Comme d’habitude je partage le point essentiel de la démonstration de Jean-Claude à savoir le drame du PCF aujourd’hui, son incurie totale en matière d’anti-impérialisme. Certains d’entre vous peuvent en témoigner j’ai déclaré tout au long de la campagne – au vu des orientations catastrophiques dans ce domaine de l’équipe de campagne de Roussel et pas les pires pourtant quand on le compare à d’autres : “quand on fait la campagne de Ian Brossat, on récolte le score de Ian Brossat.” En effet, la plupart des problèmes auxquels nous sommes confrontés y compris le pouvoir d’achat, l’énergie, la santé, ont une dimension géopolitique, la lutte des classes se situe à ce niveau que le sociétal bobo ignore avec les complaisances droits de l’hommistes par exemple anti-chine. Mais justement, et c’est là que je me distingue sans doute de Jean-Claude, on ne peut pas plus négliger le levier, l’anti-impérialisme que le point d’appui qui est la manière dont la conscience de la transformation s’impose dans un contexte spécifique qui est national et aussi de plus en plus supra-national. Ce qui en Europe se traduit par une montée de l’extrême-droite et des réflexes de crainte face à cette extrême-droite que nous ne devons pas négliger. Une campagne électorale nous renvoie au terrain tel que nous ne l’avons pas labouré, ce que nous avons encouragé et je dois dire que le spectacle de la cocarde de Roussel en faveur des nazis de Kiev était un choc qui a failli me conduire à l’abstention surtout quand elle se combinait avec le ralliement de toutes les planches pourries de nos années de démission, mais cela eut été stupide parce que cela serait se tirer une balle dans le pied et renoncer à tout ce que cette campagne d’un candidat communiste avait engrangé y compris chez les militants, dans une jeunesse communiste sur laquelle il faut tabler comme le dit PAM. Alors je demeure en total désaccord avec la manière dont Jean-Claude voit la situation et y compris le vote contre Marine le PEN, dont paradoxalement le vote pour MELENCHON est apparu comme le rempart, la manière dont il ignore les fruits de cette campagne, mais je pense aussi que l’on doit tenir compte de ce sur quoi il met l’accent, l’incurie dramatique théorique sur l’anti-impérialisme du PCF et le fait qu’il est impossible d’aller jusqu’au bout dans l’antifascisme sans retrouver cette dimension de notre combat. (note de Danielle bleitrach pour histoireetsociete)
PS. Je signale à PAM que cette dimension anti-impérialiste est de celle qui permet de faire la jonction entre le travailleur dans les entreprises et les couches populaires dans les cités souvent d’origine maghrébine ou du Moyen Orient qui ont je peux en témoigner une sympathie spontanée pour la Chine et la Russie face aux menées de l’OTAN et des USA. (note de DB)
Personnellement, ce qui m’embête vraiment après cette campagne, ce n’est pas tant le faible résultat électoral qui l’accompagne que les arguments de fond qui ont été développés. Ils ont été misérablement défaillants, révélant, de la part du candidat et de son équipe, une forte méconnaissance de ce qu’est l’impérialisme au stade actuel et final de sa mondialisation.
1) Puisque nous sommes à l’époque de la mondialisation capitaliste, c’est–à-dire de l’impérialisme dans sa phase suprême, mondialisée, cela veut dire qu’aucun problème national ne peut être traité et résolu sans qu’il soit aussi situé dans son contexte mondial (et donc européen, pour nous, Français, membres de l’Union européenne). Roussel a certainement mouillé la chemise pour que l’on reparle à nouveau de la classe ouvrière et du peuple de ce pays. Mais il l’a fait comme un élu lambda, c’est à dire comme quelqu’un ayant le nez sur les intérêts qu’il défend mais ne voyant pas plus loin.
2) Nous sommes à l’époque de la mondialisation capitaliste en son stade vraiment suprême (car après la mondialisation, il ne reste plus qu’à aller exploiter les martiens), et, de toute évidence, ce stade est en même temps celui du renforcement, quantitatif et qualitatif, de la domination de l’impérialisme nord-américain, tant sur le monde que sur ses propres alliés “naturels”. Par conséquent, nous résoudrons d’autant plus facilement les problèmes que nous, communistes, prétendons résoudre, que nous aurons des alliés, non seulement au plan intérieur (par exemple la paysannerie) qu’au plan extérieur, à commencer par la Chine. Oui mais voilà, Roussel pense que les Chinois sont des gens inquiétants qui viennent dans le Nord Pas de Calais piquer “nos” voitures et nos emplois, que ce sont des massacreurs de Ouïghours, et quant à être des socialistes, non, mais vous plaisantez?
3) Enfin, puisque nous sommes à l’époque de la mondialisation capitaliste, cela veut dire que la démocratie bourgeoise est elle aussi à l’heure de la mondialisation capitaliste. Elle l’est, de par l’idéologie qui la baigne (un individualisme forcené pour usage interne et les droits de l’homme pour usage externe). Elle l’est de par la gravité de ses manquements. Au 19e siècle, la bourgeoisie a normalisé le fonctionnement de l’Etat. Mais aujourd’hui, elle n’en a plus rien à foutre sous cet angle. Son Etat a changé de nature. Elle l’est par la puissance des moyens de contrôle et d’influence à sa disposition. Autrement dit, le cadre de cette démocratie n’est plus acceptable. Il faut la briser, chasser du pouvoir, de tous les pouvoirs, la grande bourgeoisie française. L’Union du peuple de gauche avait un sens dans le cadre de la démocratie bourgeoise de base nationale. Elle n’en a plus dans le cadre de la démocratie bourgeoise à l’époque de la mondialisation capitaliste.
Et Roussel appelle à voter Macron. Nous avons l’air malin.
Demande d’ajout de jean claude DELAUNAY
Je souhaite ajouter aux 3 précédents un quatrième point, visant à souligner que la mondialisation capitaliste n’est pas seulement la conséquence d’une quelconque volonté politique. C’est la réponse à une situation de suraccumulation durable du capital dans un contexte donné de développement des forces productives. Nous ne comprenons pas bien la mondialisation capitaliste si nous ne voyons pas, si nous ne comprenons pas l’état et la dynamique actuelle des forces productives, matérielles et humaines. Ivan Lavallée est en train de sortir, au Temps des Cerises, une édition renouvelée du bouquin qu’il avait écrit avec Nicoul sur la Cyber Révolution. Il faut le lire. Ce sont ces phénomènes qui sont derrière la mondialisation capitaliste et que la dite mondialisation a stimulés à son tour.
Le problème soulevé par cette révolution, dans le contexte du capitalisme, est que la socialisation qu’elle impulse (socialisation veut notamment dire : accroissement des quantités produites, élargissement de l’espace géographique, socialisation des dépenses nécessaires pour que cette révolution fonctionne, intégration du travail de service dans les domaines traditionnels de l’exploitation, etc), est prise en charge par des rapports sociaux non seulement privés mais si je puis dire, hyperprivés, monopolistes. A la socialisation induite par la cyber-révolution, le capital monopoliste a apporté une réponse privée à la puissance 2 ou 3. Et la domination américaine désormais de volonté absolue sur les affaires du monde est la forme que prend cet hyper-hyper privatisation, avec ce que cela entraîne de conflits et de guerres, car en même temps les forces productives humaines se développent et veulent elles-mêmes participer au développement général.
J’en viens au point le plus important. Si on ne comprend pas ce phénomène, on ne comprend pas sa solution. Au profit privé, il convient de substituer un profit socialisé, celui des nations, des Etats, des zones géographiques et culturelles de niveau identique de développement. Il convient de redonner aux peuples et donc à la société dans laquelle ils vivent, produisent, consomment, se reproduisent, etc. le pouvoir de décider et tout un ensemble de sécurités, alimentaires, énergétiques, etc… et donc il faut vraiment aujourd’hui libérer le commerce, contrairement à ce que fait la grande bourgeoisie américaine, qui cherche à le super-contrôler à son avantage et pour son profit privé. Mais il faut le libérer d’une part en organisant la souveraineté sur la décision et d’autre part en organisant, tout autrement que ce qu’ont fait les bourgeoisies monopolistes autour des années 1970-1980, les relations internationales, les règles du commerce, le système bancaire international. Et puis bien sûr, on ne libère pas le commerce mondial si l’on fait la guerre en permanence. La paix est une condition du fonctionnement des forces productives contemporaines.
Dire ; on va rapatrier les productions et on aura de l’emploi, c’est rikiki. C’est une noisette dans l’estomac d’un éléphant. Sans doute certaines productions devront être rapatriées ou refaites. Mais c’est le petit trou de la serrure, c’est le fond du puits pour regarder le ciel. Il faut rapatrier le pouvoir de décision populaire en se disant que l’avenir est à la libéralisation organisée des échanges internationaux, avec les nations et les Etats comme agents premiers de ces échanges, et non les entreprises. Bref, il faut socialiser, déserrer la griffe de la privatisation américaine, aujourd’hui incapable de gérer rationnellement et pacifiquement le processus qu’elle a pourtant contribué puissamment à mettre en place.
La mondialisation, la compréhension de ce phénomène, tant dans sa structuration impérialiste que dans sa perspective socialiste et communiste est, à mon avis, la principale clef conceptuelle des erreurs commises au cours de cette campagne, et même des circonstances et difficultés rencontrées à cette occasion. Par exemple, le so-called vote utile est, selon moi, la manifestation du décalage existant entre l’état actuel de la démocratie des pays capitalistes développés, perçue selon le prisme de l’impérialisme à base nationale, et la démocratie populaire. On vote utile parce qu’on n’a même pas conscience qu’existe une autre forme de démocratie que la démocratie bourgeoise.
Mais qui va expliquer si ce n’est l’organisation communiste, la nécessité à notre époque du socialisme et de la démocratie populaire? Fallait-il attendre que le PCF fut remis sur ses pieds pour dire que le socialisme est l’actuelle solution de la contradiction entre le développement des forces productives de plus en plus sociales et les rapports impérialistes privés de production et de consommation? .
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Daniel Arias
Une petite réaction à ton chapeau sur le spectacle de la cocarde.
Sur l’utilité du blog et de cette communauté qui se forme autour.
Lors du soutien de Roussel au gouvernement nazi de Zelensky, la répulsion m’a persuadé de m’abstenir, une décision très douloureuse tant j’avais attendu cette candidature Communiste.
Communiste isolé j’aurais peut être persisté dans l’abstention, inutile.
C’est avec le calme relatif retrouvé et surtout les arguments des uns et des autres ici que la raison est revenue et que j’ai finalement voté utile, c’est à dire Fabien Roussel.
Petite anecdote sans grande importance mais qui montre l’utilité du débat collectif exigeant, ouvert, posant les questions tout en restant bienveillant. Les débats tels que nous les menons ici devraient être la norme dans les cellules et à tous les échelons du Parti, de plus en présentiel ils pourraient être encore plus riches et féconds.
Ce qui permet aussi de ne pas se perdre c’est cette profondeur historique et son étendue au monde alliée à la théorie à l’analyse de ce qui est et sa mise en relation avec l’actualité.
Il serait peut être temps que le mouvement communiste international sorte un nouveau Manifeste du Parti Communiste.
Je suis persuadé que Marx et Engels seraient attristés de voir que nous n’avons pas actualisé cette ouvre majeure de l’Internationale Communiste, ce guide indispensable pour les nouveaux communistes.
Ce manifeste aurait permis de populariser les dangers du capitalisme et de sa mondialisation impérialiste, de révéler les changements profonds et les enjeux qui en découlent tout en les reliant à l’action internationale des communistes et au rôle historique des communistes en particulier et des travailleurs en général.