Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

MUNICH ET LE PCF : CRASH HISTORIQUE SUR LCP

CHRONIQUE

De la falsification historique pour entretenir l’idée de l’identité entre communisme et fascisme y compris dans la chaîne parlementaire. On en finit pas d’imposer des contre-vérités en invitant des escrocs d’extrême droite, un dernier exemple le 27 juin où il a été affirmé sans la moindre contradiction qu’en 1938 les députés communistes auraient voté pour la ratification des accords de Munich.(note de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

C’est un petit flagrant délit d’amnésie historique collective, à l’endroit où on l’attendrait le moins : dans une émission de La Chaîne Parlementaire, en présence de trois historiens. LCP vient de se prendre les pieds dans l’Histoire, sur un sujet hautement polémique : en affirmant faussement, dans un débat diffusé le 27 juin, que les députés communistes, en 1938, ont voté pour la ratification des accords de Munich, accords par lesquels la France et la Grande-Bretagne ont “lâché” la Tchécoslovaquie aux appétits de Hitler. Ces accords sont restés dans l’Histoire comme le symbole de la lâcheté des démocraties face aux totalitarismes.

Ce soir du 27 juin, l’émission DébatDoc diffuse un documentaire, tourné en 2017, sur les collabos pétainistes venus de la gauche. “Aveuglés par leur pacifisme et leur anticommunisme, de nombreux hommes de gauche ont choisi de se rallier à la cause allemande” résume l’introduction. Plusieurs trajectoires individuelles de figures collabos ex-de gauche (Jacques Doriot, Marcel Déat, etc) sont ainsi retracées. Cette soirée fait suite à une autre, le 20 juin, sur le thème des… résistants d’extrême droite. Collabos de gauche, résistants d’extrême droite : ne l’oublions pas, rappelle l’introduction de la première émission, “l’histoire est complexe”.

S’ensuit, le 27 juin, un débat animé par le journaliste Jean-Pierre Gratien. Dans le fil de la discussion, on revient aux accords de Munich, en 1938. Et c’est le crash. Fabrice Grenard, directeur du département recherche de la Fondation de la Résistance : “Tout le monde a été quasiment munichois, en dehors de trois ou quatre députés qui votent contre. 500 000 Parisiens se réunissent sur les Champs-Élysées pour approuver le choix de Daladier…”undefined

“Les communistes ne votent pas contre…”

Extrait émission DébatDoc, LCP, 27 juin 2022

 01 m 21

L’animateur Gratien, soulignant le propos : “Les communistes ne votent pas contre, hein, ils votent…” Il semble chercher du secours autour de lui. Olivier Dard, biographe de Charles Maurras : “Non, ils ne votent pas contre, bien sûr”. Troisième historienne présente sur le plateau, Alya Aglan reste silencieuse. Ainsi est diffusée, sur La Chaîne Parlementaire, en présence de trois historiens spécialistes de la période, une magnifique calomnie historique : oui, les 73 députés communistes, le 4 octobre 1938, ont bel et bien voté contre la ratification des accords de Munich, qui “lâchaient” la Tchécoslovaquie à Hitler. La Une de L’Huma du 5 octobre 1938 est assez éloquente.

“Le honteux diktat de Munich”

L’Humanité, 5 octobre 1938

Interpellé par mail par l’historienne de gauche Annie Lacroix-Riz quelques jours après l’émission, Gratien reconnaît : Après une première vérification, le site de l’Assemblée nationale semble effectivement indéniablement faire foi sur le vote des communistes concernant les accords de Munich”. Alors, si même le site de l’Assemblée le reconnaît… Et l’animateur ajoute, dans un premier temps : “En cas de rediffusion de ces émissions à l’automne prochain, nous prendrons soin, après une ultime vérification factuelle (sic), de revoir ce passage du débat, en procédant, si cela le nécessite, à un remontage”. Plus clairement, le président de LCP Bertrand Delais, lui aussi interpellé (voir son portrait ici), évoque “une erreur malencontreuse et réparée sous mon autorité au plus vite”. Plus radicalement en effet, c’est l’émission entière qui a été supprimée du replay de LCP dans la soirée du 5 juillet. “Dans les trois quarts des chaînes, on n’aurait rien fait, se vante Delais quand je l’appelle quelques heures avant la suppression. Mais sur un sujet parlementaire, nous, on ne peut pas être pris en défaut”.

Comment trois historiens et un journaliste peuvent-ils, dans un débat dans les conditions du direct, laisser passer une telle fake news historique ? “Je me suis appuyé sur les sachants, m’explique Gratien. Je fais trois émissions par semaine, je ne peux pas tout savoir. C’est une faute de carre, mais si vous m’écoutez bien, ma phrase n’est pas affirmative, elle reste un peu en l’air”. Alors les “sachants”, justement. Où avaient-ils la tête ? “Je n’ai pas entendu, je réfléchissais aux propos de Pascal Ory, que je venais d’entendre” explique l’historienne Alya Aglan. “Bien entendu, je savais que les communistes avaient voté contre Munich, je l’ai même écrit, rappelle son collègue Fabrice Grenard. Mais à cet instant-là, je suis comme un coureur de cent mètres dans sa ligne, je veux expliquer que Munich faisait consensus à l’époque”. Sauf pour les députés communistes, tout de même ! “Mais est-ce que les électeurs communistes étaient d’accord avec le vote des députés ? Rien ne le prouve”

Plus largement, de quoi cet incident est-il le nom ? Programmée plusieurs mois en amont, cette double soirée de LCP n’a aucun lien avec l’entrée massive de députés RN à l’Assemblée, et ne peut donc être soupçonnée de chercher à complaire à ces nouveaux parlementaires. Mais outre le feu du direct, les historiens n’ont-ils pas été emportés par un certain confusionnisme anti “historiquement correct” des deux émissions, mettant l’accent sur les résistants d’extrême droite et les collabos de gauche ? “C’est vrai, à trop vouloir renverser le discours mémoriel de la fin de la guerre, on devient caricatural”, reconnaît Grenard.

 Incompréhensible de la part d’historiens comme Grenard ou Aglan, la fake news est beaucoup moins étonnante de la part du troisième invité du débat, Olivier Dard, auteur d’une biographie du polémiste Charles Maurras, gourou de l’Action Française, minimisant singulièrement son antisémitisme. En 2018, Dard avait aussi rédigé une fiche biographique du même Charles Maurras prévue pour figurer dans le “grand livre des commémorations” de l’année, sous l’autorité du ministère de la Culture, et dans laquelle ne figurait même pas le mot “antisémite”. Après que plusieurs personnalités se sont émues de cette réhabilitation rampante, le polémiste antisémite avait été écarté des commémorations officielles de 2018. Interrogé sur France Culture par Guillaume Erner sur les causes de cet “oubli”, Dard n’avait eu que cette réponse “Ben écoutez, je ne sais pas”.  Ce qui ne l’empêche nullement de continuer à être régulièrement invité sur des plateaux de l’audiovisuel public, pour évoquer les collabos… de gauche.

Je n’ai pas réussi à joindre Olivier Dard dans les délais impartis.

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