Ninotchka, dont la belle de Moscou est un remake, sorti en 1939, est le fruit de la rencontre de deux maîtres du cinéma, tous deux d’origine juive germanique : Lubitsch à cette époque est installé depuis pas mal de temps aux Etats-Unis (et j’espère que comme moi vous vous êtes délectés à tous ses films), Samuel Wilder qui, fuyant le nazisme, a pris le prénom de Billy et qui apporte le scénario au très grand Ernst Lubitsch. Et la fameuse « Lubitsch touch » en fait un chef-d’œuvre du 7e Art. Lancé par le slogan « Garbo rit » (Garbo laughs), Ninotchka est la première comédie de Greta Garbo et son avant-dernier film. Sous la forme d’une comédie sentimentale légère, c’est l’un des premiers films américains à prendre pour thème principal l’Union Soviétique. Il oppose la Russie stalinienne, un régime austère et pauvre avec répression à la société parisienne qui s’étourdit dans le luxe et la frivolité. C’est tout sauf de l’anti-communisme primaire et la propagande en faveur du capitalisme occidental et le tsarisme n’a eu que ce qu’il mérite. La duchesse Swana est présentée comme un personnage égoïste et plein de morgue, infiniment plus haïssable finalement que l’idéaliste Ninotchka. Notons enfin que le dirigeant soviétique qui fait appel à Garbo, la communiste de choc est Bela Lugosi qui échappe au rôle de Dracula pour incarner Staline (photo). Là encore n’oublions pas que Bela Lugosi, juif lui aussi, fut un des cadres du soviet de Budapest et dut s’enfuir face à la répression fasciste de l’amiral Horty, à Hollywood il devint un des membres les plus actifs du syndicat des acteurs. Une mention également pour Peter LORRE dans la Belle de Moscou,M le MAUDIT et un drame de la déchéance hollywoodienne… Bref,j’ai vu les deux films, Ninotchka et la belle de Moscou et si je partage la critique de François L. sur le dernier je ne voudrais pas que soient oubliés ceux qui ont fait le premier, non seulement parce qu’ils furent pour la plupart tout sauf des anticommunistes, plus proches d’être des victimes du maccarthysme.
De la manière élégante dont on a construit une image permanente de la Russie – au-delà de l’URSS opposée à la vie merveilleuse de PARIS et des USA, mais les créateurs Ernst LUTBITSCH, Billy WILDER et Ruben MAMOULIAN n’ont pas nécessairement dit ce pourquoi Hollywood les finançait… Même DRACULA a joué le double jeu…(note de Danielle Bleitrach pour histoire et société)
la Belle de MOSCOU dans les années 50 …
Revue récemment sur le câble* ‘La Belle de Moscou’, jolie comédie musicale avec Fred Astaire visage fripé mais corps de jeune homme et Cyd Charisse légèrement mûrie et donc plus belle que jamais. Un enchantement tant le chant, la danse, les dialogues et le scénario sont réussis et la couleur éblouissante.
La Belle de Moscou (titre original Silk stockings, cela bas de soie) donc, est une comédie légère mais sur un sujet sérieux : la guerre froide.
Le pitch : une commissaire politique de choc stakhanoviste héro(ine) de l’Union Soviétique au CV impeccable et long comme le bras ( il est vraiment long comme le bras) est envoyée à Paris par son nouveau patron ( le précédent vient juste d’être arrêté) sorte de Staline bonhomme. Sa mission : récupérer trois autres commissaires politiques qui eux devaient déjà ramener au pays un compositeur de musique classique qui n’y tient pas tant que ça. Il est en effet sous contrat avec un producteur américain (Fred Astaire) un petit malin qui a vite fait de les corrompre tous les quatre avec champagne agapes et jolies femmes .
La stakhano c’est Cyd Charisse, raide et portant vêtements de coupe militaire de couleur brune, beige, kaki , qui paradoxalement figurent aujourd’hui dans les vitrines les plus chères du Marais, ( allez comprendre !)
Elle va craquer elle aussi, et vite.
La comparaison entre les appartements collectifs de Moscou sous surveillance et la vie à Paris ‘ville de l’amour’ (ce n’est pas Emily mais c’est tout aussi cliché) tourne vite à l’avantage de notre belle capitale sans doute parce que nos quatre rouges sont logés dans un luxueux palace face à l Arc de Triomphe et que la belle coco se couvre littéralement (on ne sait pas très bien qui finance tout ça, pas le Gosplan espère-t-on ) de bijoux, vêtements, lingerie, et accessoires ruineux et inaccessibles au commun des mortels.
Le film est un remake réussi de Ninotchka avec Greta Garbo. Celui là se passait dans les années 30 aux USA, l’autre en France apparemment dans les années 50 mais rien n’a changé dans la vision hollywoodienne de l’URSS .Gageons qu’une troisième mouture sur la Russie de Poutine pourrait avoir lieue aujourd’hui et reprendrait exactement le même discours.
Léon-Paul Fargue sous l’Occupation avait fort drôlement détourné le slogan vedette du régime de Vichy en ‘ Tracas, Famine, Patrouille ‘. Cela semble aujourd’hui l’alpha et l’ oméga de toute propagande contre les régimes un tant soit peu progressistes pointés du doigt par Human right watch.
Mais je dois l’avouer la chanson ‘gaie sibérie’ où je cite ‘ à l heure du whisky on ne manque pas de glaçons’ m’a beaucoup fait rire, ainsi que Peter Lorre à qui on demande ce qu’il faisait chez la manucure à trois heures du matin et qui répond : je ne peux pas dormir avec les ongles longs.
La fin du film est une ode à la libre entreprise, avec la création d’un restaurant russe avec chachliks et balalaïkas c’est à dire selon les auteurs du film la vraie Russie, enfin celle qui se vend le mieux aux touristes. Ce final très PME/la belle équipe semblant d’ailleurs la seule façon de résoudre les contradictions entre les protagonistes .
On notera que Ruben Mamoulian qui réalise le film, très bon cinéaste (Dr Jekyll, la Reine Christine, le signe de Zorro et Laura avant que Preminger ne le jette) , renverse parfois la proposition et tacle l’Amérique. Comme quand les quatre bolcheviks incités à visionner un extrait du Guerre et Paix à la sauce hollywoodienne demandent : et la Russie ? Fred répond : la Russie a gagné contre Napoléon. Et Cyd de rétorquer ironique: dans un film les américains sont capables de faire gagner Napoléon.
Le portrait de la vedette féminine du film en cours, crétine sans culture, face à la capitaine de bombardier ingénieur laisse aussi songeur.
Si le socialisme ou son souvenir était une ambulance on ne tirerait pas autant dessus. Mais dans l antisoviétisme en technicolor après tout on a déjà vu moins drôle, de Jivago à Bons baisers de Russie.
Et finalement s’il faut en rire et bien rions.
* Sur HBO ,OCS en France
(au passage j’essaie de convaincre les fans des salles obscures de la beauté des films remasterisés en très haute définition qui ripolinent les images comme jamais et nous les font revoir comme si c’était la première fois . Pour ma génération qui a connu successivement les pellicules usées des salles d’art et d’essais qui donnaient l impression qu’il pleuvait dans le film , les versions mutilées par les exploitants de salles pour proposer plus de séances, les sous titres blancs sur blanc, puis bien plus tard les VHS vendus neufs mais repiqués dix fois pour éviter qu’ ils ne soient recopiés (si si souvenez- vous !) et bien la fibre optique, je n ai pas peur le dire, c’est le confort absolu des oreilles et des yeux.
Sans compter la programmation qui fait de TCM par exemple la chaine de Ted Turner le patron cinéphile de CNN et un temps compagnon de Jane Fonda, une cinémathèque incroyable à domicile proposant des productions yankee jamais distribuées en France. Offrez vous avec ça un casque, vous ne gênerez pas les voisins au milieu de la nuit en revoyant les Capra. Evidemment tout cela à un prix mais les places de cinéma ne sont pas données non plus.
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SMILEY
Merci Danielle, j’ ai toujours pensé que les chapeaux que tu faisais aux articles étaient souvent d’une autre tenue que l’article lui même. Je crois que c’est ici le cas. Erratum donc: Ninotchka se déroule également à Paris ville de l’amour (décidément.. Emily). Une scène m’avait fait grincer des dents: quand nos trois soviétiques attendent en tremblant le commissaire à la gare ils voient venir un type à barbe en pointe, lunette métallique, et style un peu démodé et se précipitent vers le camarade.. . C’est en fait un nazi. On est en 39 année de la signature du pacte germano-sovietique .
Dans la belle de moscou même scène, mais le barbu n’est qu’un barbu et puis c’est tout. Stalingrad est passé par là.
En résumé Mamoulian n’ est pas Lubitsch, Cyde Charisse n’est pas Garbo et une comédie musicale n’est pas une comédie.
YannickH
Je suis tombé l’an dernier sur ce film de Lubitsch où Garbo incarne une commissaire politique émancipée dans un Paris de carte postale, mais dont le fond se révèle très juste et pas si caricatural que ça.
Maintenant vous me mettez devant un dilemme dois je regarder cette ‘Belle de Moscou’ !?
Il y a tellement de chef d’œuvre oubliés, merci pour cette rubrique.
SMILEY
Ninotchka est un classique. La belle de Moscou, une excellente comédie musicale (il n y en a pas tant que ça) . A toi de voir Yannick surtout si le genre te déplait.
Nous sommes dans une période étrange ou un Bruce Lee de dix mètres de haut orne la façade vitree du Musée des Arts Premiers Quai Branly .Qui l eut cru ?
Alors les catégories …