Récemment Jean Claude Delaunay ici-même interrogeait les communistes du KPRF sur le type de socialisme qu’ils envisageaient… J’ai eu envie de lui répondre qu’il lisait sans doute mal histoire et société parce que nous publions aussi fréquemment des articles sur les propositions de nos camarades russes que grâce à lui nous en publions sur la Chine, en voici un autre sur les propositions bancaires. (note de Danielle Bleitrach et traduction de Marianne Dunlop)
Le 17 mai, le groupe parlementaire a organisé une table ronde à la Douma d’État sur le thème “Le système bancaire et sa réglementation législative (la croissance économique est possible : que faire ?)”.
https://kprf.ru/dep/gosduma/activities/202685.html
Le président du Comité central du KPRF, chef du groupe parlementaire communiste à la Douma d’État, Guennadi Ziouganov, s’est adressé au forum :
– Chers participants aux auditions parlementaires !
Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue ici, dans les murs de la Douma d’État. Notre fraction et son conseil intellectuel organisent la quinzième audition sur l’un des sujets les plus vastes et les plus importants – “Le système bancaire et sa réglementation législative”. Je vous remercie tous pour votre participation et j’espère que ces auditions seront très constructives, car nous discutons aujourd’hui de la question clé à laquelle le pays est confronté.
Récemment, il y a cinq jours, le premier ministre Michoustine et son gouvernement ont fait un rapport à la Douma d’État. Ce rapport a été préparé avec beaucoup de soin. Des réunions de travail avaient eu lieu la veille, tant au sein de la fraction et du conseil des ministres qu’individuellement avec les chefs des départements concernés.
Nous avons préparé notre programme pour ce dialogue constructif. Il s’agit notamment d’un budget de développement de 33 000 milliards de roubles, et de nos propositions pour réguler les prix des biens essentiels. Nous avons également envisagé un programme de développement de haute technologie, principalement l’électronique, la robotique et l’intelligence artificielle. Dès les réunions préliminaires, le Premier ministre a bien réagi, et 150 milliards de roubles supplémentaires ont déjà été alloués à cette fin cette année.
Nous avons également pris en compte tout ce qui concerne l’instruction du Président sur le développement durable des campagnes, le développement de l’éducation et des sciences. Notre loi “Éducation pour tous” est, à mon avis, une priorité, et je suis heureux que le gouvernement ait répondu de manière appropriée à plusieurs de nos propositions.
J’espère qu’aujourd’hui, les spécialistes du secteur bancaire répondront également à nos propositions, notamment compte tenu du fait que la crise du système mondial continue de s’aggraver. Je voudrais rappeler que les deux précédentes crises systémiques du capitalisme ont conduit à deux guerres mondiales. Comment la crise actuelle se terminera, à mon avis, Dieu seul le sait. Mais nous pouvons constater son approfondissement non seulement par les points chauds de la planète, mais aussi par les sanctions qui, pour la première fois dans l’histoire, ont frappé notre pays avec une telle ampleur. Récemment, notre groupe a rencontré l’ambassadeur russe aux États-Unis, Antonov. Or, il est le seul ambassadeur au monde à avoir été soumis à des sanctions très sévères, ce qui est tout à fait anormal !
Mais lors de la présentation du rapport du gouvernement, j’ai souligné quatre tendances qui sont extrêmement défavorables. Et sans un changement de cap financier et économique, les tâches fixées par le Président dans son message – devenir l’un des cinq premiers pays du monde, vaincre la pauvreté, la misère et arrêter le déclin du pays, ainsi que maîtriser les dernières technologies – sont insolubles.
Je veux que vous écoutiez attentivement les chiffres suivants, car ils caractérisent certaines tendances. En 1990, la République Socialiste Soviétique Fédérative de Russie au sein de l’URSS avait une économie puissante et produisait 8% de la production mondiale. En particulier, 15 usines d’aviation produisaient 1 500 avions par an, et un passager sur trois dans le monde volait sur des Ilyas (Iliouchine) et des Tushkas (Toupolev).
En 2015, nous avons produit 3,3 % de la production mondiale. Et l’année dernière, nous avons produit moins de 2%. Donc, soit nous atteignons un taux d’au moins 3-4%, soit l’objectif du président de faire partie des cinq premiers pays du monde est pratiquement irréalisable. Nous ne bénéficions d’aucune réserve de temps pour mettre en œuvre cette idée. Par conséquent, la tâche essentielle dans l’élaboration du budget pour les trois prochaines années est d’atteindre des taux de développement élevés. Mais jusqu’à présent, le premier trimestre de cette année a encore échoué – moins deux pour cent.
Au cours des dix dernières années, le taux de croissance a été de 0,9 %. Ainsi, nous n’avons même pas connu une croissance de 10 %. Dans le même temps, les États-Unis ont ajouté 16 %, l’Union européenne 32 % et la Chine 101 %.
En cinq ans, les revenus du pays ont augmenté de 10 %, l’oligarchie en accaparant 53 %. Même dans cette année de Covid, leurs revenus ont augmenté de 3,5 trillions de roubles. En Russie, il y avait 103 milliardaires en dollars, et maintenant il y en a 123. Pendant ce temps, les citoyens ordinaires ont perdu environ 12 % de leurs revenus.
Le plus inquiétant ce sont les taux de mortalité et de natalité. Dans nos gigantesques étendues, pour les préserver, les protéger et les développer, il faut au moins 200 millions de personnes. Et notre population continue de diminuer. Cependant, si le taux de natalité et de mortalité était restée au niveau de 1990, nous serions 24 millions de plus. Mais rien qu’au premier trimestre de cette année, nous avons perdu 250 000 encore personnes. En d’autres termes, une ville immense a en fait disparu du corps du pays.
Ainsi, à notre avis, le gouvernement est confronté à deux tâches principales. Tout d’abord, atteindre le rythme de développement mondial, mais sans un changement de cap financier et économique, cette tâche ne peut être résolue. Il est également nécessaire d’assurer la cohésion sociale, sans laquelle les défis et les menaces militaires qui nous sont lancés ne peuvent être surmontés. Mais la mise en œuvre de ces deux tâches nécessite, avant tout, un travail efficace du système bancaire. Il doit soutenir le développement de l’économie et des dernières technologies et assurer la monétisation et l’emploi nécessaires de la population.
Nous pensons qu’il s’agit là de problèmes essentiels, qui ne doivent pas seulement être un objet de réflexion. Parce qu’il s’agit d’une question d’urgence. Et lorsque le problème est aigu, on cherche une véritable solution.
Je souligne une fois de plus que l’image de l’avenir, que nous devons façonner, occupe aujourd’hui de nombreux hommes politiques et responsables de l’État. Nous devons donc nous appuyer sur l’histoire millénaire de notre État. Ce n’est pas un hasard si demain Sa Sainteté le Patriarche Kirill s’adressera à la Douma d’État à l’occasion du 800e anniversaire de la naissance d’Alexandre Nevsky. C’était un grand homme d’État, un diplomate, un guerrier, un diseur de vérité. Il est l’homme qui, tout en façonnant notre idée nationale, a déclaré que Dieu n’est pas dans la puissance, mais dans la vérité. Et cette vérité était que nous devions résister à l’agression de l’Ouest et tout faire pour étendre nos capacités à l’Est. Il a établi les traditions de notre État national, vénérées dans tous les milieux. Et même les partis qui n’ont pas une vision sérieuse de l’histoire sont obligés d’en tenir compte.
À propos, en tant que personne ayant étudié ce sujet en profondeur, je voudrais vous rappeler que la seule récompense qui a survécu dans toute l’histoire de l’État russe est l’ordre d’Alexandre Nevsky. Elle a existé à l’époque impériale et soviétique, elle existe aujourd’hui. Et c’est loin d’être un hasard.
Donc, pour résoudre les problèmes, il y a deux chemins. L’un d’eux est le chemin de la socialisation de la vie. En effet, la Constitution dit que la Russie est un État social. Le deuxième est la fascisation, que nous pouvons déjà voir à l’œil nu. C’est un grand danger, que le grand capital a toujours fait peser sur la planète entière. Nous devons donc tout faire maintenant pour résoudre la question en faveur du travail, en faveur de la justice, en faveur du renforcement de la solidarité sociale et d’une sortie pacifique et démocratique de cette crise difficile. Mais cela ne peut se faire sans une modernisation du système économique et financier.
* * *
Des représentants du secteur bancaire, des députés, des scientifiques et des experts ont pris la parole lors de cette table ronde.
La position du KPRF sur le fonctionnement du système bancaire a été exprimée par le député de la Douma d’État V. V. Koumine.
“Nous pensons que les circonstances, principalement extérieures, imposent un changement de la politique de la Banque centrale et de la politique financière de l’État en général, afin de renforcer notre indépendance et de trouver des sources intérieures”, a-t-il déclaré. Un certain nombre de décisions adoptées l’année dernière ont permis d’éviter de graves conséquences négatives pour l’économie, mais en même temps la crise continue et des mesures supplémentaires sont donc nécessaires.
Parmi les propositions, V. V. Koumine a cité : rendre la Banque centrale responsable de la croissance économique, mettre fin à la monétisation artificiellement basse, stabiliser le taux de change, le contrôle de la fuite des grands capitaux à l’étranger, stimuler les prêts à la production, ainsi que changer la réglementation des banques régionales.
“Nous devons changer la politique et chercher de nouvelles approches”, a résumé Vadim Valentinovich.
Nikolai Kolomeitsev, chef adjoint du groupe communiste à la Douma d’Etat, s’est adressé à l’auditoire et a déclaré : “La nécessité de modifier la loi sur la banque centrale n’a que trop tardé. Vous ciblez l’inflation, alors que le monde entier cible les taux d’intérêt. Sentez-vous la différence ?”. Il a souligné la tendance à la monopolisation du système bancaire en Russie, la mainmise sur les petites et moyennes banques, en particulier les banques périphériques.
Nikolai Vasilievich a montré une présentation qui décrit les grandes tendances mondiales et explique les problèmes qui existent dans l’économie du pays. “Nous devrions reconsidérer les questions de monétisation de l’économie”, a-t-il conclu. – Parce que, à notre avis, c’est le principal tueur des industries manufacturières”.
Il a également souligné la nécessité de rendre la Banque centrale responsable de la croissance économique.
N.M. Kharitonov a parlé des problèmes de prêts au complexe agro-industriel, du déclin de la production agricole, de l’expérience soviétique positive et de l’expérience du gouvernement de centre-gauche Primakov-Maslyukov-Gerashchenko. “Il est urgent de changer la politique financière et de crédit”, a-t-il déclaré.
* * *
Suite aux résultats de la table ronde, des recommandations pertinentes ont été adoptées. Elles seront transmises à tous les organes clés responsables du fonctionnement normal et du développement du système bancaire.
Vues : 140