Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La visite de Xi Jinping en Arabie Saoudite définit de nouveaux horizons pour les liens sino-arabes.

Cet article, nous dit Jean-Luc Picker qui l’a traduit, est important en ce qu’il révèle de la stratégie de la Chine, axée sur le développement et le respect mutuel, et de la perte d’influence de l’impérialisme belliciste états-unien à qui MBS vient de réitérer son refus d’augmenter les quotas de l’OPEP et sa solidarité avec l’OPEP +. Et il ajoute : “Sans être un spécialiste du monde arabe, j’en ai malgré tout une petite connaissance, au moins par le fait que j’ai travaillé pendant 1 an et demi dans le Sultanat d’Oman. Un des lieux communs qui y circulait parmi les commentateurs concernait la ‘fourberie’ des roitelets et autres chefs de tribus arabes, prêts à s’allier avec le plus puissant du moment, faisant fi de ses allégeances d’hier. La défense de leurs intérêts de puissants. Le glissement des Saoud et des autres chefs de gouvernement arabes vers la Chine vient certes renforcer l’idée de l’ascension de la Chine, des BRICS et de l’OCS, mais peut nous réserver des surprises désagréables.” C’est exactement, ce que je viens d’indiquer sur un autre article qui expose la manière dont les USA ne veulent pas réellement renverser le régime conservateur iranien, ils préfèrent négocier avec lui un changement d’alliance et après ils seront prêts même à l’aider dans sa répression comme ils le font partout y compris en fermant les yeux sur le Yemen. La Chine elle a une tout autre conception de la souveraineté nationale et du gagnant-gagnant des échanges . (note et traduction de Jean-Luc Picker)

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Par Yu Jincui et Xing Xiaojing

Paru dans Global Times le 8 décembre 2022

https://www.globaltimes.cn/page/202212/1281396.shtml

A billboard for China-Arab States Summit is seen on December 7, 2022 in Riyadh, Saudi Arabia. Chinese President Xi Jinping arrived in Riyadh on December 7 to attend the China-Arab States Summit, the China-GCC Summit and to pay a state visit to Saudi Arabia. Photo: VCG

Un panneau pour le sommet sino-arabe, le 7 décembre 2022 à Riyadh, Arabie Saoudite, le jour de l’arrivée du président chinois, Xi Jinping. Photo VCG

L’activité diplomatique de la présidence chinoise ne faiblit pas. En décembre, l’Arabie Saoudite et plus largement le monde arabe seront au centre de son attention.

Le président chinois, Xi Jinping est arrivé à Riyadh mercredi après-midi pour deux sommets importants : le sommet Chine-Pays Arabes et le sommet Chine-Conseil de Coopération du Golfe. Xi est aussi invité par le roi de l’Arabie Saoudite Salman bin Abdulaziz Al Saud pour une visite d’état. Ces deux sommets constituent tous les deux des premières et marquent une étape importante dans les relations entre la Chine et les pays arabes.

Cet événement diplomatique est d’une ampleur et d’un niveau inégalé depuis la création de la République Populaire de Chine. Lors d’une communication à la presse vendredi, Mao Ning, porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères n’a pas hésité pas à le qualifier d’historique.

Ébranlée par la pandémie de Covid-19 et les ondes de choc envoyées sur les marchés mondiaux de l’énergie par le conflit entre la Russie et l’Ukraine, ainsi que les sanctions arbitrairement mises en place par les Etats-Unis et l’Occident contre la Russie, la communauté internationale fait face à une période marquée par l’incertitude sur la reprise économique et le développement national. Beaucoup interprètent cet événement comme un virage à l’Est des pays arabes, marquant un réalignement stratégique et diplomatique d’importance pour les pays du Moyen-Orient. Selon les experts, ces sommets historiques reflètent aussi une avancée diplomatique pionnière de la Chine en direction du Moyen-Orient qui permettra d’aider à stabiliser la région, de résoudre les conflits par le dialogue et d’amortir l’effet négatif sur les pays arabes des sanctions arbitraires imposées par le monde occidental contre la Russie. Le tapis rouge qui sera probablement déroulé pour Xi par l’Arabie Saoudite nous rappellera aussi la réception plutôt froide qui a été réservée au président des Etas Unis, Joe Biden, en juillet.

Selon CNN, au moins 14 dirigeants arabes seront présents lors du sommet Chine-Pays Arabes et selon l’agence de presse Saudi, plus de 20 accords pour un montant total de 29,6 milliards de US$ devraient être signés au cours de la visite.

Une coopération enthousiaste

La perspective de la visite de Xi suscite un enthousiasme palpable en Arabie Saoudite et au-delà dans le monde arabe. Yahya Mahmoud bin Junaid, président du Centre de Recherches et de Communication du Savoir, basé à Riyadh, a déclaré à Global Times que « le monde arabe voit en la Chine une amie fidèle et un partenaire efficace », ajoutant qu’il attend de la présence de Xi et de sa participation aux deux sommets « un pas en avant pour renforcer la collaboration et la paix internationale, pour établir des relations d’égalité entre les pays, basées sur le respect mutuel, la non-ingérence dans les affaires intérieures de quelque pays que ce soit, et le droit à l’existence culturelle ».

Ces dernières années, les pays arabes ont cherché à protéger leurs intérêts économiques et leur sécurité en diversifiant leurs partenaires stratégiques. L’ascension de la Chine a ouvert de multiples opportunités de partenariats stratégiques dans de nombreux domaines. Les experts de la région sont de plus en plus nombreux à penser que la Chine peut apporter un nouvel élan pour la sécurité et la stabilité régionale.

Nadia Helmy, professeur en sciences politiques et experte des affaires chinoises à l’université Beni Suef en Égypte, explique au Global Times que les possibilités de coopération entre les pays arabes et la Chine sont considérables et feront l’objet de discussions durant les sommets à venir. Pour elle, ces sommets sont essentiellement tournés vers la promotion du développement commun et l’intégration des stratégies dans le cadre de l’Initiative de Développement Global et des Nouvelles Routes de la Soie (Initiative de la Ceinture et de la Route).

Helmy souligne également l’importance des efforts réalisés par la diplomatie chinoise pour apporter son soutien aux problèmes des pays arabes et proposer des solutions pacifiques au crises de la région, pendant que les pays arabes sont impatients de renforcer leurs relations avec la Chine dans de nombreux domaines dans l’espoir que cette nouvelle ère qui s’ouvre dans leurs rapports favorisera l’émergence d’un monde multipolaire.

Pour l’ambassadeur de Chine en Arabie Saoudite, Chen Weiqing, ces sommets offriront une plateforme de discussion capitale. Il a confié au Global Times que « la Chine discutera avec les pays arabes et ceux du CCG de la formulation commune d’objectifs de développement et de collaboration à long terme dans des domaines variés. Ces sommets aboutiront à une série de résolutions importantes et seront une base de lancement d’un travail collectif pour mettre en place une communauté sino-arabe regardant ensemble vers le futur que promet la nouvelle ère qui s’ouvre ».

La Chine et l’Arabie Saoudite renforcent leurs liens

Le président Xi s’était déjà rendu en Arabie Saoudite en janvier 2016. A cette occasion, les deux parties s’étaient mises d’accord pour développer leurs relations bilatérales et cimenter un partenariat stratégique global. Depuis cette date, les liens entre les deux pays ont évolué à grande vitesse vers leur épanouissement actuel. Junaid insiste que « la relation entre la Chine et l’Arabie Saoudite est stratégique et vitale, basée sur le respect mutuel, la non-ingérence dans les affaires intérieures et les échanges réguliers entre les dirigeants des deux pays ». Il ajoute que la visite de Xi reflète le désir de renforcer les relations entre la Chine et le Royaume, et conduira certainement à de grands bénéfices dans les domaines politiques, scientifiques, économiques et culturels

Un enseignant saoudien à l’université King Saud, qui choisit l’anonymat, a déclaré que la visite de Xi sera un « événement magnifique et festif ». Il affirme au Global Times qu’« il priera pour que la visite du grand président et du grand ami se déroule parfaitement » et il a hâte de voir les deux pays planifier et renforcer leur relation basée sur la non-ingérence dans leurs affaires respectives et le respect mutuel pour l’ordre international.

Les experts affirment que l’attitude proactive de l’Arabie Saoudite envers le développement de la collaboration avec la Chine est la marque d’un nouveau paradigme du ‘regard tourné vers l’Est’ qui impacte sa politique étrangère et sa décision stratégique de donner une place prioritaire plus importante à la Chine.

Les relations entre la Chine et l’Arabie Saoudite pourraient aussi servir de modèle pour les autres pays arabes, si l’on en croit Meshari Abahusain, un Saoudien qui travaille comme directeur des investissements de la Compagnie Saoudienne à responsabilité limitée ‘Services Industriels pour les Routes de la Soie’, une joint-venture qui procure des sources d’investissement en Arabie Saoudite. Il pense que les relations bilatérales ont atteint un point de maturité qui permettra aux autres pays du Moyen Orient d’en bénéficier et de suivre le même chemin.

L’angoisse des Etats-Unis

La visite et les deux sommets prennent place dans un contexte de tension entre l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis avec en particulier le refus de l’Arabie Saoudite d’accéder à la demande de Joe Biden d’augmenter la production pétrolière et les divergences sur le conflit entre l’Ukraine et la Russie. L’escalade de la crise a conduit l’Arabie Saoudite et les autres états du golfe à prendre des positions éloignées de celles des Etats-Unis et de l’Union Européenne, affirmant ainsi leur indépendance stratégique et leur autonomie, ce qui n’a pas manqué de déplaire aux parlementaires états-uniens et à la Maison Blanche.

Pour Ebrahim Hashem, un analyste émirati, la Chine réitère les principes de respect mutuel, de bénéfices mutuels et de coopération gagnant-gagnant dans le développement de ses liens avec l’Arabie Saoudite, ainsi que son approche de ‘développement par la paix’ dans la région, alors que les Etats-Unis donnent la priorité aux droits de l’homme et à la promotion de la démocratie et impose ses diktats aux Saoudiens et aux autres pays de la péninsule arabe, ce qui est de plus en plus mal toléré dans la région.

Sans surprise, la visite de Xi chez cet allié traditionnel des Etats-Unis a touché un point sensible à Washington. Les responsables et les médias des Etats-Unis affirment sans raison que la Chine cherche à profiter des dissensions entre les USA d’un côté et le royaume et ses voisins arabes de l’autre pour augmenter son influence dans la région, avec l’intention de « chasser les USA du Moyen-Orient ». Selon les experts, cette attitude recouvre en fait l’inquiétude des Etats-Unis devant l’amélioration des relations entre la Chine et les pays arabes.

Pourtant, selon Junaid, « la Chine ne cherche pas à remplacer qui que ce soit. En développant ses relations avec le royaume et les pays arabes, elle cherche plutôt à générer des bénéfices mutuels. Cela ne représente en rien une menace ou un défi pour les Etats-Unis ».

Les Etats-Unis sont maintenant dans une position délicate. D’un côté, ils cherchent à diminuer stratégiquement leur présence au Moyen-Orient (voir par exemple le retrait d’Afghanistan) et de l’autre, le conflit entre la Russie et l’Ukraine a renforcé l’importance de cette région.

Liu Zhongmin, professeur à l’Institut d’Etude du Moyen Orient de l’Université des Études Internationales de Shanghai, explique que « les USA sont devant une contradiction : ils veulent que les pays du Moyen-Orient coopèrent avec eux dans le cadre de la guerre russo-ukrainienne mais ils n’ont pas les moyens, ni le désir, d’apporter des bénéfices concrets au pays de la région, et les pays arabes en ont parfaitement conscience ». Il développe : « Les pays arabes ont une claire vision de leurs intérêts. Ils veulent des marchés stables sur le long-terme, le développement des technologies de l’information, et la construction d’infrastructures telles que les ports maritimes, toutes choses qu’ils trouvent dans la coopération avec la Chine ».

Au lieu de chercher à construire des relations avec les pays arabes basées sur le respect mutuel, la confiance et les bénéfices mutuels, certains stratèges états-uniens sont encore aveuglés par leurs illusions d’hégémonie sur la région et l’idée qu’ils peuvent dicter leurs conditions au monde arabe. Hashem conclut que « Ils croient à tort que la région arabe est leur terrain de jeu et qu’ils ont droit à entretenir des relations unilatérales qui leur profitent au détriment des nations de la région. Pourtant, les Arabes ont l’autonomie stratégique et le droit souverain de décider de la nature de leurs relations avec les autres nations, dans un esprit de défense de leurs intérêts nationaux et régionaux ».

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