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Comme souvent, pratiquement d’accord avec les accents martiaux de Descartes si ce n’est que le problème est bien la légitimité de ceux qui invitent au devoir. C’est pourquoi je m’obstine avec visiblement peu de capacité à convaincre à tenter de provoquer dans la direction du PCF un sursaut en ce sens, un appel à la vaccination qui dirait que le capitalisme n’a plus de légitimité mais que le socialisme, son pouvoir, ses institutions devenus seul représentant républicain du peuple français en appelle à ce devoir … Le 4 août aurait été effectivement une date opportune, le devoir quand on conquiert des droits. (note de Danielle Bleitrach)
Publié le 4 août 2021 par Descartes
McMahon, dans une formule célèbre – et pas très habile – avait dit que la typhoïde « on en meurt ou on en sort idiot ». Si pour la Covid-19 le risque de mourir, grâce aux vaccins et autres mesures prophylactiques, semble aujourd’hui limité, grâce aux médias et à ceux qui s’y expriment le risque d’en sortir idiot reste massif, et cela même en l’absence de toute infection.
Celui qui a le courage de suivre les médias risque aujourd’hui gravement sa santé mentale. On y assiste à une avalanche de bobards, d’approximations, d’erreurs de fait ou de raisonnement – et je ne parle même pas des inventions délirantes qui posent d’intéressantes questions sur la santé mentale de leurs auteurs et de la société qui les encourage. Mais même des gens raisonnables, cultivés, intelligents, se font happer par cette machine dévorante qu’est devenue la machine médiatique, jusqu’à perdre toute capacité à s’interroger sur leur propre discours. La flatterie a toujours conduit au pire, et quoi de plus flatteur que de voir sa tête dans le petit écran et de se faire interroger avec déférence par un journaliste qui vous traite comme si votre opinion avait une importance ?
Prenons un exemple tiré tout à fait au hasard. S’exprimant sur C-News, Philippe Poindron, virologue, professeur honoraire de virologie à Strasbourg, nous dit en parlant du rejet de la chloroquine par les institutions académiques : « Je pense qu’il y a derrière ça des intérêts financiers considérables. Je peux comprendre que les gens qui ont mis des milliards d’investissements essaient de les récupérer, mais il faut avoir un peu de morale et d’éthique » (1).
Mais sur quoi s’appuie l’éminent professeur pour – parce que c’est à cela que ce discours revient – accuser ceux qui doutent des bienfaits de la potion du Pr Raoult de le faire pour des basses raisons financières, au mépris de la morale et de l’éthique ? Vous noterez que Poindron ne dit pas qu’il sait qu’il y a « des intérêts considérables ». Il dit qu’il le pense. Et dans cette nuance se trouve tout le problème. L’éminent professeur – expert en virologie convoqué pour nous parler d’un sujet qui n’a rien à voir avec les virus et leurs propriétés – ne sait rien sur les « intérêts » dont il parle. Sans conduire la moindre investigation, la moindre recherche, la moindre étude, il pense connaître le réel dans un domaine – les « intérêts financiers » dans lequel il n’a la moindre expertise. En quoi ce « je pense » vaut plus que celui de ma concierge ? Sauf que ma concierge, elle, ne s’exprime pas sur C-News. Et c’est là toute la question : avec l’hypermédiatisation, le Café du Commerce devient un lieu planétaire, et les opinions qu’on débitait autrefois accoudé au zinc devant quelques poivrots sont reproduits sur des millions d’écrans.
Philippe Poindron ne sait rien, mais il pense qu’il y a une volonté de « ceux qui ont mis des milliards d’investissements » pour les récupérer, qu’il peut même « comprendre » qu’il y en ait une – sans qu’on sache très bien comment on peut « comprendre » quelque chose dont l’existence n’est pas établie. Il ne sait rien, mais il pense que ceux qui ne sont pas de son côté sont sous influence « des intérêts considérables ». Voilà comment on glisse, sans s’en rendre compte, vers la vision « complotiste ».
Ce système ou chacun dit ce qu’il « pense » être vrai – sans, j’insiste, prendre la peine de citer le moindre fait, la moindre recherche à l’appui de ses dires – fabrique un bruit médiatique où l’on peut trouver un « professionnel de la profession » pour dire ce qui vous arrange. Et la confusion est maximale sur la question des vaccins, au point que finalement personne n’a l’air de comprendre de quoi on parle. D’un côté, on nous dit que le vaccin ne sert à rien puisqu’on peut être vacciné et s’infecter quand même – sans que personne ne note que cela est vrai de la plupart des vaccins puisque rares sont ceux qui sont efficaces à 100%. D’un autre côté, certains expliquent que le masque ne sert à rien lorsqu’on est vacciné, sans s’apercevoir que les effets s’additionnent. D’autres enfin vous expliqueront que le Professeur X dit que le vaccin n’est efficace qu’à 50%, que le Professeur Y explique que 40% des hospitalisés sont vaccinés, alors que d’autres affirment que le vaccin est efficace à 80% et qu’aujourd’hui la plupart des personnes hospitalisées ne sont pas vaccinées. D’éminents professeurs affirment que les jeunes ne risquent rien, alors que d’autres montrent une baisse inquiétante dans l’âge moyen des hospitalisés en soins critiques. Comment s’y retrouver ?
D’abord, en revenant aux faits. C’est-à-dire, aux chiffres figurant dans les publications institutionnelles. Penons par exemple les effets suivant les classes d’âge. Dans les données publiées par Santé Publique France le 1er août dernier, on observe que parmi les patients hospitalisés en soins critiques, 23% ont moins de 50 ans. Autrement dit, près d’une personne en soins critiques sur quatre a encore une espérance de vie supérieure à 25 ans et 15 ans au moins de carrière professionnelle devant lui. Cette constatation devrait apporter une nuance à l’idée que « on sacrifie les jeunes pour sauver des gens qui n’ont plus longtemps à vivre ». Elle semble aussi confirmer que le vaccin fonctionne : les classes d’âge massivement vaccinées – celles qui vont au-delà de 70 ans, qui au plus fort de l’épidémie représentaient 45% des patients en soins critiques, ne représentent plus que 23%, soit moitié moins. Et encore, il semble que ces patients se recrutent presque totalement parmi les non vaccinés. Ce que confirme une étude de la DREES (2) : pour la période allant du 31 mai au 11 juillet, les personnes non vaccinées représentaient 84 % des entrées en hospitalisation dite conventionnelle et 85 % des hospitalisations en soins critiques. Les patients complètement vaccinés constituaient, eux, 7 % des admissions, soit une proportion cinq fois plus faible que la couverture vaccinale de la population à l’époque. Au moment de l’étude, environ 35 % de la population avaient un schéma vaccinal complet, et 45 % n’avaient reçu aucune dose de vaccin. Ces résultats sont donc compatibles avec une efficacité du vaccin de l’ordre de 80%.
En écoutant ce qui se dit sur les médias – et les commentaires sur ce modeste blog – on a l’impression que beaucoup d’intervenants ne comprennent pas le mécanisme de la protection vaccinale. Ce que tout le monde sait, c’est que le vaccin procure aux personnes vaccinées une protection individuelle. Si l’on vous administre un vaccin dont l’efficacité est de 80%, cela veut dire que votre probabilité d’attraper la maladie (et de la transmettre) est réduite d’un facteur cinq. Bien sûr, ce n’est pas une protection parfaite, mais c’est déjà loin d’être négligeable, surtout pour ceux pour qui attraper la maladie entraîne un risque vital important. Mais alors, pourquoi vacciner les catégories pour qui le risque vital est très faible, ceux pour qui la maladie s’apparente à une simple grippe ?
Outre le fait qu’on ne sait pas tout sur les conséquences à long terme de l’infection sur ces catégories, il y a une bonne raison de les vacciner. Pour le voir, il faut comprendre que du fait de la dynamique même d’une épidémie, la vaccination procure une protection collective. Je vais essayer de le montrer avec un modèle épidémiologique très simple. Une épidémie c’est un peu comme une réaction en chaîne. Imaginons qu’en moyenne chaque individu malade transmette la maladie à R individus sains – R est appelé le « taux de reproduction » – pendant la durée de la maladie fixée dans notre exemple à une semaine. Dans ce cas, si j’ai N malades au départ j’aurai N.R malades à la fin de la première semaine, N.R.R à la fin de la deuxième… autrement dit, le nombre de malades est une fonction exponentielle du temps. Mais on voit que cette loi n’a pas le même comportement en fonction de la valeur de R. Si R est par exemple égal à 2, le nombre de malades sera multiplié par deux chaque semaine, ce qui donne une extension très rapide de la maladie. Si R est disons égal à ½, on voit au contraire le nombre de malades être divisé par deux à chaque semaine. C’est une épidémie qui s’éteint rapidement. Le point de transition, est R égal à 1, puisque pour cette valeur le nombre de malades reste constant de semaine en semaine. Au-dessus de 1, l’épidémie flambe, au-dessous, elle s’éteint (3). Bien entendu, ce modèle – celui de Reed-Frost, qui date de 1929 – est très simplificateur. Mais il illustre bien la problématique.
C’est donc sur la valeur de R, le nombre moyen d’individus sains auxquels chaque malade transmet le virus, qu’il faut jouer. On peut limiter plus ou moins les contacts entre les gens (confinement, télétravail, restriction des mouvements, couvre-feu). On peut imposer des gestes-barrière (masques, gel). On peut enfin vacciner plus ou moins massivement. Et l’effet de tous ces moyens se combine.
Ainsi, par exemple, supposons que la maladie ait un taux de reproduction en dehors de toute mesure de R0=2 (4). Si j’impose un masque qui est efficace à 25%, le taux sera réduit d’un quart et deviendra 1,5. L’épidémie sera ralentie mais pas suffisamment. Si j’impose en plus un régime de télétravail qui réduit la probabilité de transmission de 20%, je me retrouverai avec une réduction supplémentaire d’un cinquième. R sera alors de 1,2. C’est mieux, mais pas suffisant. Si j’ajoute un couvre-feu qui réduit encore la probabilité de contagion de 20%… bingo ! J’arrive à un taux de reproduction de 0,96. L’épidémie s’éteindra… mais pas très vite : il me faudra plus de dix-sept semaines pour diviser le nombre de malades par deux.
Maintenant, imaginons qu’on se contente d’imposer à tout le monde le masque efficace à 25% et un vaccin efficace à 60%. J’aboutirai à une réduction du R de l’ordre de 70%, soit un R de 0,6. Et là, la réduction est autrement plus rapide : en moins de deux semaines on divise le nombre de malades par deux. Autrement dit, je passerai d’une épidémie galopante à une épidémie en extinction rapide. Et cela alors même que le vaccin n’est que relativement peu efficace.
Par contre, si je ne vaccine qu’une partie de de la population, quelle serait l’efficacité du vaccin nécessaire pour éteindre l’épidémie à lui seul ? On voit qu’il faut que le produit de l’efficacité par la fraction de personnes vaccinées soit supérieur à 0,5 pour diviser R0 par deux. Autrement dit, si moins de 50% de la population est vaccinée, même un vaccin efficace à 100% serait incapable d’en venir à bout. Si vous vaccinez une proportion de 60%, il vous faudrait une efficacité supérieure à 84%. Si vous vaccinez une proportion de 80%, il vous suffit d’une efficacité de 62%.
Ce simple modèle nous dit donc des choses intéressantes. D’abord, que le fait que le vaccin ne soit pas à 100% efficace – et même qu’il s’écarte assez du chiffre optimal – n’implique nullement qu’il soit incapable de juguler l’épidémie. Ensuite, que lorsque le nombre de malades est très important, il est justifié de prendre des mesures très restrictives pour rendre R le plus petit possible et baisser rapidement le nombre de personnes contaminées. Mais une fois que le nombre de malades est devenu tolérable, on doit relaxer les mesures en prenant soin de maintenir le R en dessous de 1 si l’on ne veut pas voir l’épidémie repartir. Ce qui plaide pour une approche graduée dans la levée des restrictions.
Enfin, le modèle montre que les différentes mesures (isolement, mesures barrière, vaccin) se cumulent, et que si l’on veut pouvoir arrêter certaines mesures pour recommencer à vivre normalement, il faut que le cumul de celles qui restent soit suffisamment efficace pour garder R en dessous de l’unité. Autrement dit, plus nous sommes vaccinés et moins nous aurons besoin de masques ou de mesures d’isolement… et vice-versa.
Mais le message le plus important est que l’épidémie est un phénomène collectif, et que les mesures qu’on prend ne servent pas seulement à protéger celui qui les prend, mais jouent sur la dynamique globale de l’épidémie. Se vacciner est un geste civique parce qu’il réduit non seulement votre probabilité d’avoir la maladie, il réduit aussi le risque global de chaque citoyen d’être infecté. Se vacciner, c’est protéger la santé de tous.
On peut d’ailleurs se demander si la résonance que prend le mouvement contre la vaccination obligatoire ne traduit pas la perte du sentiment de former une collectivité, l’affaiblissement des liens de solidarité inconditionnelle entre les citoyens. Car la vaccination est – surtout pour les jeunes, pour qui la menace ne semble pas vitale – une « prise de risque pour autrui », très comparable toutes proportions gardées à celle qui était demandée aux jeunes conscrits de 1914 ou de 1940, et à laquelle, dans leur immense majorité, ils ont adhéré. Est-ce faire injure à la jeunesse de constater qu’elle ne semble pas disposée à suivre leurs grands ancêtres ? Que le discours selon lequel la jeunesse est prête à s’engager socialement est démenti dès qu’on demande un engagement concret et tangible ?
Mais la faute n’incombe pas seulement – ni même principalement – aux jeunes. Ceux de 1914 et de 1940 avaient derrière eux un monde adulte qui transmettait des valeurs civiques comme allant de soi. Cela ne veut pas dire que l’égoïsme n’existât pas. La période 1940-45 fournit au contraire de nombreux exemples. Mais cet égoïsme était caché comme une maladie honteuse. L’affairiste était une personnalité honnie qui finissait mal, comme Stavisky ou Joanovici, et non un modèle proposé à la jeunesse comme le fut – et l’est toujours d’ailleurs – un Bernard Tapie.
A ce propos, me vient à l’esprit une anecdote racontée par un jeune breton, qui à 19 ans prit son bateau pour rejoindre De Gaulle à Londres pour s’engager dans la France Libre. Reçu avec ses camarades par De Gaulle, celui-ci les reçut avec ces mots : « je n’ai pas à vous remercier, vous n’avez fait que votre devoir ». Dans cette formule – qui horrifierait tous les penseurs du « management » ou de la communication politique moderne – se trouve résumé l’esprit de l’époque. Vous imaginez ce qui se serait passé si un président de la République – quel que fut son signe politique d’ailleurs – avait dit la même chose aux soignants pendant le premier confinement ? Il aurait été crucifié par les médias, provoqué l’indignation des soignants qui auraient considéré cette remarque comme insultante. Et pourtant, c’est la réalité : le médecin qui soigne jusqu’à la limite de ses forces pendant une épidémie, l’enseignant qui brave le virus pour diffuser la connaissance, l’agent public qui prend des risques pour assurer la continuité du service public ne font que leur devoir.
Les jeunes bretons qui ont reçu de De Gaulle cette reconnaissance si particulière ne lui ont pas tenu rigueur. Ils se sont engagés quand même et se sont battus avec honneur. Et plus d’un demi-siècle après, ils se souviennent encore de cet entretien avec fierté. Parce que De Gaulle avait fait mieux que les remercier : il avait reconnu qu’ils avaient fait leur devoir. Et pour le Français de 1940, cette simple reconnaissance était une récompense en soi. C’est cela l’esprit civique qu’on devrait enseigner dans nos écoles, au lieu d’un gloubi-boulga informe sur la « tolérance » et autres balivernes.
Et on pourrait commencer tout de suite en expliquant que le vaccin nous protège tous, et que celui qui se vaccine ne fait que son devoir. Dans une société où les devoirs traditionnels du citoyen – au premier rang d’entre eux la conscription – sont devenus largement théoriques, cette épidémie est une occasion en or pour rappeler que la citoyenneté, ce n’est pas que des droits.
Descartes
(1) https://www.dailymotion.com/video/x80kvwc
(3) Pour le dire en langage mathématique, le nombre de malades à la n-ième semaine est n=N.exp (n.ln(R)). Si R<1, ln(R) est négatif et l’exponentielle est décroissante et décroit d’autant plus vite que R est plus petit. Si R>1, ln(R) est positif et l’exponentielle est croissante et croit d’autant plus vite que R est plus grand.
(4) Ce choix d’un R0 égal à 2 est bien entendu arbitraire et n’a qu’une fonction d’exemple. Pour le Covid, la controverse sur la valeur probable du R0 n’est pas terminée, et on trouve selon les auteurs des valeurs qui vont jusqu’à 4 pour les plus pessimistes.FacebookTwitterGoogle+
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Rouge Trégor
Sur un autre sujet …
En parlant de notre ami DESCARTES, un article qui m’avait échappé sur le PCF et la présidentielle 2022 :
https://descartes-blog.fr/2021/05/24/le-pcf-fait-sa-revolution/
Danielle Bleitrach
nous l’avons publié…
pam
la comparaison avec 14 est problématique… en 14, il aurait fallu que des millions de citoyens fassent leur devoir internationaliste de refuser la guerre capitaliste ! La soumission à la logique guerrière envoyant à la boucherie des jeunes la fleur au fusil n’a rien à faire dans cette démonstration… à la limite, au contraire, le choix de la vaccination devrait avoir un contenu solidaire et internationaliste, en lien avec une bataille pour le droit au vaccin partout et pour tous !