Comme nous l’avions décidé, ni le blog ni moi, ne nous sommes mêlés de cette conférence, mais quand le processus a été achevé dans ce qui fut ma fédération celle des Bouches du Rhône, j’ai été interpellée par divers camarades qui m’ont expliqué comment cela s’était passé dans leur section et j’ai décidé de vous en faire un compte-rendu.
La première question que je me pose au vu des conditions de l’envoi de délégués et de celle de la nature des débats c’est de savoir si ça a été pareil partout ou s’il s’agit d’une particularité des Bouches du Rhône. Disons que les délégués dans la quasi totalité des cas n’ont pas été choisis par les camarades dans les sections mais imposés sans discussion possible par la direction fédérale dont on connait les sympathies pour Pierre Laurent.
Au 38 e Congrès cette direction fédérale avait accompli l’exploit alors que le manifeste faisait 37 % des votes, malgré la manière dont la direction fédérale avait fait “voter les morts” et avait “bourré les urnes” d’envoyer au Congrès et surtout au conseil national 100% de Laurentistes avec un petit pourcentage de printemps marseillais sans représentants du Manifeste. Le tout au nom de “l’unité” des communistes.
Là la situation a un peu évolué puisque, comme nous l’avons vu avec les jeunes camarades du 9 e arrondissement, il a bien fallu tolérer un certain pluralisme. Mais celui-ci a continué à être limité au maximum. Ainsi dans ce qui fut ma section, celle du 4e arrondissement à Marseille et qui bat tous les records en matière de manipulation par l’inertie et l’imposition de cadres “laurentistes”, il y a eu une discussion par vidéo conférence dans laquelle seulement 6 camarades ont pris la parole, une quinzaine d’autres se taisant tandis que les quatre laurentistes de la direction affrontaient les deux partisans de Roussel et de la candidature communiste. Donc il n’y a eu ni tour de table, ni même désignation de délégué, ni réflexion sur ce qu’il allait dire. La direction fédérale a désigné le délégué et ce qu’il dirait sans la moindre décision collective. Bref ces gens-là si prompts à stigmatiser le centralisme démocratique en adoptent la décision d’en haut mais sans la moindre représentation de la base. Soyons clairs dans ce cas là, le délégué comme d’ailleurs le “cadre” national ou fédéral a toute chance de représenter un “entre-soi” de ceux qui tiennent les manettes et évitent donc activités et confrontation élargie des opinions. La démocratie est celle de notre société où un petit groupe se substitue aux autres et ne représente que lui-même, ses intérêts et ceux de la classe dominante. L’essentiel est d’empêcher l’action revendicative et quand celle-ci existe diviser et créer des interdits, du “politiquement correct”. Quelle démocratie et pourquoi faire ? Le questionnement a surgi dans le PCF et même dans les Bouches du Rhône il est difficile d’empêcher les communistes d’exiger leur capacité d’intervention et celle des couches populaires.
La situation a également évolué dans d’autres sections, dans lesquelles les camarades ont mis en cause ce qui s’était passé au 38 e congrès. Ainsi la section d’Aix en Provence, qui paradoxalement n’est pas celle de “bobos” mais bien de militants émanant des quartiers populaires et de travailleurs en activité, s’avère très bouillonnante, en particulier à cause de la présence sur le terrain. Comme les camarades du 9e. Ils ont procédé autrement que ce qui s’est passé dans le 4 e arrondissement marseillais: il y a eu en préparation de la conférence un véritable débat dans lequel 80% des délégués se sont prononcés pour la candidature communiste. Parmi les 4, sur une trentaine de présents, qui n’ont pas choisi la candidature communiste, deux étaient “laurentistes”pour “le rassemblement, deux se tâtaient, tous les autres y compris la secrétaire de section votaient pour un candidat communiste, Fabien Roussel. La désignation fédérale leur accordait deux délégués, l’un membre du conseil national qui désormais vote pour une candidature communiste même s’il avait été désigné au 38 e congrès comme laurentiste et qui a confirmé son vote déjà au Conseil National. Le second est un JC qui se tâte, et qui comme la tartine de beurre a tendance à retomber toujours du même côté, celui de la direction fédérale qui s’est constitué une JC sur la base de la remise en cause de la précédente considérée comme “gauchiste”. Les camarades lui ont déclaré: “j’espère que tu tiendras compte du fait que ta section à plus de 80% a émis un vote en faveur du candidat communiste et que tu ne le trahiras pas.
A travers ces trois cas, chacun à leur manière traduisant une évolution du PCF depuis le 38 e congrès on peut mesurer un certain nombre de choses qui disent l’évolution accélérée du PCF vers un renouveau :
Premièrement : est-ce que ce mode de désignation des délégués au seul niveau des directions fédérales a été le même partout ou s’agit-il d’une spécificité bouches du Rhône? Mode de désignation avec des jeux de manipulation par une vieille garde et même si celle-ci ne veut pas lâcher elle est néanmoins contrainte par la pression de communistes qui ne pratiquent pas l’opposition systématique mais développent des exigences de clarification …
Deuxièmement: parce qu’il s’est passé un incontestable renouveau militant, la plupart des sections qui ont pu peser sur l’envoi des délégués sont celles qui ont développé une activité qui a entraîné les communistes qu’il s’agisse du retour vers l’entreprise ou des luttes en matière de santé. Ils l’ont fait sans sectarisme mais sans cacher leur choix tant en ce qui concerne l’Europe, le socialisme, l’internationalisme qu’en matière d’organisation démocratique. Ainsi quand dans la section d’Aix en Provence, un camarade des cités populaires a dit que “le centralisme démocratique c’était mieux au moins chacun ne se représentait pas lui même mais le collectif” Il s’est attiré comme réponse “Ce mot n’est plus à l’ordre du jour”. Peut-être a-t-il répondu “mais ce n’est pas un gros mot et il peut être dit”…
Leur réflexion est d’abord, comme celle des camarades du 9 e, le produit de cette activité collective. Elle les a mis en appétit en matière de formation théorique et sur les questions internationales (c’est d’ailleurs à cause de ce dernier point qu’ils sont entrés en relation avec ce blog). Ils n’ont pu à ce titre que constater les carences et l’absence d’activités impulsées par la direction fédérale. D’ailleurs, il y a deux choses qui provoquent le désaveu des camarades: d’abord le fait que des dirigeants qui sont pour la plupart financés par le parti remettent en cause les décisions du Congrès et font campagne pour un autre candidat que celui du parti, ils vivent ça comme un mépris. Mais paradoxalement ce qui les indigne encore plus c’est l’absence d’activité au niveau de la direction fédérale. En revanche, s’il y a eu activité, engagement, la multiplicité des points de vue ne leur pose pas problème au contraire, simplement il y a un moment où il faut agir ensemble et respecter la décision majoritaire. Mieux ils pensent que le temps de la maturation est nécessaire et que cela permet l’approfondissement et quand les communistes se taisent ce n’est pas forcément un mauvais signe.
Troisièmement en revanche en ce qui concerne le 4e arrondissement l’absence de démocratie s’est doublée d’une incapacité de la section à organiser l’activité militante, malgré l’existence de ce potentiel militant.
Nous avons découvert la situation dans le département des Bouches du Rhône après ce débat, parce que comme nous nous étions engagés nous pensons que même si les communistes sont passés en deux décennies de 700.000 à 50.000 faute du respect de la plus élémentaire des démocraties par les trois directions qui se sont succédées avant le 38 e Congrès, c’est aux communistes qui ont leur carte à choisir sans pression leur voie. Nous nous sommes contentés de lutter contre la censure que depuis Robert Hue les directions avaient instauré tant sur l’histoire du parti qu’au plan international et nous avons agi ainsi avec d’autres sites. Et nous pensons que cette mise en relation doit se poursuivre toujours dans le respect de la démocratie interne des partis et associations.
En revanche il faudra bien que ces 50.000 adhérents s’adressent à ceux qui se reconnaissent comme communiste, c’est au moins aussi urgent que les rencontres avec Jadot et autres pour des pactes législatifs. Nous n’en dénions pas l’utilité pour reconstruire la gauche mais le premier travail est de recréer la colonne vertébrale d’une gauche véritable à savoir un parti communiste posant une alternative de société, de pouvoir, d’Etat et d’intervention populaire citoyenne.
C’est pourquoi nous poursuivons le travail de ce blog.
Aujourd’hui dans ce blog, nous avons accordé la parole à Baran qui ne connait pas le PCF et qui n’en voit que les carences par rapport à la précarité à laquelle est condamnée une bonne partie de sa génération malgré ses qualifications. Il ne voit qu’une gauche incapable de traduire leurs revendications et un PCF qui organise la censure, interdit que le débat ait lieu dans l’Humanité. Les propositions de Baran prennent tout leur sens par rapport à ce qu’il pense être un parti de notables, accrochés à leur place, un parti comme les autres, ce qu’il n’est pas pour moi dans la mesure où il contient déjà un autre rapport à l’Etat, mais c’est une vraie question que pose en particulier la chute de l’URSS, le fait que dans bien des partis communistes européens on a vu à leur tête des gens qui étaient tout sauf communistes et qui ont joui d’un capital confiance des militants. L’ intérêt de Baran, comme celui de pas mal de gens de cette génération va non vers un parti mais des quasi soviets de “producteurs” susceptibles d’appuyer ou de surveiller les corruptions étatiques. Les racines d’une telle conception sont anciennes et parfois à l’origine même du PCF.
C’est pourquoi j’ai jugé utile en complément de présenter l’évolution positive du PCF depuis le 38 e Congrès, dans une des fédérations dont la direction manifeste un refus du changement et manœuvre en ce sens, des camarades ont choisi de se ré-approprier le parti. C’est pourquoi ce blog continuera à appuyer leurs efforts., tout en reflétant les modes d’intervention de ceux qui encartés ou non sont à la recherche de formes d’actions collectives contre le capitalisme et donc s’intéressent aux modalités concrètes de la transition qu’est le socialisme.
Danielle Bleitrach
(1) à propos de l’illustration du texte, les camarades d’Aix en Provence qui ont installé ce panneau m’avisent du fait que quinze jour après son installation il est toujours en état et n’a reçu ni graffiti, ni affichage sauvage… Peut-être faut-il interpréter ce respect comme la reconnaissance d’un “travail” à l’inverse d’une “communication” devenue affaire de spécialistes…
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