Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Liverpool : « Dieu sauve notre gracieuse équipe »

Bon, je suis tout à fait d’accord – bien que non supporter de l’équipe de Liverpool- je dois dire que l’humour très Monty Python de ces fans prolétariens remonte le moral après ce long enterrement dont le seul mérite était à mes yeux qu’il suspendait un peu les bulletins hystériques (eux aussi)de victoire des fans de Zelensky. Remarquez c’était reculer pour mieux sauter: Ursula Von Der Leyen (en bleu et jaune aux couleurs de son équipe favorite) a déclaré ce matin au Parlement européen que l’Ukraine et l’Europe vont gagner contre la Russie. La présidente de la Commission européenne ne prend plus de précautions oratoires pas plus que nos éditorialistes de LCI : l’Union européenne est en guerre contre la Russie parce que l’échange de balles est ici mortelle. Ce qui n’améliorera pas le chauffage et les soupes populaires à Liverpool comme ailleurs.. (note et traduction de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

illustration :la reine Elizabeth remet la coupe à Liverpool.


Pour de nombreux Britanniques, la mort de la reine est une anecdote. À Liverpool, il y a des choses plus importantes (en dehors du football), comme le fait que la moitié de la population ne pourra pas chauffer ses maisons ou que les pots communs seront à court de nourriture.

Andy Robinson Liverpool , 10/09/2022

Il est difficile de comprendre pourquoi, mais tout le monde veut savoir ce que nous, britanniques, ressentons après la mort soudaine de la reine Elizabeth II. Voici ma réponse de Liverpool: J’ai ressenti une indifférence absolue jusqu’à ce qu’ils annoncent la suspension des matches de Première ligue par respect pour le deuil de la nation.

Ceux qui se sont rassemblés sous le choc devant Buckingham palace se souvenaient d’Elizabeth comme d’une personne « mignonne et chaleureuse », malgré le fait qu’il y a 25 ans, eux-mêmes (ou leurs parents) avaient étiqueté la reine comme « mauvaise et froide » lors de ces démonstrations embarrassantes de douleur hystérique après la mort de Diana. Personnellement j’ai toujours préféré la description de Johnny Rotten dans God Save the Queen : « Elle n’est pas un être humain. »

La vérité est que pour un certain nombre de Britanniques – membres d’une majorité silencieuse que les journalistes de la BBC ne choisissent jamais dans leurs interviews – la mort d’Elizabeth est une anecdote. Beaucoup d’entre eux zappaient désespérément jeudi soir à la recherche d’une chaîne qui ne diffuserait pas l’insupportable filet d’hommages avec des larmes de crocodile.

Ici, à Liverpool, il y a des choses plus importantes à penser que la mort de la reine. Par exemple, la prévision selon laquelle plus de la moitié de la population n’aura pas assez de revenus pour chauffer sa maison en hiver. Ou la nouvelle que les soupes populaires dans les quartiers ouvriers de la ville sont à court de nourriture en raison d’une demande excessive. Ou l’annonce de Liz Truss – dans le style de « l’économie vaudou » de Ronald Reagan et de la courbe de Laffer – que le « nouveau » gouvernement réduira les impôts des entreprises et des contribuables les plus riches parce que ce sont eux qui investissent dans la nation. Aussi parce que Truss croit que les réductions d’impôt génèrent plus de revenus que l’augmentations des salaires.

Mais ici, où le seul roi est le football, la question la plus importante de toutes, celle qui éclipse la mort de la monarque nonagénaire, est le besoin urgent pour Liverpool de jouer son prochain match pour effacer de la mémoire la défaite catastrophique de mercredi dernier contre Naples.

C’est pourquoi la suspension du match de Liverpool contre Wolverhampton Wanderers en hommage à la famille royale a fait penser aux fans non pas au sort du charles III nouvellement couronné, mais celui de l’ancien Charles Ier. S’il s’agit de choisir entre Liverpool (ou Everton) et l’avenir de la monarchie britannique, les cris ici sont : « Viens sur toi les rouges (ou les bleus) ! », et « Off with his head ! ».

Cela a déjà été prouvé il y a un mois, lorsque Liverpool a battu Manchester City dans le trophée du Community Shield par 3 buts à 1. Avant le début du match, les fans de Liverpool avaient levé des torches vers la loge du King Power Stadium de Leicester, où le prince William se trouvait, en huant l’hymne national.

La presse tabloïd s’en est prise aux fans avec des titres comme celui du Daily Mail: « Abus honteux contre le prince. » Boris Johnson a utilisé le même mot : « Honte ». Ceci, malgré le fait que Johnson a depuis longtemps perdu tout sens de sa propre honte ou de celle des autres et malgré le fait que la presse jaune était précisément celle qui a accusé la Maison royale britannique lors de ce premier assaut médiatique qui a culminé avec la béatification de Diana. (Le rôle de Rupert Murdoch dans la presse tabloïd dans la chute et l’ascension d’Elizabeth est discuté ici.)

L’irrévérence des supporters de Liverpool vis-à-vis de la monarchie vient de loin. Lors de la finale de la coupe en 1965, lorsque Liverpool a battu Leeds, les 13 années d’Elizabeth sur le trône semblaient déjà trop nombreuses et, au lieu de chanter pendant l’hymne national « god save our gracious queen », les fans ont scandé « god save our gracious team ». Aujourd’hui, les huées des fans de Liverpool contre l’hymne national sont souvent accompagnées du cri « fuck off tories ».

À Liverpool, où les travailleurs des trains de banlieue de Merseyrail viennent d’obtenir l’augmentation de salaire de 7% qu’ils demandaient après une grève très bien organisée, il y a une autre annulation en l’honneur de la monarchie qui est surprenante. À une époque de militantisme ouvrier croissant et de diverses grèves contre la perte de pouvoir d’achat, les syndicats des postes et des chemins de fer nationaux ont annoncé vendredi qu’ils avaient décidé de suspendre la journée de grève ce week-end par « respect pour le service (de la reine) au pays et à sa famille ».

Tout est en pause après la mort de la reine. Mais la saison va bientôt reprendre.

> DE L’AUTEUR

Andy Robinson

Il est correspondant volant de ‘La Vanguardia’ et collaborateur de Ctxt depuis sa fondation. De plus, il fait partie du comité de rédaction de ce média. Son dernier livre est ‘Gold, Oil and Avocados: The New Open Veins of Latin America’ (Harp 2020)VOIR PLUS D’ARTICLES

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