Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Laurent Brun : une position de bon sens et surtout de classe…

Je voudrais dire mon accord à 100 % avec cette intervention de Laurent Brun qui reprend un texte de Lorenzo Battisti. C’est la première qui me donne le sentiment d’être entendue, ce qui n’est pas seulement une satisfaction personnelle mais le choix de la plupart de ceux qui animent ce blog autour de la perspective du socialisme. Le socialisme ne saurait être le résultat d’un complot de dirigeants mais bien le résultat d’un combat de classe dans lequel doit toujours plus s’élever la conscience de ceux qui luttent pour l’émancipation humaine. Je suis tout à fait d’accord avec le constat que Macron comme la plupart des dirigeants capitalistes certes ont des objectifs mais ils improvisent et doivent de plus en plus faire face à des difficultés et en ce moment il manœuvre en recul. (note de Danielle Bleitrach)

Il n’y a pas de pouvoir omnipotent et manipulateur, il y a des classes sociales qui s’affrontent dans des interactions complexes, des intérêts convergents des membres de ces classes, mais également des contradictions.

Macron a des stratégies, mais il improvise pour une très large part. Il obtient des réussites parce que nous ne sommes pas assez affûtés sur ce que nous voulons, pas assez bien structurés, pas assez rigoureux, pas assez nombreux à être impliqués réellement. Mais il subit aussi de grosses défaites (réforme des retraites, privatisation d’Adp, réforme du chômage, éclatement d’EDF) que nous avons le tort de laisser passer pour des hasards alors nous avons mené des luttes massives contre ces projets.

L’important c’est le sens idéologique que nous donnons à nos luttes et l’organisation que nous structurons pour les mener.

La liberté individuelle absolue est antisociale, c’est le retour à la jungle du chacun pour soi. Les libertariens américains voudraient nous y ramener, l’extrême droite française aussi. Il y a une droite classique plus interventionniste, incarnée par Macron ou les LR, qui fait mal au peuple, mais s’attaquer à leur politique ce n’est pas revenir à l’absence de règles collectives, absence dont les capitalistes se satisferaient très bien. Et nous n’avons pas besoin d’hommes (ou de femmes) providentiels, nous avons besoin que chaque citoyen se bouge le cul et s’organise pour défendre d’autres principes d’organisation sociale et économique.

A la rentrée, je ne me bougerai pas sur le pass, mais sur les retraites, le chômage, les privatisations, l’emploi, les salaires.

Un post de Lorenzo Battisti que je trouve intéressant : « Si on regarde les commentaires de ce groupe et d’autres groupes de la CGT, on peut lire beaucoup de débats sur ces manifestations et la participation de l’extrême droite. L’impression est que de nombreux travailleurs de la CGT pensent qu’ils peuvent faire passer ces manifestations à gauche. Cette position repose sur l’idée que les mouvements sociaux n’ont pas d’orientation propre mais dépendent exclusivement des rapports de force : si nous allons en masse à cette manifestation, nous volons cette manifestation à la droite et la portons à la gauche.

Malheureusement, ce n’est pas le cas.

Pour comprendre la nature d’un mouvement social, il faut comprendre ses racines sociales. Le mouvement contre le Pass Sanitaire s’inscrit dans la continuité des nombreuses manifestations obscurantistes qui ont eu lieu en France et en Europe ces derniers mois. Elles ont “en elles-mêmes” une racine d’extrême droite car elles sont basées sur l’irrationalisme (“le virus n’existe pas” “c’est une grippe normale” “on peut la soigner avec le médicament x mais on ne nous le dit pas” etc) et sur la conspiration. Elle repose sur l’idée que l’homme ordinaire est victime d’un système d’exploitation dans lequel tout est contrôlé par un petit cercle d’élites ayant le pouvoir de tout contrôler et de tout planifier.

Ceux qui viennent, comme moi, du pays qui a inventé le fascisme, savent très bien que c’est la base culturelle du fascisme. Celui qui pense cela n’est pas encore un fasciste, mais il est à un pas de le devenir. Malheureusement, il y a aujourd’hui beaucoup de gens qui confondent la lutte des classes avec la lutte contre les élites : la première est une lutte pour la démocratie et l’égalité, la seconde est une route qui mène au fascisme.

Pourquoi ? Parce que si cette élite toute puissante existe, il n’y a aucune possibilité de démocratie, en fait tout le monde en démocratie est compromis avec l’élite qui contrôle tout. Une élite internationale (et certains soulignent même la racine juive). Eh bien, si c’est le cas, la seule solution dans ce cas c’est une force anti-démocratique et nationaliste, dirigée par un homme (ou une femme ?), qui libère le pays de la démocratie corrompue des élites.

Les manifestations de ces jours-ci sont des manifestations qui partent de ce terrain culturel. C’est pourquoi l’extrême droite, en France comme dans toute l’Europe, est dominante. Il ne s’agit pas d’un problème de rapports de force, ni d’aller en masse pour changer la direction des manifestations. C’est que la culture sur laquelle elle se fonde, les slogans, l’orientation politique sont d’extrême droite. Je suis désolé de constater que, sur ce sujet, la confusion en France est la même que dans mon pays d’origine, où il n’y a plus de gauche ou de grèves dignes de ce nom. J’appelle chacun à faire attention à sa participation à ces manifestations, car cela pourrait nuire aux futurs mouvements de classe auxquels la CGT doit participer. »

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4 Commentaires

  • Rouge Trégor
    Rouge Trégor

    Tout à fait d’accord. Ca change de ce que j’entend parmi mon entourage, pourtant des gens de “gôche” (FI, EELV, Attac …) et des syndicalistes soi-disant révolutionnaires comme Sud.

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  • Popelin
    Popelin

    Bien d’accord aussi . Je me demande si le monde n’est pas atteint de folie collective? Un ami médecin a analysé les “revendications” des manifestants: liberté ? mais où est le sens commun ? D’où vient ce rejet de la science qui
    me fait penser aux peurs de Moyen âge ? Avec la référence à la Shoah …
    Je n’aurais jamais pensé arriver à un tel recul de le conscience, de la raison etc.

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  • Xuan

    L’opposition au pass sanitaire relève de l’obscurantisme et du complotisme, c’est vrai mais pas uniquement.
    Cette opposition dépasse le cadre de l’extrême-droite. Elle repose aussi sur le rêve de “liberté” d’une partie de la petite-bourgeoisie, qu’on retrouve aussi bien chez les Insoumis.

    Le paradoxe est que cette “liberté” a été vendue comme la caractéristique exclusive du capitalisme et du libéralisme, opposée au totalitarisme du socialisme et au régime des dictateurs de divers pays.
    L’épreuve de la pandémie remet en question la notion de liberté individuelle. Il apparaît que le salut collectif – et donc individuel aussi – dépend d’une discipline collective.
    Mais comme c’est dur à avaler !

    Discipline collective que le gouvernement de la bourgeoisie a rejetée à plusieurs reprises, pour des raisons idéologiques, économiques ou purement électoralistes, répondant par exemple aux récriminations de certains boutiquiers contre les mesures de température dans leur magasin.
    On a vu aussi le port du masque discrédité, les tests réduits à la convenance personnelle, le contrôle électronique sur mobile limité à sa plus simple expression, etc.
    Evidemment – et Laurent ne me contredira pas sur cela pour l’avoir lui-même justement dénoncé – l’absence de contrôle collectif dans l’intérêt du peuple est à l’origine de l’échec des confinements successifs et de la reprise des infections à chaque déconfinement, avec à la clé la généralisation des foyers infectieux dès les premiers mois.

    D’un samedi à l’autre, les manifestants sont passés de 100 000 à 200 000, puis à 480 000 selon France-Police aujourd’hui. C’est une réaction au sens médical, comme une éruption cutanée sur un vaccin justement, mais pas au sens étroitement « historique » puisque la Réaction s’opposait aux principes libéraux issus de la Révolution française : bon nombre de manifestants crient « liberté » et brandissent des drapeaux tricolores.
    Ce ne sont pas tous des néo fascistes pour autant. Ils ne sont pas réactionnaires par rapport aux traditions bourgeoises libérales, ils le sont par rapport à la transformation inévitable de notre société, par rapport à la nécessité d’adapter les institutions, l’idéologie, les principes fondateurs de la société et la propriété des moyens de production au caractère social de la production, au caractère social de l’écologie, au caractère social de la protection sanitaire.

    Comme la peste noire médiévale avait ébranlé le féodalisme, ou comme les grandes guerres l’ont fait avec le capitalisme, la pandémie met à l’épreuve la société bourgeoise libérale impérialiste jusque dans ses principes fondateurs.

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    • marsal
      marsal

      Je suis assez d’accord avec le commentaire de Xuan. Le principe du “Pass sanitaire” est typiquement une réponse libérale à la situation. Le vaccin n’est pas rendu obligatoire, il n’y a d’ailleurs pas assez de doses encore pour tout le monde et ce ne sera visiblement pas le cas avant plusieurs mois. Il n’y a pas de campagne systématique de vaccination, ni, surtout, d’organisation de la vie collective de cette période durant laquelle une partie de la population est vaccinée, l’autre pas. Cette deuxième partie de la population est donc purement et simplement exclue de la vie sociale, culturelle et même d’un certain nombre de soins, en plus de ne pas être protégée contre l’épidémie. Elle sera d’autant moins protégée contre l’épidémie que, Macron ne l’a pas caché, il sera très réticent à prendre des mesures de protection et de baisse de la circulation du virus. Blanquer, comme d’habitude, en a rajouté une couche, expliquant que, si nécessaire, les cours en classe continueront pour les enfants vaccinés, les autres se débrouillant pour suivre à la maison…

      Or, pour différentes raisons que nous pouvons facilement comprendre, il se trouve que, cette partie de la population, qui non seulement n’est pas protégée contre l’épidémie, mais en plus se retrouve exclue de la vie sociale, se trouve majoritairement être parmi les classes populaires.

      Pour cette partie de la population, les problèmes vont se cumuler : risque sanitaire, exclusion sociale, perte de revenu, mauvais accès au soin … La situation des départements d’outre-mer est très typique de cette catastrophe engendrée par la gestion libérale de l’épidémie : les touristes sont globalement vaccinés, et peuvent rentrer en métropole s’ils sont positifs. La population locale ne l’est pas, pour pleins de raisons, des bonnes et des mauvaises, et il y a un déficit d’infrastructures locales.

      Actuellement, environ 2/3 des adultes en France ont eu leur première dose. Cela veut dire qu’un tiers ne l’ont pas encore. Je ne pense pas du tout qu’il y ait un tiers d’antivax en France. Ceux qui n’ont pas encore leur première dose n’auront pas leur pass sanitaire vaccinal avant quasiment la fin septembre. Il devront, sous peine de ne plus avoir de salaire, produire un test tous les trois jours (avec la menace de rendre ces tests payants) pour pouvoir travailler et conserver leur revenu. Ils pourront aussi tenter de se procurer un faux pass sanitaire, il semble que se développe une sorte de marché noir du pass sanitaire qui est une véritable honte.

      Une campagne de vaccination publique, organisée est nécessaire et il me semble tout à fait important de dire que le vaccin doit être obligatoire. Il faudrait également expliquer qu’une telle campagne ne peut être que mondiale. La position de Macron (contraire à celle de l’OMS) privilégiant une éventuelle “3ème dose” en France plutôt qu’un élargissement de l’accès des pays pauvres à la vaccination est criminelle et stupide. Chaque fois qu’un grand pays ou bassin de population a perdu le contrôle de l’épidémie, un nouveau variant, plus contagieux a émergé. Il y a eu le variant anglais, brésilien, aujourd’hui indien. Tout indique que la vague actuelle fera d’autres variants, avec le risque d’un variant résistant au vaccin. Le refus des firmes capitalistes et des grands états occidentaux de lever les brevets, de permettre une production massive et peu coûteuse des vaccins (le refus également de valider les vaccins russes et chinois en Europe) ont des conséquences très graves au niveau mondial. Seule la Chine met en place aujourd’hui des capacités de production de vaccins suffisante pour l’ensemble de la population mondiale, les firmes occidentales se limitant (comme d’habitude) à la demande solvable.

      Sur un plan national, à partir du moment où l’on sait qu’il faut vacciner massivement, mais que l’on ne peut pas vacciner tout le monde avant la fin de l’année, une campagne socialiste s’efforcerait de prioriser efficacement les doses disponibles. Par exemple, il eut été très utile en mai et juin, de vacciner massivement et prioritairement le personnel de l’industrie touristique. Pour la rentrée, il est évident qu’il y a également des choix stratégiques à faire, plutôt que d’attendre et de laisser le chacun pour soi triompher.

      Enfin, tant que les politiques de santé ne permettent pas de vacciner chacun, il est important de formuler une solution viable de vie collective incluant (autrement que par un magistral “démerdez-vous”, comme sait si bien le faire Macron) vaccinés et non vaccinés dans une solidarité plutôt que d’opposer les uns aux autres.

      Jusqu’ici, à part en Chine, le virus a, à chaque étape, un coup d’avance sur les politiques de santé publique. Il est à craindre que cela continue.

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