Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

ORSON WELLES

Je partage totalement cet article et les valeurs qu’il défend, le cinéma comme un art de masse ce qui signifiait non pas l’abrutissement et la marchandisation mais au contraire une plus grande exigence. (note de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

PARMON CINÉMA À MOILE  • 

C’est grâce à quelques hommes comme Orson Welles que le cinématographe est resté un art, à une époque où il menaçait de n’être plus qu’une industrie. Souvent incomprise, parfois mutilée, son œuvre demeure aujourd’hui un exemple esthétique et moral pour les créateurs dignes de ce nom.

« Je combats pour un cinéma universel comme un géant dans un monde de nains », a un jour déclaré Orson Welles. Belle formule pour celui qui, selon la légende, dans sa sixième année régnait sur un théâtre de marionnettes et cinq ans plus tard jouait à lui seul tous les rôles du Roi Lear. Ce qui semble certain, c’est que le jeune prodige s’est mesuré très tôt à Shakespeare et qu’il a acquis à sa fréquentation le sens de la grandeur et le goût du travestissement.

Né le 6 mai 1915 à Kenosha, dans le Wisconsin, Orson Welles a pour parents un inventeur farfelu et une pianiste réputée. Après la mort de sa mère, en 1923, il accompagne son père en des voyages lointains. Revenu dans son pays, il s’adonnera dans le cadre scolaire à sa passion pour le théâtre. Fort de son succès dans Jules César, et avec la bénédiction du docteur Bernstein, qui est devenu son tuteur à la mort de son père, en 1930, le jeune Orson part à la conquête d’une des scènes les plus prestigieuses d’Europe, le Gate Theatre de Dublin. Les deux directeurs, Hilton Edwards et Michael MacLiammoir, impressionnés par son aplomb, lui confient le rôle du duc Karl Alexandre (soixante ans !) dans Le juif Süss de Feutchwanger. D’autres interprétations suivront, saluées par la critique. Après un séjour en Espagne et au Maroc consacré à la peinture, Welles aura la désagréable surprise de se voir refuser à Londres un permis de travail et de constater qu’en Amérique, où il se rend ensuite, Broadway n’a pas encore eu vent de ses succès d’outre-Atlantique. Mais la Todd School, son ancienne école, sera ravie de lui confier son enseignement théâtral, et la célèbre comédienne Katharine Cornell de l’accueillir dans. sa compagnie, qui s’apprête à faire une tournée triomphale à travers une trentaine d’États.

Orson Welles avec Agnes Moorehead avec des membres du Mercury Theatre (1938)

Welles rêve alors de mise en scène. Associé à John Houseman, il va donner au Federal Theatre, subventionné par l’État, toute son énergie et son audace. Harlem se souviendra longtemps de son superbe Macbeth joué uniquement par des acteurs noirs et dont l’action est transposée en Haïti. Quand le Federal Theatre cède la place au Mercury Theatre, une entreprise indépendante, Welles est en mesure de financer l’aventure par les cachets que lui procurent ses émissions de radio à la CBS. Avec sa voix grave et musicale, « de phosphore et de velours », comme on a pu l’écrire, extraordinairement souple, Welles a tout de suite conquis les ondes. Il en fera la singulière expérience le 30 octobre 1938, une date demeurée célèbre. En ce soir d’Halloween, Welles a décidé d’adapter La Guerre des mondes de son homonyme H.G. Wells en imaginant un bal retransmis en direct et interrompu par des flashs d’information. Au fil des commentaires, l’« énorme objet lumineux » tombé dans le New Jersey deviendra l’événement du siècle : l’invasion des Martiens. Le ton est si convaincant, le canular si bien monté que le public finit par céder à une gigantesque panique, donnant lieu à des scènes apocalyptiques dont les journaux feront leur une le lendemain. De cette prestation qui a frôlé le désastre, Welles ressortira juridiquement indemne – sa responsabilité a été écartée par avance – et définitivement – célèbre.

LE WONDER BOY À HOLLYWOOD

Il n’est dès lors pas étonnant qu’Hollywood s’intéresse à celui qui allie l’innocence de l’enfant et la puissance du démiurge. L’une des plus prestigieuses Major companies, la RKO, lui propose, par l’intermédiaire de George J. Shaefer, un contrat fabuleux qui lui accorde – ce qui ne s’est jamais vu – les pleins pouvoirs : il y est réalisateur-producteur-auteur-acteur. Loin de songer à une carrière, Orson Welles voit là une occasion inespérée de financer ses créations théâtrales. Son séjour à Los Angeles sera néanmoins profitable. Précédé de sa légende, le « wonder boy » y mène grand train, rend visite à l’exquise Shirley Temple et s’émerveille devant les studios qui s’ouvrent à lui : « C’est le plus beau train électrique qu’un petit garçon ait jamais eu. »

En matière cinématographique, Welles n’a pas grande expérience. En juillet 1934, il a réalisé un court-métrage muet de cinq minutes intitulé The Hearts of Age, où, grimé en vieillard, il interprétait le rôle principal au côté de sa future épouse, Virginia Nicholson. Après Too Much Johnson (1938), tiré de la pièce de William Gillette, Welles travaille avec John Houseman sur une adaptation d’Au cœur des ténèbres (Heart of Darkness) de Joseph Conrad, dont il a donné une version radiophonique pour le Mercury Theatre of the Air. La production, lancée en 1937, sera abandonnée, en partie pour des raisons financières, en partie parce que l’actrice pressentie pour le principal rôle féminin, Dita Parlo, est incarcérée en France comme ressortissante autrichienne. Bernard Eisenschitz a analysé dans le numéro spécial que les Cahiers du cinéma ont consacré à Orson Welles le caractère éminemment novateur de ce film, dans lequel la caméra devait se substituer au personnage de Marlow (Welles en voix off) partant à la recherche du tyran fou Kurtz, incarné par le cinéaste et que l’on retrouvera des années plus tard sous les traits d’un autre monstre sacré, MarIon Brando, dans une autre adaptation célèbre du roman de Conrad, Apocalypse Now de Francis Ford Coppola (1979).

Citizen Kane (1941)

Le rapport complexe entre les images et le son qu’introduisait dans Heart of Darkness l’utilisation de la « caméra subjective » (camera eye) est posé d’emblée dans Citizen Kane (1941), « Le secret de mon travail, c’est que tout est fondé sur la parole », dira Welles. La question que pose le film est la suivante : le secret d’un homme réside-t-il dans son ultime parole ? Ici, « Rosebud » (bouton de rose) le mot que profère avant de mourir, abandonné de tous, Charles Forster Kane (Orson Welles) dans son délirant château-mausolée de Xanadu et dont le reporter Thomson (William Alland) est chargé par son journal de découvrir la signification. L’enquête sur le « super-citoyen » Kane, cet homme éminemment public – qui a eu pour modèle le magnat de la presse William Randolph Hearst – et dont la carrière politique a été brisée par un scandale, va conduire Thomson auprès des personnes qui l’ont le mieux connu, chacune donnera sa version du défunt. Mais le mystère restera entier.

Citizen Kane (1941)

Thomson en tire cette conclusion : « A mon avis, aucun mot ne peut suffire à expliquer la vie d’un homme. (…) Pour moi, Rosebud, ça n’est qu’un morceau d’un puzzle, une pièce manquante. » L’inanité de l’entreprise, qui se termine au milieu de la multitude d’œuvres d’art que Kane a accumulées au cours de sa vie sans même les déballer, était inscrite dans le film même : Susan, la maîtresse de Kane, nous l’avait suggérée lorsque, pour tromper son ennui dans l’austère demeure, elle se mettait à faire des puzzles. Alors que Xanadu livré aux déménageurs se vide peu à peu, le spectateur découvre fortuitement le fin mot de l’histoire, sur un bout de bois destiné aux flammes : « Rosebud » est le nom de la luge avec laquelle Kane enfant avait frappé le banquier qui, en lui révélant son héritage, allait l’arracher à jamais à ses jeux innocents. Une image résume ce drame : en prononçant « Rosebud », Kane laisse échapper de ses doigts une boule de verre contenant un paysage enneigé, à fois globe-symbole du pouvoir et merveilleux fragile de l’enfance.

Citizen Kane (1941)

A vingt-cinq ans, l’enfant prodige a tenu ses promesses. Citizen Kane est éblouissant de maîtrise. On a parlé de « somme », de « bible », d’ »anthologie ». Le film continue aujourd’hui à être cité en référence et à fasciner les amateurs d’énigmes. Œuvre totale, qui enferme tous les genres (documentaire, comédie, policier…), qui explore tous les styles (expressionniste, baroque, kitsch…), elle est, au-delà de la virtuosité de son auteur, l’expression d’un regard sur le monde.

Citizen Kane (1941)

Welles y est omniprésent : acteur, il subit à travers le personnage de Kane toutes les métamorphoses de l’âge ; réalisateur il est reconnaissable à chacun de ses plans, auxquels Il intègre toutes les possibilités de la syntaxe cinématographique. Ainsi le flash-back, déjà utilisé avant lui, correspond-il à la structure même du film (la chute de Kane nous est révélée dès le début). Il n’y a pas de destin, pas de suspense quant au devenir du personnage, auquel Welles, qui est avant tout un prodigieux conteur, refuse le statut de héros.

Citizen Kane (1941)

En ce sens, André Bazin a analysé toute l’importance de la contre-plongée, empruntée à Stagecoach (La chevauchée fantastique, 1939), seule influence que reconnaît Welles : « La persistance de la contre-plongée dans Citizen Kane fait (…) que nous cessons vite d’en avoir une conscience claire, alors même que nous continuons à en subir l’emprise. Il est donc plus vraisemblable que le procédé corresponde à une intention esthétique précise : nous imposer une certaine vision du drame. Vision que l’on pourrait qualifier d’infernale, puisque le regard de bas en haut semble venir de la terre. Cependant que les plafonds, en interdisant toute échappée dans le décor, complètent la fatalité de cette malédiction. La volonté de puissance de Kane nous écrase, mais elle est elle-même écrasée par le décor. Par le truchement de la caméra, nous sommes en quelque sorte capables de percevoir l’échec de Kane du même regard qui nous fait subir sa puissance. » Cette simultanéité est également très bien rendue par la profondeur de champ, qui permet à Welles de faire passer dans le même cadre ce qui demanderait plusieurs plans à d’autres cinéastes : « L’œil du spectateur choisit de cette manière ce qu’il désire voir dans un plan. Je n’aime pas lui imposer quoi que ce soit. »

Citizen Kane (1941)

Pour ce premier film, Orson Welles a su s’entourer d’excellents collaborateurs, jouant admirablement de l’inexpérience des uns et de l’habileté des autres, comme il a su conjuguer sa propre ignorance avec ses désirs les plus ambitieux pour transcender les limites de la technique. Le concours du grand chef opérateur Gregg Toland, dont la carrière est surtout associée à celle de William Wyler, a été, de ce point de vue, déterminant. Le scénario – qu’Hollywood devait récompenser – a été écrit en collaboration avec Herman J. Mankiewicz (le frère du cinéaste), dont la critique new-yorkaise Pauline Kael voudra faire le véritable et unique auteur de Citizen Kane, une thèse qui ne résiste pas à l’examen.

Citizen Kane (1941)

L’auteur de la bande-son et de la musique n’est autre que Bernard Hermann, le célèbre compositeur de Psychose (1960) d’Alfred Hitchcock. Comme les acteurs, Joseph Cotten, Agnes Moorehead, Everett Sloane, le musicien est issu du Mercury Theatre et connaît ici sa première expérience cinématographique. Le montage. a été confié à un technicien du même âge que Welles, Robert Wise, le futur réalisateur de West Side Story (1961).

Les choses se passeront moins bien avec le deuxième film que Welles entreprend, The Magnificent Ambersons (La Splendeur des Amberson, 1942). Robert Wise raconte dans un entretien accordé à Rui Nogueira pour Ecran 72 qu’à l’issue du tournage Welles s’est lancé dans un projet qui devait le mener au Brésil, laissant à ses collaborateurs le soin de terminer le film, non sans leur donner force instructions (un télégramme de trente-cinq pages qui sera malheureusement égaré). Jugeant The Magnificent Ambersons trop long après quelques « previews » décevantes, la production décide d’en raccourcir considérablement la durée en lui adjoignant des scènes de raccord. Ces modifications, effectuées en l’absence de Welles, devaient être désavouées par le cinéaste, qui verra là le prix à payer pour avoir eu avec Citizen Kane « la plus belle chance de l’histoire du cinéma » et pour n’en avoir pas fait un succès.

Si The Magnificent Ambersons étonne par sa facture classique, le film n’en demeure pas moins surprenant. Joseph McBride, dans son Orson Welles, donne une des clefs du savoir-faire wellesien : « Welles fait durer les plans un peu plus longtemps que la normale ; trente secondes, une minute (ou davantage) sont des durées si étranges pour des plans que le spectateur s’attend inconsciemment à ce qu’ils durent encore un peu. Une grande concentration sur chaque plan est nécessaire à la réussite de ce procédé. La, simultanéité des dialogues, l’utilisation, constante d’un fond musical, la fluidité des mouvements à la fois de la caméra et de ce qu’elle filme, tout confère au procédé la grâce et l’intensité qui lui sont indispensables. Le véritable triomphe du film réside en ce que la description de la chute d’une famille et du déclin d’une ville est très vraisemblable bien qu’elle ne dure qu’une heure trente. A la différence d’autres films qui prennent pour sujet l’histoire d’une déchéance, The Magnificent Ambersons ne se satisfait pas d’évoquer la nostalgie, il la crée. »

LA DISGRÂCE D’UN GÉNIE RUINEUX

Ce très beau film se ramène lui aussi à une « tragédie de l’enfance » (André Bazin), dont Orson Welles est, cas unique dans son œuvre, physiquement absent – mais présent cependant par la voix off du narrateur. Défection qui traduit un rapport d’intimité très grand avec cette histoire tirée d’un roman de Booth Tarkington, lequel s’était trouvé être un ami de ses parents. Eugene Morgan (Joseph Cotten), qui fera fortune dans la construction automobile, emprunte beaucoup au propre père de Welles. Alors qu’il n’est qu’un inventeur un peu ridicule, Isabel Amberson (Dolores Costello) lui préfère un riche industriel, Wilbur Minafer (Donald Dillaway). De cette union naîtra George (Tim HoIt), un être tyrannique par qui le malheur arrivera. Mais le pouvoir chez Welles porte en lui sa force de destruction, et l’orgueilleux héritier, renversé par une voiture, finira impotent.

Dolores Del Rio – Journey into fear (1943)

Welles a commencé à travailler sur Journey in ta Fear (Voyage, au pays de la peur, 1943) alors qu’il tournait The Magnificent Ambersons. Il a rédigé le scénario avec Joseph Cotten d’après un roman d’Eric Ambler et contribué à la réalisation, qui portera la seule signature de Norman Foster. Il s’agit d’un film d’espionnage dont l’action se déroule en Turquie peu avant la Seconde Guerre mondiale. Welles incarne le rôle du colonel Haki, chef de la police secrète turque, auquel il a donné un faux air de Staline.

Les relations difficiles que Welles entretient avec la RKO se soldent bientôt par une rupture. George J. Shaefer, le conseiller et ami du cinéaste, est remercié. Plusieurs directeurs lui succéderont avant qu’Howard Hughes ne prenne en main les destinées de la célèbre firme, qui décide dans l’immédiat d’interrompre le tournage de It’s All True et de se passer dorénavant des services d’un génie ruineux. La disgrâce dont est victime le réalisateur n’atteint cependant pas l’acteur, qui voit les propositions affluer. A court d’argent, Welles accepte le rôle d’Edward Rochester dans le Jane Eyre (1943) de Robert Stevenson. Il confère à ce personnage romantique sa formidable présence, ce qui enchante le public. Quelques années plus tard, il fera une prestation inoubliable dans le film de Carol Reed The Third Man (Le Troisième homme, 1949), un rôle pourtant assez court qu’il a entièrement écrit et qu’il interprète – cas unique – sans le moindre maquillage. Pour des raisons avant tout financières, Welles n’hésitera pas à promener ensuite sa silhouette de plus en plus imposante dans des productions de qualité inégale, ce qui nous vaudra une étonnante galerie de portraits où l’on ne sera pas surpris de trouver celui (symbolique) de Dieu dans La Décade prodigieuse de Claude Chabrol (1971 ). 

En attendant, l’Amérique vient d’entrer en guerre, et ce roi du déguisement qu’une nature asthmatique a écarté des champs de bataille triomphe tous les soirs sous l’habit du magicien devant un parterre de soldats, en sciant en deux une partenaire prestigieuse, Martene Dietrich. La victime initialement désignée était la belle et vulnérable Rita Hayworth, dont Welles est follement amoureux et qu’il épousera en septembre 1943. Menacée des foudres de son producteur, Harry Cohn, Rita devra laisser sa place à la dernière minute. Ces numéros d’illusionnisme donnés dans le cadre du Mercury Wonder Show seront repris dans un film-revue, Follow the Boys (1944). Welles déborde d’activités, la politique y tenant une place importante : il participe à la campagne électorale de Roosevelt et donne à travers l’Amérique une série de conférences sur les dangers du fascisme en Europe.

Marlene Dietrich et Orson Welles – Follow the Boys (A. Edward Sutherland, 1944)
LA STAR AUX CHEVEUX COUPÉS

Avec The stranger (Le Criminel, 1946), le film qui marque la reprise de ses activités de réalisateur, Welles dira avoir voulu donner au producteur Sam Spiegel des gages de sa bonne volonté. Être « un aussi bon réalisateur que n’importe qui d’autre », tel est l’objectif de celui qui est devenu la bête noire d’Hollywood. The stranger, totalement renié par son auteur, est une œuvre mineure et quelque peu datée qui ne manque cependant pas d’intérêt. Welles y campe un personnage odieux comme il les aime, l’ancien nazi Charles Rankin, qui, s’étant refait une identité dans une petite ville du Connecticut, est finalement rattrapé par son passé. Sa chute finale est époustouflante de virtuosité.

Les efforts de Welles vont trouver leur récompense. Harry Cohn, rassuré sur son compte, se montre enfin disposé à lui confier sa vedette maison, Rita Hayworth, dont Welles est à cette époque pratiquement séparé. Le divorce sera prononcé en novembre 1947. Le seul film que le couple Welles-Hayworth tournera se fera donc sous le signe de la rupture. Le cinéaste annonce à grand renfort de publicité qu’il va révéler une Rita Hayworth inconnue. Devant les journalistes médusés, il fait couper les cheveux de la star, dont la crinière flamboyante était devenue mythique. Cette version très personnelle de Samson et Dalila ne laisse rien présager de bon. Harry Cohn ne tardera pas quant à lui à s’arracher les cheveux, et il repoussera la sortie du film de deux ans afin que Rita apparaisse dans toute sa splendeur sous les traits de Gilda ( 1946), dirigée par un Charles Vidor fort respectueux de la légende.

The Lady from Shanghai (La Dame de Shanghai, 1946) est une intrigue policière plutôt compliquée dont Welles tire des effets très visuels. Michael O’Hara (Orson Welles lui-même) est un jeune marin irlandais candide tombé dans les rets de la séduisante Elsa Bannister (Rita Hayworth). Tout est perdu pour lui quand il accepte de la suivre, avec son mari, un avocat boiteux (Everett Sloane), sur leur yacht (le Zaca, le luxueux yacht d’Errol Flynn) baptisé Circé. Victime d’une sombre machination, O’Hara échappera de peu à une condamnation pour un crime dont Elsa est en fait l’auteur. Au terme d’une incroyable odyssée, les trois protagonistes se retrouvent, dans un palais des glaces, qui multiplient à l’infini leur image. La femme et le mari s’entretuent, les miroirs se brisent. O’Hara abandonne Elsa, qui hurle qu’elle ne veut pas mourir. A. travers le coup fatal qu’il portait à l’image d’une star, Orson Welles s’en prenait à l’univers d’illusion du cinéma hollywoodien ; il ne pouvait donc que lui refuser la première de ses règles d’or, le happy end.

Le couple Bannister va s’effacer devant un couple non moins funeste, qui incarne à un haut degré la volonté de puissance où s’associent la faiblesse masculine et la perfidie féminine, celui de Macbeth. Le choix de Shakespeare s’imposait. Dérivé d’une version théâtrale présentée l’année précédente à Salt Lake City pour les fêtes du centenaire de l’Utah, Macbeth (1948) a été tourné en vingt-trois jours et avec un budget réduit. Jean Cocteau a suggéré le parti génial que le cinéaste a tiré de la pauvreté de moyens : « Le Macbeth d’Orson Welles est d’une force sauvage et désinvolte. Coiffés de cornes et de couronnes de carton, vêtus de peaux de bêtes comme les premiers automobilistes, les héros du drame se meuvent dans les couloirs d’une sorte de métropolitain du rêve, dans des caves détruites où l’eau suinte, dans une mine de charbon abandonnée. » (Mes monstres) Ces ténèbres, cette barbarie, cette laideur des décors qui choquèrent tant les puristes traduisent la volonté de Welles de sortir Shakespeare de l’académisme guindé dans lequel la tradition anglaise l’a enfermé, en même temps qu’elles retracent « une préhistoire de la conscience à la naissance du temps et du péché, quand le ciel et la terre, l’eau et le feu, le bien et le mal ne sont point encore distinctement séparés» (André Bazin).

Le deuxième film shakespearien, Othello (1952), connaîtra un sort bien différent : quatre années seront nécessaires à sa réaIisation. Exilé d’Hollywood, Welles filme, grâce essentiellement à ses cachets d’acteur, dans des studios distants de plusieurs milliers de kilomètres, en Italie et au Maroc. Les Desdémone se succèdent, et la dernière sera une actrice canadienne Suzanne Cloutier. Ici, plus que jamais, Welles jongle avec les contingences et les raccords périlleux : « Chaque fois que vous voyez quelqu’un le dos tourné, une capuche sur la tête, soyez sûr que c’est une doublure, explique-t-il. (…) Il m’a donc fallu tout faire en champ-contre-champ parce que je n’arrivais jamais à réunir Iago, Desdémone et Roderigo, etc., devant la caméra. » D’où ces improvisations fabuleuses (l’invention du bain turc), ce style morcelé, fait de plans très courts – le plan-séquence, qu’il affectionne, étant trop coûteux et requérant une solide équipe technique. Mais le prodige est que la forme renforce au plus haut point le drame : « Ce rythme spasmodique souligne le délire croissant d’Othello, la montée du Mal, le dérèglement des esprits. » (Danièle Parra et Jacques Zimmer, Orson Welles.)

Cette réussite, Welles la doit en partie au fait qu’il assure le montage du film, souveraineté qu’il revendique totalement et dont Filming Othello (1979), réalisé pour la télévision ouest-allemande, rendra magnifiquement compte. Le cinéaste, assis devant sa table de montage, où il dit pouvoir passer un temps infini, déclarera : « Ici, je suis chez moi. » Welles s’est souvent expliqué sur sa conception du montage, où la vision reste subordonnée à l’ouïe : « C’est une question d’oreille (…). En ce qui me concerne, le ruban de Celluloïd s’exécute comme une partition musicale, et cette exécution est déterminée par le montage, de même qu’un chef d’orchestre interprétera un morceau de musique tout en rubato, un autre le jouera d’une façon très sèche et académique, un troisième très romantique, etc. Les images elles-mêmes ne sont pas suffisantes, elles sont toujours très importantes, mais elles ne sont qu’images. L’essentiel est la durée de chaque image, ce qui suit chaque image, c’est toute l’éloquence du cinéma que l’on fabrique dans la salle de montage. »

Othello s’ouvre sur un cortège funèbre. Le Maure de Venise a déjà mis fin à ses jours. Une fois de plus, Welles veut démonter les mécanismes qui mènent l’individu au pouvoir puis à sa perte. Il a retrouvé pour la circonstance son vieux complice du Gate Theatre de Dublin, MacLiammoir. Ce dernier incarne un Iago inhabituel : « On pourrait croire qu’en suggérant l’impuissance sexuelle, écrit Richard Marienstras dans Positif, Welles a clarifié le personnage, l’a dépouillé de son opacité fondamentale et de son mystère. Il n’en est rien. Le film le montre irrésistiblement lié à Othello et comme décidé à l’entraîner à toute force dans la destruction – au prix de sa propre vie. De sorte qu’il agit moins en fonction de son infirmité qu’en fonction de sa nature, et l’on pense irrésistiblement à cette fable, racontée par Arkadin, où le scorpion pique la grenouille qui lui fait traverser la rivière. Le scorpion agit conformément à son character, c’est-à-dire conformément à ce qu’il est et à ce qu’il fait de qui il est, en violant les règles naturelles et éthiques les plus évidentes. »

ON SET – Othello (The Tragedy of Othello: The Moor of Venice) – 1951
DES BOTTES DE SEPT LIEUES

Mr. Arkadin/Confidential Report (Dossier secret, 1955), que l’usage a fait couramment nommer Monsieur Arkadin, est l’histoire d’un puissant homme d’affaires, M. Arkadin (Orson Welles), doté d’un secret – l’origine de son immense fortune – et d’une fille, Raina (Paola Mori, la troisième femme de Welles), qui n’en doit, rien connaître. Il a l’idée d’utiliser les services d’un aventurier de piètre envergure, Guy Van Stratten (Robert Arden), qu’il sait susceptible de découvrir tôt ou tard ce secret et de le révéler. Arkadin le lance sur les traces de sa vie passée, qu’une crise d’amnésie aurait entièrement effacée. L’enquête de Van Stratten le conduit de Madrid à Zurich, de Paris à New York, d’Amsterdam à Mexico puis à Munich, auprès d’étranges personnages. Sans le savoir, celui-ci désigne à Arkadin les témoins gênants de son honteux passé. Comprenant enfin qu’il sera la prochaine victime, Van Stratten se réfugie auprès de Raina et la prie de dire à son père qu’il lui a parlé. Arkadin préférera se jeter à la mer du haut de son avion.

Arkadin n’est pas sorti tout casqué du cerveau de Welles. Le cinéaste s’est inspiré du légendaire Bazil Zaharoff, l’un des plus grands marchands de canons que la terre ait portés. Armé d’un objectif à courte focale, le « 18,5 », qui « donne en même temps qu’une parfaite profondeur de champ une violente impression de déformation de l’espace » et qui fait que « l’acteur qui marche vers la caméra paraît chaussé de bottes de sept lieues » (André Bazin), Welles va donner à son personnage, mieux que de somptueux décors ou de fabuleuses possessions ; « un pouvoir moderne entre tous » (Éric Rohmer), le don d’ubiquité. Arkadin appartient à la mythologie : il s’agit d’un « ogre », grimé en capitaine Nemo, qui règne sur un monde corrompu et grotesque et qui, se faufilant dans les dédales de ses origines, finit comme Icare par une chute vertigineuse.

Dans Touch of Evil (La soif du mal, 1958), Welles change apparemment de camp en s’intéressant au policier Hank Quinlan. Mais ce dernier, dont les méthodes perverses consistent à fabriquer en toute impunité des preuves permettant d’inculper des suspects, figure sans conteste parmi les grands « salauds » de l’univers wellesien. Le cinéaste, qui a tenu à préciser qu’il condamnait moralement ce genre d’individu, oppose à Quinlan Mike Vargas (Charlton Heston), un agent intègre du bureau mexicain des stupéfiants, totalement voué à la recherche de la vérité. Son sens du devoir est si poussé qu’il s’exercera aux dépens de ses rapports avec sa femme, Susan (Janet Leigh), qui, délaissée, finira par tomber à la merci d’une bande de truands. Tandis que Quinlan, qui n’a pas hésité à s’exposer pour protéger la vie de son adjoint (Joseph Calleia), est mû par le, souvenir de sa femme étranglée. Un crime resté impuni. On voit où va la sympathie du » cinéaste. La morale de l’histoire sera donnée, par Tanya (MarIene Dietrich), la prostituée qui a connu Quinlan à son époque glorieuse : « Un sale flic… C’était quelqu’un, c’était un homme et voilà tout… mais cela n’intéresse plus personne. » Touch of Evil marque le retour de Welles à Hollywood, où l’Universal a cédé au désir de Charlton Heston d’en voir la réalisation confiée à l’auteur de The Lady from Shanghai , pressenti à l’origine comme acteur. Ce thriller fascinant, qui repose sur un thème cher au cinéaste, l’amitié masculine trahie, sera malheureusement mutilé.

L’éblouissante technique d’Orson Welles – contre-plongées, éclairages contrastés, profondeur et distorsion de l’espace, jeux de miroirs -, mise au service d’une quête obscure de la vérité où la justice n’est souvent qu’une parodie d’elle-même, appelait l’univers bureaucratique de Kafka, comme le K qui ornait le portail de Citizen Kane pouvait annoncer l’initiale patronymique d’un héros vaincu d’avance. Adaptant The Trial (Le Procès, 1962) de l’écrivain tchèque, Welles ne se résout cependant pas à faire de Joseph K. une victime totale. Selon lui, K. est coupable d’appartenir au système, de vouloir y tenir une place. L’histoire a rendu impossible la passivité qui affectait le héros kafkaïen : entre le livre et le film se dresse Auschwitz. Au lieu de prêter la gorge à ses bourreaux, le K. wellesien met au défi ceux-ci d’exécuter leur geste : « C’est à vous de me tuer », répète-t-il avant de partir d’un immense éclat de rire. Un rire déflagrateur – qui précède de peu l’explosion en forme de champignon atomique d’un bâton de dynamite que les policiers lui ont lancé et dont K. s’empare. « Il revient à K., cet être insignifiant, naïf, infantile et qui ne cesse de geindre sur son sort, de porter en lui la destruction de l’univers », dira Orson Welles, faisant un triste constat.

Le choix d’Anthony Perkins pour interprété K. est très intéressant. Sa morphologie n’est pas sans évoquer les silhouettes que dessinait l’écrivain en marge de ses écrits : corps longiligne, visage amenuisé comme par les perspectives déshumanisantes. Il est aussi porteur d’une inquiétude venue peut-être de l’interprétation de Psychose d’Alfred Hitchcock (1960), dont Joseph McBride souligne le parenté avec Welles : « Son style a la même lucidité et la même logique syntaxique, la même méthode et la même simplicité opposées ironiquement au chaos du monde. » Le tournage de The Trial  s’est déroulé en partie en France, ce qui nous vaut une distribution étrangement familière : notamment Jeanne Moreau, Suzanne Flon, Michaël Lonsdale, que l’on retrouvera au générique d’un autre K., M. Klein de Joseph Losey (1976).

Le film suivant aura pour terre d’accueil l’Espagne. Chimes at Midnight (Falstaff, 1966), une œuvre que le cinéaste portait en lui depuis des années, est gros de quatre pièces de Shakespeare : Henri IVHenri VLes joyeuses commères de Windsor et Richard III, auxquelles s’ajoutent Les chroniques de Raphaël Holinshed. Welles a fait de cette figure pittoresque un personnage central à sa démesure, « bigger than life », « bon comme le pain et le vin » et auquel Welles consacrera, ce qui est inhabituel dans son œuvre, de magnifiques gros plans. Falstaff est le compagnon de débauche de Hal (Keith Baxter), le prince de Galles, fils aîné du duc Henri Bolingbroke (John Gielgud), dont le bruit court qu’il a assassiné Richard II, et qui a pris le pouvoir sous le nom d’Henri IV.

Loin du palais, nos deux compères ne pensent qu’à mener joyeuse vie et à détrousser les pèlerins quand l’occasion s’en présente. Cependant Hal et son ami Poins (Tony Beckley) décident de rester à l’écart de la scène et de jouer un bon tour à Falstaff : ils se déguisent pour le dévaliser une fois le larcin accompli. Apeurés, Falstaff fera de cette mésaventure un récit vantant sa bravoure, où l’on assiste comme par miracle au détour de chaque phrase à la multiplication des assaillants. Cette générosité qui élève le mensonge à la hauteur de la création, cette profonde humanité s’opposent à l’ironie calculatrice de Hal, tiraillé par ce que son destin lui réserve : « l’obligation d’être un héros officiel » (Orson Welles).

ON SET – Falstaff (1965)

L’héritier du trône, Edmund Mortimer, retenu prisonnier par les rebelles gallois et dont Henri IV ne s’empresse pas de payer la rançon, a des partisans âprement décidés à détrôner l’usurpateur. Henry Percy Hotspur (Norman Rodway) prend la tête de la rébellion. Devant l’imminence de la guerre, Hal regagne le château et s’apprête à prendre les armes au côté de son père. Les deux camps s’affrontent en un combat épique qui se terminera dans la boue, par la mort de Hotspur et la victoire d’Henri IV. Le vieux roi pourra mourir tranquille, son fils lui succédera dignement. Le jour du couronnement, Falstaff, qui se réjoui à l’idée d’accéder à meilleure fortune, fend la foule et interpelle familièrement le jeune souverain. Mais Henri V le traite de bouffon et ordonne son exil. Welles s’attarde sur le bouleversant visage de Falstaff, pétrifié de stupeur : c’est son arrêt de mort qu’il vient d’entendre. La dernière image nous montre son imposant cercueil tiré par ses gens, grotesque, dans la campagne déserte. « Avec la trahison de Hal, écrivent Danièle Parra et Jacques Zimmer, un monde s’écroule, celui de la Joyeuse Angleterre, et avec elle un certain rêve. (…) De la taverne au château [se définissaient] deux modes de vie : le premier tourné vers le passé et la nostalgie d’un Moyen Age baroque, le second ouvrant sur l’autorité et la grandeur des ères technocratiques. »

Welles a toujours aimé les fables. Dans The Immortal Story (Une histoire immortelle, 1968), son premier film en couleurs, tiré d’une nouvelle d’Isak Dinesen, alias Karen Blixen, il nous conte en moins d’une heure l’ultime caprice d’un marchand américain immensément riche, Clay, vivant à la fin du siècle dernier dans l’île portugaise de Macao. Un soir, cet homme solitaire et âgé se souvient d’une histoire qu’il a entendue autrefois, celle d’un marin auquel un vieillard demanda contre de l’or de passer la nuit avec sa jeune épouse, dont il voulait un héritier. Une histoire que les marins se racontent et qui décide Clay à donner corps à la légende. Il mourra de voir son rêve accompli.

Orson Welles – Filming Othello (1978)

F for Fake (Vérités et mensonges, 1975) constitue un prodigieux tour de magie cinématographique autour de l’imposture en art. Welles est parti d’images, filmées par François Reichenbach, représentant le célèbre faussaire Elmyr de Hory, auquel Clifford Irving consacra un livre. Ce journaliste n’a-t-il pas commis lui-même un faux en produisant une prétendue autobiographie de Howard Hughes, ce milliardaire invisible et mythique qui a hanté l’œuvre du cinéaste ? Affublé de la cape et du chapeau des prestidigitateurs, Welles en vient à parler de lui-même, de ses mystifications célèbres, images à l’appui, avant de se jouer une nouvelle fois du spectateur à travers une superbe jeune femme Ojar Kodar, qui aurait servi de modèle à Pablo Picasso. Mais le peintre n’a-t-il pas autorisé toutes les supercheries, lui qui a dit. « La vérité est un mensonge » ? « Un mensonge qui fait comprendre la réalité », ajouté Welles qui, selon Jean-Marie Sabatier, remet ainsi en question la conception capitaliste dé l’art et rejoint « la mystique de l’art gothique triomphant » (La saison 75).

Le 10 octobre 1985, Orson Welles succombe à une crise cardiaque, laissant une œuvre fascinante, semblable à un immense puzzle auquel manquent peut-être quelques pièces de choix, tels ce Roi Lear en projet ou ce Don Quichotte (1957-1975) inachevé, dont on attendait beaucoup et qui était devenu au fil des ans When Are Vou Finishing Don Quixote ? (Quand finirez-vous Don Quichotte ?). En 1991, les ayants-droit d’Orson Welles proposent à Jess Franco de terminer le film de manière à pouvoir le sortir en salle en 1992. [Les génies du cinéma – Editions Atlas (1991)]


THE LADY FROM SHANGHAI – Orson Welles (1947)
« Si j’avais pu prévoir où tout cela me mènerait, je ne me serais jamais lancé dans cette aventure… si j’avais gardé ma lucidité je veux dire. Mais dès que je l’ai vue, dès la première minute, mon esprit chavira, et il me fallut pas mal de temps pour retrouver la raison. »

TOUCH OF EVIL (La Soif du mal) – Orson Welles (1958)
De tous les films de Welles, Touch of evil est sans aucun doute le plus noir, le plus cauchemardesque, encore plus kafkaïen que ne le sera Le Procès. La petite ville de Los Robles, une de ces bourgades frontières à mi-chemin entre les États-Unis et le Mexique, symbolise la corruption et la pourriture, physique et morale. On y assassine à la dynamite une puissance locale et sa compagne, on cherche à y vitrioler un policier et, à quelques kilomètres, le motel où se réfugie Susan est le lieu d’un véritable ballet diabolique où se mêlent la xénophobie, le sexe et la drogue.



RITA HAYWORTH
Rita Hayworth fut une actrice magnifique, une vamp éblouissante, une pin-up d’anthologie, et pourtant la postérité ne lui rend pas justice. Mais ce personnage de sex-symbol castrateur, façonné par Harry Cohn, le patron de la Columbia, était à cent lieues de la véritable Rita…


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