Histoire et société

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Comaguer : Le nouveau code de la famille à Cuba, voici la voie à suivre

Rendons hommage au quotidien italien en ligne CONTROPIANO qui publie sous ce titre un article sur le nouveau code de la famille à Cuba. Il permet à tous ceux qui ne se tiennent pas régulièrement au courant de l’actualité cubaine de découvrir la capacité de ce petit pays courageux à ouvrir des voies progressistes en faveur de la fraternisation de la communauté humaine. Pensons aux médecins et soignants cubains portant secours partout dans le monde, pensons aux enfants de Tchernobyl soignés à Cuba, pensons à la mise au point et à l’exportation des vaccins cubains contre le Covid 19.

Donner à connaitre le code de la famille cubain au moment où il est de bon ton de se lamenter sur les décisions réactionnaires de la cour suprême des Etats-Unis nous a paru salutaire. C’est en de pareils moments qu’il faut détourner le regard obsessionnel que « l’Occident » de Londres à Tokyo en passant par Paris porte sur le grand frère étasunien (Big Brother). Oui, il faut détourner le regard d‘un pays qui, quoi qu’il prétende, n’est par un phare éclairant la marche de l’humanité vers la paix et le progrès. C’est au contraire un pays qui ne respecte pas les traités internationaux quand il les signe (exemple interdiction des armes biologique et chimiques), un pays qui est un maniaque des armes : les grosses, le nucléaire à Hiroshima et Nagasaki, le napalm au Vietnam, l’uranium appauvri sur l’Irak et la Serbie et ainsi de suite, les petites pour alimenter les coups d’état à l’étranger ou les tueries dans les écoles locales, un pays qui s’est construit en éliminant ses habitants d’origine, un narco-pays qui contrôle le marché mondial des drogues, un pays qui entretient le plus gros système carcéral de la planète.

On ne peut que souhaiter que se lèvent et s’organisent dans ce pays des forces politiques et sociales qui lui permettront de sortir du rôle permanent et de moins en moins crédible de donneur de leçons aux mains très sales et de susciter dans l’ensemble de la communauté humaine le respect plutôt que la crainte.

Donc au lieu de broyer inutilement du noir sur la Cour Suprême, sur ses vaticinations et sur son rôle sans contrôle dans l’interprétation de textes vieux de deux siècles, comme sur la dictature de Wall Street ou sur le complexe militaro-industriel, tous problèmes dont la solution est d’abord entre les mains du peuple des Etats-Unis, observons les progrès humains qui s’élaborent dans la petite ile malgré 60 années d’un blocus mortifère.

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Le nouveau code de la famille à Cuba, voici la voie à suivre

Cristina Re | Contropiano

20/06/22

(traduction Comaguer)

Le grand changement que Cuba a connu avec l’approbation de la nouvelle Constitution en 2019 jetait déjà les bases d’une transformation d’avant-garde au niveau international également sur les questions de l’égalité des sexes, de la violence sexiste, du travail de soin et de la transformation du concept de la famille.

En effet, par exemple, l’article 43 stipule que l’État doit garantir aux femmes “l’exercice de leurs droits sexuels et reproductifs, les protéger de la violence fondée sur le genre dans toutes ses manifestations”.

L’article 81 reconnaît que “toute personne a le droit de fonder une famille”, que ce soit par des “liens juridiques, de fait ou affectifs”.

Toutefois, compte tenu du grand débat qui s’était engagé sur toute une série de questions connexes, il a été indiqué dans la onzième disposition transitoire qu’il était nécessaire d’entamer un processus de consultation populaire pour rédiger un nouveau code de la famille qui remplacerait celui en vigueur depuis 1976.

Cet impressionnant processus de consultation populaire touche à sa fin, et il appartient maintenant à l’Assemblée Populaire (le Parlement cubain) de réorganiser le projet et de fixer une date pour le référendum, probablement d’ici la fin de l’année, qui le transformera en loi (le code existant de 1976 avait également été soumis à référendum à l’époque).

Étant donné le silence total sous nos latitudes sur ce projet révolutionnaire, et étant donné qu’à l’heure actuelle les institutions et les multinationales tentent hypocritement de se prétendre progressistes sur ces mêmes questions, il peut être intéressant de se pencher sur l’expérience communiste cubaine, qui nous donne un autre exemple à suivre, tant sur le plan de la méthode que sur celui du mérite.

Une méthode révolutionnaire

Comme nous l’avons déjà mentionné, le processus d’écriture du nouveau code de la famille a commencé avec le processus d’écriture de la nouvelle constitution, qui représente déjà un cas unique dans la méthode de consultation et de débat populaire. Toutefois, comme il n’a pas été possible d’intégrer dans la Constitution tous les souhaits et toutes les demandes de la population, la rédaction d’un nouveau “Code de la Famille”, séparé, a été reportée à une date ultérieure.

Après une longue période de consultation, que nous allons essayer de résumer brièvement ici, le titre a été modifié en “Code des familles”, afin de “refléter les relations personnelles dans toute leur diversité “.

Ce n’est pas un hasard si le nouveau « Code des familles » a été salué par le président cubain Miguel Diaz-Canel Bermudez en déclarant que « Cette loi sera non seulement nécessaire et digne mais construite par les Cubains »

La dernière version sur laquelle on travaille en vue du référendum est la 25°version, après que la 24° ait été rendue publique le 12 janvier 2022 sur le site du ministère de la justice dans le but de la soumettre à une consultation populaire du 1er février au 30 avril 2022.

Depuis février, 79 000 réunions populaires ont été organisées dans tout le pays pour discuter du projet, auxquelles 6,5 millions de Cubains ont participé. Selon les informations fournies par le responsable de la justice, le processus de consultation populaire a permis de recueillir 336 595 interventions d’électeurs et 434 000 propositions.

“Comme d’habitude, le projet a été évalué article par article, paragraphe par paragraphe, avec le plus de détails possible, afin qu’aucune opinion ne soit laissée de côté”, a ajouté M. Diaz-Canel.

Dans l’accompagnement de ce débat passionné, auquel s’est également opposée la partie la plus conservatrice de la population, un rôle central a été joué par le travail de communication réalisé notamment par le programme télévisé “Familia”.

Ce programme de 30 minutes, diffusé une fois par semaine, visait non seulement à promouvoir la pleine connaissance du contenu du nouveau code, en soulignant sa conception profondément humaniste et son caractère avancé, mais aussi à rendre visible la composition diverse, hétérogène et complexe qui caractérise déjà les familles cubaines aujourd’hui.

Ce vaste processus de consultation et de communication, auquel s’ajoute le processus éducatif mené depuis des décennies par le Centre National d’Education Sexuelle (CENESEX), dirigé par Mariela Castro, la fille de Raul, a donné naissance à un code véritablement unique et avancé par rapport au reste du monde.

Un contenu révolutionnaire

Le nouveau code de la famille va bien au-delà du mariage homosexuel, de la possibilité d’adoption par des couples de même sexe ou de la gestation pour autrui à but non lucratif, et représente une véritable avant-garde au niveau international.

Le document aborde en effet de nombreux sujets tels que l’union affective, les familles multiparentales, la responsabilité parentale, l’adoption, la gestation conjointe, la discrimination et la violence au sein de la famille, la répartition du travail d’assistance et l’affiliation assistée. Certains de ces thèmes seront explorés ici, en se référant au texte pour plus de détails.

Le premier thème intéressant des Dispositions préliminaires est qu’elles reconnaissent le droit des personnes à “la pleine égalité entre les femmes et les hommes, la répartition équitable du temps consacré aux travaux domestiques et aux soins entre tous les membres de la famille, sans surcharge pour aucun d’entre eux, et le respect du droit des couples de décider s’ils souhaitent avoir des enfants, ainsi que le nombre d’enfants et le moment de leur naissance, tout en réservant le droit des femmes de décider de leur propre corps” (art. 4).

L’article 13 reconnaît que “la violence familiale s’exprime à partir de l’inégalité hiérarchique au sein de la famille” et qu’elle “inclut ce qui se passe contre les femmes et d’autres personnes, sur la base du sexe, contre les enfants et les adolescents, contre les personnes âgées et contre les personnes handicapées”.

L’ensemble du code comprend ensuite un certain nombre de mesures visant à briser cette hiérarchie, qu’il s’agisse de sanctionner ou de renforcer les droits des enfants, des femmes, des personnes âgées et des personnes handicapées. Par exemple, à l’article 132, elle reconnaît “la valeur des contributions indirectes, y compris celles de nature non financière, à l’acquisition des biens accumulés pendant le mariage, de sorte que le travail domestique et les soins peuvent être comptés comme une contribution à la charge”.

Dans l’article 197, le mariage est reconnu comme une union volontaire entre deux personnes (rendant ainsi possible non seulement le mariage hétérosexuel) et représentant “une des formes d’organisation de la famille”.

En effet, sont reconnues comme autres formes de constitution de la famille, outre le mariage (art. 17-21) : “la filiation quelle que soit son origine ou la manière dont elle a été déterminée”, y compris les techniques de procréation assistée et l’adoption ; l’union affective de fait ; ou la “parenté socio-affective”, qui doit être reconnue par un tribunal comme une union entre des personnes (pas nécessairement deux) qui ont agi de facto comme des parents affectifs et qui sont liées affectivement par une relation stable et durable dans le temps.

Il est alors reconnu qu’il est possible d’avoir plus de deux parents, c’est la “multiparentalité”, soit par des causes originelles, soit par des causes secondaires. Parmi ces dernières figure la parenté socio-affective, c’est-à-dire la présence d’un lien familial socio-affectif connu et stable, indépendamment du lien biologique (art. 56-57).

Les articles 128 à 132 réglementent ensuite la “gestation solidaire”, qui “se produit lorsqu’une femme, autre que celle qui souhaite assumer la maternité, porte dans son sein, pour des raisons altruistes ou étrangères à toute rémunération monétaire ou mercantile, la fille ou le fils de la ou des personnes qui souhaitent assumer la maternité ou la paternité”.

Enfin, autre nouveauté intéressante, le concept d'”autorité parentale” est supprimé et celui de “responsabilité parentale” est introduit (article 5). Le changement de terme sert à remplacer une ancienne conception qui comprend la maternité et la paternité comme une possession et la remplacer par une vision dans laquelle elle les voit plutôt comme des rôles qui portent une responsabilité dont l’objectif est d’éduquer les enfants à être indépendants suivant le “libre développement de la personnalité”.

Conclusions

Ces dernières années, et plus particulièrement lors du 8 mars ou du mois des fiertés (Pride), les institutions les plus réactionnaires et les entreprises les plus impitoyables ont tenté de rétablir une légitimité de façade en participant à un événement quelconque ou en faisant la promotion d’un gadget rose ou aux couleurs de l’arc-en-ciel.

Dans leur récit, seul le système capitaliste et en particulier l’Occident est un lieu de liberté et d’émancipation. Dans la pratique, cependant, nous constatons quotidiennement que ce système économico-social n’est que le porteur de conditions de travail indignes, d’instabilité économique, de dévastation environnementale, de maladies, de violence et de guerre.

Même les quelques droits civils acquis par les luttes des années passées ne sont pas protégés, mais sont continuellement attaqués.

Face à ce scénario, Cuba nous donne une autre leçon. Le code des familles qui est en discussion depuis quelques mois et qui devrait être approuvé par référendum dans l’année est un exemple de pertinence internationale tant sur le plan de la méthode que du fond.

Dans cet article, nous avons essayé de mettre en évidence les principaux apports, mais nous devons garder à l’esprit que ces avancées n’auraient pas été possibles si, il y a 60 ans, les barbudos ne s’étaient pas organisés pour faire une révolution communiste dans le pays et si, depuis lors, avec persévérance et sacrifice, le peuple cubain n’avait pas mené à bien ce projet révolutionnaire.

Les communistes ne peuvent que prendre exemple et apprendre, une fois encore, de Cuba : ce n’est qu’en éliminant l’exploitation de l’homme sur l’homme et la nature, c’est-à-dire le système capitaliste, que nous pourrons réellement atteindre l’égalité et la liberté, de manière substantielle et pas seulement dans leur proclamation devant les caméras.

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2 Commentaires

  • C. L.
    C. L.

    La voie à suivre est celle du socialisme dans un seul pays. Cette ligne politique fait l’objet de commentaires tout à fait pertinents en ce moment sur ce blog. Elle prévaut à Cuba : seul pays d’Amérique à avoir une constitution fondée sur le marxisme-léninisme, il n’entend pas généraliser son régime aux autres pays par une action orchestrée depuis son territoire et ses ambassades. Il espère qu’ils choisiront le socialisme mais il ne s’ingère pas dans leurs affaires intérieures, lesquelles sont du ressort de leur souveraineté, qu’il respecte.

    A l’échelle du continent, la tendance est plutôt à la voie social-démocrate, pour les Etats dirigés par des partis de gauche. Cela peut changer. Le régime cubain, pour l’instant exceptionnel, sera-t-il à terme un modèle pour tous les pays ?

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  • libre8886
    libre8886

    Le peuple cubain,à bien des égards,force l’admiration.Dans ce pays on ne se contente pas de gesticulations et de proclamations d’intentions:on fait,on agit,on construit.
    Il est certain que les Cubains vont dans le bon sens,vous avez raison.
    Merci de ce très instructif article qui va au-delà des clichés véhiculés par une presse souvent mal intentionnée à l’égard des pays qui résistent à l’impérialisme américain.

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