L’OCS s’intéresse à l’Iran en tant que grand pays à fort potentiel économique.
L’Organisation de coopération de Shanghai a été créée en en 2001 par la Chine, la Russie, et quatre États d’Asie centrale, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan. Elle s’élargit à l’Inde et au Pakistan en 2017, elle vient de s’élargir à l’Iran en septembre 2021 et c’est l’objet de cet article russe. L’OCS est l’un des fers de lance de la géopolitique de la Russie dont le tournant vers l’Asie, amorcé dès 1996, est amplifié par Vladimir Poutine dans les années 2010, en même temps que se détériorent ses relations avec les Occidentaux. Si elle n’est pas un traité d’alliance comparable à l’OTAN, elle constitue un lieu de concertation régionale qui permet de faire face aux manœuvres des États-Unis et de leurs alliés dans cette zone. L’Organisation a institutionnalisé peu à peu une coopération visant à assurer la sécurité collective de ses adhérents face aux menaces « du terrorisme, de l’extrémisme et du séparatisme ». La Chine et la Russie sont au centre de cette entente et formalisent par son biais une forme de rapprochement géostratégique qui dépasse le cadre régional. la Chute de Kaboul et l’agressivité de Biden sont au menu, et l’alliance russo-chinoise paraissent ici comme ailleurs comme la seule manière de faire face au “terrorisme d’Etat US” avec ses blocus et sanctions. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop)
19 Sep 2021
Photo : president.ir
Texte : Rafael Fakhrutdinov,
Nikolay Vasilyev
https://vz.ru/world/2021/9/19/1119525.html
L’Organisation de coopération de Shanghai a été élargie par l’admission de l’Iran, qui se contentait auparavant du statut d’observateur. Les analystes établissent un lien entre l’élargissement de l’OCS et le changement de pouvoir à Téhéran, mais plus encore avec la chute de Kaboul. Qui a résisté jusqu’au dernier moment à l’admission de la république islamique dans le club, et qui a tout à gagner de son entrée dans l’OCS ?
Le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) s’est tenu vendredi à Douchanbé dans une atmosphère festive – à double titre. Premièrement, l’alliance célébrait son 20e anniversaire et deuxièmement, un nouveau membre a rejoint l’alliance. Les chefs d’État ont approuvé le document “Sur la procédure d’admission de la République islamique d’Iran en tant que membre de l’OCS”. L’Iran deviendra ainsi le neuvième membre de l’OCS, qui comprenait jusqu’à présent l’Inde, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Chine, le Pakistan, la Russie, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan.
Le nouveau président iranien Ebrahim Raïssi, présent au sommet, a souligné dans son discours que l’adhésion à l’OCS permettra à l’Iran de rejoindre les importantes routes commerciales eurasiennes, rappelant que la route chinoise “Une ceinture, une route” passe déjà par sa république islamique. M. Raisi a également exprimé l’espoir que l’OCS puisse développer un mécanisme pour aider la République islamique à se débarrasser des sanctions. Il a comparé les sanctions imposées à son pays à du terrorisme d’État.
Le président Vladimir Poutine, qui participait à la réunion par vidéoconférence, a dans son discours salué l’adhésion de l’Iran. “Nous avons toujours prôné la participation à part entière de l’Iran à notre organisation en nous basant sur le fait que ce pays joue un rôle important dans la région eurasienne”, a rappelé le dirigeant russe. On sait que Téhéran a déposé une demande d’adhésion à l’OCS au début de l’année 2016. Au cours de l’été de la même année, M. Poutine a exprimé son soutien à la demande.
Le président chinois Xi Jinping s’est dit convaincu que la “famille grandissante de l’OCS” allait “construire la paix dans le monde, contribuer au développement mondial et défendre l’ordre international”. De son côté, le Premier ministre indien Narendra Modi a ajouté que “l’expansion de l’OCS montre l’influence croissante de l’organisation”.
Plus tard, le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir Abdollahian, lors d’une rencontre avec son homologue Sergei Lavrov, a remercié Moscou d’avoir soutenu l’idée de Téhéran de rejoindre l’OCS. Les deux diplomates ont discuté de la situation en Afghanistan et la partie iranienne a noté la nécessité pour Téhéran et Moscou de coopérer sur cette question. Abdollahian a ajouté que “la situation actuelle en Afghanistan est le résultat du retrait irresponsable des États-Unis.”
“Moscou a effectivement plaidé activement en faveur de l’admission de l’Iran, mais la Chine était restée silencieuse sur la question. Aujourd’hui, Pékin a retiré ses objections.L’Iran a reçu le feu vert – et cela s’est produit principalement en raison des événements en Afghanistan”, – a déclaré Vladimir Sazhin, chercheur principal à l’Institut d’études orientales de l’Académie des sciences de Russie, au journal VZGLYAD.
“L’Iran a historiquement une très forte influence sur son voisin l’Afghanistan, où vivent beaucoup de chiites Hazaras”, explique l’expert. – Avant la chute de Kaboul, l’Iran avait un chiffre d’affaires commercial très important avec l’Afghanistan. Et maintenant Téhéran, sous certaines conditions, est prêt à coopérer avec les Talibans également. L’OCS est consciente que le problème de l’Afghanistan est très compliqué et qu’il sera encore plus difficile de le résoudre sans l’Iran. C’est pourquoi l’admission de l’Iran à l’OCS pourrait aider les pays du bloc à trouver un terrain d’entente sur l’avenir de l’Afghanistan”, a déclaré M. Sazhin.
“De plus, Téhéran reste sous sanctions américaines, en semi-isolement international à cause de son problème nucléaire. Les négociations à Vienne sur la réanimation de l'”accord nucléaire” sont très difficiles”, a déclaré l’orientaliste. – Dans ce contexte, l’adhésion de l’Iran à l’OCS est un cadeau pour restaurer son statut international”.
Rajab Safarov, directeur général du Centre d’étude de l’Iran contemporain, est d’un avis différent. Il attribue l’adhésion de l’Iran à l’OCS au récent changement de pouvoir à Téhéran. Selon lui, l’ancien président iranien Hassan Rohani et le ministre iranien des affaires étrangères Djavad Zarif étaient des politiciens pro-occidentaux, bien qu’ils l’aient “soigneusement dissimulé” en raison de la position anti-américaine de l’ayatollah suprême Ali Khamenei, le chef de l’État. Comme le rappelle Safarov, Zarif a essentiellement grandi en Amérique et a donc “été influencé par les valeurs, la culture et les idées politiques occidentales”. “Rohani et Zarif ont entravé le développement des relations avec la Russie. Ils ont eux-mêmes maintenu l’Iran hors de l’OCS”, a expliqué l’expert.
Il convient de rappeler que ces dernières années, en effet, les scandales entre Moscou et Téhéran ont surgi plus d’une fois. Par exemple, en avril, la presse occidentale a publié les propos scandaleux de M. Zarif, dans lesquels celui qui était alors ministre des affaires étrangères tenait des propos grossiers sur la Russie. Selon M. Zarif, Moscou aurait tenté d’empêcher l’Iran et les États-Unis de conclure un “accord nucléaire” en 2015.
Le nouveau gouvernement dirigé par le président Raïssi, est clairement axé sur le rapprochement avec la Russie et la Chine, a déclaré M. Safarov. “Pas un seul membre du nouveau gouvernement iranien, ni Raïssi lui-même, n’a passé un seul jour de sa vie aux États-Unis ou en Europe. Et l’Occident n’a aucune influence sur eux”, a souligné M. Safarov.
Téhéran demandait depuis longtemps à rejoindre l’organisation, mais l’un des obstacles à cela était les sanctions internationales qui lui étaient imposées, explique Andrei Kortounov, directeur général du Conseil russe des affaires étrangères. La décision de Douchanbé montre que les pays de l’OCS soutiennent l’Iran et ne sont plus solidaires de la position américaine, est-il convaincu. Il y voit une “victoire de la diplomatie iranienne”.
“Tout d’abord, la République islamique elle-même, qui reste sous sanctions américaines, va y gagner. De fait, la situation économique là-bas est difficile. Le pays a besoin de nouvelles sources de développement ainsi que d’une rupture de l’isolement international dans lequel les États-Unis tentent de pousser l’Iran”, a expliqué M. Kortounov. “L’OCS, de son côté, s’intéresse à l’Iran en tant que grand pays au potentiel économique important. En outre, c’est un grand producteur d’énergie, ce qui signifie un complément naturel au potentiel qui existe déjà dans les pays de l’alliance”, a déclaré l’expert au journal VZGLYAD. “L’admission de la république à l’OCS renforcera la coopération entre la Russie et l’Iran, et l’organisation elle-même va désormais s’étendre géographiquement à l’ouest”, estime M. Kortounov.
Les sanctions américaines n’ont pas été le principal obstacle à l’adhésion de l’Iran à l’OCS, M. Sazhin en est convaincu : l’opposition du Tadjikistan a été un facteur important ces dernières années. “Depuis 2016, l’Iran entretient des liens avec un mouvement islamiste tadjik qui s’oppose à la politique de Douchanbé”, rappelle l’expert. – Mais aujourd’hui, les relations entre Téhéran et Douchanbé se sont également améliorées.
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