Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Construction d’un nouveau mur en Europe : la stratégie des trois petits cochons

Une démonstration supplémentaire si besoin était que l’enthousiasme qui a salué la chute du mur de Berlin était une de ces duperies contre-révolutionnaire dont l’histoire réelle semble avoir le secret. Le loup, le capital, celui qui délocalise les emplois, celui qui met en concurrence les travailleurs était déjà là et il s’est cru tout permis. Les murs ne sont dans cette logique-là qu’une manière d’inventer un loup fictif, les migrants eux-mêmes victimes du vrai loup qui n’a plus de frein. Ce qui ne signifie pas que la solution soit dans l’acceptation de ce que produit de migration le capital, quitte à vider le pays sous-développé de ses travailleurs qualifiés ou formés à grand frais, ce qui est déjà le cas en Europe même. (note et traduction de Danielle BLEITRACH pour histoireetsociete)

nouvellesasblleprogresantiracismecapitalismemilitarismeNon classéPolitique internationalesociété  11 février 2022 3 Minutes

Un nouveau mur se construit en Europe. A la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Long de 186 kilomètres, haut de 5 mètres. Les travaux ont commencé il y a quelques jours. Ils devraient prendre plusieurs mois. Peut-on y voir le signe d’une Europe « forteresse » ?

Nous pourrions naïvement croire que depuis la chute du mur de Berlin en 1989, les murs et les barrières étaient à ranger au rayon des anomalies de l’histoire. Et pourtant, il n’y a jamais eu autant de murs dans le monde. 63, dont 12 rien qu’en Europe !

Ils servent à quoi ces murs ?

A se protéger. C’est le réflexe des trois petits cochons. Face au danger, on se barricade. Sauf qu’il n’y a pas de loup dans l’histoire, juste des migrants. D’ailleurs, la crise migratoire de 2015, celle qui a vu plus d’un million de personnes débouler sur les routes en Europe a beaucoup contribué à cette renaissance du mur.

Mais la méthode a beau être vieille comme le monde ça ne veut pas dire qu’elle est efficace. En tout cas pas sur le long terme. Le mur d’Hadrien n’a pas empêché la constitution du Royaume-Uni. La grande muraille n’a pas non plus empêché les invasions en Chine.

Alors pourquoi on en construit toujours plus ?

C’est un peu la solution de facilité. En construisant un mur, les politiques donnent l’impression qu’ils s’emparent du problème de la migration. Et de manière spectaculaire. La construction d’un mur, c’est toujours l’occasion de belles images de chantier, de parpaings, de ciment et de barbelés, qui rassurent l’opinion publique. Ces murs, c’est aussi un message envoyé au reste du monde. En l’occurrence, la Pologne montre à tout le monde qu’elle n’a pas besoin des gardes-frontières de l’agence européenne Frontex pour se protéger.

Mais dans le fond, construire un mur, c’est surtout la meilleure façon de ne rien faire du tout, tout en donnant l’impression de faire quelque chose.

Ce n’est pas parce qu’on a construit des murs autour des enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila qu’on a arrêté les migrants. On a juste compliqué leur route et enrichi les passeurs. Aujourd’hui, ceux qui cherchent refuge en Europe partent en bateau vers les îles Canaries et beaucoup n’en reviennent pas. Et c’est le même constat autour du terminal Eurostar de Calais : plus les barricades sont devenues infranchissables, plus les migrants ont traversé la Manche en canot pneumatique, là aussi au péril de leur vie.

Qu’en est-il de l’effet dissuasif ?

Aujourd’hui, la plupart des migrants qui arrivent de manière irrégulière en Europe, ils ne prennent pas leur bâton de pèlerin. Ils prennent un billet d’avion. Ce sont des touristes, des travailleurs, des étudiants qui restent plus longtemps que ce que leur titre de séjour leur permet. Ceux qui arrivent à pied aux frontières, ce sont avant tout des demandeurs d’asile. Et donc construire des murs, c’est aussi rendre beaucoup plus compliquée l’application du droit international.

Le mur invisible dressé par l’Union européenne

Le mur en construction à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, c’est 350 millions d’euros. Une paille ! Une douzaine d’États veulent directement envoyer la facture à l’Union européenne. Charles Michel, le président du Conseil, pense aussi qu’il faudrait en discuter. Pas question, disent la Commission et les autres États membres, qui refusent de verser un centime du budget européen pour des barbelés ou des murs. Une approche un tantinet hypocrite… D’abord parce qu’il existe toute une série de financements pour des systèmes de surveillance électronique ou même des drones aux frontières.

Ensuite parce que la protection des frontières extérieures de l’Europe, c’est bien la seule chose sur laquelle tous les Européens sont d’accord. On multiplie les gardes-frontières, on traque les migrants, on les repousse parfois violemment, on sous-traite leur « accueil » à des pays tiers…

C’est un peu comme s’il y avait un quatrième petit cochon dans l’histoire. Plus malin que les autres. Lui, il ne construit pas en paille, ni en bois, ni en brique, son mur est invisible mais il porte le même message : restez chez vous !

Extrait de RTBF.BE
Par L’oeil européen d’Olivier Hanrion

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