Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Prêt-bail mongol : les descendants de Gengis Khan collectent des vêtements chauds pour l’armée russe en hiver.

La Mongolie manifeste sa solidarité envers les combattants russes, en particulier “les descendants de Gengis Khan” comme les Mongols se voient eux-mêmes fournissent des manteaux en peau de mouton, des pulls, des mitaines aux “oros” comme ils appellent les Russes… Ce n’est pas la première fois : lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté, la Mongolie a été la première à déclarer qu’elle était une alliée de l’Union soviétique, mais aujourd’hui l’amitié entre les Mongols et les Russes est plus vivace que jamais. C’est une illustration de ce qu’explique Ziouganov : si la Russie veut vaincre les troupes de l’OTAN qui s’appuient sur les relents du nazisme du bandérisme dans toute l’UE, il lui faut retrouver la force morale et internationaliste de l’URSS. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop)

https://svpressa.ru/war21/article/352358/

Des manteaux en peau de mouton, des mitaines et des pulls sont envoyés d’Oulan-Bator à Moscou. Comme pendant la Grande Guerre Patriotique.
Par Igor Moiseïev

L’opération spéciale avance doucement vers l’hiver. Nos combattants auront besoin de vêtements chauds – chaussettes, gants, sacs de couchage, pulls, manteaux – en grande quantité. Et l’un des pays qui leur fournit aujourd’hui des vêtements chauds en laine est la Mongolie.

La collecte de vêtements chauds est spontanée. Elle s’opère dans les gymnases des écoles et dans les appartements de nos compatriotes – appelés “Russes locaux”, des membres des sociétés d’amitié mongolo-russe (il en existe plusieurs) et des Mongols qui ont étudié dans les universités, collèges et écoles professionnelles russes. Et ils sont nombreux en Mongolie.

Ensuite, tout est envoyé à Moscou par différents canaux. Par les compagnies aériennes mongoles, les conducteurs de train mongols sur le train Pékin-Moscou, ou encore par l’avion Oulan-Oude – Irkoutsk pour les hommes mobilisés de ces régions. À Moscou, la cargaison est à son tour reçue par les membres de la société d’amitié russo-mongole, qui sont également liés au pays d’une manière ou d’une autre. En règle générale, il s’agit d’anciens employés de l’ambassade de Russie en Mongolie et de la Maison russe à Oulan-Bator.

– Il n’y a rien d’étonnant dans cet élan de générosité des Mongols”, déclare Ariunbold Dorj, un entrepreneur d’Oulan-Bator et l’un des organisateurs de la collecte de vêtements chauds. – Ce n’est pas la première fois que la Mongolie aide la Russie dans les moments difficiles. Lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté, la Mongolie a été la première à déclarer qu’elle était une alliée de l’Union soviétique.

Staline a dit à l’époque : “Face à un ennemi terrible, véritablement mystique, nous nous sommes retrouvés ensemble : l’Union soviétique et la Mongolie. Tout au long de la guerre, les Mongols ont aidé les “oros” (comme ils appellent les Russes en Mongolie – aut.).

Nous sommes des éleveurs de bétail très expérimentés. Nous avons des dizaines de millions de bovins – moutons, chameaux, chevaux, yaks. Et nous pouvons fournir de la laine à la tonne. À partir de cette laine, des dizaines de milliers de femmes mongoles ont cousu des mitaines et des couvertures pour les soldats et des manteaux pour les officiers. Souvent, toute une famille mongole travaillait pour la victoire de l’Union soviétique. Les hommes gardaient le bétail, tondaient la laine, les vieillards, les femmes et les enfants fabriquaient des valenkis (bottes en feutre), des mitaines et cousaient des manteaux de fourrure. De nombreux films soviétiques sur la guerre mettent en scène des officiers portant ces “manteaux en peau de mouton du temps de guerre”.

Le premier train de ce type est parti de Mongolie pour la Russie en octobre 1941. Le nombre de manteaux en peau de mouton, de vestes en fourrure, de bottes en feutre, de moufles chaudes et de couvertures se comptait par dizaines de milliers. Et il y a eu beaucoup de ces convois. Ils partaient pour l’Union soviétique à la veille de chaque hiver. C’était le prêt-bail mongol le plus populaire à l’époque (1).

SP : – Il serait bon de faire revivre cette tradition maintenant…

– Oui, il faut. Les Mongols ont assez de bétail. De laine aussi. Nos sacs de couchage Gobi sont probablement les plus légers et les plus chauds du monde. Si ces fournitures sont formalisées au niveau intergouvernemental, des trains de cadeaux circuleront à nouveau de la Mongolie vers la Russie, comme pendant cette guerre. En attendant, tout cela relève de l’initiative privée. Et non seulement ça. Pendant la guerre, une colonne de chars et un escadron aérien ont été achetés et construits dans les usines russes avec l’argent collecté auprès des simples gens des Oirat et Khalkh (tribus mongoles – aut.) en Mongolie. Et l’inscription “De la part de la Mongolie soviétique” était affichée sur les flancs des chars et des avions. Et maintenant encore nous sommes prêts à participer à l’achat de drones et de copters qui sont si nécessaires à l’armée russe. Aujourd’hui comme hier, les Mongols donneront leurs derniers tugriks pour aider l’armée russe.

SP : – La relation des Mongols à l’égard des Russes ne s’est-elle pas détériorée depuis lors ?

– Au contraire, elle n’a fait que s’améliorer. J’étais cascadeur pour Mongolkino dans ma vie heureuse passée. J’ai mis en scène des cascades de chevaux dans des photos, fait des spectacles de chevaux de cirque en Chine et en Corée du Sud. À un moment donné, le personnel de la Maison russe d’Oulan-Bator m’a persuadé de venir au championnat du monde de sport de djigitovka (2), qui se tenait à Lytkarino près de Moscou. Ils nous ont dit que le championnat du monde était incomplet sans les Mongols. Nous avons monté des chevaux, tiré des flèches en plein galop, lancé des couteaux et coupé des vignes avec une épée. Tout cela est inscrit dans nos gènes.

Mais les Russes y sont très forts aussi. Surtout les cavaliers du régiment de cavalerie du Kremlin. Au final, l’équipe mongole est arrivée deuxième aux championnats. Et plus tard nous nous sommes produits à “la Tour du Sauveur” (3) dans le programme équestre.

Ce spectacle a été l’un des moments les plus forts de ma vie. Et ensuite, nous sommes allés à Poklonnaya Gora – pour rendre hommage au peuple victorieux et nous incliner devant le monument au cheval mongol. Le monument s’intitule “Sur les routes de la guerre”. Ses auteurs sont le sculpteur mongol Ochirbold et deux architectes russes, Tikhonov et Perfiliev.

La sculpture représente des chevaux tirant un canon d’artillerie le long d’un chemin de terre sur le front. En 1943, un cheval sur cinq dans l’Armée rouge était mongol. Ainsi notre cheval sans prétention, aux côtés du char soviétique, a atteint Berlin. Ce monument est devenu un symbole de l’entraide entre les deux peuples. Pour nous, Mongols, c’est un lieu sacré. Chaque fois que je viens en Russie, je vais m’y incliner.

– En général, l’enthousiasme populaire dans ces années terribles pour l’Union soviétique était extraordinaire, se souvient Maxime Emdonjantsin, un ancien employé de la Maison russe à Oulan-Bator. – 80 000 combattants et officiers mongols ont pris une part très active à la défaite de l’armée japonaise du Kwantung (4).

Par la suite, l’Union soviétique a apporté une contribution inestimable au développement de l’industrie mongole. Et nous, les Mongols, nous en souvenons tous. La Mongolie est probablement le seul pays au monde qui s’est opposé au retrait des troupes soviétiques de son territoire. Et nous aiderons toujours les Oros dans les moments difficiles. Maintenant il y a des Kalmouks et des Bouriates qui se battent dans la zone d’opération spéciale. Ils sont nos frères. Des Mongols aussi, en fait. Les Kalmouks sont originaires de la Mongolie occidentale. Les Mongols participent donc traditionnellement à toutes les opérations militaires menées par la Russie.

Le “Camarade Soukhov” de la lointaine Mongolie

Il y avait des Mongols dans l’Armée Rouge pendant la Grande Guerre Patriotique. Il s’agit principalement d’étudiants de l’université soviétique ou bien qui avaient épousé une femme russe et étaient allés vivre en Russie. Dolnosuren Ginsukh est l’un d’entre eux. Il a obtenu un diplôme de l’école technique fluviale de Kostroma avant la guerre, puis est venu à Moscou pour améliorer ses qualifications. Il a été mobilisé sur le front et est devenu tireur d’élite dans la flotte de la Baltique. Les marins l’appelaient “le marin Soukhov”.

En 1943, le “Soukhov mongol” a été lourdement blessé lors de la défaite d’une colonne de chars allemands. Il y a beaucoup d’hommes comme ça en Mongolie.

“Fragments vivants de l’Empire rouge”.

– Un grand nombre de personnes originaires de toute la CEI vivent en Mongolie”, nous explique Gulnara Amiraslanova, habitante d’Oulan-Bator, qui enseigne le russe aux enfants de la région. – On y trouve des Ouzbeks, des Tadjiks, des Azerbaïdjanais, des Arméniens, des Géorgiens, des Ukrainiens et des Kazakhs. Ce sont les “éclats de l’Union soviétique” qui se sont éparpillés dans le monde et ont volé jusqu’en Mongolie.

À une époque, Oulan-Bator était un chantier grandiose de l’Union soviétique. Les ouvriers du bâtiment venaient de tout le pays, et pas seulement de Russie. Mon père bâtisseur, par exemple, venait d’Azerbaïdjan. Beaucoup d’entre eux se sont installés ici. Je suis également diplômée d’un institut ici. Les Mongols sont élogieux non seulement envers les Russes, mais aussi envers les personnes originaires des pays de la CEI. Nous sommes heureux ici. De plus, ils ont une mémoire historique très ancrée.

Ils se souviennent bien de ceux qui les ont libérés de l’occupation japonaise au cours des batailles de Zaïsan et de Khalkhin-Gol (5). Ils sont très fiers que la Mongolie soit le seul pays au monde à posséder un musée consacré à Joukov. Il est situé sur la place Joukov. Même la Russie ne dispose pas d’un tel musée. Mais il y en a un en Mongolie. Tous les “éclats” de l’Union soviétique sont également inquiets pour la Russie et les Russes. Beaucoup d’entre eux ont servi dans l’armée soviétique. Et chacun considère qu’il est de son devoir d’acheter quelque chose pour les soldats de l’armée russe, au moins une paire de chaussettes ou des gants chauds. Et au seuil de l’hiver, des Turcs et des Chinois travaillant sur des chantiers locaux nous ont rejoints. Ils sont également inquiets pour notre peuple.

C’est donc le prêt-bail international mongol. L’histoire se répète. Et une fois encore, “face à un ennemi terrible, véritablement mystique”, les citoyens mongols sont prêts à faire front avec les Russes. Ou du moins – à garder notre soldat au chaud en hiver.

(1) Allusion ironique au prêt-bail (ou Lend-Lease) américain. Les soldats soviétiques appelaient ironiquement les boîtes de corned-beef “le deuxième front”.

(2) https://www.cosaques.com/Djiguites.html

(3) https://spasstower.ru/festival/horse-show/

(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Guandong

(5) Deux événements marquants de la Seconde guerre mondiale, largement méconnus en Occident : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Khalkhin_Gol


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1 Commentaire

  • Alain Girard
    Alain Girard

    La fuite des capitaux bat des records en Russie, l’oligarchie soutient des négociations à n’importe quel prix , dussent-elles conforter leur main mise sur le pays et les réconforter.

    Les gilets pare-balles vont être produits en quantité par une société privée, il est temps pour le moins et la seconde armée au monde est dans l’incapacité d’équiper ses troupes au point que les familles collectent pour acheter des munitions, des chaussettes, des armes, etc…

    Terrible capitalisme, odieuse corruption qui anéantissent ce pouvoir des Soviets qui vit l’Armée rouge libérer le monde, à commencer par l’Allemagne et son peuple.
    Des militaires reconnaissent des pertes lourdes, des commandements déconnectés du front, des troupes livrées à elles-mêmes, ce n’est pas là la propagande de l’ennemi mais des faits soulignés par des correspondants militaires russes.

    Le combat contre l’Otan, l’U.E et donc la France de Macron exige que le pouvoir russe fasse un pas décisif et celui-ci ne saurait être que dans la ré activisation de ce que beaucoup croyait perdu à jamais, l’engagement sur la voie socialiste.

    Les mongols ont eu leur Révolution, ils ont aujourd’hui la réaction au pouvoir ce qui n’empêche la solidarité cependant reste l’essentiel du combat, celui de la Paix.

    À l’heure où Zélinsky tente d’engager l’Otan officiellement dans le conflit au prétexte d’un missile sur la Pologne alors que l’oncle Sam a reconnu que cela relevait d’un acte ukrainien, il est temps pour la Russie e son peuple de répondre à l’appel à la défense du pays, à l’urgence d’une révolution dans le même temps.

    Ces derniers jours, en Crimée s’édifie une ligne de défense, à Marioupol également, l’heure est grave quand en Ukraine, de véritables chasses à l’homme russe se déroulent, ne manquent que des pogroms mais les précédents ont limité “le gibier”.

    Il est impératif que les partis communistes signataires de ce texte commun trouvent le chemin pour lui donner corps et vie;

    Le PCF est signataire, pas sûr que les communistes en soient informés réellement tant les questions nationales, salaires, inflation, retraites obligent à la tête dans le guidon et puis il y a des lustres que les questions internationales ne sont plus abordées et encore moins débattues, quand les organisations se réunissent encore…

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