Toutes les confusions actuelles qui font que les principales victimes de toutes les stigmatisations sociales comme les noirs, les arabes, les juifs, les homosexuels, voire les femmes se croient obligés d’adopter le bellicisme de la faction démocrate comme un rempart contre le fascisme de Trump en niant la nécessité de la paix et des conquêtes sociales sont confrontés désormais à la catastrophe d’une telle stratégie parce que les orientations du camp démocrate contribuent à la montée des courants conservateurs les plus rétrogrades aux Etats-Unis comme partout dans le monde. Ici aussi la course avec la fascisation est à l’œuvre de partout à la fois avec le triomphe de la guerre. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
Patrick Martin il y a 10 heures
Donald Trump a déclaré dimanche matin que les Juifs américains devraient «se ressaisir» et lui apporter un soutien plus important que celui dont il jouit actuellement dans les sondages auprès des électeurs juifs. L’aspirant dictateur a affirmé que bien qu’il ait été un allié fidèle d’Israël pendant ses quatre années à la Maison-Blanche: « Nos merveilleux chrétiens évangéliques l’apprécient bien plus que les personnes de confession juive, notamment celles qui vivent aux États-Unis ».
Cette déclaration publiée sur sa plateforme Truth Social se terminait par l’avertissement à peine déguisé que les juifs devraient se convertir au camp Trump « Avant qu’il ne soit trop tard! » D’éminents porte-parole juifs, tant en Israël qu’aux États-Unis, ont dénoncé ce que l’un d’eux a appelé « un ancien président américain qui utilise un langage menaçant à l’égard des Juifs américains à un moment où l’antisémitisme est en hausse dans le monde entier ».
Trump ne parlait pas seulement pour lui-même, mais aussi pour les éléments fascistes qui dominent désormais le Parti républicain. La représentante de Géorgie Marjorie Taylor Greene a adopté la théorie néonazie du « Grand Remplacement » lors d’un récent rassemblement pro-Trump en Arizona, condamnant le gouvernement Biden pour ses prétendus plans de « remplacement » des Américains blancs et chrétiens par des immigrants noirs et bruns.
Doug Mastriano, candidat au poste de gouverneur de Pennsylvanie, a critiqué son adversaire démocrate, le procureur général de l’État, Josh Shapiro, le qualifiant d’élitiste qui a fréquenté des écoles « privilégiées, exclusives et d’élite » et qui a « du mépris pour les gens comme nous ». L’antisémitisme était clair dans le contexte, puisque Shapiro a fréquenté une Hebrew Academy dans la banlieue de Philadelphie, l’équivalent juif d’un lycée catholique.
Ces déclarations ne sont que les plus grossières et les plus ouvertes d’une tendance beaucoup plus large. Les publicités et les discours de la campagne républicaine de 2022 attaquent le milliardaire juif George Soros presque aussi souvent que Joe Biden. Soros est un important soutien financier du Parti démocrate ainsi qu’un anticommuniste qui a financé des « révolutions de couleur » à travers l’Europe de l’Est en collaboration avec le département d’État.
Les candidats républicains utilisent depuis longtemps le nom de Soros, qui a échappé à l’Holocauste en Hongrie lorsqu’il était enfant, comme un symbole d’antisémitisme. Dans les cercles suprématistes blancs d’obédience républicaine, le « Grand Remplacement » est présenté comme une conspiration juive dont Soros est le principal bailleur de fonds. C’était la prémisse de la marche néo-nazie de Charlottesville, en Virginie, en 2017.
La montée de l’antisémitisme aux États-Unis ne se limite pas et ne s’explique pas uniquement par la politique de plus en plus fasciste du Parti républicain. Le Parti démocrate participe à la redéfinition de la politique et de l’histoire américaines en grande partie en termes raciaux. Alors que les républicains cherchent à séduire les Blancs des campagnes et des banlieues, les démocrates cherchent à s’attirer l’appui des minorités raciales et des sections de la classe moyenne supérieure blanche, en particulier les femmes et les homosexuels, par le biais de la politique identitaire.
Les démocrates cherchent par tous les moyens à réprimer la conscience des intérêts de classe communs des travailleurs de tout genre, origine raciale et nationalité.
Le gouvernement Biden a été particulièrement lent à condamner les remarques de Trump, Greene et Mastriano, parmi beaucoup d’autres. Il a attendu 24 heures après l’avertissement en ligne de Trump aux « Juifs américains » avant de dire quoi que ce soit. Et ce n’était qu’en réponse à une question posée à la secrétaire de presse de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre, lors du point de presse quotidienne de routine lundi. Il n’y a pas eu de déclaration publique et Biden lui-même n’a rien dit.
Même cette opposition limitée à l’antisémitisme a un caractère totalement hypocrite et opportuniste. Ils condamnent l’antisémitisme de Trump, mais ils le dissimulent lorsque cela sert leurs propres objectifs, en particulier lorsqu’il s’agit de la politique étrangère américaine, dont l’axe principal est la guerre des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie en Ukraine.
Le gouvernement ukrainien a élevé le collaborateur nazi et meurtrier de masse Stepan Bandera au rang de « père fondateur », en érigeant des monuments à lui dans tout le pays. Il ne s’agit pas d’une simple adhésion idéologique; le bataillon néonazi Azov, qui défile avec les icônes de la Waffen SS, a été intégré dans l’armée ukrainienne et est salué comme un héros national pour son rôle dans la guerre contre la Russie. Des démocrates de premier plan – dont le représentant Adam Schiff, président de la commission du renseignement de la Chambre des représentants – ont rencontré le bataillon Azov lors d’une récente visite en Ukraine.
La question de l’antisémitisme a une profonde résonance historique. Il ne s’agit pas simplement d’une survivance de l’intolérance primitive et médiévale enracinée dans les églises chrétiennes et dans les préjugés ruraux à l’égard d’une population vivant principalement dans les villes. L’antisémitisme moderne est apparu à la fin du 19e siècle, en particulier en Europe, en tant qu’arme de la classe capitaliste visant à détourner les tensions de classe et à fournir un bouc émissaire commode pour la colère des masses face à la détérioration des conditions sociales.
Cet antisémitisme urbain a fusionné avec la version plus ancienne, traditionnelle, dans les conditions de l’effondrement du capitalisme lors de la Grande Dépression. Combiné à une violente hostilité envers le socialisme et le mouvement ouvrier, il est devenu le fondement idéologique du parti nazi d’Hitler. Avec le soutien de la classe capitaliste, les nazis ont pris le pouvoir en Allemagne pour supprimer la menace d’une révolution ouvrière. Disposant des ressources de l’État impérialiste le plus puissant d’Europe, ils ont perpétré les crimes les plus monstrueux de l’histoire de l’humanité.
L’antisémitisme prend un caractère particulièrement toxique en période de crise sociale et économique extrême. Il émerge dans des explosions de violence, tel que l’attaque de 2018 contre la synagogue Tree of Life à Pittsburgh, directement inspirée par Trump, dans laquelle un tireur fasciste a tué 11 personnes, et dans d’innombrables autres incidents. Il s’agit d’une tendance non seulement aux États-Unis, mais aussi dans toute l’Europe, y compris en Allemagne.
L’antisémitisme ne peut pas être combattu sur la base d’appels moraux à la conscience ou sur les vains espoirs qu’au XXIe siècle, ces préjugés sont devenus obsolètes par le progrès ou une plus grande tolérance. L’antisémitisme est alimenté par les contradictions du système capitaliste mondial, et ces contradictions se sont en fait intensifiées avec le développement de la technologie et l’interconnexion mondiale croissante de l’humanité.
L’antisémitisme ne peut pas non plus être combattu sur la base du sionisme, cette adhésion rétrograde au cadre démodé et réactionnaire de l’État national. En cette période historique, la mondialisation fait de chaque État national – et encore plus d’un État minuscule fondé sur l’expulsion ou la répression des habitants précédents – un piège pour sa population.
On doit souligner que les politiques d’oppression de l’État d’Israël à l’égard du peuple palestinien, y compris les actions provocatrices des groupes de « colons » fascistes en Cisjordanie, affaiblissent la compassion mondiale pour la population juive qui était un héritage de l’Holocauste.
En outre, la campagne persistante qui vise à faire passer pour de l’antisémitisme toute défense du peuple palestinien et toute opposition au sionisme est menée avec une force particulière en Grande-Bretagne et aux États-Unis et sape la résistance au sectarisme et cultive un certain cynisme à l’égard de cette question.
La fabrication du mythe de « l’antisémitisme de gauche », qui cherche à séparer la population juive du mouvement socialiste et ouvrier qui a toujours été son principal défenseur et allié, et son espoir pour l’avenir, s’avère particulièrement pernicieuse.
La Quatrième Internationale, le mouvement trotskiste mondial, a toujours été à l’avant-garde de la lutte mondiale contre l’antisémitisme. Comme l’a écrit Léon Trotsky, dans notre programme fondateur:
Avant d’étouffer ou de noyer dans le sang l’humanité, le capitalisme empoisonne l’atmosphère mondiale par les vapeurs délétères de la haine nationale et raciale. L’antisémitisme est aujourd’hui l’une des convulsions les plus néfastes de l’agonie du capitalisme.
La dénonciation intransigeante des préjugés raciaux et de toutes les formes et nuances de l’arrogance et du chauvinisme nationaux, en particulier de l’antisémitisme, doit entrer dans le travail quotidien de toutes les sections de la IVe Internationale comme le principal travail d’éducation dans la lutte contre l’impérialisme et la guerre. Notre mot d’ordre fondamental reste: « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »
Au milieu de la Seconde Guerre mondiale, alors que le gouvernement Roosevelt fermait les yeux sur les camps de la mort nazis, bloquait l’entrée des réfugiés juifs et rejetait les appels à bombarder les voies ferrées menant à Auschwitz, le Comité exécutif de la Quatrième Internationale a déclaré:
La Quatrième Internationale, leader des travailleurs dans la lutte pour le socialisme mondial, accueille les travailleurs juifs dans ses rangs. Ce n’est que par le socialisme mondial que les Juifs, surtout les travailleurs juifs, et toutes les nations et races opprimées pourront être sauvés du terrible sort que le capitalisme mondial leur a infligé et qu’il réserve à un nombre toujours plus grand d’entre eux. Ce n’est que dans le socialisme mondial que la fraternité humaine deviendra une réalité et l’antisémitisme un hideux souvenir.
Ces déclarations restent la base d’une lutte de principe contre l’antisémitisme, qui nécessite la mobilisation politique de la classe ouvrière dans la lutte pour le socialisme et l’internationalisme. Seul le renversement du capitalisme à l’échelle mondiale peut mettre fin à l’antisémitisme et offrir une véritable liberté et sécurité à la population juive.
(Article paru en anglais le 18 octobre 2022)
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John V. Doe
J’ai failli répondre ici que Patrick Martin tenait un discours peut-être excessif et puis je suis tombé sur un article de Philip Giraldi, un ancien de la CIA lié à l’extrême-droite US et anti-sémite notoire, qui faisait sur différents médias le compte-rendu de son voyage tout récent en Italie dont j’extrais la citation suivante : “J’ai demandé à un fonctionnaire italien ayant des liens étroits avec Fratelli d’Italia pourquoi Israël bénéficierait d’un laissez-passer de la part du nouveau Premier ministre. (…) Le fonctionnaire a répondu, avec une certaine candeur, j’ai pensé, que les Juifs ne sont pas très nombreux dans l’Italie moderne, mais qu’ils ont tendance à exercer un pouvoir bien supérieur à leur nombre. Ils sont très influents dans les médias et dans certains secteurs de l’économie, en particulier, et il est payant pour un politicien ambitieux de rester à leur droite.”(Fin de citation).
Après avoir lu ça, j’ai décidé de me taire ici et de parler fort ailleurs : “oui, j’ai longtemps sous-estimé l’anti-sémitisme et cette forme typiquement occidentale de racisme est un problème à nouveau.”