Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Vogue et Zelensky ou le fascisme comme l’esthétisation de la guerre …

Des clichés du couple présidentiel ukrainien pris par Annie Leibovitz pour Vogue ont été publiés en Une du magazine américain mardi, accompagnés d’un entretien avec la Première dame Olena Zelenska. Celle-ci que l’on voit prendre des poses avantageuses mais esthétiquement irréprochables devant les horreurs de la guerre dit à quel point son époux est un blagueur et elle affirme que l’Ukraine, leur domaine va être libérée bientôt, c’est sûr et ses affirmations vont dans le même sens que tout ce qu’on entend sur les plateaux de télé français de la part d’avis tout aussi incontestables mais quelquefois esthétiquement moins pertinents.

Certes Hollywood nous a habitués à ce mélange noté par Brecht dans lequel dans un tank en pleine bataille il est possible d’avoir non seulement une histoire d’amour mais avec une héroïne au brushing et maquillage impeccables et une tenue faussement décontractée de très grand couturier. Bernard Henry Levy nous a également habitué à ces photos de guerre montées en studio mais avec des sacs de sable et des hommes en armes, tandis qu’il exhibe son meilleur profil, pour dire son ego la mère de toutes les batailles, mais là c’est vraiment très réussi dans le genre. Cette réussite photographique incontestable et son temps de pose, dit l’esthétisation de la guerre dans laquelle Walter Benjamin voyait la préfiguration du nazisme.

Olena Zelenska

Walter Benjamin : l’esthétisation de la guerre

 Les masses ont le droit d’exiger une transformation du régime de la propriété; le fascisme veut leur permettre de s’exprimer tout en conservant ce régime. Le résultat est qu’il tend tout naturellement à une esthétisation de la vie politique. A cette violence qui est faite aux masses, lorsqu’on leur impose le culte d’un chef, correspond la violence que subit un appareillage, lorsqu’on le met lui-même au service de cette religion.

     Tous les efforts pour esthétiser la politique culminent en un seul point. Ce point est la guerre. La guerre, et la guerre seule, permet de fournir un but aux plus grands mouvements de masse sans toucher cependant au statut de la propriété. Voilà comment les choses peuvent se traduire en langage politique. En langage technique, on les formulera ainsi : seule la guerre permet de mobiliser tous les moyens techniques du temps présent sans rien changer au régime de la propriété. Il va de soi que le fascisme, dans sa glorification de la guerre, n’use pas de ces arguments. Il est cependant fort instructif de jeter un coup d’œil sur les textes qui servent à cette glorification. Dans le manifeste de Marinetti sur la guerre d’Éthiopie, nous lisons, en effet :

     “Depuis vingt-sept ans, nous autres futuristes, nous nous élevons contre l’idée que la guerre serait anti-esthétique. C’est pourquoi nous affirmons ceci : la guerre est belle, parce que, grâce aux masques à gaz, au terrifiant mégaphone, aux lance-flammes et aux petits chars d’assaut, elle fonde la souveraineté de l’homme sur la machine subjuguée. La guerre est belle, parce qu’elle réalise pour la première fois le rêve d’un homme au corps métallique. La guerre est belle, parce qu’elle enrichit un pré en fleurs des orchidées flamboyantes que sont les mitrailleuses. La guerre est belle, parce qu’elle rassemble, pour en faire une symphonie, la fusillade, les canonnades, les suspensions de tir, les parfums et les odeurs de décomposition. La guerre est belle parce qu’elle crée de nouvelles architectures, comme celle des grands chars, des escadres aériennes aux formes géométriques, des spirales de fumée montant des villages incendiés, et bien d’autres encore [… ]. Écrivains et artistes futuristes, [ … ] rappelez-vous ces principes fondamentaux d’une esthétique de guerre, pour que soit ainsi éclairé [… ] votre combat pour une nouvelle poésie et une nouvelle sculpture!”

     Ce manifeste a l’avantage de bien dire ce qu’il veut. Sa façon de poser le problème mérite d’être reprise par le dialecticien. Voici comment se présente à lui l’esthétique de la guerre d’aujourd’hui : lorsque l’usage naturel des forces productives est paralysé par le régime de la propriété, l’accroissement des moyens techniques, des rythmes, des sources d’énergie, tend à un usage contre nature. Il le trouve dans la guerre, qui, par les destructions qu’elle entraîne, démontre que la société n’était pas assez mûre pour faire de la technique son organe, que la technique n’était pas assez élaborée pour dominer les forces sociales élémentaires. La guerre impérialiste, avec ses caractères atroces, a pour facteur déterminant le décalage entre l’existence de puissants moyens de production et l’insuffisance de leur usage à des fins productives (autrement dit, le chômage et le manque de débouchés). La guerre impérialiste est une récolte de la technique qui réclame sous forme de ” matériel humain ” ce que la société lui a arraché comme matière naturelle. Au lieu de canaliser les rivières, elle dirige le flot humain dans le lit de ses tranchées; au lieu d’user de ses avions pour ensemencer la terre, elle répand ses bombes incendiaires sur les villes, et, par la guerre des gaz, elle a trouvé un nouveau moyen d’en finir avec l’aura.

     Fiat ars, pereat mundus, tel est le mot d’ordre du fascisme, qui, Marinetti le reconnaît, attend de la guerre la satisfaction artistique d’une perception sensible modifiée par la technique. C’est là évidemment la parfaite réalisation de l’art pour l’art. Au temps d’Homère, l’humanité s’offrait en spectacle aux dieux de l’Olympe; elle s’est faite maintenant son propre spectacle. Elle est devenue assez étrangère à elle-même pour réussir à vivre sa propre destruction comme une jouissance esthétique de premier ordre. Voilà quelle esthétisation de la politique pratique le fascisme. La réponse du communisme est de politiser l’art.

   

Walter Benjamin L’œuvre d’art à l’époque de sa reproduction technique

Merci Vogue de nous renvoyer aux sources réelles de cette guerre, pas la fiction d’un petit peuple attaqué par pure méchanceté par son voisin avec à sa tête un autocrate méchant mais bien l’assaut de l’OTAN qui continue le siège de la Russie malgré la fin de l’URSS, soutient des oligarques et leurs troupes nazies qui après un coup d’Etat s’attaquent à ceux qui n’en veulent pas, 15.000 morts, la Russie encerclée et même si Poutine n’est pas un soviétique (mais une sorte de De Gaulle à la fois homme des grands monopoles et nationaliste souverainiste ) l’agresseur n’est pas celui que l’on dit: l’Ukraine n’est pas dans l’OTAN mais l’OTAN est à la tête de l’Ukraine et les USA mènent une guerre par procuration pour conserver une hégémonie qui fait eau de toute part. Ce n’est pas un peuple qui est défendu c’est la possibilité du pillage de tous les peuples. La seule issue de paix est dans la désignation de la nature impérialiste du fascisme.

Merci Vogue de nous faire comprendre à quel point les opinions suscitées par la propagande occidentale relèvent du phénomène de “mode”, comment le pauvre mec qui n’a pas de quoi finir ses fins de mois, celui qui crève sous les bombes que Zelensky et les siens déversent sur le Donbass, sur leur propre peuple depuis 2014, à quel point ce couple heureux et si photogénique est prêts à jouer les élites jusqu’à la mort du dernier ukrainien et pour entretenir leur niveau de patrimoine, leur côté glamour sont bien décidés à exiger de l’UE armes et milliards pour la survie d’un Etat qu’ils ont mis en faillite.

Merci de nous faire comprendre comme le dit Walter Benjamin que face à la manière dont le capitalisme arrivé au stade fasciste de la guerre tente son esthétisation d’appeler les communistes à “politiser l’art”.

Merci Vogue de ce “shooting avec Vogue”‘ qui nous explique si bien, en quelques photos ce qu’est la guerre pour les uns et pour les autres.

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7 Commentaires

  • Luc Laforets

    Merci. Merci de ce texte qui dit tout, résume tout.
    Tout de l’horreur Barbare de la guerre, de ceux qui la veulent. De ceux qui la trouve belle (!) révélant ainsi leur âme fasciste d’extrême-droite déchirés qu’ils sont entre tradition et technicisme.
    Cette instrumentalisation de l’homme, sa fusion avec la machine m’évoque inévitablement la décomposition de cette idéologie technicienne et industrielle opérée par Gunther Anders dans son “Obsolescence de l’homme”.

    Aussi, j’ajouterai à votre propos que cette esthétisation de la Barbarie n’est pas que le propre du fascisme d’extrême-droite, puisqu’elle est partagée par celui d’extrême-centre. J’en veux pour illustration toute la mise en scène de prétendus héros (film Maverick) et bien plus encore par toute la “culture” des super-héros toujours violents.

    Ce reportage de Vogue et votre article, je les évoquerais certainement (voire en ferait le sujet principal) d’une prochaine Chronique des Barbaries.

    Cordialement.

    Luc Laforets.

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  • Daniel Arias
    Daniel Arias

    Quel dommage que ces esthètes ne produisent pas leurs œuvres au cœur des batailles qu’ils chérissent tant.

    Cette élégante dame est certainement bien à l’abri si on la compare aux image des vrais journalistes de terrain qui dans le Donbass filment un grand nombre de personnes ayant perdu leurs dents effet d’un manque de soins élémentaires dans une société moderne et juste. Images crues sans artifices, brutes, vraies.

    Quelle esthétique trouvent ils dans le mollet percé d’une jeune adolescente victime d’un tir de sniper nazi ou d’une enfant brûlée au napalm au Vietnam ?

    Quel contraste avec ces corps noirs ou démembrés abandonnés depuis des jours dans les villes occupées par ces nazis, ces personnes mortes dans les caves faute de soins à qui on refuser même une sépulture, se soldat qui va mourir en souffrant loin de tout dans le froid et la boue, ça c’est la réalité de la guerre et pas cette immonde mise en scène.

    De cette saloperie ce magazine va gagner de l’argent, magazine qui fait parti d’un ensemble plus grand tout aussi répugnant, cynique et menteur, la bourgeoisie dans son ensemble des gros aux petits dont font part bien des cadres, petits exploiteurs, ceux qui manient partout la shlague parfois avec le sourire ; ils remplissent nos assemblées soit disant démocratiques et seront bien servis pour les basses œuvres fascistes.

    Ils sont pire que des animaux eux au moins ne mettent à mort que pour leur survie.

    Cet esthétisme fasciste montre bien la distance qui sépare les peuples de ces voleurs et criminels, c’est ainsi qu’ils devraient être nommés, qui ose encore ?

    C’est au nom de la liberté que ces criminels assassinent par millions, provoquent des génocides, persécutent dépensent des fortunes dans des œuvres d’art de sang, de sueur et de misère.

    Nous sommes si loin de l’esthétique soviétique qui avait pour sujet l’ouvrier, la paysanne, le scientifique, l’aviateur et le cosmonaute, le progrès, la justice, la paix et l’amitié.

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  • SMILEY
    SMILEY

    Mais qui lit VOGUE ? Des femmes PDG ou à fort pouvoir d’achat, si du moins elles ont le temps de lire, des femmes de PDG, et puis des professionnels de la mode. Inquiétons nous plutôt de ‘20 minutes’ qui touche quotidiennement les larges masses tout comme le journal de TF1 même sans JP Pernaut.
    L’historien Zeev Sternhell dit que le fascisme vient de la gauche. Je ne sais pas. Mais la remise en selle de l’esthétique nazie dans les années 70-80 oui elle est venue de la gauche et des ‘rebelles’ :  Lila Cavani, Visconti dont il est fait grand cas ici, mais aussi Gainsbourg, Bazooka, les Stones, et le mouvement punk, chacun agitant sa petite croix gammée. Je ne mets pas les hell’s  angels dans ce sac, eux sont des nazis assumés mais au cinéma c’était Peter Fonda leur chef , le frère de Jane et le fils d Henry ..Dans les boites gay la casquette SS se portait  bien.  
    Tout ceci a fait vendre des harley davidson et beaucoup de cuir noir c est toujours ça d’écoulé. Et qu on ne nous parle pas de second degré. Le second degré c est aussi un niveau de passage à tabac.
    Alors VOGUE..
    L’ armée russe va prendre Sloviansk.

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    • admin5319
      admin5319

      je crois cher françois qu tu sois un peu au ras des paquerettes et c’est dommage pour un homme intelligent de ne rien comprendre ni à Walter Benjamin, ni à d’autres auteurs… et à ce qui se joue dans l’esthétique de la guerre y compris avec les super héros et tom cruise… et la propagande glamour…

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      • etoilerouge
        etoilerouge

        Et si au lieu de nous diviser on se rassemblait? Car enfin si vogue est porteur d’esthetisation du fascisme cela empeche-t-il que TF1 et BFM ou d’autres fassent de même ? Il n’y a pas là de vraie divergence. J’avoue y apprendre en tt ças cette réflexion profonde , que je ne connaissais pas et dite de manière si concentrée de w Benjamin. C’est le point fort de ce texte de Danielle qui fait comprendre l’ampleur de la mystification . Et s’applique à d’autres.

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      • Smiley
        Smiley

        Moi j’aime les photos de l’ opération spéciale… le soldat russe avec son chaton blanc sur l épaule ..Le tank avec Z
        …La cavalerie rouge de Malevitch…Le ballet Le détachement féminin rouge. ..
        L esthétique guerrière… delacroix gericault… c est si beau même au ras des pâquerettes

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        • admin5319
          admin5319

          voilà smiley tu as compris, les photos venant de Russie, de l’opération spéciale décrivent des ête humains fatigués, cherchant la pause du combat et
          pas la pose du recrutement. Regarde-les, toi qui a eu des doutes légitimes sur la nécessité de cette intervention, il ne sont pas l’estétisation de la guerre mais une réflexion sur la guerre, sur la relation techniques d’armements et corps humains. Comme Visconti nous invite à nous pencher sur la fascination du le fascisme et son esthétisation automutiliation y compris au coeur du désir sexuel. Et Etoile rouge a bien compris que LCI BMTV quand il nous met en scène la retape de blondes et charmantes créatures venant nous parler de leurs maris, héros supposés de Marioupol, que l’on retrouve sur les réseaux sociaux en train de faire le salut nazi et étaler des croix gammées, cela veut dire des enjeux différents. Ce n’est pas seulement Vogue qui est dans cette mode-là, c’est tout le contexte médiatique. Simplement Vogue, qui exhibe les moeurs de la classe dominante, prétend nous en faire rêver, comme les dieux, les inaccessibles, les fétiches du capital dont nous serions les créatures, nous invite au culte, à la marchandisation religieuse de “leur” beauté. Zelenski avant ce reportage a joué le même petit jeu et la plupart de ses photos jouent à la BHL, comme l’eurovision a été une mise en scène sans parler du festival de Cannes, nous sommes dans l’ère de la “reproduction” de masse du chef d’oeuvre explique Walter Benjamin ce qui change la donne. Pasolini ira plus loin, le fascisme dit-il n’a pas entamé la résistance populaire, le consumérisme l’aliène, par la soumission aux pmoeurs de “l’élite”. Dans cette propagande reproductible, celle de l’image, il faut jouer le héros du bien face au mal, éviter de comprendre pour susciter l’émotion, le consensus de la guerre c’est ce qu’explique Walter Benjamin avec beaucoup de justesse.
          Alors qu’au moins les communistes du KPRF disent leur refus de la diabolisation, les ukrainiens sont des victimes comme les Russes et même Lavrov défend ce refus de la diabolisation, il reste un diplomate à qui on interdit la négociation mais qui la recherhce.Ce n’est pas le cas de Zelensky qui depuis le début torpille toute négociation et appelle à la poursuite de la guerrs, exige des armes et des milliards y compris en venant dans chaque pays expliquer qu’il s’agit de la même cause que celle qui est à l’origine de leurs consensus nationaux, quitte à provoquer le refus de la knesset quand il identifie Ukraine et shoah. Les israéliens savent à qui ils ont affaire et ils savent la comlexité de la situation y compris au Moyen Orient. N’oubliez pas que la seule fois où Israël a fait défaut aux USA c’est quand il a s’agi de condamner l’invasion de la Crimée à l’ONU. Les dirigeants ukrainiens ont non seulement un narratif mais aussi une mise en scène particulière qui joue la guerre, comme les négociateurs du début de la guerre, fausses négociations avec des délégués débraillés, ceux qui ne l’étaient pas et restaient dans les codes diplomatiques ont été assassinés par les radicaux ukrainiens. Alors qu’ils ne sont pas sur le front, ils inventent y être comme BHL et ses parodies toujours au profit de l’OTAN; quitte à les faire passer pour la défense des juifs martyrisés par les nazis, jouer esthétiquement sur les analogies, on retrouve tout cela dans le reportage de Vogue et avec une perfection qui en magnifie le sens. Les rites humains et leurs représentations ont un sens et mon amour du cinéma m’aide à les lire…

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