Nicolas Cossange qui est Conseiller Municipal et communautaire de Béziers, mais aussi à ma connaissance secrétaire fédéral du PCF de l’Hérault m’adresse comme de nombreux camarades son opinion argumentée sur le rôle des vaccins. Pour avoir vécu à Marseille la dernière épidémie de Variole, la ville isolée, et la vaccination massive mais aussi les drames des épidémies de Méningite en Afrique sans rien pour y faire face, avoir vu les ravages de la poliomyélite… avoir légitimement accepté de me faire vacciner dans mes voyages avec un passeport vaccinal je suis tout à fait d’accord avec les rappels de Nicolas et encore plus sur la manière dont il conseille de se recentrer sur la politique de Macron. Le véritable problème est la perte de confiance dans la capacité de ce gouvernement et plus généralement des forces politiques, des “élites” qu’il promeut à œuvrer pour le bien public. (note de Danielle Bleitrach pour histoire et société)
A la fin du XVIIIème siècle, un médecin de campagne anglais, Edward Jenner, met au point la première vaccination documentée. Il avait déjà été constaté depuis longtemps que les paysans au contact des vaches contaminées par la variole bovine (la vaccine) tombaient moins malades de la variole humaine que le reste de la population, il comprend que c’est la transmission de l’animal à l’homme de cette souche du virus qui contribue à l’en protéger. C’est le début du déclin d’une maladie qui aura décimé l’humanité depuis la haute antiquité (les archéologues et immunologues la mettent derrière les nombreuses « pestes » de la méditerranée antique), jusqu’au terrible « choc bactériologique et viral » qui décima les populations Sud-Américaines et Africaines après l’arrivée des Européens.
Il faudra attendre 1980 pour que l’OMS, au terme d’une campagne acharnée et forte des progrès considérables de la science, notamment ceux induits par les découvertes de Pasteur sur les virus, annonce l’éradication de la variole. Si je fais ce rappel historique (volontairement résumé à l’essentiel), c’est que je suis effaré par le manque de recul pris dans un grand nombre d’interventions sur la situation que nous vivons.
Si j’ai pris l’exemple de la variole c’est avant tout parce que la découverte de son vaccin marque la naissance d’une discipline. L’immunologie va profondément bouleverser les sociétés humaines et durablement améliorer les conditions de vie, en particulier en s’attaquant aux maladies infantiles (variole en tête) puis à celles qui font des ravages tout au long de la Révolution Industrielle (Tuberculose, tétanos, choléra, charbon). C’est un véritable tournant dans l’histoire de l’humanité, qui sait désormais que la maladie n’est pas une fatalité et peut se combattre avec autre chose que des mesures d’isolation ou en attendant l’immunité collective.
C’est la naissance des politiques modernes de santé publiques mais aussi l’accélération de l’accroissement des inégalités face à ces politiques. Pour faire simple : jusqu’alors les épidémies faisaient plus de morts chez les pauvres en raison de leur alimentation et conditions de vie mais frappaient toutes les couches de la population, on peut citer l’exemple de Louis IX, mort du typhus. Les épidémies de la Révolution Industrielle ne frappent en revanche qu’à la marge les classes dominantes qui s’accaparent les nouveaux moyens de les combattre, citons là l’exemple de Casimir Perier (ministre de Louis XVIII) mort à la surprise générale d’une contamination au choléra après la visite d’un hôpital.
Les politiques de santé publique prennent rapidement la forme des campagnes de vaccinations obligatoires. Pour ce qui est de la France : En 1902 le vaccin contre la variole, en 1938 celui contre la diphtérie, en 1940 contre le tétanos, en 1950 contre la tuberculose (le BCG, qui n’est plus obligatoire depuis 2007), celui contre la poliomyélite en 1964. Dans les années 70 c’est une nouvelle évolution, celle du génie génétique, qui voit naître de très nombreux vaccins et sont à l’origine de ceux à ARN messager. En France l’élément majeur et moteur de nos politiques de santé reste la mise en place de la Sécurité Sociale par le communiste Ambroise Croizat. Associée aux progrès de la science, notamment de la vaccination, elle permet de mesurer à l’échelle d’une vie humaine les progrès sociaux engendrés.
Je prends mon exemple familial : ma grand-mère, née dans les années 30, vit avec un poumon atrophié des suites d’une tuberculose infantile soignée dans un sanatorium. Elle a grandi dans un monde où la maladie et l’accident sont des calamités pour les travailleurs, elle a construit sa vie professionnelle et désormais sa retraite dans un monde où la Sécu en a fait des aléas. C’est cette même Sécu qui aujourd’hui, en dépit des attaques qui l’ont affaiblie, nous permet de ne pas avoir à avancer les tests PCR et les vaccins.
On touche là à une première contradiction qu’il nous faut affronter de façon dialectique : Cette « gratuité », qui est en réalité un paiement fait par nos cotisations. Le gouvernement s’en sert pour arroser copieusement les laboratoires pharmaceutiques, plutôt que d’investir de l’argent public.
Faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain pour autant ? Faut-il, comme certains, rejeter la vaccination au motif quelle engraisse Big Pharma ? Formulons autrement, doit-on renoncer à sortir de la crise sanitaire au motif que certains s’enrichissent dessus ? Bien sûr que non, c’est du capitalisme et de ses logiques que nous devons sortir. Luttons ! Pour la vaccination pour tous sur l’ensemble de la planète et donc pour la levée des brevets, pour faire du vaccin un bien public mondial.
Sortir de la pandémie doit être notre priorité absolue, car c’en est une pour l’immense majorité de la population. On ne changera pas la société en toussant. Le Covid 19 est aujourd’hui une épée de Damoclès au dessus de la tête des travailleurs, des jeunes, des retraités. Nous ne construirons rien tant que son ombre fera planer la tentation autoritaire de la bourgeoisie au pouvoir.
L’autre contradiction à affronter tourne autour de la nécessité de vacciner massivement tout en étant extrêmement critique avec la façon de faire du gouvernement. Emmanuel Macron est un dangereux diviseur, son allocution du lundi 12 juillet le démontre. En ne décrétant pas la vaccination obligatoire mais en la rendant de fait en prenant des mesures contraignantes, il laisse les Français s’affronter entre « pro » et « anti » vaccination.
Ses intentions sont claires, maintenir les divisions, entretenir les peurs et les doutes, caporaliser plutôt que démocratiser la lutte pour l’éradication de la pandémie. En clivant ainsi il veut diviser la France en deux camps, celui de la science dont il serait le leader et celui de l’obscurantisme, piège tendu à ses opposants (personne ne semble vouloir l’incarner pour le moment).
Sur ce point aussi sachons faire preuve de dialectique, car si la vaccination est la solution, la méthode Macron est à combattre. Exigeons une obligation vaccinale certes, mais assumée et construite avec les Français qui semblent être très majoritairement pour.
Le « pass sanitaire » ne peut être une prolongation de l’appli « TousAntiCovid » qui n’a jamais convaincu. Pour lever les doutes, engendrés par une absence de confiance légitime envers ce gouvernement, pourquoi ne pas confier la gestion du contrôle vaccinal à un organisme ou une association reconnue d’utilité publique ? (INSEE, Institut Pasteur, Croix Rouge…).
Dans la même logique facilitons la vaccination, en maintenant les vaccinodromes et en les développant pour aller au plus proche de la population, surtout en période estivale (concerts, stades, festivals…). Posons aussi la question du financement et de l’organisation, faisons payer le patronat pour vacciner les salariés, c’est notre santé mais aussi leurs profits qui sont impactés après tout. Mieux, mettons fin à leurs exonérations qui mettent la Sécu à mal !
Enfin, redonnons les moyens à la médecine scolaire et universitaire pour vacciner les élèves et étudiants, c’est une priorité pour garantir leurs études et le niveau de leurs diplômes.
Ne cédons pas idéologiquement à celles et ceux, dont des communistes, qui tiennent des propos anti-vaccination. Il s’agit de les convaincre et non de les stigmatiser.
Leurs arguments tiennent dans quatre grandes catégories, arguments qui reviennent d’ailleurs depuis le début de l’histoire de la vaccination. Il y a l’argument « naturaliste », visant à laisser faire la nature. Je renvoie à mon développement initial sur l’histoire de la vaccination. Il y a les arguments religieux, très minoritaires aujourd’hui quelle que soit la religion. Il y a les arguments « alterscientifiques », tenus par les partisans des médecines parallèles.
Il y a enfin toute la masse des arguments politiques, dont les deux contradictions évoquées plus haut qui sont souvent vues d’une façon totalement manichéenne « Macron est pour donc je suis contre » ou d’une façon sophiste « laboratoire = capitalisme donc vaccin = capitalisme ». Je ne reviens pas dessus.
Les autres arguments politiques tournent autour de la notion de liberté, sur lesquels je vais conclure. Margaret Thatcher disait en 1987, « la société n’existe pas, il n’y a que des individus ».
Celles et ceux qui refusent la vaccination au nom de leur liberté sont consciemment ou pas dans la même logique intellectuelle. En tant que communiste je suis convaincu que c’est la société qui fait les hommes au travers de la lutte des classes. Les luttes, les progrès sont collectifs, les défaites et les reculs aussi. La liberté, en réalité le libre arbitre de chacun, est donc conditionné par notre appartenance à la société dans laquelle il s’exprime.
En termes plus simples, notre liberté s’arrête où commence celle des autres et des lois et règlements la régissent. Dans ce cadre se développent les luttes sociales et politiques. C’est un acquis fondamental du siècle des Lumières qui nous a permis de sortir de l’obscurantisme de la tradition et de l’absolutisme de droit divin. Nous avons affaire à un virus dont la nature est, comme tous ses semblables, de contaminer le plus de porteurs possibles pour vivre.
La pandémie de Covid 19, comme toutes les pandémies, est donc par essence une question sociétale et non individuelle. La vaccination massive de la population, seule alternative à l’isolement et à la distanciation pour lutter contre la propagation, relève donc des libertés collectives.
Ne laissons pas s’installer des discours de défiance envers la vaccination, même si c’est difficile nous devons mener ce débat, y compris en interne. C’est aussi un débat politique qui questionne en profondeur notre rapport à la société et surtout notre capacité à être à la hauteur des attentes populaires. Ce n’est pas pour rien que les demandes de vaccination ont explosé après les annonces de Macron. Ne tombons pas dans les pièges tendus, c’est sur l’anticapitalisme que nous devons placer le curseur politique.
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