Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’Occident prétend combattre la crise alimentaire…. avec du vent

Jean-Luc Picker nous envoie la traduction d’un article avec le commentaire suivant : A mettre aussi en rapport avec un article que je t’avais fait passer le 13 juillet (la faim est une arme de guerre tactique pour l’occident, source CEPRID) et un autre du 18 août  (A qui profitent les céréales ukrainiennes ? source NEO). Article qui fait bien le point sur la supercherie des accords d’Istanbul, qui permettent à l’Ukraine d’exporter des céréales qui servent essentiellement à alimenter l’industrie de l’élevage occidental (viande, produits laitiers etc…), alors qu’aucun des engagements de l’occident sur la facilitation du commerce du blé et des engrais (essentiels pour les pays menacés de famine) en provenance de Russie ne sont tenus. Le bilan net de l’opération est encore l’enrichissement des industries agroalimentaires occidentales et de l’argent frais pour l’armement et la corruption ukrainienne et pas du tout une amélioration de la situation alimentaire mondiale qui s’annonce catastrophique dans beaucoup de pays dits ‘pauvres’. La supercherie est d’ailleurs dénoncée y compris par Erdogan ! Petit point intéressant : le premier bateau chargé de 26000 tonnes de blé en direction de la corne de l’Afrique, le Brave Commander, était affrété par le PAM. (note et traduction de Jean-Luc Picker pour histoireetsociete)

Paru dans New Eastern Outlook le 8 septembre 2022, par Vladimir Danilov

https://journal-neo.org/2022/09/08/the-west-gives-lip-service-to-fighting-hunger/

AFR2131

Les médias occidentaux sont très occupés à commenter la crise de l’énergie et l’appauvrissement des populations européenne, résultant des sanctions russophobes imposées par leur leaders. Malgré tout, on y trouve de temps à autre un article sur le nécessaire combat contre la crise alimentaire et la faim dans le monde.

Sur ce thème, l’intérêt des médias est accaparé par les résultats des accords d’Istanbul du 22 juillet, signés dans le but de résoudre la double crise sur les marchés mondiaux de l’alimentation et des engrais afin de combattre les famines qui s’annoncent dans différentes parties du monde. Souvenons-nous que c’est cet argument qui était avancé à grands cris par l’occident pour réclamer la reprise des exportations de grain à travers les ports de la mer Noire sous le contrôle de Kiev.

Le directeur du Programme Alimentaire Mondial (PAM), David Beasley, a déclaré le 21 Août que les navires qui quittent maintenant quotidiennement ces ports avec des cargaisons de grain ukrainien permettraient de régler les problèmes d’approvisionnement en denrées de base partout où c’était nécessaire et en particulier en Somalie, Ethiopie, Kenya (dans le nord) et autres pays pauvres.

Pourtant, dans son édition de 2 septembre, le journal allemand ‘Der Spiegel’ avoue que, malgré les bonnes intentions de l’ONU, seulement 13 des 63 navires qui ont quitté les ports de l’Ukraine sous le protocole d’Istanbul était chargés en blé. Les autres navires transportaient essentiellement du maïs, utilisé principalement pour l’alimentation animale ou pour produire des bio-carburants. Une douzaine d’entre eux étaient chargés de produits dérivés du soja et du tournesol, eux aussi principalement utilisés pour l’alimentation animale.

Pyotr Ilyichev, directeur du Département des Organisations Internationales au sein du ministère russe des Affaires Etrangères, va plus loin. Dans un interview à Rossiya Segodnya (RT) le 18 Août il révèle que les 16 navires qui avaient appareillé à cette date, avec une cargaison totale de 535.000 tonnes de blé et fourrages animaux, étaient destinés pour des pays riches, et non pour des pays pauvres qui sont le plus affectés par la crise. Parmi les destinations, on trouve en particulier le Royaume Uni, l’Irlande, La France et la République de Corée. Ces pays ne sont pas menacés de famine, mais ont par contre grand besoin de nourriture animale pour leurs élevages. Les experts soulignent maintenant que la production de céréales ukrainienne est essentiellement tournée vers le maïs et l’alimentation animale. Cette situation se joue des besoins urgents des pays les plus pauvres, en Afrique ou ailleurs.

Mikhail Ulyanov, représentant permanent de la Russie auprès des Organisations Internationales à Vienne a dénoncé cet état de fait en Août, protestant contre le fait que les navires qui quittent les ports de la Mer Noire sont principalement destinés à des pays qui ne sont pas menacés de famine.

Le 23 Août, le représentant permanent de la Russie auprès des Nations Unies, Vasily Nebenzia, a réitéré cette dénonciation devant le Conseil de Sécurité de l’ONU, au cours d’un meeting centré sur les conflits et la sécurité alimentaire. Il a précisé que, sur les 34 navires qui avaient quitté l’Ukraine à cette date, un seul avait comme destination un pays d’Afrique, où le besoin de ces denrées alimentaires se fait le plus sentir. Et d’ajouter : « A ce point, il est utile de rappeler l’image donnée au public par le navire ‘pionnier’ des accords, le Razoni, qui, au lieu d’apporter au Liban le blé dont ils ont tant besoin, leur a apporté du maïs et autres fourrages animaux. ». Nebezia a continué en soulignant que, au vu de cette situation, on peut s’interroger sur les réactions au discours du Secrétaire Général de l’ONU Antonio Guterres devant le Conseil de Sécurité du 19 mai, où il exposait que 49 millions d’individus répartis dans 43 pays sont menacés de famine, et près de 140 millions dans 10 autres pays dont l’Afghanistan, la Syrie, le Yémen et plusieurs pays africains, vont devoir faire face à des pénuries alimentaires majeures. On peut aussi s’interroger sur l’effet de la déclaration du Secrétaire Général faite dans le port même d’Odessa : « les exportations de céréales et l’effet baissier sur les cours mondiaux ne seront pas d’un grand secours aux pays qui de toutes façons ne peuvent pas les acheter ».

Pendant ce temps, les politiciens et les médias occidentaux continuent de propager l’idée que le facteur essentiel d’enchérissement des cours des céréales est le blocage des céréales ukrainiennes à cause de la guerre. Alors qu’une analyse en profondeur de la production et de la circulation des céréales ukrainiennes vers les marchés extérieurs montre que l’Opération Spéciale n’a qu’une influence limitée. L’année 2021 a vu des records de production céréalière en Ukraine (ainsi d’ailleurs que pour les légumineuses et les oléagineux). Ces excédents ukrainiens permettent un flux accru vers les marchés mondiaux et induisent un facteur baissier des cours.

En fin de compte, l’analyse des marchés alimentaires mondiaux montre que la déstabilisation de ces marchés n’est pas due à une diminution de la production et des disponibilités, mais connait des causes plus structurelles. Comme souligné par Zhang Jun, représentant permanent de la Chine à l’ONU, lors de la réunion du Conseil de Sécurité du 19 mai : « la crise actuelle met une nouvelle fois en lumière les problèmes structuraux du système alimentaire mondial. Les mécanismes de l’offre et de la demande sont dominés par une organisation où la production alimentaire est concentrée dans un petit nombre de pays, alors que la consommation est ubiquitaire et dispersée géographiquement. Le résultat est que l’équilibre entre l’offre et la demande est très vulnérable à des facteurs extérieurs tels que pandémies, conflits armés et autres événements imprévus ».

Au cours d’une conférence en Août à Moscou, le chef de la Direction Principale du Personnel des Forces Armées de la Russie a, lui, expliqué que les pays occidentaux précipitaient une crise alimentaire mondiale à travers les sanctions imposées à la Russie. Les mécanismes bien rodés d’approvisionnement des marchés en céréales et en engrais sont grippés, conduisant à une hausse artificielle des cours. Avant les sanctions, la Russie délivrait plus de 20 millions de tonnes de récolte et près de 11 millions de tonnes d’engrais au Moyen Orient et en Afrique du Nord, dont l’Egypte, l’Arabie Saoudite, la Syrie… Mais la logistique a été profondément impactée par les sanctions russophobes.

La réalité de la faim dans le monde n’est donc pas du tout celle peinte par Antony Blinken et Josep Borrell. Le point clé est l’apparition de pénuries alimentaires causées par des rendements agricoles moins importants dus à une insuffisance de disponibilité des engrais en provenance de Russie et de Biélorussie. Ces pénuries sont aggravées par les restrictions imposées au commerce y compris céréalier de la Russie qui, à l’opposé de l’Ukraine est un producteur majeur de blé.

Il devient clair pour tout le monde que les pays riches ne souffriront pas de façon majeure des baisses de rendement et qu’ils pourront régler les problèmes d’approvisionnement par l’augmentation des prix et l’élimination de certaines denrées. Par exemple, les légumes, qui étaient disponibles pratiquement toute l’année grâce à une énergie à bas prix permettant de faire fonctionner les serres, redeviendront saisonniers pour la plus grande partie de la population qui ne pourra pas se les offrir aux prix qui en seront demandés. Le ‘monde civilisé’ tentera de régler son problème d’approvisionnement alimentaire aux dépens des pays moins riches : les prix continueront à augmenter et les pays riches rachèteront les produits disponibles pour faire baisser l’inflation et tenter d’endiguer le mécontentement populaire. A l’inverse, les pays pauvres auront de plus en plus de difficultés à s’approvisionner. Bien sûr, les dirigeants du G7 feront montre de leur préoccupation pour les populations des pays pauvres et mettront en place des ‘programmes humanitaires’. Par exemple quelques navires chargés de denrées alimentaires seront envoyés aux régions d’Afrique affectées par la famine, et cela sera répercuté dans les médias occidentaux comme ‘une opération massive pour sauver les Africains de la famine’. Mais peu seront sauvés, car la seule chose qui pourrait permettre d’éviter ces scénarii de disette serait le retour des règles normales du commerce mondial. Cela supposerait bien sûr l’abandon des sanctions et restrictions unilatérales.

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