Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Alors que l’inflation s’envole, le groupe français TotalEnergy affiche 18 milliards d’euros en super profits

Tout ce qui paraît incompréhensible dans la géopolitique aujourd’hui si l’on considère les faits à la racine des profits devient beaucoup plus clair. Un mode de production qui exaspère les concurrences jusqu’à leur contradiction le pouvoir sans limite des monopoles financiarisés qui s’empare des Etats, détruit les nations tout en jouant sur les divisions dites nationales pour créer la guerre dont il se nourrit. C’est une dialectique, un mouvement qui dévore les êtres humains et leur environnement. Ceux qui nous gouvernent, en France, aux Etats-Unis, en Ukraine sont eux-mêmes les otages de cette folie destructrice. Ici la relation entre l’Etat français, Macron en tant qu’homme des monopoles et Total éclate au grand jour. Il existe désormais impulsée par la lutte des classes, une exaspération des contradictions dans lesquelles des peuples -et parfois leur oligarchie qui veulent conserver leurs ressources- affrontent le capital dominant à sa phase impérialiste et cela donne la tension vers un monde multipolaire. Mais dans le même temps, les Etats qui cherchent à se débarrasser du joug impérialiste, en général les Etats du sud sont comme les nations impérialistes, elles-mêmes prises dans les contradictions de leur propre classe dirigeante, le prétexte démocratique, les formes conservatrices, voire les fascismes. Tout cela est une manière de masquer la manière dont la bourgeoise de chaque nation joue son tropisme vers le capitalisme vainqueur tout en subissant la pression populaire. Il y a aussi le rôle de la Chine et des formes d’intervention de la dictature du prolétariat face à la dictature de la bourgeoisie qui doit être étudié parce que la “chute de l’empire américain” n’a pas lieu dans un simple contexte impérialiste c’est ce que perçoit ce courant trotskiste à l’inverse du courant européen et français. (note de Danielle Bleitrach)
Samuel Tissot5 août 2022

Le 28 juillet, le géant français de l’énergie Total a annoncé un bénéfice de plus de 17,7 milliards d’euros (18,8 milliards de dollars) pour le premier semestre 2022, soit trois fois plus qu’à la même période l’année dernière. La société a invoqué la hausse des prix du pétrole et du gaz induite par la guerre entre l’OTAN et la Russie en Ukraine pour justifier une énorme flambée des prix des carburants. En réalité, elle se sert de la crise ukrainienne pour soutirer des milliards aux travailleurs en France et à l’étranger.

Une station-service TotalEnergies à Paris, en France [Photo par Chabe01 / CC BY-SA 4.0]. [Photo by Chabe01 / CC BY-SA 4.0]

Ce phénomène n’est pas limité à Total ou à la France. De multiples sociétés pétrolières et énergétiques ont affiché des bénéfices records au deuxième trimestre 2022. En trois mois seulement, Exxon Mobile a réalisé des bénéfices de 17,9 milliards de dollars, Chevron de 11,6 milliards de dollars et Shell Oil de 11,6 milliards de dollars.

Le taux d’inflation de 6,1 pour cent enregistré en France à la fin du mois de juillet est le plus élevé jamais enregistré. Les prix des carburants ont été l’un des principaux moteurs de la hausse des coûts. Les moyennes nationales des prix de l’essence ont culminé à 2,12 euros par litre début juin avant d’atteindre 1,85 euro par litre début août, soit une augmentation de 0,30 euro par rapport à l’année précédente.

Bien que le président français, Emmanuel Macron, ait dénoncé de manière démagogique, lors de la réunion du G7 en juin, les «profiteurs de guerre» qui chercheraient à utiliser la guerre en Ukraine pour augmenter leurs profits, son gouvernement apporte un soutien total aux profiteurs de guerre de Total.

Lors d’un débat au Sénat, alors qu’une motion visant à imposer une piteuse «contribution exceptionnelle de solidarité» sur les bénéfices records de Total était rejetée, le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a défendu Total. Il a déclaré que les entreprises «supportent aussi le poids de l’inflation», affirmant que «la meilleure façon pour une entreprise d’aider la société n’est pas de se faire taxer, mais d’augmenter les salaires de ses employés».

Ces deux affirmations sont grotesques. L’augmentation des bénéfices de Total de plus de 300 pour cent en glissement annuel au cours des six premiers mois de 2022 est 50 fois plus importante que le taux d’inflation de 6,1 pour cent en France. Pendant ce temps, Total Energy n’a pas augmenté les salaires des travailleurs d’un centime malgré l’inflation; depuis 2020, la société a supprimé 6.500 emplois à l’international, dont 1.100 en France.

Analysant les «super profits» et les pratiques d’évasion fiscale de Total, l’économiste Maxime Combes explique comment ses «profits augmentent à toutes les étapes de son processus de production, sans que la société ait à changer quoi que ce soit dans son processus de production». En d’autres termes, les profits records de Total sont entraînés automatiquement par la hausse du pétrole sur les marchés financiers mondiaux. Outre l’exploitation accrue de sa main-d’œuvre en refusant de lui accorder des augmentations alors que les prix s’envolent, elle n’a rien fait pour obtenir ces bénéfices exceptionnels.

Les bénéfices records de Total pour 2022 suivent sa politique d’«optimisation fiscale», populaire auprès de la plupart des multinationales qui opèrent en France, qui consiste à déclarer des pertes artificielles en France tout en réalisant des milliards de bénéfices dans des pays où les taux d’imposition sont plus faibles. Ainsi, Total n’a pas payé un seul euro d’impôt sur les sociétés en France au cours des 24 derniers mois en raison de ses pertes en 2020 (bien qu’elle ait tout de même versé 7,6 milliards d’euros à ses actionnaires cette année-là).

Pour apaiser la colère populaire grandissante face à cette arnaque flagrante, les dirigeants de Total ont promis une réduction insultante de 20 centimes du prix des carburants du 1er septembre au 1er novembre. Leurs poches déjà remplies de milliards mal acquis, les dirigeants et les actionnaires de Total s’enrichiront massivement malgré cette mesure pitoyable.

Rien n’indique que les prix à la consommation des carburants et de l’énergie ou les bénéfices records de Total vont baisser de sitôt. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les multinationales de l’énergie pourraient enregistrer «des bénéfices excédentaires pouvant atteindre 200 milliards d’euros dans l’Union européenne en 2022.» Selon Combes, les bénéfices propres de Total pourraient ainsi atteindre 35 milliards d’euros pour cette année.

Total n’est pas la seule entreprise à distribuer des milliards de bénéfices à ses actionnaires, alors que la grande majorité de la population souffre de la pandémie, de l’inflation galopante et des conséquences économiques de la guerre entre l’OTAN et la Russie en Ukraine.

La semaine dernière, les entreprises cotées à la bourse de Paris, qui sont incluses dans l’indice CAC-40, ont annoncé un record de 174 milliards d’euros de bénéfices en 2021, soit plus du double des 80 milliards d’euros enregistrés en 2019 avant la pandémie de COVID-19. C’est presque le double des bénéfices records de 100 milliards d’euros enregistrés en 2007, à la veille de la crise financière de 2008.

Outre Total, les sociétés les plus rentables sont le groupe de médias Vivendi, qui a réalisé plus de 24,6 milliards d’euros, et le groupe de luxe LVMH, détenu par l’homme le plus riche de France, Bernard Arnault, qui a réalisé 12,7 milliards d’euros.

Bien que l’industrie automobile se trouve face à une pénurie de semi-conducteurs depuis plus de 3 ans, le constructeur Stellantis, qui exploite plusieurs usines en France, a enregistré des bénéfices de 18 milliards d’euros en 2021, soit une augmentation de 34 pour cent par rapport à l’année précédente.

Parallèlement à Total, les bénéfices des entreprises continuent de bondir en 2022 malgré une inflation record, les impacts économiques de la guerre en Ukraine et les avertissements d’une récession imminente en France et dans toute la zone euro. Au premier trimestre, LVMH a annoncé un bénéfice de 6,5 milliards d’euros pour le premier trimestre de 2022, soit une augmentation de 23 pour cent par rapport à 2021. Stellantis a annoncé des bénéfices de 8 milliards d’euros pour les six premiers mois de l’année.

Partout dans le monde, la classe dirigeante agit selon la devise «il ne faut jamais gaspiller une bonne crise». Après le premier, et à ce jour le seul véritable confinement contre la COVID-19, en mai 2020, les entreprises européennes ont été renflouées par des centaines de milliards de dollars avec l’approbation de la CGT et d’autres syndicats franco-allemands.

Parallèlement à la mise en œuvre d’une politique de retour au travail, qui a entraîné des millions de morts et de multiples vagues du virus, cela a créé les conditions d’une envolée massive de la bourse, de bénéfices records pour les sociétés et d’une augmentation sans précédent de la richesse des super-riches. En pleine vague d’inflation, de la guerre en Ukraine et d’une récession imminente, ce processus ne fait que s’accélérer.

Tant au niveau international qu’en France, la classe dirigeante n’a jamais été aussi bien lotie. Pour ne citer qu’un exemple éloquent, pendant la pandémie et la crise économique qui l’a accompagnée, l’homme le plus riche de France, Bernard Arnault, a vu sa richesse plus que doubler selon l’indicateur de richesse Forbes, passant de 76 milliards de dollars en 2020 à 166 milliards de dollars au 1er août 2022.

D’autre part, la classe ouvrière fait face à une hausse des coûts, parallèlement à des coupes dans des aides sociales déjà très insuffisantes. En réponse à l’inflation, le gouvernement Macron a adopté une augmentation de 4 pour cent des pensions de retraite et des allocations familiales, une réduction effective compte tenu du taux d’inflation de 6,1 pour cent.

Même si les bénéfices de Total sont largement perçus avec indignation et dégoût, aucun grand parti n’a proposé de mesure qui les remet en question, et encore moins qui menace, la capacité des dirigeants d’entreprise à accumuler des milliards. Si le théâtre politique de la «contribution de solidarité» était passé à l’Assemblée nationale et au Sénat, cela n’aurait été qu’une goutte d’eau dans l’océan des centaines de milliards versés chaque année aux super riches.

Comme c’est le cas pour les super profits des compagnies pétrolières du monde entier, la capacité de Total à rançonner toute la population pour le carburant et à s’emparer de milliards, reflète la réalité de la domination de classe en France. Les gouvernements capitalistes défendent impitoyablement la richesse inimaginable des super riches tandis que la misère sociale grandit parmi les travailleurs. Ce régime corrompu ne peut être renversé que par l’instauration du pouvoir ouvrier et du socialisme, et la fin du système anarchique du profit.

(Article paru en anglais le 2 août 2022)

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1 Commentaire

  • Daniel Arias
    Daniel Arias

    Le prix du pétrole n’a jamais battu son record de 2008 !

    Comme je l’avais déjà commenté au début de cette folle hausse des carburants le prix du pétrole et des carburants ne sont pas corrélés. Pour cela il suffisait de comparer l’historique des prix du brut et des carburants essence et diesel.(1)

    La hausse des prix est surtout le résultat de la hausse de la marge de raffinage.(2)

    TotalEnergies indique que sa marge sur coûts variables, raffinage Europe (marge de raffinage), a bondi à 145,7 dollars par tonne au deuxième trimestre 2022, contre 46,3 dollars au trimestre précédent et 10,2 dollars un an auparavant.

    Facteur 3 et même 14 si on prend des références plus anciennes.

    Qui sont les profiteurs ? Le plus grand producteur de pétrole est les USA où également le prix à la pompe a explosé.(2)

    Ces profits sont le résultat de monopoles privés. Il y a peu ELF Aquitaine issue de l’ERAP était une entreprise d’intérêt public. L’ERAP a pris part dans d’autres secteurs industriels comme France Télécom, jadis en pointe dans les télécommunications et la recherche.(4) L’ERAP a été dissoute en 2010 sous le gouvernement de Sarkozy et sans inflexion de ce libéralisme sous Hollande père de Macron, frère de Mélenchon et amis des liquidateurs.

    Ces hypers profits sont également à l’œuvre dans d’autres concentrations capitalistes à l’échelle mondiale, avec la complicité d’une classe politique et médiatique fortement corrompue.

    Le marché des vaccins privatisé au profit des entreprises américaines avec exclusion totale des industriels russes, chinois, indiens ou cubains, et avec le sabotage de l’industrie française. Ceci sans aucun débat public hormis celui obscurantiste des antivax inhibant celui sur la production et la commercialisation.

    Le marché de l’énergie au sens large manipulé par des règles absurdes qui font monter le prix de l’électricité en fonction de celui du gaz et des marchés truqués où EDF se retrouve obligé de payer à des prix anormaux les hyperprofits du capitalisme vert.

    Les profits indirects obtenus par la spéculation sur les marchés des céréales générant la famine alors que la production ukrainienne est anecdotique.

    Dernière tentative de spéculation autour des puces électroniques par des corrompus au sommet d’un des états les plus influent au monde.

    La valse des profits continue avec le droit dit du “commerce” pour garantir la sécurité des voleurs et des corrompus avec des peines aménagées jouissant de leur luxe quand les peuples sombrent dans la misère ou meurent dans des maisons de retraites honteuses.

    Maintenant une fois ces constats faits sur l’origine des prix et les acteurs qui orientent ces prix la hausse des salaires n’est pas la solution. Comme disait Marx il faut dans chaque action poser la question de la propriété des moyens de production.

    Aujourd’hui syndicats et gauche ne sont pas à la hauteur du problème face à une mafia qui a pris un pouvoir énorme et qui continue tout comme dès la fin du XIXe à provoquer des guerres pour le profits d’une poignée. Les forces progressistes ont été assommées, endormies, corrompues par la destruction de l’URSS, par la lutte idéologique de la guerre froide par le financement par la CIA et l’UE d’intellectuels et de personnalités politiques quand celles ci ne sont pas tout simplement d’anciens ou futur employés des grands monopoles industriels et financiers.

    Il y aurait là, sur l’énergie, une belle campagne à mener pour les communistes, une belle occasion pour confirmer la pourriture du capitalisme et de sa superstructure et faire la promotion du socialisme, des nationalisations et de la collectivisation des moyens de production. Lier le pouvoir d’achat, les services publics et la paix dans le socialisme réel.

    Tant que les voleurs ne seront pas jugés et condamnés ils ne s’arrêteront pas.
    Ces ordures connaissent parfaitement les conséquences de leurs actes.

    Rassurez vous le prix du pétrole commence à baisser ; la raison en est la récession qui arrive.

    (1) https://prixdubaril.com/comprendre-petrole-cours-industrie/70845-historique-prix-petrole.html

    (1) https://www.planete-energies.com/fr/medias/infographies/evolution-des-prix-de-l-essence-et-du-petrole-brut

    (2) https://www.boursorama.com/bourse/actualites/totalenergies-marge-de-raffinage-plus-que-triplee-6be9851c2a712238e207b9763a958820

    (2) https://tradingeconomics.com/united-states/gasoline-prices

    (3) https://www.planete-energies.com/fr/medias/chiffres/production-mondiale-de-petrole

    (4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Elf_Aquitaine

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