Si l’article montre que les “sanctions” ont assaini la situation du rouble, la conclusion est néanmoins que puisque ce rouble ne peut pas être utilisé à l’étranger pour des voyages ou des dépenses à l’étranger, des importations, sa valeur “utile” a diminué donc les sanctions bien évidemment nuisibles aux pays qui les émettent (faisant monter le prix de l’énergie) jouent leur rôle. Certes mais il semble que ce soient ceux qui voyagent, dépensent qui sont les premiers sanctionnés et que cela doive se traduire par des échanges accrus avec la Chine, et les autres continents qui peuvent renforcer l’économie réelle. C’est la reconversion de l’économie proposée par le KPRF dans d’autres articles aujourd’hui. (note et traduction de Danielle Bleitrach)
DECRYPTAGE. Le maintien à des niveaux élevés du prix du pétrole ainsi que les réactions de Moscou aux mesures occidentales soutiennent le cours du rouble. Par Kirill Shakhnov, University of Surrey
Juste après que la Russie ait envahi l’Ukraine et a été frappée par les sanctions occidentales, le cours du rouble s’est effondré. Alors, la quantité nécessaire pour acquérir un dollar américain est rapidement passé d’environ 78 à 138.
Depuis, les sanctions se sont renforcées et la guerre semble désormais loin de son dénouement. Pourtant, la devise russe a connu une évolution inattendue. Alors que de nombreux spécialistes pensaient que le rouble s’affaiblirait encore, il est aujourd’hui plus fort qu’au début de la guerre. Le dollar américain vaut en effet environ 57 roubles, soit un taux de change jamais vu depuis environ quatre ans.
Cours du dollar américain par rapport au rouble
Quelle est la raison de cette évolution et que peut-on en déduire pour l’avenir ?
Le rouble avant la guerre
Pour le comprendre, il faut d’abord revenir sur le contexte. Le taux de change de la monnaie d’un pays est déterminé par les flux des capitaux et les échanges commerciaux : en d’autres termes, les sommes d’argent qui entrent et sortent du pays, ainsi que la différence de valeur entre les exportations et les importations. Pour le rouble, les échanges commerciaux sont souvent plus importants parce que la Russie est un grand exportateur de pétrole.
Le prix du pétrole, comme le montre le graphique ci-dessous, est lié au rouble : lorsque le prix du pétrole augmente, la devise russe se renforce. Le prix du pétrole reste globalement en hausse depuis le premier semestre 2020, ce qui a profité au rouble à l’approche de la guerre. Cependant, le cours de la devise russe n’a pas augmenté autant que d’habitude lorsque le pétrole est fort – c’est pourquoi les deux lignes du graphique ci-dessous sont moins synchronisées depuis.
Cours du rouble et du pétrole
Cours du baril de Brent brut = bleu ; valeur du rouble par rapport au dollar américain = turquoise.
Cela est sans doute dû à l’évolution des entrées de capitaux, en particulier concernant la dette publique russe. En mars 2020, la part des investisseurs étrangers (non-résidents) détenant des obligations d’État russes avait atteint un record historique de 35 %. Depuis, cette proportion était retombée à 18 % en deux ans en raison de la modification des règles fiscales.
En effet, les intérêts sur les obligations d’État russes étaient exemptés d’impôts pour les investisseurs étrangers jusqu’à ce que la loi du 31 mars 2020 les contraignent à payer 30 % à partir du 1er janvier 2021. Après cette annonce, les investisseurs étrangers ont en conséquence commencé à vendre leurs obligations et le rouble a commencé à chuter.
Cela explique pourquoi le rouble est resté globalement stable entre mars 2020 et l’invasion, les ventes d’obligations d’État ayant plus que compensé l’effet du prix élevé du pétrole (voir la courbe bleue des obligations dans le graphique ci-dessous). Pour résumer, cette vente des obligations a été un boulet pour le rouble, entraîné plus bas qu’il ne l’aurait été en temps normal. Aujourd’hui, cet effet semble s’être atténué, engageant le rouble dans une dynamique haussière, comme le prix du pétrole reste élevé.
Cours du rouble, du pétrole, et des obligations d’État russes
Prix du brent (en dollars américains) = orange ; valeur du rouble par rapport au dollar américain = turquoise ; RGBI (indice des obligations d’État russes) = bleu. Trading View
Le rouble après l’invasion
Lorsque le rouble est tombé à 138 pour un dollar américain dans les jours qui ont suivi l’invasion du 21 février, il s’agissait de son plus bas niveau historique. Le 24 février, la Banque centrale de Russie a annoncé plusieurs mesures pour soutenir la monnaie. Elle a par exemple interdit les opérations sur marge, c’est-à-dire les opérations de placements réalisés avec de l’argent emprunté plutôt qu’avec des fonds disponibles.
La banque centrale a également utilisé ses réserves de change pour acheter des roubles sur les marchés des devises et soutenir ainsi sa valeur. Malgré tout, le rouble a continué de chuter, ce qui laisse penser que ces mesures n’étaient pas suffisantes.
Cette chute s’explique notamment par une série de sanctions occidentales – incluant le gel, le 27 février, de 60 % des 643 milliards de dollars des réserves internationales de la Russie. Ces mesures étaient à la fois inattendues et apparaissent à ce jour comme sans doute les plus sévères de l’histoire. Les sanctions ont en effet fortement entravé la banque centrale russe dans l’accès à ses actifs à l’étranger et dans sa capacité à soutenir le rouble.
La banque centrale a réagi le 28 février en prenant une nouvelle série de mesures, parmi lesquelles une forte augmentation du taux d’intérêt global russe, de 9,5 % à 20 %, ou encore des limitations à 10 000 dollars (9 571 euros) par mois pour les transferts effectués par les résidents vers des comptes bancaires à l’étranger et pour les retraits en devises étrangères.
Un mois plus tard, le président russe Vladimir Poutine a également signé un décret spécial exigeant que les « pays inamicaux » paient le gaz russe en roubles.
L’explication de la hausse du rouble
L’une des raisons pour lesquelles le rouble s’est renforcé réside justement dans ces restrictions imposées aux opérations sur marge et aux investisseurs étrangers, ce qui a réduit fortement les volumes d’échanges que d’habitude.
Toutefois, d’autres facteurs indépendants de la banque centrale russe ont également joué un rôle. Le prix du pétrole est resté élevé. Après avoir plongé de 130 dollars américains par baril de Brent à la mi-mars à environ 100 dollars américains quelques semaines plus tard, le cours est depuis remonté à environ 120 dollars américains.
Les importations de la Russie ont également été freinées par l’exode des entreprises étrangères et les sanctions occidentales. Cela a fait grimper l’excédent de la balance courante (la différence entre flux monétaires entrants et sortants) à un maximum historique, ce qui renforce la monnaie.
Ce déséquilibre commercial va probablement se poursuivre pendant un certain temps, ce qui peut constituer l’une des raisons pour lesquelles la Russie a assoupli certaines des restrictions faites en février-mars. Le taux d’intérêt global est maintenant redescendu à 9,5 %, le même niveau qu’au début de l’invasion. Les opérations sur marge sont à nouveau autorisées, les résidents peuvent désormais transférer jusqu’à 50 000 dollars par mois sur des comptes bancaires étrangers.
En d’autres termes, les sanctions occidentales ont permis à la Russie de retrouver une situation financière plus normale. Si cela vous paraît être douloureusement ironique, rassurez-vous : les sanctions compliquent fortement la dépense de ces roubles relativement forts par les Russes, que ce soit pour des importations ou à l’étranger en raison des restrictions de voyage.
Ainsi, bien que la monnaie ait conservé sa valeur, son utilité s’est fortement affaiblie. Par conséquent, on peut affirmer que les sanctions occidentales remplissent effectivement leur rôle punitif à l’encontre de la Russie.https://counter.theconversation.com/content/185049/count.gif?distributor=republish-lightbox-advanced_______
Par Kirill Shakhnov, Lecturer in Economics, University of Surrey.
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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