Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

De Rimbaud, poème à la gloire de la renaissance de Jugurtha

Dans le cadre des relations exécrables que le président Macron a réussi à nouer avec l’Algérie, en confondant le débat académique entre universitaires avec le positionnement diplomatique, voici un rameau d’olivier tendu aux citoyens algériens par un grand poète de 14 ans célébrant la révolte de Jugurtha en train de renaître avec Abdel kader. Parce qu’on peut dire beaucoup de choses sur l’Algérie mais il faut savoir reconnaitre qu’il y a là une terre méditerranéenne chargée d’histoire. (note de danielle bleitrach pour histoireetsociete)

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Le 2 juillet 1869 Arthur Rimbaud âgé de 14 ans va écrire son premier grand poème intitulé «Jugurtha». C’était le sujet du concours de l’académie des Ardennes dont ce génie, connu dans son collège pour rafler tous les 1ers prix, remporta la meilleure distinction. Son poème en éloge à l’Emir Abdelkader sera publié dans la revue académique.

Dans les monts d’Algérie, sa race renaîtra :
Le vent a dit le nom d’un nouveau Jugurtha…
Du second Jugurtha de ces peuples ardents,
Les premiers jours fuyaient à peine à l’Occident,
Quand devant ses parents, fantôme terrifiant,
L’ombre de Jugurtha, penchée sur leur enfant,
Se mit à raconter sa vie et son malheur :
‘’O patrie ! O la terre où brilla ma valeur !’’
Et la voix se perdait dans les soupirs du vent.
‘’Rome, cet antre impur, ramassis de brigands,
Echappée dès l’abord de ses murs qu’elle bouscule,
Rome la scélérate, entre ses tentacules
Etouffait ses voisins et, à la fin, sur tout
Etendait son empire ! Bien souvent, sous le joug

On pliait. Quelquefois, les peuples révoltés
Rivalisaient d’ardeur et, pour la liberté,
Versaient leur sang. En vain !
Rome, que rien n’arrête,
Savait exterminer ceux qui lui tenaient tête !….’’

Dans les monts d’Algérie, sa race renaîtra :

Le vent a dit le nom d’un nouveau Jugurtha…
‘’De cette Rome, enfant, j’avais cru l’âme pure.
Quand je pus discerner un peu mieux sa figure,
A son flanc souverain, je vis la plaie profonde !…
La soif sacrée de l’or coulait, venin immonde,
Répandu dans son sang, dans son corps tout couvert
D’armes ! Et une putain régnait sur l’Univers !
A cette reine, moi, j’ai déclaré la guerre,
J’ai défié les Romains sous qui tremblait la terre !….’’

Dans les monts d’Algérie, sa race renaîtra :
Le vent a dit le nom d’un nouveau Jugurtha…
‘’Lorsque dans les conseils du roi de Numidie,
Rome s’insinua, et, par ses perfidies,
Allait nous enchaîner, j’aperçus le danger
Et décidai de faire échouer ses projets,
Sachant bien qu’elle plaie torturait ses entrailles !
O peuple de héros ! O gloire des batailles !
Rome, reine du monde et qui semait la mort,
Se traînait à mes pieds, se vautrait, ivre d’or !
Ah, oui ! Nous avons ri de Rome la Goulue !
D’un certain Jugurtha on parlait tant et plus,
Auquel nul, en effet, n’aurait pu résister !’’

Dans les monts d’Algérie, sa race renaîtra :
Le vent a dit le nom d’un nouveau Jugurtha…
‘’Mandé par les Romains, jusque dans leur Cité,
Moi, Numide, j’entrai ! Bravant son front royal,
J’envoyai une gifle à ses troupes vénales !…
Ce peuple enfin reprit ses armes délaissées :
Je levai mon épée. Sans l’espoir insensé
De triompher. Mais Rome était mise à l’épreuve !
Aux légions j’opposai mes rochers et mes fleuves.
Les Romains en Libye se battent dans les sables.
Ils doivent prendre ailleurs des forts presqu’imprenables :
De leur sang, hébétés, ils voient rougir nos champs,
Vingt fois, sans concevoir pareil acharnement !’’

Dans les monts d’Algérie, sa race renaîtra :
Le vent a dit le nom d’un nouveau Jugurtha…
‘’Qui sait si je n’aurai remporté la victoire ?
Mais ce fourbe Bocchus… Et voilà mon histoire.
J’ai quitté sans regrets ma cour et mon royaume :
Le souffle du rebelle était au front de Rome !
Mais la France aujourd’hui règne sur l’Algérie !…
A son destin funeste arrachant la patrie.
Venge-nous, mon enfant ! Aux urnes, foule esclave !…
Que revive en vos coeur ardent des braves !…
Chassez l’envahisseur ! Par l’épée de vos pères,
Par mon nom, de son sang abreuvez notre terre !…
O que de l’Algérie surgissent cent lions,
Déchirant sous leurs crocs vengeurs les bataillons !
Que le ciel t’aide, enfant ! Et grandis vite en âge !
Trop longtemps le Français a souillé nos rivages !…’’
Et l’enfant en riant jouait avec un glaive !…

II. Napoléon ! Hélas ! On a brisé le rêve
Du second Jugurtha qui languit dans les chaînes…
Alors, dans l’ombre, on, voit comme une forme humaine,
Dont la bouche apaisée laisse tomber ces mots :
‘’Ne pleure plus, mon fils ! Cède au Dieu nouveau !
Voici des jours meilleurs ! Pardonné par la France,
Acceptant à la fin sa généreuse alliance,
Tu verras l’Algérie prospérer sous sa loi…
Grand d’une terre immense, prêtre de notre droit,
Conserve, avec la foi, le souvenir chéri
Du nom de Jugurtha !…N’oublie jamais son sort :
III. Car je suis le génie des rives d’Algérie !…’’

Poème traduit du latin – Arthur RIMBAUD

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