Cet article que nous empruntons au Nouvel Observateur doit être mis en regard de l’annonce de cette nuit : La Réserve fédérale américaine (Fed) va injecter 1.500 milliards de dollars supplémentaires cette semaine sur le marché monétaire, a-t-elle annoncé ce jeudi, ce qui a permis à Wall Street de nettement réduire les pertes d’une séance noire.La Fed prévoit d’offrir ce jeudi 500 milliards de dollars à échéance de trois mois et offrira vendredi 500 milliards à trois mois ainsi que 500 milliards à un mois, indique-t-elle dans un communiqué. C’est ce qu’on appelle une course en avant, que le monde doit payer en lieu et place du capital. Tandis que les Etats-Unis, la première puissance du monde se découvre incapable d’avoir les tests nécessaires face à la pandémie. Il ne lui reste plus en bonne logique qu’à accuser non seulement la Chine, mais désormais l’Europe d’être à l’origine d’un épidémie déclarée “étrangère” et qui pourtant est en train de se répandre selon des modes de diffusion propres aux Etats-Unis. Cette illustration du “libéralisme” économique et du gouffre sans fin de la financiarisation qui se paye par une addition de plus en plus lourdes pour la population non seulement des Etats-Unis mais du monde, montre que s’il y a aide économique, celle-ci doit être planifiée, contrôlée, mais aussi à quel point le caractère injuste d’une telle politique ne peut que se nourrir de xénophobie et de fascisme belliciste. (note de Danielle Bleitrach)
Deux mois après la mise en ligne du génome du coronavirus par les Chinois, permettant la mise au point rapide de tests de détection, les Etats-Unis affichent un énorme retard dans leur capacité à tester. Le problème devient un scandale national majeur.
Par Philippe Boulet-Gercourt (correspondant à New York)Publié le 12 mars 2020 à 17h52 Mis à jour le 12 mars 2020 à 18h35Temps de lecture 3 min
Deux mois. Deux mois de perdus. Le 11 janvier, des scientifiques chinois mettaient en ligne le génome du coronavirus. Une semaine plus tard, des virologues berlinois produisaient le premier test de diagnostic. Mais ce jeudi 12 mars, à New York comme dans le reste des Etats-Unis, la réalité reste la même : il y est toujours difficile, sinon impossible, de se faire tester.
En début de semaine, près de 5 000 Américains avaient été testés, selon une estimation de « The Atlantic », contre 15 000 personnes par jour en Corée du Sud. A New York, l’un des principaux foyers d’infection, moins de 2 000 personnes ont pu avoir accès aux tests, rapporte le « New York Times », alors que le gouverneur, Andrew Cuomo, s’est fixé un objectif de 1 000 tests par jour : « Nous ne pouvons plus attendre, cela ne fait qu’aggraver le problème. »
Comment l’un des pays les plus prospères de la planète a-t-il pu laisser se développer un tel scandale ? Par un mélange de nationalisme, de bureaucratie et de politique de l’autruche.
Tests défectueux
Fin février, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) avait déjà expédié des tests dans une soixantaine de pays… mais pas aux Etats-Unis. Malgré de multiples demandes de parlementaires, on ne sait toujours pas exactement qui a pris la décision de refuser l’aide de l’OMS, préférant développer des tests « made in USA ».
Le 24 janvier, le CDC (Centers for Disease Control and Prevention), l’agence fédérale sanitaire qui coordonne la riposte, donne des détails publics sur le test américain. Une semaine plus tard, une alerte sanitaire nationale d’urgence est déclarée, permettant d’accélérer le développement de ces tests mais centralisant les opérations autour du CDC, empêchant de facto les labos des hôpitaux de mettre au point leurs propres tests rapidement.Coronavirus : Trump ne fait qu’ajouter à la panique
Centralisation problématique : peu avant la mi-février, le CDC réalise que ses tests sont défectueux. La tuile ! Mais pourquoi, dans ce cas, ne pas se tourner vers l’étranger ? Confidence d’un officiel au « Washington Post » : cela aurait pris trop de temps d’obtenir le feu vert de la Food and Drug Administration (FDA), l’agence supervisant les médicaments…
Il y a une autre explication, plus politique : à la mi-février, le discours est encore à la fermeture des frontières et à l’« endiguement » d’un virus venu de l’extérieur. Dans cette logique, les seules personnes à tester sont les étrangers venant de pays à risque – à Seattle, un Américain venant de Wuhan se verra même refuser d’être testé. Peu de tests pratiqués, donc peu de besoins… CQFD !
L’impasse devient vite apparente. Le 13 février, le secrétaire à la Santé, Alex Azar, annonce au Congrès le recours à une surveillance accrue dans 5 villes pilotes, pour voir « s’il y a une contagion plus large que celle que nous avons été capables de détecter jusqu’à présent ». Mais la mise en place du plan est retardée, faute de tests disponibles.
Un temps perdu catastrophique
Le 29 février, plus de six semaines après la publication du génome par les Chinois, la FDA annonce enfin un nouveau dispositif facilitant le développement de tests par les laboratoires des hôpitaux. Et maintenant les Etats peuvent procéder à leurs propres tests, les goulots d’étranglement devraient commencer à se résorber. Une clinique de Cleveland, dans l’Ohio, a même mis au point un test dont les résultats peuvent être connus sous huit heures, contre plusieurs jours auparavant. Il a été développé en seulement neuf jours, mais il a fallu pour cela attendre le feu vert du CDC, le 2 mars.Coronavirus : une étude nous en apprend plus sur les personnes à risque
Tout ce temps perdu risque de s’avérer catastrophique. D’autant que d’autres problèmes ont surgi entre-temps, entre autres – a révélé « Politico » – une pénurie de kits d’extraction d’ARN (acide ribonucléique), indispensables à la production des tests.
Pour Andy Slavitt, ancien haut responsable pour la santé dans l’administration Obama, l’optimisme n’est pas de mise :« Les Etats-Unis sont incapables de produire ne serait-ce qu’un petit nombre de kits d’extraction du [virus] Covid-19, malgré les déclarations de Pence [vice-président des Etats-Unis] et Trump. Les labos et les Etats sont inquiets. Ne s’attendre à aucune disponibilité, ou presque, pour encore plusieurs semaines. Il est vital de pratiquer, à l’échelle individuelle, la quarantaine. »Philippe Boulet-Gercourt (correspondant à New York)
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