Ce texte a été écrit en 2012, alors que je travaillais à mon livre sur Brecht et Lang, le nazisme n’a jamais été éradiqué. A mon retour de Cuba, je découvrais également les liens qui semblaient unir l’extrême-droite et l’extrême-gauche sur internet et qui depuis n’ont cessé de prospérer, flirtant dangereusement avec mes opinions de communiste sur bien des points, mais toujours organisant une sorte de lynchage à partir de complots montés de toutes pièces en utilisant l’inquiétude des foules et la corruption bien réelle de ceux qui nous gouvernent, ce qui donne à celui fut-il un web master d’un obscur blog ou le maître d’une émission de télé ou le rédacteur d’un journal un sentiment de puissance quasi-dictatorial sur un réel qui lui échappe comme aux autres. J’ai tenté d’explorer ce qui sur le plan idéologique favorisait l’établissement de tels liens a priori contre nature. Comme durant le même temps j’écrivais ce livre sur Bertolt Brecht et Fritz Lang, c’est peu dire que j’ai été confrontée à une abondance de matériel. Aujourd’hui alors que je découvre la résurgence de toutes les xénophobies – celle sur la Chine mais aussi l’antisémitisme et pour faire bonne mesure la haine des banlieues, le tout avec des comportements étranges où en période de confinement l’on se rue sur des médicaments comme sur les pâtes ou le papier-cul, sans bien sûr remettre en question l’ordre capitaliste, ce qui pourrait faire qu’à la sortie l’extrême-droite engrange le jackpot alors que vertueusement elle sera dénoncée d’une manière totalement abstraite.
Encore un mot si je pars de l’antisémitisme, c’est non seulement parce que le résultat en a été assez spectaculaire, mais parce que c’est une expérience existentielle qui me permet d’en comprendre bien d’autres comme la sinophobie actuelle, ou la haine des basanés de toutes sortes. Il y a quelque chose de l’ordre de la stupéfaction à découvrir que vous êtes désigné pour d’obscures raisons à un anéantissement programmé et que chacun trouve plus ou moins justifiées. Il faut faire quelque chose de cette expérience, tout sauf la reproduire envers autrui.
Il y a il serait vain de le nier des convergences préoccupantes entre certains discours de l’extrême-droite et ceux de l’extrême-gauche, l’anti-mondialisation, l’anti-impérialisme devenu soutien à des dictatures et complaisance aux analyses raciales… Ces amalgames n’ont rien de nouveau et ils sont consubstantiels à la naissance du mouvement ouvrier mais le marxisme, le communisme les ont toujours dénoncés sur le plan théorique autant que dans leurs luttes, ce qui est inquiétant aujourd’hui est l’absence de réaction, voire la porosité. Mais le pire est sans doute la manière dont la gauche, le parti communiste à sa manière se sont coupés de la classe ouvrière pour représenter des couches moyennes donneuses de leçons et incapables de continuer à entretenir des solidarités dans des couches qui en ont plus que jamais besoin. Il y a là un vide abyssal que le capital ne cessera de combler et c’est ce qui nous distingue de l’Allemagne de Weimar où il existait au contraire un puissant mouvement ouvrier enfonçant ses racines au plus profond de la culture et de la misère, c’est pourquoi le nazisme n’a jamais été porté au pouvoir par les masses mais bien par une entente entre les junkers conservateurs et les trusts. Nous nous serions plus proches de ce que Brecht et Lang lisent dans les Etats-Unis : une dictature avec élections par aliénation des masses.
Puisqu’il est question de théories raciales et de marxisme, prenons l’exemple de l’anti-Dühring dans lequel Engels réfute les thèses d’un obscur professeur allemand qui ne serait pas passé à la postérité sans le livre d’Engels, du moins le croyais-je et il ne réfute pas l’antisémitisme du dit Dühring mais bien ce qui a besoin de l’antisémitisme, le conservatisme, l’adhésion sous des illusions de radicalité à l’ordre conservateur et donc la manière dont il dupe le prolétariat dans ses espérances d’émancipation. Pourtant, comme je suis entrée dans une sorte d’archéologie qui me pousse à rechercher des traces d’idéologies anciennes, la manière dont elles sont transmises et recyclées, j’ai repéré certains thèmes qui paraissent témoigner de permanences mais dont on peut noter qu’il sont recyclés dans de nouvelles figures, ainsi en est-il par exemple de la manière dont l’antisémitisme opère une mutation avec la modernité capitaliste. Et à ce titre, Dühring est un cas intéressant et ce n’est pas un hasard si Marx demande à Engels de l’affronter, de le dénoncer comme une figure réactionnaire sous ses aspects radicaux. Cette polémique fait songer à celle qui opposa Marx à Proudhon. Proudhon représentait à l’intérieur du socialisme un certain conservatisme, une nostalgie des artisans et de la petite paysannerie confrontée à la mutation de la modernité industrielle et Marx s’oppose à son caractère réactionnaire (Proudhon l’était non seulement sur le plan économique mais également sur la question de l’émancipation des femmes et par son antisémitisme (1) à l’inverse de Marx et surtout d’Engels d’un féminisme assez radical).
Il y a là quelque chose de fondamental pour comprendre selon moi les liens qui paraissent s’établir à certaines époques entre l’extrême-droite et l’extrême-gauche, l’ordre existant est dénoncé mais sur le mode de l’exaltation de l’ancien, de ce qui a disparu et que l’on magnifie. Cela concerne en particulier les couches sociales qui perdent pied et connaissent une détérioration de leurs conditions d’existence, diplômés issus de la petite bourgeoisie ne trouvant pas de débouchés, catégories bloquées dans une ascension sociale… L’équivalent de l’artisanat du temps de Proudhon. Avec la peur de la concurrence, celle des femmes, celle de l’étranger dont la présence dévalorise ou prétend dévaloriser le statut. Donc c’est dans ce contexte que je vous propose de relire cet épisode de la lutte que le marxisme dut mener contre des “théoriciens” qui ont fait le lit du national-socialisme. L’enjeu porte sur le fond sur la dialectique, d’un côté il y a les illusions mythiques, le conservatisme et de l’autre la lutte des classes comme mouvement de l’histoire. Nous en sommes toujours là…
Le romantisme, la nostalgie et le fétichisme recyclent les persécutions religieuses
Il faut mesurer combien face aux mutations de la première mondialisation, à l’aube du capitalisme, après l’échec de la Révolution française en Allemagne, une vague romantique se répand: c’est le culte du Volk, de la terre et du sang, l’exaltation d’un peuple germanique aryen, jamais contaminé par l’héritage biblique. Comment passe-t-on de l’arianisme théorie théologique qui refusait la sainte trinité et l’égalité entre le père et le fils à l’exaltation de l’aryanisme, indo-européen, perse opposé au sémitisme, mystère. Le fait est que les querelles théologiques par lesquelles Constantin fit du christianisme une religion d’Etat avaient opposé le monde germanique, celui des “goths” à l’empire romain d’orient de Constantin et que cela était devenu quelques siècles après l’exaltation de la Germanie aryenne, indo-européenne… Ne croyez pas que cela soit totalement oublié, en ce moment même est en train d’être recyclé une sorte de melting pot qui mêle les archétypes chers à Jung, à Mircea Eliade avec le négationnisme et l’exaltation d’une pseudo civilisation iranienne totalement fantasmée.
Le romantisme du Volk va recycler les préjugés religieux. Les préjugés religieux ont fourni l’explication philosophiques de l’antisémitisme avant l’introduction “scientiste” des races: le judaïsme est “un légalisme” fossilisé. Il n’y a plus de foi, plus d'”amour” mais des rites qui ont perdu leur âme et toute capacité d’évolution alors que le christianisme allemand lui serait apte à faire le lien avec les mystères de la nature et ceux du cosmos. Un thème va être lancé sur cette vision ritualiste et légaliste, la dénonciation du Talmud. Un professeur pragois publie en 1871 un ouvrage intitulé Der Talmud Jude (le Juif du Talmude) dans lequel il entend expliquer que les juifs n’ont pas de religion mais des rites et de ce fait cela leur impose la nécessité de se livrer à des crimes rituels. Ce qui déclencha des violences en particulier des jeunes nationalistes qui profanent les synagogues, frappent, insultent. L’Eglise laisse faire, en France l’antisémite de choc qu’est Drummond traduit le livre en Français. Et il faudra des années pour démontrer que c’est une imposture, que l’auteur ne connaît pas le Talmud. Résultat entre 1867 et 1914, dans la seule Autriche il y eut douze procès pour crime rituel, dans onze il fut démontré la non culpabilité et le pire fut celui du faux coupable Hilsner. Comme le montre Pascale Casanova dans un livre récent sur Kafka : “Les Juifs étaient régulièrement accusés de “meurtres rituels”, fantasmes collectifs qui faisaient grand bruit dans la presse et entraînèrent des procès très suivis. Pendant l’enfance et l’adolescence de Kafka éclatèrent en Hongrie le procès de Tisza Eszlàr (en 1882-1883) en Bohème celui de Hilsner à partir de 1899 et plus tard, en Ukraine, celui de Beilis. l’affaire Hilsner déchaîna dans tout le pays une vague d’antisémitisme d’une extrême violence qui se poursuivit jusqu’en 1916 (…) ce délire collectif devint même l’objet de dioramas et pantoscope dans toute la Bohème. L’horreur particulière de cette affaire, c’est que l’innocent Hilsner fut condamné deux fois, lors de deux procès successifs. A l’issue du premier il fut condamné à mort. Puis en 1900, sur le modèle de l’Affaire Dreyfus, plusieurs avocats et intellectuels, parmi lesquels Thomas Masaryk, futur président de la première République tchèque, le défendirent au cours d’un second procès. Hilsner fut pourtant de nouveau condamné, cette fois à perpétuité. Il fut enfin gracié en 1918 par le dernier empereur Habsbourg”(1). Ces procès et en particulier celui du malheureux Hilsner, ses condamnations servirent de preuve de la conspiration des juifs contre les non-juifs. Parce que le propre de la persécution est qu’elle engendre “la preuve” que dans le fond il y a bien quelque chose de vrai. La poursuite de la preuve ecclésiastique par la persuasion dont j’ai déjà parlé et qui perdure dans toute justification du racisme.
Ne croyez pas en effet que nous soyons aujourd’hui hors ce cas de figure, combien de fois au-je eu des interventions de gens qui me disaient en gros: je sais bien que l’on dit que le protocole des Sage de Sion est un faux mais avouez que c’est tout de même extraordinaire à quel point ce que dit ce texte se réalise dans la réalité. Si des éléments laïcs se mêlent à ce mode de pensée la matrice en demeure religieuse: la vérité y est un problème de persuasion, de conviction qui n’est relié que de manière marginale à un contrôle quelconque des faits. C’est exactement la subtilité de l’Eglise qui a toujours refusé de donner un statut historique aux évangiles en considérant que le domaine de la vérité religieuse relevait d’une autre essence qu’était la révélation. Le “complot” qui fleurit sur internet fonctionne de cette manière et conserve donc l’empreinte du religieux en matière de preuve et en ce sens sa matrice idéale est bien l’antisémitisme. De temps en temps, celui qui énonce quelque extravagance comme le retour au protocole des Sages de Sion émet une dénégation: “je sais bien que c’est un faux mais quand même”. Ce qui est le discours du fétichiste: “je sais bien que ma mère n’a pas de pénis mais quand même une paire de bottines peut en tenir lieu pour me faire jouir”. Et on sait à quel point Marx voyait dans le fétichisme la base du contrat social des rapports sociaux capitalistes, je sais bien que c’est un homme mais c’est d’abord une chose, une marchandise. Le pseudo athéisme du capitalisme a engendré ces monstres de la raison que sont l’irrationnel fétichiste et l’homme devenu chose a connu son aboutissement à Auschwitz.
Et le racisme vint et avec lui le succès politique: Dühring et l’anti-Dühring d’Engels
L’antisémitisme religieux outre les crimes rituels avait légué une “preuve”, malgré ce qu’ils subissaient les Juifs s’obstinaient à être juifs: les Juifs égoïstes et obstinés formaient un peuple à la foi inébranlable en sa foi dans sa supériorité décrétée par Dieu. Des gens aussi sérieux que saint Augustin et Pascal ont tenté de se dépatouiller de cette question de l’élection, de l’obstination au martyre… Mais des gens qui connurent quelques célébrités et qui étaient loin de les valoir comme aujourd’hui d’autres imbéciles du même tonneau virent dans cet “orgueil” de l’élection (y compris celui que leur aurait donné la shoah et je n’exagère pas) de quoi alimenter leur aversion du “corps étranger” sur des bases raciales cette fois.
En 1880, Dühring écrit un livre intitulé Die Judenfrage (la question juive) dans lequel il revendique être le premier à considérer la question juive sous l’angle racial. Fini l’obscurantisme religieux on passe au scientisme positiviste comme un quelconque Bricmont : la race toujours obstinée dans son élection de supériorité. Dühring établissait un lien entre la dépravation juive dans la culture, la morale et les mœurs et les caractéristiques raciales juives. Il disait qu’il ne fallait aucune tolérance, pas d’assimilation, pas de possibilité de se convertir parce que ce n’était qu’une ruse pour parvenir à leur fin. Bien sûr on pense à Hitler mais cela continue avec un Thierry Meyssan traquant les origines juives (un grand père du côté maternel) de Sarkozy pour en faire un espion de la CIA. La CIA faisant bien sûr partie du complot juif puisque les tours jumelles et le pentagone étaient la preuve de ce complot), l’équivalent du meurtre rituel dans le fond.
Selon Dühring, seuls les Dieux nordiques pouvaient mener le peuple allemand à la victoire car eux seuls pouvaient combattre l’infiltration juive. On croirait entendre Dieudonné en appelant aux mollahs iraniens pour sauver la civilisation chrétienne menacée. Ou encore Soral en appelant aux mêmes flanqués de Fidel Castro et Chavez pour sauver la France de l’américanisation juive bien sûr.
“Selon Dühring, les lignes de combat étaient tracées entre les forces du matérialisme juif et l’ancien germanisme. Avec la force raciale qui leur était propre, les Allemands triompheraient de tous les envahisseurs étrangers (…) Outre l’accent mis sur les divinités et la race allemandes, Dühring exposa un autre trait de son antisémitisme, plus significatif dans la mesure où il reçut un large accueil dans le monde politique. Bien que professeur à la très conservatrice université de Berlin, il se qualifiait lui-même de radical et ses affinités politiques, ses théories et ses écrits étaient considérés comme suffisamment importants par les marxistes pour que Friedrich Engels formule la célèbre critique anti-Dühring. Dühring avait des liens avec les sociaux démocrates, dont il considérait la politique comme une approche raisonnable, apte à encourager la création d’un Etat national fort. Il adoptait une forme particulière de socialisme, envisageant une économie nationale autarcique et une expression idéalisée de la volonté générale du peuple. Notons simplement qu’il liait son antisémitisme à une pulsion démocratique. Si, dans ce domaine, ses idées allaient à l’encontre de l’aversion des penseurs völkisch pour la politique des masses, ce qui rachetait Dühring à leurs yeux, c’était son opposition à l’ordre établi et la base mythique de ses théories sur “la volonté générale”. Selon lui le Volk germanique était une entité qui possédait une unité d’intérêts capables de s’exprimer dans une volonté générale. En tant que tel, dans son intérêt – c’est-à-dire pour sa survie – il s’engageait dans une lutte contre les juifs qui, à la faveur de la modernité, s’opposaient à la volonté germanique et au bien public (2).
Les juifs étaient l’obstacle à éliminer sur la voie du progrès national et socialiste. La volonté démocratique réelle était celle qui exprimerait les intérêts de la nation-peuple et les imposerait dans une épreuve de force raciale qui devrait aller jusqu’au bout. Dès 1885, il y eut une expression politique avec l’élection d’un député antisémite Böckel qui après avoir en 1893 récolté 263 861 voix sur ce programme s’effondra comme un quelconque poujadisme. Les nazis lui érigèrent un monument
Ce fut cet antisémitisme-là celui qui de la lutte contre l’Etat qui ne prenait pas en compte l’intérêt du Volk, de la nation et qui laissait s’installer le désordre judéobolchevique, à la fois capitaliste, mondialiste et révolutionnaire bolchevique qui devint majoritaire en particulier après la boucherie de la guerre de 14-18, la défaite et le sentiment de la trahison, la crise et le désespoir qu’elle engendra. C’était un mouvement “démocratique”, il avait dépassé la religion, puis l’élitisme romantique et il avait commencé à associer les intérêts économiques des classes populaires à l’idéologie du Volk. L’antisémitisme permit de faire le lien. Ceux qui étaient antisémites furent rapidement convaincus par les idées de base völkisch et ceux qui étaient dans le mouvement n’eurent aucun mal à être antisémites. Cela combinait élitisme (l’exclusion des juifs et la race supérieure) de l’ancien romantisme volkiste, ses aspects réactionnaires, voire la nostalgie de la féodalité avec l’affirmation d’un socialisme populaire, de masse.
Engels ne l’attaque pas sur son antisémitisme mais sur le fond à savoir son incapacité à la dialectique, celle de la nature et celle du matérialisme historique. Il lui reproche de transformer en certitudes de l’enflure et du pédant ce qui doit être à chaque instant conquis: « nous sommes encore plutôt au début de l’histoire de l’humanité et que les générations qui nous corrigeront doivent être bien plus nombreuses que celles dont nous sommes en cas de corriger la connaissance, – assez souvent avec bien du mépris.” Ce sont les êtres humains qui en faisant l’histoire découvriront non pas des vérités éternelles mais le produit de l’histoire et ce faisant il s’émanciperont.
« Mais à quel point toute l’histoire de l’humanité est encore jeune et combien il serait ridicule d’attribuer quelque valeur absolue à nos conceptions actuelles, cela ressort du simple fait que toute l’histoire passée peut se caractériser comme l’histoire de la période qui va de la découverte pratique de la transformation du mouvement mécanique en chaleur à celle de la transformation de la chaleur en mouvement mécanique. »
Ces quelques lignes sont essentielles pour comprendre ce que l’on peut opposer au crétinisme pédant et simplificateur qui ressort à chaque moment de l’histoire alors qu’il faudrait aller vers le changement, accepter le dépassement des contradictions, la tentation réactionnaire du repliement vers des valeurs “éternelles”, des communautés, l’esprit d’une race qui affronterait le mal étranger, son complot surgit et alors reprend les vieux mythes par pur conservatisme, ce qui fait que la classe dominante voit tout de suite le parti qu’elle peut tirer de telles idéologies.
Entre autres l’intérêt pour la classe dominante d’une telle idéologie est qu’elle concilie l’adhésion à une vision élitiste de la société et la diffuse dans les masses comme la véritable réponse démocratique à leurs malheurs. Il faut bien souligner que l’on retrouve ce lien entre élitisme et masse dans bien des mouvements d’extrême-droite y compris ceux qui sont fascinés par l’autoritarisme militaire et ce qui permet de les concilier est le racisme, la défense de la race blanche bien sûr contre l’immigré mais également dans un système à géométrie variable l’affirmation de la permanence de l’ennemi éternel du genre humain qui permet de rallier les masses du Tiers monde dans une vision anti-impérialiste purement raciale et là le juif reste l’opérateur alors que dans les sociétés occidentales monte la peur de l’islam et bientôt celle du mystérieux chinois, violence et complot pour dévoyer la lutte des classes.
Danielle Bleitrach
(1) Pour illustrer la misogynie de Proudhon les exemples sont légion mais on cite souvent ce morceau choisi d’une lettre à madame d’Hericourt (ça se soigne): « Non, Madame, vous ne connaissez rien à votre sexe ; vous ne savez pas le premier mot de la question que vous et vos honorables ligueuses agitez avec tant de bruit et si peu de succès. Et si vous ne la comprenez point, cette question ; si, dans les huit pages de réponses que vous avez faites à ma lettre, il y a quarante paralogismes, cela tient précisément, comme je vous l’ai dit, à votre infirmité sexuelle. J’entends par ce mot, dont l’exactitude n’est peut-être pas irréprochable, la qualité de votre entendement, qui ne vous permet de saisir le rapport des choses qu’autant que nous hommes vous le faisons toucher du doigt. Il y a chez vous, au cerveau comme dans le ventre, certain organe incapable par lui-même de vaincre son inertie native, et que l’esprit mâle est seul capable de faire fonctionner, ce à quoi il ne réussit même pas toujours. Tel est, madame, le résultat de mes observations directes et positives : je le livre à votre sagacité obstétricale et vous laisse à en calculer, pour votre thèse, les conséquences incalculables. » L’antisémitisme de Proudhon est tout aussi délicat comme en témoigne ce texte de 1847 dans son carnet personnel (écrits de carnets qui seront édités après sa mort).« Juifs. Faire un article contre cette race, qui envenime tout, en se fourrant partout, sans jamais se fondre avec aucun peuple. Demander son expulsion de France, à l’exception des individus mariés avec des Françaises ; abolir les synagogues, ne les admettre à aucun emploi, poursuivre enfin l’abolition de ce culte. Ce n’est pas pour rien que les chrétiens les ont appelés déicides. Le juif est l’ennemi du genre humain. Il faut renvoyer cette race en Asie, ou l’exterminer… Par le fer ou par le feu, ou par l’expulsion, il faut que le juif disparaisse… Tolérer les vieillards qui n’engendrent plus. Travail à faire. Ce que les peuples du Moyen Age haïssaient d’instinct, je le hais avec réflexion et irrévocablement. La haine du juif comme de l’Anglais doit être notre premier article de foi politique. » peut-être la manière dont Marx l’avait éreinté a-t-il joué un rôle, ce qui est sûr c’est que pas plus que monsieur Dühring Marx ne l’attaque sur ce point, il se moque de son absence de dialectique, de son incompréhension de la transformation et du mouvement de l’ordre des choses existant.
(2) Pascale Casanova, Kafka en colère, seuil, fiction & cie, 2011 pp.61 et 62
(3) George L. Mosse les racine intellectuelles du Troisième Reich, la crise de l’idéologie allemande, Calman-levy, 2006 pp.160-161
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Dominique
Essentiel !
Le cretinisme simplificatrur rode autour de moi …je ne pensais pas vivre une telle regression .
Je tiens bon en depit de tout ce qui se passe dedans dehors la maison …
Tes textes …oui essentiels !
Merci Danielle !
Danielle Bleitrach
merci Dominique,je connais ton courage et je dois dire que j’admire cette vie qui t’anime, elle est exemplaire de ce que nous sommes nous communistes vivant parce que préoccupés des autres, curieux parfois déçus et même souvent mais sans retour en arrière parce que le reste est pire…
Daniel Arias
Les nouvelles générations bercée d’écologisme, montrent des aspects réactionnaires inquiétants.
Vouloir sauver les ours polaires contre l’humanité, ils deviennent hostiles au savoir, à la science, au progrès, au rationalisme, à l’universel.
On y retrouve une attirance pour une campagne romantique, de petits paysans, d’artisans, d’hommes libres dans leur ZAD.
Tous ne sont pas des monstres mais les germes peuvent y pousser.
Haine de l’Etat comme les libéraux (libertaires), grands patrons, écolos fanatiques, gauchistes, anarchistes. Tous très bien connectés par les câbles des GAFAM.
XR extinction rébellion relayé par la presse bourgeoise et soutenue par les pires ONG, propose de vivre une expérience mystique avec un discours de secte et faisant la promotions d’actions violentes contre la “société thermo-industrielle”.
Certains en cette période d’épidémie se réjouissent déjà de la vengeance de la “planète” sur l’Homme cet ennemi de la nature.
En marge des anciennes forment de réaction une nouvelle est en train de prendre racine, plantée dans la mouvance du mai 68 étudiant par les hippies et autres libertaires fumeurs de joints.
Dominique Pagani a quelques bonnes réflexions sur cet écologisme et les parentés avec la naissance de l’idéal Nazis.