La nouvelle série “Fondation” signée Apple TV+ est sortie ce vendredi 24 septembre. J’ai souvent parlé du rôle joué par le cinéma pour mettre à jour une subjectivité de l’histoire qui soit intégrable à sa compréhension, mais dans le cas de fondation, il me paraissait impossible d’aboutir à un film, tant ce monument littéraire semblait y résister. Baran m’a aussitôt signalé cette série télévisée parce que nous savons lui et moi l’aventure intellectuelle de la psychohistoire. Je dois dire que le fait qu’un homme beaucoup plus jeune que moi, qui est très loin de la matrice pcf, puisse tout de suite comprendre de quoi il est question m’a rassurée puisqu’il avait confirmé l’effet de ce cycle. Sans l’expérience cubaine, simplement celle d’un effondrement historique et de la tentative de maitrise de la transition, est-ce que je l’aurais compris ou s’agit-il d’un besoin de transcendance dans la matérialité que de toute façon j’aurais trouvé n’importe où ? (note de Danielle bleitrach)
IL Y A 7 VOLUMES, C’est pour cela que l’on parle d’un cycle
Il s’est avéré qu’un été alors qu’à Cuba, je gardais l’appartement d’une amie marie-do partie en France, j’ai trouvé les sept volumes entassés dans un placard : Prélude à Fondation, L’Aube de Fondation, Fondation, Fondation et Empire, Seconde Fondation, Fondation foudroyée, et pour finir Terre et Fondation. Le Cycle de Fondation a été reconnu comme un monument de la science-fiction en remportant le prix Hugo spécial de la meilleure série de science-fiction/fantasy de tous les temps en 1966. Le titre n’a pas été re-décerné depuis, faisant de l’œuvre de Asimov un élément singulier du genre de la science-fiction.
Je me suis jetée sur ces livres et pendant une semaine je ne les ai pas quittés, mangeant ce qui restait de nourriture dans le réfrigérateur poussif ; le fait que cette découverte ait eu lieu à Cuba fut fondamental. Alors que partout dans le reste du monde le capitalisme paraissait avoir triomphé, ici il y avait un diable d’homme qui paraissait persuadé qu’il n’en était rien, que l’empire était plus que jamais en sursis.
C’était à Cuba que le futur avait un sens, ailleurs c’était la fin de l’histoire
Fondation commence en l’an 12 065 et l’humanité s’est répandue dans toute la Galaxie, elle s’est approprié 25 millions de planètes. Pour passer de l’une à l’autre il y a des sauts quantiques et l’ensemble forme un Empire Galactique qui a pour capitale Trantor, un univers de métal avec des niveaux souterrains, le seul lieu où subsistent des végétaux est une sorte de cité interdite autour du palais impérial dans lequel est regroupé la haute bureaucratie impériale. Hari Seldon, un mathématicien de génie vit dans ce palais et il est convaincu que l’empire galactique est en train de tomber même s’il parait au faîte de sa puissance.
Pour le moment contentez-vous de ce fait, vous ouvrez un livre qui vous dit ça, quand Fidel … bon je pense que vous commencez à comprendre en quoi le fait d’être à Cuba, d’avoir un grand bonhomme avec un pouvoir de conviction pas possible en train de convaincre une île entière et moi, que l’impérialisme victorieux, cette brute faisant ripaille sur les ruines fumantes de l’URSS, est bel et bien en train de s’effondrer.
Je voudrais que vous mesuriez bien ce que signifie cette puissance de conviction; on crevait la dalle à Cuba, tout manquait et pour tout arranger c’était la saison des cyclones. Il y en a eu un si terrible que Fidel pour en décrire les effets à déclaré “nous avons reçu l’équivalent d’une bombe thermo nucléaire”, ce n’était que dévastation mais en faisant quasiment déménager toute l’île il n’y avait pas eu de morts. Cela dit vivre une telle situation m’a permis de comprendre l’ami qui m’a dit à la fois sa vénération pour Fidel, tout en constatant “sans nous, sans le peuple cubain, il n’aurait pas pu faire grand chose”…
Mais quand entre faim et cyclone, je continuais à lire fondation d’Asimov, cela donnait un tout autre sens à la prédiction de Seldon, ce génie de l’histoire. Imaginez lire cette phrase alors que toute la planète parait en train de se rendre et que vous êtes dans le seul lieu où l’histoire continue où on vous annonce la fin du capitalisme et de l’empire galactique le tout en ne sachant pas où trouver le moindre petit morceau de savon et mangeant du riz gluant avec des haricots rouges et quelques morceaux de couenne de porc une fois par jour et vous lisez :
On pourrait croire que l’Empire est éternel. Et pourtant, monsieur le Procureur, jusqu’au jour où la tempête le fend en deux, un tronc d’arbre pourri de l’intérieur semblera plus solide que jamais. L’ouragan souffle déjà sur l’Empire. Prêtez-lui l’oreille d’un psychohistorien, monsieur le Procureur, et vous entendrez craquer les branches de l’arbre.
Parce qu’il faut que vous sachiez qu’à Cuba, Fidel Castro ne se contentait pas de convaincre son peuple, il faisait venir des tas de gens dont j’ignorais tout, comme ce jour où au palais des congrès j’avais derrière moi une délégation d’indiens et dont l’un d’eux s’appelait Evo Morales. A la tribune? joseph Stieglitz parlait au nom de la banque mondiale. Fidel les écoutait comme il écoutait Chavez, celui-ci amnistié et libéré de prison, débarquant à Cuba, Fidel était venu l’accueillir sur le tarmac; il rassemblait tous ceux qui partageaient sa conviction “non ce n’était pas la fin de l’histoire mais celle du capitalisme”, il allait mourir dans de terribles convulsions et si les peuples s’unissaient ils pourraient limiter les dégâts d’une telle chute. Ce n’était pas seulement la chute de l’empire romain parce que le capitalisme résisterait et que l’humanité possédait un arsenal lui permettant de s’autodétruire…
Aujourd’hui 29 septembre 2021, quand j’ai lu que Cuba à l’onu aussitôt relayé par le Venezuela avait réclamé le désarmement nucléaire général j’ai repensé à cette mise en garde de Fidel sur les dangers de la chute de l’empire.
Mais revenons-en au cycle d’ASIMOV : fondation et ce que Hari Seldon met en place pour créer un nouveau système d’unification des planètes face à cette crise; c’est le plan Seldon, je résume : il crée deux Fondations et je reviendrai sur les analogies que cela m’a inspiré. Tout le cycle ne nous fait connaitre que la première fondation dont le rôle sera de rassembler le savoir de toute l’humanité essentiellement scientifique et technique dans une Encyclopédie sur une petite planète à l’extrémité de la Galaxie, Terminus. Mais on sait qu’il existe une seconde fondation qui elle représente le projet transcendant et dont la force mentale soutient on ignore où et comment la vocation de développement de la première.
Qu’est-ce que la psychohistoire ?
C’est une science qui en tablant sur “les masses” utilise les mathématiques du calcul des probabilités pour dessiner un destin de l’humanité. HARI SELDON a prévu que périodiquement son hologramme apparaitrait sur la première fondation pour vérification et il y a même une distorsion quand un espèce de clown tragique s’empare des esprits pour tenter de bouleverser le sens de l’histoire, il est stérile d’où son nom de mulet. IL y a eu quelque chose de cet ordre-là, avec l’attentat du 11 septembre contre les tours newyorkaises, Fidel l’a très malpris, il a dénoncé l’acte criminel etimbécile… Cela contredisait son plan celui des rapports sud-sud pour construire une alternative… Comme l’expédition destructrice du mulet, dans le cycle…
Mais les individus de chaque récit s’effacent dans le sycle et le roman qui suit les a transformés en références historiques pour éviter les pièges de l’avenir. C’est un des aspects les plus novateurs et les plus fascinants sur le plan littéraire que d’avoir réussi ce pari de faire ainsi de l’humanité, de son évolution dans l’immensité de l’univers, le véritable héros d’une histoire dont les individus ne sont que les porteurs momentanés alors que le style d’azimov n’a rien de novateur, la construction n’a pas d’équivalent si ce n’est dans l’imaginaire de chaque lecteur, comment peut-on prétendre filmer celamême en offrant tous les moyens?.
l’imaginaire ? CELUI qui vous permet de rentrer dans le cerveau de fidel et dans le quotidien picaresque du peuple cubain, pensez l’incroyable analogie, être à Cuba, à la fin du deuxième millénaire, dans une petite île de la Caraïbe, qui maintient que Marx et Lénine ont vu juste, seuls ou presque et être plongée dans une histoire qui débute au treizième millénaire, alors que l’Empire n’a jamais été aussi puissant. Dans Tantor, sa capitale, le savant Hari Seldon met au point la psychohistoire, une science mathématique basée sur les statistiques et permettant de prédire l’avenir à l’aide de nombreux facteurs (sociaux, économiques, sociologiques…). Cette science décriée lui permet d’affirmer qu’un effondrement inévitable aura lieu d’ici cinq siècles, suivi par une période de ténèbres de trente mille ans. Le seul possible est de réduire ces temps obscurs à mille ans si la classe dominante et le pouvoir impérial acceptent son projet, le seul – selon ses calculs – capable de raccourcir l’échéance ; partir avec 100 000 scientifiques et mettre au point la Fondation, une organisation chargée de rassembler absolument toutes les connaissances humaines dans une Encyclopédie, afin qu’elles ne se perdent pas au cours des années de ténèbres à venir.
Inutile de vous expliquer que ce type de Cassandre est mal vu de ceux qui ont le pouvoir, Hari Seldon est jugé devant un tribunal tel Galilée ou Fidel, et, même si on l’acquitte partiellement c’est pour l’exiler sur la petite planète Terminus aux ultimes confins de la galaxie avec les disciples compagnons, ingénieurs pour la plupart. Mais, il a prévu un autre lieu … la seconde fondation…
Nul ne sait ce qui est le prétexte et de quoi pour que triomphe le plan… Et d’ailleurs les héros momentanés se succèdent chacun reprenant le projet mais aussi l’infléchissant… parce qu’il y a quête et interprétation à chaque génération.
Le huitième volume de fondation
C’est cette année-là que dans la vieille Havane sur un étal de bouquiniste sous des arcades, là où s’entassaient les livres d’occasion, j’ai découvert un rapport de FIDEL CASTRO aux non alignés de 1983. J’ai bien souvent raconté le rôle que ce rapport avait joué dans ma perception de l’évolution du monde.
Un jour peut-être ou jamais je décrirai ce moment de mes mémoires où se sont rassemblés autour de ce rapport écrit en espagnol, que j’ai conservé, sous sa couverture rouge, se trouvaient les mots de Fidel sur la crise qu’allait affronter l’humanité, une crise disait-il d’une telle ampleur que même l’URSS et sa planification n’y résisteraient pas, seuls des rapports sud-sud pourraient éviter la crise impérialiste… J’alternais la fiction et son rêve avec le rapport, la situation concrète de Cuba et son invite à résister… Et c’est là que j’imagine que la première fondation, celle où est en train de se rassembler l’encyclopédie humaine c’est la CHINE mais la seconde fondation, celle de l’âme humaine c’est Cuba… Ils poursuivent le plan de Lénine… L’infléchissent.
Et dans le roman, les derniers héros ne semblent plus chercher la première fondation, le secret se trouve dans la terre originelle, celle qui s’est autodétruite et que les êtres humains ont dû fuir… Là encore, je sortais de ma lecture pour retrouver les préoccupations écologiques de Fidel, la volonté de préservation des espèces végétales animales… je me souviens encore de l’ultime héros de la saga, celui qui doit choisir un destin pour l’humanité en train de renaître. Il cherche la terre originelle et se trouve devant une planète appelée Gaïa où l’unité est réalisée entre tous les êtres vivants, une même conscience, une même jouissance les unit, du brin d’arbre à la femme qu’étreint l’astronaute… Aimer dans le déchaînement d’un cyclone tropical. Il quitte Gaïa et choisit cette intégration de toute la galaxie à ce destin collectif, mais lui ne peut l’adopter pour lui et repart à sa solitude parce qu’il a été conçu dans un autre monde…
ALORS face à l’effondrement, il y avait à préserver la mémoire de ce qui permettrait à l’humanité d’être. Il fallait combattre la falsification. Pas seulement des faits épars, une cohérence.
je suis née dans une époque où on avait abouti, jusqu’à Althusser, à une tentative de mise en évidence de l’unification et l’organisation conceptuelle sous jacente à une pensée,une oeuvre sous la double influence du marxisme et de la psychanalyse. Tout faisait signe, chaque problème, chaque événement renvoyait à une “problématique”. je pense ainsi… encore aujourd’hui et c’est ce qui apporte la plénitude, le désir de comprendre et de vivre. est-ce que l’on croyait que le destin de l’humanité se dessinait dans une petite île des caraîbes pour atteindre lagalaxie ? Bien sur que non mais l’essence de la vie était dans cette capacité à lire et à unifier tout ce qui se présentait épars …
Cette forme romanesque de fondation correspondait bien à un mode de penser: la personne marche comme la sculpture de Giacommetti mais à l’inverse d’aujourd’hui l’individu n’est pas autosuffisant, tout ce qui est lui dans l’essentiel le lie à un monde, à une histoire, penser est une relation àl’extérieur. Pour Althusser : “l’histoire devient l’élément général duquel nait le mouvement et la vie , le transcendental concret”. IL ira jusqu’à refuser l’antériorité de Hegel pour inventer l’unité conceptuelle irreductible de MARX eten faire l’objet d’une surdétermination “en dernière instance”.
IL n’y a rien d’autre que ce qui peut alimenter ce transcendental concret, c’est-à-dire l’aspiration à vivre plus loin et plus haut que soi, mais en renvoyant chaque élément d’une vie, de choix, de recontres, d’affects, à des conditions matérielles , ancrées socialement et historiquement.
incontestablement sil’on contextualise lecycle d’Asimov porte une vision progressiste tant enmatière de confiance dans la science et dans le progrés, voir clairement affirmé un choix collectif socialiste comme destin de l’humanité mais dans le même temps le doute, l’ambivalence sont là et multiplient les interrogations, ce qui renforce encore son actualité.
danielle bleitrach
. Le budget faramineux de Apple dit la réclame nous laisse imaginer la qualité visuelle de la série qui risque de nous offrir un véritable spectacle de science-fiction moderne, une façon de redonner vie à l’univers de Fondation.https://www.youtube.com/embed/crauWXoNykw?feature=oembedAPPLE TV+CYCLE DE FONDATIONFONDATIONFONDATION APPLE TV+FONDATION LIVREISAAC ASIMOVSCIENCE FICTION0
JE NE SAIS PAS….
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Jean François DRON
J’ai du lire au moins 4 fois le cycle de fondation tout comme les autres oeuvres d’Isaac Assimov ainsi que les oeuvres De Van Voght.Il est triste que depuis plus de 20 ans maintenant, rien n’est sorti d’intéressant dans la SF. Pourtant c’est très bon pour se projeter dans la construction d’une société nouvelle compris pour appréhender les écueils qui nous attendent.