Merci à Franck Marsal qui nous propose de reprendre pied dans un des grands moments de péril de notre histoire, face à la montée du nazisme, face à la collaboration de classe, il s’est trouvé au sein de la CGT et du parti communiste des dirigeants comme Benoît Frachon pour faire face. Frank Marsal dit l’actualité de cette intervention qui reprend pied dans la classe ouvrière. Cet exemple historique nous permet de comprendre l’ampleur et la profondeur des batailles à mener. Il ne s’agit pas de bâtir des alliances de façade qui laissent en suspens les enjeux de long terme au profit d’une victoire (voire d’une défaite amoindrie, comme ce fut le cas lors des précédentes élections législatives). La NUPES était, pour différentes raisons, imposée par les circonstances. Il fallait faire élire des députés pour porter une voix alternative au parlement. Mais l’impulsion de cette alliance n’a en rien la puissance et l’enracinement populaire, le caractère de classe de l’union syndicale recherchée par Frachon et les communistes français dans les années 30. La bataille qui est au cœur de nos enjeux, ce n’est pas l’union pour l’union, c’est d’aller, ainsi que l’explique Benoît Frachon, c’est de développer le “souci dominant de mieux connaître les pensées intimes des masses”, “de parler à ces masses un langage qu’elles comprennent” et “d’employer une tactique qui les aide à faire l’expérience”.) (Note de Danielle Bleitrach et Franck Marsal pour histoireetsociete)
C’est au lendemain du 7e congrès de l’Internationale communiste, tenu du 25 juillet au 20 août 1935, qu’a été prononcée l’allocution de Benoît Frachon dont nous reproduisons ici des extraits . Cette réunion, demeurée clandestine, s’est tenue dans le cadre d’une conférence de l’Internationale syndicale rouge (ISR) organisée du 22 au 25 août 1935, à la veille de la réunification syndicale en France entre la Confédération générale du travail (CGT) et sa concurrente la Confédération générale du travail unitaire (CGTU).
J’ai découvert ce texte (https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2003-3-page-105.htm#no5) en effectuant des recherches sur le parcours et les discours de Benoît Frachon, et d’autres dirigeants communistes de cette époque, comme Ambroise Croizat, Marcel Paul, et tant d’autres, dont bien sûr Maurice Thorez. Cette génération fera, par son courage, sa lucidité et son sacrifice (nombre de ces militants et dirigeants feront le sacrifice de leur vie), du Parti Communiste une force décisive pour une période cruciale de l’histoire de France. Elle nous a légué des institutions parmi les plus avancées (la sécurité sociale non pas telle que nous la connaissons aujourd’hui, l’EdF de Marcel Paul, et tant d’autres) et nous apporte une expérience puissance et des leçons actuelles que nous devons prioritairement nous réapproprier
Ce cycle politique s’est amorcé en 1920 par la création du Parti Communiste, dans l’impulsion de la révolution russe qui, se propageant à l’Europe, mit fin à la Grande boucherie de 14 – 18. Rapidement après la création du Parti Communiste Français, la minorité opposée à cette création et à l’adhésion à l’Internationale Communiste quitte le nouveau parti et se réorganise. Le journal L’Humanité (fondé par Jean Jaurès) bascule du côté communiste.
La CGT est, depuis 1914 et le ralliement à la guerre, traversée par les mêmes débats que l’ancien Parti Socialiste. Son secrétaire général, Léon Jouhaux, soutient, du début à la fin, l’effort de guerre. Il apporte l’appui de la CGT à l’organisation économique de l’effort de guerre. Cette politique, identique à celle des dirigeants socialistes français suscite la même opposition. Un courant syndicaliste révolutionnaire émerge dans la CGT dès 1915. Cependant, la majorité de la CGT de l’époque, demeurera, elle, dans le camp que l’on appellera “réformiste” (c’est à dire favorable à des “réformes dans le cadre légal des institutions” par opposition au camp “révolutionnaire” favorable au renversement des institutions elle-mêmes). Une centrale syndicale “révolutionnaire”, la CGTU se crée en 1921, notamment à partir des fédérations des Métaux et des Cheminots. Elle se rapproche rapidement du Parti Communiste Français, dont des militants et cadres en constitueront principalement la cheville ouvrière et la direction.
Benoît Frachon est né en 1893 dans une famille de mineurs, du bassin houiller de la Loire. Entré jeune dans la vie active, il devient tourneur métallurgiste et adhère à la CGT en 1909. Adhérant dès sa fondation au Parti Communiste Français, il y prendra rapidement des responsabilités. Dirigeant de la grande grève des métallurgistes de Saint-Etienne en 1924, il devient secrétaire de l’UD de la Loire de la CGTU et prend concomitamment des responsabilités importantes dans cette organisation et devient en 1933 secrétaire général de la CGTU. A la suite du Pacte Germano-Soviétique, l’unité syndicale est rompue et Benoît Frachon est déchu de ses mandats syndicaux. Il dirigera la première publication clandestine de l’Humanité le 26 octobre 1940. Dirigeant de premier plan du PCF dans la clandestinité et la résistance, il prépare la renaissance du syndicalisme français sous la forme d’une grande CGT réunifiée qui comptera en 1945 plus de six millions de membres. Alors que Léon Jouhaux organisera une nouvelle scission en 1948, pour créer – avec les fonds des services secrets américains – la CGT – FO. Benoît Frachon, qui connaîtra à nouveau la répression policière et sera incarcéré en 1953 (à la suite des grèves de l’été 53), restera le secrétaire de la CGT (majoritaire) jusque dans les années 60.
Que retenir de ce texte de 1935 ?
- Tout au long de ce long cycle historique, Jouhaux et le “réformisme” qu’il porte demeureront constants et resteront eux-mêmes : “Vous savez camarades notre opinion à l’égard des dirigeants confédérés : elle n’a pas varié. Nous les voyons, même dans la période actuelle, s’efforcer de freiner le mouvement de masse. Même quand ils agissent différemment que dans les périodes précédentes, nous savons nous, communistes, que c’est le résultat du mouvement de masse.” De son côté, Frachon restera Frachon. La politique de l’unité (et ceci est valable pour le plan syndical comme pour le plan politique) ne se fonde pas sur le fait que les gens auraient changé, que les divergences fondamentales seraient aplanies … L’unité seule, au moment du Front Populaire et malgré la grève puissante de juin 1936 ne résout pas non plus les questions cruciales auxquelles la France et le monde font alors face. La lutte se déroule et se poursuit sur un long cycle historique de lutte des classes. Même la victoire de 1945 et les avancées de la période 1944 – 1946 ne seront qu’une étape d’une lutte des classes qui se poursuivra et se poursuit encore. L’analyse que fait Frachon de la situation du mouvement syndical et de la stratégie de développement des idées et de l’influence communistes parmi les travailleurs est donc remarquable : “Nous allons à cette CGT unifiée avec le sentiment qu’au début nous serons en minorité, et avec cet autre sentiment que nous serons en masse. Nous ne brûlerons pas les étapes, nous travaillerons pour la direction de cette CGT, pour la direction communiste de cette CGT – sans le dire – mais ce travail peut être long. Combien ? Cela dépend un peu des événements et puis de nous. Deux ans, quatre ans, cinq ans peut-être, camarades nous travaillons avec une telle perspective. Peut-être cinq ans. Nous aurons cette patience.”
- Le point d’appui constant de Benoît Frachon et des communistes dans leur stratégie (et là encore cela vaut dans toutes les dimensions de notre travail politique), c’est d’aller vers les masses de travailleurs, de leur parler simplement et directement, en prenant en compte leur situation réelle, leurs opinions, pour produire un discours qui fasse sens pour eux et permettent de les amener à considérer les choses avec plus d’acuité : “L’élément essentiel de cette politique nouvelle a été chez nous le souci dominant de mieux connaître les pensées intimes des masses et en particulier des masses déjà organisées dans les syndicats réformistes, de parler à ces masses un langage qu’elles comprennent et d’employer une tactique qui les aide à faire l’expérience de la nocivité du réformisme et de son rôle scissionniste dans le mouvement ouvrier.” Bien entendu, une telle politique suppose une stratégie consciente et appliquée avec rigueur. L’unité ainsi travaillée et développée n’est pas un mélange informe dans lequel tout se confond avec tout, ni dans lequel le court terme efface les enjeux de long terme.
- Fort de cette vision de long terme et de cette orientation vers les larges masses de travailleurs, la CGTU a pu développer l’unification par la mobilisation de la base des travailleurs syndiquées, en même temps qu’elle menait des discussions approfondies avec la direction : “Nous avons vu dans le pays se modifier les rapports entre ouvriers révolutionnaires et ouvriers confédérés dans la grande bataille contre les décrets-lois, où il n’y a pas eu un seul centre du pays et une seule ville où des manifestations communes n’aient été organisées, non seulement entre les dirigeants de syndicats de base, mais entre les dirigeants d’union confédérés et d’union unitaire. Cela nous a permis de réaliser avant l’unification nationale déjà les premières bases d’unification. Vous savez en France, nous avons maintenant plus de 600 syndicats unifiés, de nombreuses sections syndicales unifiées : cela représente environ 120 000 syndiqués, confédérés et unitaires qui sont effectivement unifiés malgré que la direction confédérée ait mené une campagne acharnée contre ces syndicats unifiés. Elle a essayé d’utiliser l’argument, qui avait si bien réussi contre l’OSR : que les syndicats unifiés c’était la dislocation du mouvement, que nous voulions détruire les syndicats confédérés. Si nous avons obtenu ce résultat intéressant, c’est que les ouvriers confédérés ne les ont pas écoutés, qu’ils ont compris que nous, unitaires, nous ne venions pas pour détruire leur syndicat, mais au contraire pour les renforcer.”
Cet exemple historique nous permet de comprendre l’ampleur et la profondeur des batailles à mener. Il ne s’agit pas de bâtir des alliances de façade qui laissent en suspens les enjeux de long terme au profit d’une victoire (voire d’une défaite amoindrie, comme ce fut le cas lors des précédentes élections législatives). La NUPES était, pour différentes raisons, imposée par les circonstances. Il fallait faire élire des députés pour porter une voix alternative au parlement. Mais l’impulsion de cette alliance n’a en rien la puissance et l’enracinement populaire, le caractère de classe de l’union syndicale recherchée par Frachon et les communistes français dans les années 30. La bataille qui est au cœur de nos enjeux, ce n’est pas l’union pour l’union, c’est d’aller, ainsi que l’explique Benoît Frachon, c’est de développer le “souci dominant de mieux connaître les pensées intimes des masses”, “de parler à ces masses un langage qu’elles comprennent” et “d’employer une tactique qui les aide à faire l’expérience”.
Simplement, la situation n’est plus d’une classe ouvrière organisée en deux courants opposés. La situation dominante est celle de la confusion, de la non-organisation, de la dispersion à tous les niveaux du mouvement ouvrier. Chaque fait divers, chaque circonstance est exploitée pour opposer les uns aux autres et masquer l’exploitation et l’oppression de classe. La conquête ne se fera donc pas en reproduisant les formes du passé, mais par un travail profond d’analyse, de compréhension et de action au sein des masses populaires.
Benoît Frachon nous livre ici le point de vue du travail syndical, mais l’action autonome du parti communiste, et de ses cellules d’entreprises, auprès des travailleurs joue un énorme rôle dans ce travail de conviction, de mobilisation et de conscientisation. Nous ne pouvons pas sauter le travail de fond, d’implantation au sein des collectifs de travail et nous contenter d’une unité de façade comme palliatif.
Intervention de Benoît Frachon :
“Camarades, le congrès de l’Internationale communiste nous a fixé des tâches qui nous font une obligation de travailler à l’unité syndicale dans nos pays et à l’échelle internationale. L’échange de nos expériences est incontestablement d’une grande utilité, mais nous pensons qu’il faudra faire mieux, qu’il faudra utiliser ces expériences nationales et internationales pour faire de l’objectif que nous a tracé le congrès de l’IC, c’est-à-dire de l’unité syndicale, une réalité.
Pendant treize ans nous avons, en France, combattu le réformisme et affirmé la nécessité de l’unité sans que les résultats soient satisfaisants. Aujourd’hui, cependant, tout le monde parle de l’unité comme d’une perspective très prochaine. Cette idée de l’unité syndicale prochaine est dans les esprits de millions d’ouvriers français, et les dirigeants réformistes dans leurs discours officiels sont eux-mêmes contraints d’examiner une telle éventualité. C’est au dernier congrès du syndicat national des instituteurs que Jouhaux lui-même, dans son discours, déclarait : L’unité syndicale sera une réalité en 1936.
Quelles sont les raisons de ces modifications ? Il y en a évidemment plusieurs. D’abord la situation politique dans notre pays, le développement de la crise et du mécontentement des masses, la conviction chez les ouvriers de la nécessité de s’unir pour riposter à l’attaque de la bourgeoisie et aussi les derniers événements de l’année dernière, la menace plus directe du fascisme et là encore à la conviction de la classe ouvrière que la lutte contre le fascisme devait être une lutte de front uni. Mais tous ces éléments objectifs auraient été insuffisants. Nous pouvons avoir de tels événements qui portent les masses à l’unité syndicale et ne pas utiliser un tel sentiment, ne pas avoir agir de façon à ce que ce mouvement unitaire se développe et devienne une réalité. La politique nouvelle que nous pratiquons, en particulier depuis plus d’une année, a puissamment contribué au développement de ce courant unitaire et aboutit déjà à des réalisations partielles d’unité.
En quoi consiste cette politique ? L’élément essentiel de cette politique nouvelle a été chez nous le souci dominant de mieux connaître les pensées intimes des masses et en particulier des masses déjà organisées dans les syndicats réformistes, de parler à ces masses un langage qu’elles comprennent et d’employer une tactique qui les aide à faire l’expérience de la nocivité du réformisme et de son rôle scissionniste dans le mouvement ouvrier. Qu’avons-nous fait pendant 13 années ? Nous avons parlé un peu pour nous-mêmes et agi comme si tous les ouvriers avaient les mêmes convictions que nous. Nous avons critiqué le réformisme comme si tous les ouvriers avaient vu clairement ce que nous-mêmes nous avions déjà vu. En sommes nous pensions, bien à tort que les masses ouvrières pouvaient se passer de leur propre expérience et que la nôtre leur suffisait.
Cependant, camarades, s’il y a des travailleurs qui suivent encore les dirigeants réformistes – et ils sont nombreux – c’est que ces ouvriers sont convaincus que là est leur intérêt, et nous devons établir une différence entre ces ouvriers qui croient que leurs intérêts est avec leur dirigeants réformistes et nous, militants révolutionnaires qui avons déjà connu par notre propre expérience et par l’étude approfondie que nous en avons faite, ce qu’est le réformisme.
Pendant 13 années nous avons agi de même à l’égard de l’opposition dans les syndicats réformistes et nous n’avons jamais réussi pendant ces 13 années qu’à créer parfois une opposition étroite composée uniquement des ouvriers les plus avertis, les plus convaincus, opposition qui était immédiatement coupée de la grande masse des syndiqués de sa grande organisation, et que les dirigeants réformistes avaient ainsi de grandes facilités à liquider. Je crois que c’est là une des explications pour lesquelles nous avons parlé pendant des années sur la nécessité de constituer l’opposition dans les syndicats sans que nous ayons obtenu des résultats sérieux. Nos efforts d’un an ont fait plus que nous n’avons fait pendant ces 13 années pour développer l’opposition dans les syndicats réformistes. Et cependant nous n’avons plus parlé de l’opposition dans les syndicats réformistes. Pourquoi n’avons plus parlé de l’opposition dans les syndicats réformistes ? Pourquoi ne parlons-nous même plus de la gauche dans les syndicats réformistes ? Parce que là encore, dans le développement de notre travail, nous avons analysé les pensées qui traversaient l’esprit des syndiqués réformistes, nous avons constaté combien les manœuvres des dirigeants confédérés agissaient dans l’esprit des ouvriers, comment, lorsque les dirigeants confédérés expliquaient que les communistes, que les syndiqués unitaires voulaient développer la gauche dans les syndicats pour les détruire, pour les disloquer, nous avons assisté dans presque tous les cas à des réactions très vigoureuses de la part d’ouvriers encore peu éduqués politiquement mais qui veulent quand même se défendre contre le capitalisme ; ils défendaient contre nous leur organisation.
Nous nous sommes efforcés pendant cette année, sans parler ni de l’organisation de l’opposition, ni de la gauche dans les syndicats réformistes, nous nous sommes efforcés de développer cette opposition et cette gauche et maintenant nous avons dans des centaines de syndicats confédérés, parmi des centaines de milliers d’ouvriers réformistes une véritable opposition qui se manifeste dans la critique de l’attitude des dirigeants confédérés sur des problèmes quotidiens et nous avons, maintenant, en particulier au cours de ces dernières semaines, avec la lutte contre les décrets-lois, alors que les dirigeants de la CGT font des efforts surhumains pour freiner le mouvement des masses, nous avons ce spectacle réjouissant pour nous de l’opposition de la presque unanimité des syndicats et des syndiqués confédérés qui se traduit par des actions dans tout notre pays, et des actions en front uni avec nos camarades. Nous pensons que ce résultat a été obtenu encore parce que nous avons appliqué une politique nouvelle.
Nous ne sommes pas parvenus pendant 13 années à faire de nos syndicats rouges de larges organisations de masse. Sans doute il y a là les défauts de notre travail, défauts sur lesquels je ne veux pas insister aujourd’hui, que nous avons eu l’occasion dans maintes assemblées comme celle-ci de marquer, de souligner. Cependant, il ne faut pas penser que le travail syndical, que la transformation de la CGTU, d’une organisation de 260 000 membres en une organisation de millions d’hommes n’a pas été le souci de notre parti. Elle a fait l’objet, cette question, de nombreux examens. Le parti a donné des forces au mouvement syndical et cependant, pendant ces 13 années, nous ne sommes pas parvenus, non seulement à faire de nos syndicats rouges une organisation de millions, nous n’avons pas pu les modifier, dans un sens favorable, d’une façon satisfaisante.
Là aussi, nous avons examiné ce problème et avons voulu sortir des clichés. Nous avons voulu voir s’il n’y a pas autre chose que les défauts de notre travail et cet examen nous a mené à la conviction profonde que l’existence prolongée de plusieurs centrales syndicales était un non sens et que tous nos efforts devaient être faits pour faire disparaître ce non sens. Nous sommes parvenus à cette conviction et l’expérience nous a montré que l’existence prolongée de deux centrales aboutissait infailliblement à donner à ces centrales un caractère de tendance très net, un peu étroit, sectaire et par exemple en France, notre CGTU apparaissait à des millions d’ouvriers comme une filiale du parti communiste. Cette conviction acquise, nous avons engagé une campagne pour réaliser l’unité syndicale comme une condition du développement du mouvement révolutionnaire de notre pays. Et cette campagne, nous l’avons menée avec constance et vigueur parce que déjà nous étions convaincus de sa nécessité.
Quel était avant, notre attitude à l’égard des dirigeants confédérés, et pendant cette période d’une année, comment avons-nous agi ? Vous savez camarades notre opinion à l’égard des dirigeants confédérés : elle n’a pas varié. Nous les voyons, même dans la période actuelle, s’efforcer de freiner le mouvement de masse. Même quand ils agissent différemment que dans les périodes précédentes, nous savons nous, communistes, que c’est le résultat du mouvement de masse. Mais, autoamorçage, ce que nous pensions des dirigeants confédérés nous l’écrivions, nous en parlions avec un peu de brutalité, et nous heurtions le sentiment de centaines de milliers d’ouvriers confédérés, dont c’étaient encore les dirigeants et en qui ils avaient leur confiance.
Nous avons jugé plus opportun de montrer pas à pas, de faire comprendre petit à petit, par des exemples, par leur expérience à ces ouvriers réformistes que ce nous pensions des dirigeants confédérés était juste. Nous, ne l’avons pas dit, nous n’avons pas rejeté des choses dont nous étions convaincus, parce que nous avons jugé inutile de parler pour nous-même, mais toute notre activité, toutes les propositions que nous avons adressées aux dirigeants confédérés avaient des objectifs ; faire comprendre aux ouvriers confédérés ce que sont vraiment leurs dirigeants et les amener à une politique plus proche de la nôtre.
Je dis mon opinion ici sur les dirigeants confédérés, camarades, ouvertement. Je dis qu’ils servent la bourgeoisie, parce que c’est une conférence fermée, je ne le dirais pas dans une conférence ouverte et si le sténogramme devait être publié, soyez assurés qu’il serait expurgé minutieusement de cette partie. Nous avons aussi pensé qu’il était nécessaire d’utiliser les différenciations qui s’exprimaient chez les dirigeants réformistes. Depuis plusieurs mois, parmi les cercles dirigeants de la direction centrale de la CGT, il y a maintenant des disputes sans fin, il y a des opinions divergentes et nous, militants des syndicats révolutionnaires, nous ne voulons pas ignorer qu’il y a ces divergences, nous ne voulons pas identifier tous les dirigeants réformistes de la même façon, mais nous pensons qu’il est utile pour le mouvement ouvrier, pour l’unité syndicale, d’utiliser ces divergences pour faire avancer le mouvement.
Nous nous sommes adressés, pendant un an, à la direction de la CGT d’une façon correcte ; nous avons éliminé de notre langage et de nos écrits tout ce qui est épithète et ne prouve rien. Nous nous sommes efforcés de remplacer les qualificatifs et les épithètes par des explications qui n’étaient pas destinées à la masse des ouvriers réformistes. Nous nous sommes adressés à eux en proposant des choses qui correspondaient aux intérêts, aux désirs des masses, et en particulier des masses confédérées. Évidemment, nous avons essuyé beaucoup de refus. Quand nous avons envoyé nos premières lettres aux dirigeants de la CGT, on nous a répondu par un refus un peu hautain. Le mouvement d’opposition dans la CGT n’était pas tel qu’il obligea les dirigeants confédérés à modifier déjà un peu leur tactique. On ignorait que nous, nous avions analysé les faits, comme je viens de vous l’indiquer, on se fiait encore à notre tactique du passé, on pensait qu’à une telle réponse négative nous allions répondre épithète et des qualificatifs. Que nous allions nous contenter d’enregistrer que les dirigeants de la CGT servaient une fois de plus le capitalisme. On s’est trompé.
Nous avons écrit de nouveau. Nous n’avons pas laissé une seule réponse des dirigeants de la CGT sans l’éplucher phrase par phrase, mot par mot, pour trouver le point faible dans cette réponse et ça a été pour nous, une satisfaction permanente, c’est que dans chaque réponse, nous avions trouvé les défauts de la cuirasse qui nous permettaient de poser le problème avec des éléments nouveaux. Nous avons renouvelé ainsi nos propositions à chaque occasion, chaque événement politique, chaque lutte économique des propositions ont été faites ayant pour objectif non seulement du travail pratique pour l’organisation du front unique, mais de propositions publiques à la direction de la CGT. Nous avons fait une petite brochure de documents échangés entre la CGT et la CGTU, depuis une année, des documents et lettres. Cette brochure a 100 pages.
Camarades, vous pensez bien que si notre travail consistait seulement à l’échange de lettres et de documents entre la CGT et la CGTU nous aurions une brochure de dix pages et pas de résultats. Mais quand nous faisons nos lettres, nous avions soin de mettre les éléments qui éveillaient la curiosité des ouvriers confédérés qui nous permettait de discuter avec eux et à chaque envoi de documents c’étaient des discussions qui s’établissaient entre ouvriers confédérés et ouvriers unitaires de sorte que le travail d’opposition dans la CGT n’était pas un travail mené schématiquement, il n’y avait pas une direction qui disait « vous allez faire ça et ça dans un syndicat », mais nous avions un développement d’initiative parmi nos syndiqués à qui nous donnons des arguments et ainsi nous sommes parvenus à nouer des rapports avec des centaines d’organisations confédérées dont les portes nous avaient été fermées jusque là, dans lesquelles on refusait de nous entendre, dans lesquelles la seule présence d’un unitaire qualifié de communiste, même s’il ne l’était pas, était considérée comme une menace et un défi.
Nous avons vu dans le pays se modifier les rapports entre ouvriers révolutionnaires et ouvriers confédérés dans la grande bataille contre les décrets-lois, où il n’y a pas eu un seul centre du pays et une seule ville où des manifestations communes n’aient été organisées, non seulement entre les dirigeants de syndicats de base, mais entre les dirigeants d’union confédérés et d’union unitaire. Cela nous a permis de réaliser avant l’unification nationale déjà les premières bases d’unification. Vous savez en France, nous avons maintenant plus de 600 syndicats unifiés, de nombreuses sections syndicales unifiées : cela représente environ 120 000 syndiqués, confédérés et unitaires qui sont effectivement unifiés malgré que la direction confédérée ait mené une campagne acharnée contre ces syndicats unifiés. Elle a essayé d’utiliser l’argument, qui avait si bien réussi contre l’OSR : que les syndicats unifiés c’était la dislocation du mouvement, que nous voulions détruire les syndicats confédérés. Si nous avons obtenu ce résultat intéressant, c’est que les ouvriers confédérés ne les ont pas écoutés, qu’ils ont compris que nous, unitaires, nous ne venions pas pour détruire leur syndicat, mais au contraire pour les renforcer.
Mais, camarades, ces formes d’unification elles ont fait passer bien des nuits blanches aux militants. Elles ont même fait blanchir des cheveux ; elles ont inquiété beaucoup de bons camarades. Pourquoi ? Parce que ces formes d’unifications n’ont pas été déterminées dans les détails dans un bureau de la CGTU. Elles sont venues de la base, des syndiqués eux-mêmes, qui suivaient la politique que nous désirions dans les syndicats, qui avaient compris qu’il fallait aller plus vite dans la question de l’unité. C’est ainsi que se sont formés les syndicats unifiés où chaque adhérent conserve la carte de sa propre organisation centrale. Ce n’est pas nous qui avions déterminé cette forme d’unification, ce sont les cheminots qui un jour ont dit : il faut faire l’unité. C’est eux qui ont trouvé cette forme qui facilitait leur tâche. Mais, quand nous avons reçu une première résolution qui nous faisait cette proposition ça n’a pas été tout seul chez nous. Il y en avait qui disaient cela n’est pas écrit dans nos résolutions et par conséquent cela doit être mauvais. Eh bien, là encore, nous avons tenu compte de la vie et nous avons pensé que les résolutions, si bien soient-elles, n’étaient pas capables d’entraver le cours de la vie et qu’une résolution bien faite devait indiquer aux communistes qu’ils devaient examiner chaque phase du travail. Nous avons soutenu et développé l’initiative, fait grandir le sentiment de la responsabilité chez tous nos militants et nous avons approuvé chaque forme d’unification, nous nous sommes bien gardés même quand ces formes comportaient quelques dangers nous nous sommes bien gardés de les corriger en freinant le mouvement d’unité. Sans doute, nous nous sommes efforcés de guider nos militants. Ces idées toutes frustres un peu brutes qui naissent de l’initiative des masses c’est notre rôle de les polir de les fignoler, mais pas de les repousser parce que nous n’en sommes pas les inventeurs.
La bataille actuelle contre les décrets-lois montre que ce travail d’unification a déjà abouti à de bons résultats. Depuis le 15 juillet le gouvernement interdit les manifestations : jamais il n’y en avait autant. Nous avons commencé le recensement des manifestations qui se sont déroulées depuis le 17 juillet, date à laquelle le gouvernement à mis en application les décrets-lois. C’est par centaines de milliers qu’il faut les chiffrer les manifestations dans toutes les villes grandes et petites y compris Paris. Et c’est par centaines et par milliers qu’il faut compter les manifestations.
Actuellement, nous avons des pourparlers avec les dirigeants de la CGT et les pourparlers se continuent pour trouver les points sur lesquels l’Entente puisse se réaliser. Ces réunions communes que nous avons avec les dirigeants de la CGT, ce sont de véritables batailles pas physiques, mais des batailles orales qui ont commencé à fleuret moucheté et maintenant on va jusqu’à frapper les coups de poings sur la table.
Interruption de Lozovski : Seulement sur la table ?
Frachon : Oui, seulement sur la table. On ne frappe pas sur la figure même si l’envie nous en prenait, nous sommes suffisamment maîtres de nous-mêmes pour ne pas aller jusque là. Mais, camarades, ce travail n’a pas été tout seul. Nous avons eu des discussions et nous avons fait des concessions et des concessions, qui nous ont coûté. Et parfois avant de les faire, ces concessions, nous avons eu des discussions dans le bureau politique, nous avons parfois passé plusieurs séances au bureau politique à discuter pour savoir si les avantages que l’on pouvait tirer compensaient la concession faite. Dans le développement de notre travail nous avons parfois payé cher quelques résultats et parfois même trop cher. C’est le cas pour les cheminots du PLM. L’unification s’est faite rapidement, mais nous l’avons payée plus cher que nous aurions dû. Mais l’examen des cas où nous avons payé trop cher, qu’est-ce qu’il nous montre ? Il nous montre que là où nous avons payé plus cher, c’est que nous avions apporté le moins de soins à la direction de l’organisation unitaire, c’est là où nous avons laissé des directions qui n’étaient pas très révolutionnaires et des difficultés que nous sentions moins parce que nous avions là une organisation un peu partisane, quand nous avons vu ensemble les syndiqués unitaires et confédérés, des dirigeants confédérés qui n’étaient pas venus à l’unité que contraints par leurs masses, nous avons évité toutes ces difficultés. Mais, camarades, même là où nous avons payé cher, le prix est moins élevé que ce que nous avons retiré […].
Mais, camarades, la plus grande concession que nous avons dû faire, celle qui nous a coûté le plus, c’est l’abandon des fractions. Pourquoi avons-nous abandonné les fractions ? Il fallait qu’il y ait des raisons bien sérieuses, bien impérieuses pour amener les communistes à faire cette déclaration d’abandon des fractions. Nous avions, nous, écrit, dit que jamais nous n’abandonnerions les fractions et nous les avons abandonnées. Parce que pour le communisme il n’est pas question d’amour propre, et quand la vie nous amène à prendre des décisions qui sont contraires parfois à ce que nous avions écrit et dit nous n’hésitons pas à le faire. Il y a dans les masses françaises un large préjugé, entretenu, développé par la bourgeoisie et les dirigeants réformistes, contre les fractions du parti communiste dans les syndicats. Il y a aussi chez les ouvriers socialistes ou socialisants qui sont dans les syndicats réformistes et qui en constituent l’ossature, la lutte pour la prédominance d’un parti et l’utilisation de ce qu’on a montré les fractions communistes comme des éléments de division ; qu’on a réussi à faire croire à des centaines de milliers d’ouvriers que les fractions étaient des éléments de discorde dans les syndicats. Il y a ce préjugé chez beaucoup d’ouvriers puis, il faut bien le dire camarades, il y a aussi des fautes dans l’utilisation des fractions. Il y a chez nous une petite histoire qui a trait à un moineau qui picorait du crottin de cheval duquel il extrayait les graines d’avoine, et après s’être bien repu, il était tellement heureux qu’il monte sur un toit et se met à chanter et voilà un chasseur qui passe l’entend et l’abat. La morale de l’histoire c’est que lorsqu’on a mangé du crottin il ne faut pas le chanter sur les toits. Peut-être pourrait-on prendre pour nous la morale de cette histoire. Nous avons souvent plus crié que fait…
Lozovski : Il y avait plus de bruit que de fractions ?
Frachon : Oui… Et pas seulement chez nous. Nous avons pensé que le parti communiste, quoique ce soit pour lui une grosse question, un gros problème, ne pouvait s’arrêter à ces questions. Pendant plusieurs mois, camarades, notre travail d’unité syndicale a été entravé par cela. Les dirigeants réformistes avaient trouvé la branche à laquelle se raccrocher et ils utilisaient cela, et ils enfonçaient le coin, et ils tapaient dessus. Et le résultat, camarades, c’était que le travail pour l’unité était freiné, était ralenti, qu’il commençait à y avoir chez un certain nombre d’ouvriers confédérés partisans de l’unité une certain désespérance, des désillusions ; et ceux qui maintenant disent : nous verrons l’unité, ceux-là commençaient à dire : il n’y a rien à faire, il n’y aura jamais l’unité. C’était une question grave, un problème sérieux. Nous ne pouvions pas, nous, communistes, dans une telle période laisser s’ancrer un tel état d’esprit chez les ouvriers et risquer pour une telle chose de porter atteinte au développement du Front populaire.
Nous avons fait cette déclaration, mais, camarades, cela n’a pas été sans discussion. La discussion, si on devait oui ou non abonner les fractions, vous pensez bien cela n’a pas été une petite affaire ; il n’y avait pas seulement des discussions entre nous mais des discussions avec notre conscience, avec nous-mêmes. Nous avons passé des heures et des nuits sur les textes ; nous avons cherché dans les résolutions des congrès ; nous avons remonté très loin ; nous avons lu les textes de Lénine et de Staline et nous n’avons jamais trouvé le fait actuel. Nous n’avons jamais trouvé cela dans les résolutions ni dans les écrits de Lénine et de Staline. Il y en a d’autres, il y a les éplucheurs de texte, il y a ceux qui cherchent dans les textes ou les articles la phrase qui permettra de lâcher le coup d’escopette, – vous savez ceux qui attendent au coin du bois le passant avec l’escopette. Nous avons dû nous battre avec ceux-là. Parce que nous avons lu dans les résolutions et dans les textes de Lénine et de Staline ce que les éplucheurs de textes n’ont jamais lu. Nous avons su lire, nous, dans les textes de Lénine et de Staline que le communisme c’est la vie et que les textes ne doivent pas l’empêcher d’aller à dans la vie [applaudissement]. Nous n’avons pas voulu ignorer la vie.
Est-ce que le parti y a perdu ? Eh bien, camarades, je vous le dis très tranquillement, jamais le parti communiste n’avait eu dans les milieux confédérés une telle influence que maintenant. On remercie le parti communiste d’avoir su enlever le dernier obstacle à l’unité, on est content du parti communiste, on est content du front unique et du Front populaire, on le salue d’avoir enlevé cet obstacle à l’unité et le résultat c’est que dans le congrès du plus grand syndicat de la CGT qui groupe 80 000 membres, celui des instituteurs, le dirigeant du syndicat a pu parler au congrès de la formule sublime que le parti communiste avait lancé : la paix, le travail et la liberté. C’est la première fois que dans un congrès confédéré on rend hommage, aux acclamations des congressistes, au parti communiste. On reconnaissait en fait, le rôle dirigeant du parti communiste ou il abandonnait les fractions.
Où en sont nos discussions ? Nous avons maintenant, après cette déclaration sur les fractions qui nous a permis de faire remonter l’intérêt en faveur de l’unité, il y a aussi la bataille politique, les décrets-lois, la menace du fascisme qui fait monter le mouvement des masses. Tout cela créé des conditions bien plus favorables à l’unité. Aussi les dirigeants confédérés qui avaient rompu les pourparlers, avec succès, avec cette question des fractions, les dirigeants confédérés ont été contraints immédiatement de reprendre les pourparlers ? Bien entendu, ça ne va pas tout seul. On essaye dans les discussions de faire voter des textes, de présenter des résolutions des éléments qui serviraient d’attaques contre le parti communiste. C’est bien plus difficile qu’auparavant. Ils ont dit, pendant des mois : ce sont les fractions qui sont l’obstacle, nous n’avons rien contre le parti communiste, les fractions sont disparues on cherche d’autres arguments. Ils sont devant une position bien plus difficile. Nous avons donc beaucoup plus de facilités pour faire monter le mouvement en faveur de l’unité syndicale.
Et puis nous-mêmes, nous avons appris au contact des dirigeants confédérés, que la direction de la CGT ce n’est pas un seul dieu en plusieurs personnes. Nous avons appris qu’il y avait des différences dans ces conceptions que les événements agissaient différemment sur l’un ou l’autre, et nous avons appris à utiliser cela. C’est un secrétaire adjoint de la CGT, je dis encore ça parce que c’est une réunion fermée, qui, un jour où j’étais dans son bureau – parce que nous allons dans les bureaux de la CGT, presque comme nous allons dans ceux de la CGTU, nous arrivons, nous frappons à la porte, nous entrons, nous avons telle chose à vous dire, et nous venons vous le dire – ce secrétaire adjoint me disait « c’est la dispute, maintenant tout le monde s’engueule, chacun tiraille de son côté ». Eh bien, nous utilisons cela camarades. Nous écoutons, nous savons lire entre les textes, nous apprenons un petit peu et quand l’un d’eux semble plus près de venir avec nous, celui-là on le loue publiquement, on écrit un article dans lequel on dit : avec lui, on pourra peut-être s’entendre. Et ainsi, nous essayons d’accentuer les divergences, toujours avec l’objectif de gagner à une politique de classe le plus grand nombre de syndiqués et de militants. Ça donne quelques résultats.
L’unité syndicale en France, c’est un gros morceau. Et la bourgeoisie de notre pays a plus d’un tour dans son sac. Elle sait utiliser le sentiment de masse, elle sait employer les manœuvres les plus habiles comme les plus hypocrites et malgré que nous ayons déjà signé un document en commun avec les dirigeants de la CGT, dans lequel il n’est pas question de lutte de classe, parce qu’on nous disait ce n’est pas notre affaire, c’est le congrès qui décidera, mais dans lequel nous avons introduit une phrase qui explique la lutte de classe et le rôle que les syndicats doivent mener pour la défense des intérêts des ouvriers, malgré cela ça ne va pas tout seul.
Maintenant, les dirigeants confédérés essayent de faire l’unification de façon, à conserver leur hégémonie sur le mouvement. Ils seraient même heureux d’être débarrassés sur les problèmes de l’unité en nous empêchant de développer notre point de vue, ils sont même prêts à nous donner des places dans la direction, deux secrétaires de la CGT. On nous offre cela et on s’arrangerait ensuite. Vous pensez bien que ce n’est pas un arrangement en famille que nous voulons, mais nous voulons des places pour notre mouvement et le plus que nous pouvons. Nous avons encore des difficultés. Jouhaux déclare : l’unité sera une réalité à la fin de l’année. Il dit cela pour se montrer unitaire, mais il ne fait rien pour cela, au contraire. Mais nous qui avons la conviction bien arrêtée que l’unité est indispensable à la montée du mouvement révolutionnaire en France, nous la ferons.
Mais peut-être, camarades, et c’est même certain, que dans une CGT réunifiée, nous serons en minorité, quant à la direction d’une telle CGT : ce sera aussi un problème qui ne se résoudra pas en quelques semaines. Nous allons à cette CGT unifiée avec le sentiment qu’au début nous serons en minorité, et avec cet autre sentiment que nous serons en masse. Nous ne brûlerons pas les étapes, nous travaillerons pour la direction de cette CGT, pour la direction communiste de cette CGT – sans le dire – mais ce travail peut être long. Combien ? Cela dépend un peu des événements et puis de nous. Deux ans, quatre ans, cinq ans peut-être, camarades nous travaillons avec une telle perspective. Peut-être cinq ans. Nous aurons cette patience. […] ».
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Xuan
Cette façon d’aborder le sujet correspond exactement à l’état d’esprit de la classe ouvrière.
Quant au débat actuel dans le PCF, je crois que la très grande majorité des camarades souhaitent sincèrement l’abolition du capitalisme et un monde nouveau, même s’ils sont abusés par des conceptions réformistes. Par conséquent il est négatif de leur coller des étiquettes, ça ne sert qu’à diviser et retarder l’unité.
Mais évidemment celle-ci ne peut se réaliser que sur des positions marxistes-léninistes qu’il est nécessaire de défendre. C’est bien ce que veut dire B. Frachon à propos de l’unité syndicale, il s’agit de positions de classe.
A noter que ce texte concerne le travail dans une organisation de masse, dirigé par un parti communiste, tandis que la lutte actuelle s’effectue à l’intérieur du parti communiste lui-même.
Il y aurait d’ailleurs matière à réflexion sur le « parti communiste de masse ». A mon avis c’est un oxymore qui n’a rien à voir avec la dialectique. Parce que cette notion va précisément à l’encontre du rôle dirigeant de ce parti dans les différentes organisations de masse, elle nie même l’existence des organisations de masse.
Pour diriger, ce parti devrait être l’avant-garde du prolétariat, et non une organisation comme les autres.