Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Youri Afonine au Forum économique de Saint-Pétersbourg : seul le programme du KPRF peut mettre le pays sur la voie du développement économique

Depuis le 24 février les conditions économiques et géostratégiques ont radicalement changé et pourtant les hauts fonctionnaires, le gouvernement de Poutine continuent à s’accrocher aux dogmes néo-libéraux importés de l’occident désormais totalement hostile à la Russie. Les communistes russes dont une importante délégation est présente au FORUM de SAINT PETERSBOURG dit ici ce qui est désormais le leitmotiv du KPRF: “la patrie en danger a besoin d’aller jusqu’au bout du choix de résistance et de souveraineté en s’appuyant sur les besoins populaires t pas sur la préservation des profits de la 5e colonne des oligarques”. (note de Danielle Bleitrach et traduction de Marianne Dunlop pour histoireetsociete)

https://kprf.ru/party-live/cknews/211456.html

Une délégation du KPRF conduite par le leader du parti, Guennadi Ziouganov, participe au 25e Forum économique international de Saint-Pétersbourg (SPIEF). Le premier vice-président du comité central, Youri Afonine, a commenté le déroulement de l’événement. La principale conclusion est décevante : les principaux représentants du bloc financier et économique des autorités russes actuelles continuent de s’accrocher aux dogmes libéraux-monétaristes.

Le Forum 2022 revêt une importance particulière. Les dirigeants d’entreprise et les chefs d’entreprise russes réunis là doivent donner une réponse : comment envisagent-ils la survie et le développement de l’État face à des sanctions antirusses d’une ampleur sans précédent, qui écartent notre pays de l’économie mondiale, brisant les chaînes logistiques et technologiques ?

Nous avions espéré entendre la réponse à cette question dans les discours des hauts fonctionnaires directement responsables de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique financière et économique. Il s’agit tout d’abord du gouverneur de la Banque de Russie, Elvira Nabiullina, du ministre des finances, Anatoly Siluanov, et du ministre du développement économique, Maxime Reshetnikov.

Lors du forum, les dirigeants du bloc financier et économique l’ont reconnu : en 2022, le monde a changé de manière irréversible. Elvira Nabiullina l’a formulé ainsi : les conditions extérieures de l’économie russe, qui ont changé sur fond des événements en Ukraine et des sanctions occidentales qui en ont découlé, pourraient rester pour toujours. On peut espérer qu’il ne s’agit pas d’un slogan, que les principaux dirigeants russes ont effectivement convenu en interne qu’il ne peut y avoir de retour au monde d’avant le 24 février et qu’ils doivent apprendre à fonctionner dans une réalité radicalement différente.

Il est également encourageant de constater que ces cadres parlent de choses qu’ils préféraient ne pas voir auparavant. Mme Nabiullina a souligné que la place qu’occupe désormais la Russie dans la division internationale du travail lui est défavorable. Après l’imposition des sanctions, nous vendons nos exportations de produits de base essentiellement à un prix très réduit et nous achetons les produits importés avec une majoration énorme. Et Siluanov a admis que la mondialisation dans laquelle la Fédération de Russie est entrée ne s’est pas avérée si confortable pour notre pays. On ne peut que s’étonner que ces personnes, qui ont étudié dans les universités soviétiques où, entre autres, on leur a enseigné la théorie léniniste de l’impérialisme, ne se soient pas rendu compte auparavant que la division internationale du travail sous le capitalisme est entachée de nombreuses injustices et menaces.

En outre, pour la première fois, tous les principaux représentants du bloc financier et économique du gouvernement russe – Nabiullina, Siluanov et Reshetnikov – ont reconnu que les problèmes les plus importants de la Russie sont la pauvreté d’une grande partie de la population et une stratification sociale extrêmement forte.

Des choses ont été proclamées qui ne pouvaient pas être contestées. Par exemple, Mme Nabiullina a déclaré qu’une grande partie de la production nationale devait être destinée au marché intérieur. Il est donc nécessaire de développer l’industrie de transformation et de produire davantage de produits destinés à la consommation. Il est toutefois dommage que le bloc financier et économique du gouvernement actuel n’ait pas été guidé par cette idée au cours des 20 dernières années, lorsque, en raison des prix élevés des matières premières sur le marché mondial, des milliers de milliards de dollars de revenus provenant des exportations de matières premières ont afflué dans le pays, permettant potentiellement la mise en œuvre de n’importe quel plan de développement industriel.

De manière surprenante, les dirigeants du bloc économique et financier n’ont reconnu AUCUNE de leurs erreurs lors du forum. Et ce, dans un contexte de confiscation de la plupart des réserves financières russes placées dans des actifs occidentaux, dans un contexte de milliers de vulnérabilités économiques et technologiques de notre État, qui ont été révélées ces derniers mois. Il s’avère que tous ces problèmes sont apparus comme par eux-mêmes, alors que la stratégie était censée être la bonne.

Mais l’essentiel est que nous n’avons pas entendu de véritables prescriptions de la part des figures clés du bloc financier et économique pour réussir le développement économique dans l’environnement actuel. Au contraire, nous avons entendu les mêmes vieux mantras libéraux-monétaristes usés sur le rôle absolument prépondérant des entreprises privées et sur la maîtrise de l’inflation comme tâche principale de la politique financière et économique.

Je vais citer un certain nombre de ces déclarations. Maxime Reshetnikov : La tâche de substitution des importations sera résolue principalement par les entreprises privées. Nabiullina : Sans initiative privée, il n’y aura pas de développement technologique, l’État ne peut pas financer efficacement les startups technologiques, car seule une startup sur 20-30 “décolle”, et les agences gouvernementales seront tenues pour responsables du gaspillage de l’argent public. Laissez, disent-ils, les fonds privés de capital-risque faire tout cela. La question est la suivante : comment l’Union soviétique, avec son rôle crucial de l’État dans l’économie, a-t-elle pu mettre en œuvre de nombreux projets de développement de haute technologie tels que l’exploration spatiale, l’énergie nucléaire, une puissante industrie aéronautique, ses propres ordinateurs, etc. Peut-être, messieurs, est-ce le système étatique actuel qui doit être modifié pour pouvoir relever efficacement de tels défis ?

Siluanov a également présenté son habituelle panoplie d’idées libérales. Selon lui, la Russie a aujourd’hui besoin, avant tout, de plus de liberté d’entreprise, de plus de protection de la propriété (c’est-à-dire que les résultats de la privatisation sont sacrés et inviolables ?), de moins d’influence administrative de l’État sur l’économie. Le ministre des finances a également réaffirmé que la rente des ressources naturelles devait être accumulée pendant les années fastes et dépensée pendant les années de vaches maigres, c’est-à-dire qu’il s’est prononcé en faveur du maintien de la politique de la fameuse “règle budgétaire” et des “pelotes” financières, où une partie importante des revenus du pays est déposée au lieu d’être utilisée pour développer l’économie. Et ce, alors que la Russie vient de se voir retirer une grande partie de l’argent accumulé auparavant dans ces “pelotes” !

La déclaration de Mme Elvira Nabiullina selon laquelle nous devrions progressivement supprimer toutes, ou du moins la plupart, des restrictions actuelles sur les flux de capitaux a été frappante. Et pourtant, la fuite des capitaux, qui, même selon les chiffres officiels, se chiffre en dizaines de milliards de dollars par an, est l’un des principaux malheurs de l’économie russe sous le capitalisme. Elvira Sakhypzadovna, suggérez-vous que le pays devrait payer à nouveau ce “tribut” ?

L’initiative suivante du ministre Reshetnikov a également surpris : il s’avère que le ministère du développement économique discute du soutien de l’État aux projets commerciaux russes à l’étranger, et ce soutien pourrait consister en des prêts en devises à des conditions préférentielles. Pour quel résultat ? Le ministère du développement économique ne sait pas comment faire travailler l’argent à l’intérieur du pays ; il veut donc donner une partie des devises reçues par l’État à des particuliers pour qu’ils puissent les emmener à l’étranger et les investir dans des affaires à l’étranger.

Le forum n’a pas été exempt de rhétorique anti-soviétique des hauts responsables du gouvernement russe. Maksime Oreshkin, assistant du président, a littéralement déclaré ce qui suit : “L’économie de l’Union soviétique était inefficace à plus d’un titre, car elle était fermée, non concurrentielle et super-centralisée. Nous savons donc mieux comment surmonter la crise, le modèle soviétique n’est pas notre guide”. M. Oreshkin, l’Union soviétique a surmonté des difficultés que la Fédération de Russie n’a jamais connues. L’Union soviétique a eu la croissance économique la plus rapide de l’histoire mondiale à une époque où le monde capitaliste se débattait dans la Grande Dépression, elle a vaincu économiquement toute l’Europe nazifiée pendant la Seconde Guerre mondiale et, jusqu’à la “perestroïka”, l’économie soviétique progressait plus rapidement que l’économie américaine. Il s’ensuit que l’économie soviétique était beaucoup plus “compétitive” à l’échelle mondiale. La centralisation, qui vous semble être un vice, a en revanche été la plus grande vertu du système soviétique, qui a permis le développement planifié du pays et la concentration des ressources pour répondre à ce moment crucial de l’histoire. L’économie soviétique n’a jamais été “fermée”. Mais l’avantage de l’URSS était qu’elle développait des relations économiques principalement avec des États amis, plutôt qu’hostiles (vous avez, je crois, déjà compris le risque d’une “amitié” économique avec des ennemis géostratégiques). Et toute l’activité économique extérieure de l’URSS, contrairement à celle de la Russie capitaliste, était complètement subordonnée aux intérêts de sa propre économie.

Il est surprenant de constater que dans les discours des représentants principaux du bloc économique et financier, l’expression “planification d’État” n’a jamais été prononcée. Le mot “nationalisation” n’a jamais été prononcé, même en ce qui concerne la propriété russe des entreprises occidentales. Mais c’est précisément ce dont le pays a désespérément besoin en ce moment.

Malheureusement, dans l’ensemble, le bloc financier et économique du gouvernement russe a démontré au forum une adhésion aux mêmes politiques libérales-monétaristes qui remontent à Gaïdar et Tchoubaïs, et qui sont maintenant en faillite totale.

Pour sa part, l’équipe du KPRF dirigée par Guennadi Ziouganov utilise l’actuel Forum économique de Saint-Pétersbourg pour promouvoir activement notre programme anti-crise “20 mesures urgentes pour transformer la Russie”.

Nous en sommes profondément convaincus : ce n’est pas “l’initiative privée”, invoquée par les libéraux au gouvernement depuis 30 ans qui sortira la Russie de la situation difficile actuelle, mais une politique économique d’État active, en particulier une planification d’État. Pour mener à bien une telle politique, l’État doit disposer de ressources nettement plus importantes que celles dont il a disposé jusqu’à présent. La part des dépenses publiques dans le PIB du pays a été trop faible, elle a même eu tendance à diminuer. Mais il faut bien comprendre qu’une augmentation radicale des recettes du budget de l’État ne peut tout simplement pas être réalisée sans la nationalisation des secteurs clés de l’économie et du système bancaire. Les entreprises d’État et du peuple doivent devenir l’épine dorsale de la nouvelle économie russe.

Nous sommes convaincus que dans les circonstances actuelles, seule la mise en œuvre de notre programme protégera les travailleurs de malheurs tels que le chômage, la hausse des prix et l’appauvrissement, et nous permettra de construire une économie véritablement souveraine et de mettre le pays sur la voie d’un développement stable. Le Forum de Saint-Pétersbourg montre que les autorités ne sont pas encore prêtes à nous entendre, mais elles devront le faire. La vie elle-même les y forcera.

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