique EMP qui va faire fondre tous les composants des circuits intégrés les rendant inutiles ; c’est pour cela que nous utilisions dans les forces nucléaires et dans les postes de commandement de l’armée des SAGEM AI-32 qui utilisaient des bandes perforées papier avec une électronique grossière mais résistante à l’effet EMP.
ARPANET l’ancêtre d’Internet est né de la guerre froide et de la menace nucléaire. Ce réseau est la réponse à vulnérabilité des centres de commandement centralisés ; il permet de communiquer presque partout et si un point de communication est hors service il utilisera un autre chemin ; tant que le maillage est suffisamment étoffé une communication reste possible.
Pour éviter la décapitation les armées se sont déjà adaptées depuis longtemps en jouant à la fois sur le blindage, la mobilité et la redondance. Les avions présidentiels des USA, de la Russie et de la France sont de véritables armes électroniques avec des système de communication robustes capables d’envoyer l’ordre de frappe nucléaire depuis l’air.
Reste en Russie, le système de la Main Morte qui une fois activé s’il ne reçoit plus de signe de vie et que les radiations et les signaux sismiques indiquent une frappe nucléaire sur le territoire russe va déclencher le décollage de missiles de commande qui vont parcourir tout le territoire russe et donner l’ordre de frappe à toutes les forces nucléaires restantes, silos, sous-marins, avions tout sera lancé contre les forces de l’OTAN assurant leur destruction complète.
Une tentative de décapitation du système de commandement Russe garanti dans tous les scénario notre destruction mutuelle.
La dissuasion nucléaire reste une réalité qui pour l’instant nous a garanti la paix.
Pour la rendre définitive il faudra en finir à terme avec les nationalismes et la concurrence des possédants pour faire naître une coopération et un développement pacifique global.
Seulement à ce moment le désarmement deviendra opportun.
Plateau d’Albion :
https://www.francetnp.gouv.fr/visite-des-installations-militaires
Bosteph
Les propos récents de Medvedev, où ils parlait de “conséquences” pour les pays Occidentaux (donc au-delà le l’ Ukraine) devrait également interpeller toute personne “normale/réaliste”, également.
Autrement, source “forumers de RI”, mais généralement des “bien informés”, datant d’ il y a 2 jours : des missiles Avangard (portée 6000 kms et 32000 km/h) serait en-cours de déploiement . Si tel est bien le cas, alors c’ est clairement un message pour l’ Europe otanesque en particulier (British compris) . Pour info, comme le Kinjal (dont la portée est inférieure (1000 kms si bonne mémoire)), l’ Avangard peut transporter une charge classique (ouf !), mais la surface de destruction sera large (ail !) . Pas rassurant côté “escalade” tout ça !