Des questions politiques plus que de “méthode” par Danielle Bleitrach

1) Les nombreuses réactions qu’a suscité l’idée de fermer ce blog ont témoigné de son utilité théorique et pratique, nous avons donc décidé Marianne et moi de poursuivre mais à un rythme moins soutenu. Nous nous appuierons toujours plus sur des collaborations en leur demandant simplement de ne pas représenter un travail supplémentaire de traduction. Nous avons apprécié votre effort de dialogue de lecteurs et nous souhaitons qu’il se poursuive. Nous allons tenter d’ouvrir une rubrique sur vos interventions. En proposant qu’elles contribuent à la réflexion collective mais aussi à des échanges d’information.(1) Certains d’entre vous ont suggéré la création d’un collectif style les amis d’histoire et societe. Tout reste ouvert à condition que les propositions s’assortissent d’actions que nous ne pouvons ni Marianne ni moi assumer. Comme on dit la balle est dans votre camp.

2) Chaque jour, en général, nous publions des textes qui contribuent à poser un problème en le prenant de divers points de vue. Aujourd’hui il s’agit d’un questionnement concernant la stratégie des partis communistes européens (mais pas seulement puisque le parti communiste indien est lui-même confronté à la question de l’union politique face au fascisme libéral de Modi). Cette stratégie quel est son but , ses moyens par rapport à la montée de l’autoritarisme et de l’exploitation des couches populaires. Nous onnons a parole aux dirigeants espagnol et grec qui ont fait des choix sensiblement différents mais qui affirment la nécessité d’un parti communiste de classe, une avantgarde pour le grec et un parti de masse pour l’espagnol.

La difficulté en France de poser cette question de l’autonomie d’un parti communiste est multiple,il y a eu des années de dérive, la destruction de l’organisation, mais il aussi le cadre de la Constitution française et celui de l’UE qui toutes deux fvorisent un bipartisme sans alternative.

Il y a d’autres questions de méthode : faut-il rester au niveau des militants encartés qui ne représentent plus qu’une poignée après une saignée de 700.000 adhérents en deux décennies, cette question se pose par rapport d’abord au monde ouvrier et aux couches populaires, comment en développer l’initiative. Cela n’a rien d’évident. D’un côté l’appel à d’autres que les communistes a été utilisé par exemple par Marie-Georges Buffet pour imposer la candidature de Mélenchon. Les communistes ont besoin de ne pas agir sous la pression d’autres. D’un autre côté, vu ce que le parti est devenu, un parti tournant autour de ses élus pour le meilleur et pour le pire, comment échapper à un électoralisme à courte vue, aux décisions de sommet et aux compromis auxquels ils aboutissent, à la confusion entre échéances électorales et réflexion stratégique en vue du but le socialisme?

La difficulté dans de telles conditions à poser but et stratégie peut ruiner les efforts positifs vers le renforcement du parti, sa présence retrouvée dans les luttes dans l’entreprise vers les couches populaires qui a été amorcée. Peut-être la conférence nationale si elle se prononce pour cette candidature de Fabien Roussel devra-t-elle déboucher sur un appel qui par son souffle tienne compte de cette situation originale d’un parti dont l’essentiel des militants, de leurs familles et de leurs contacts sont désormais hors du parti.Une question qui redouble la rupture avec le monde ouvrier celui avec les couches populaires, dans la composition du parti comme dans l’électorat , une question que l’on retrouve dans le développement d’un syndicalisme révolutionnaire avec ses aléas et la crise ouverte dans le mouvement syndical.

Donc en montrant comme nous le faisons aujourd’hui qu’il y a là un problème général des partis communistes, nous espérons contribuer à cette prise de conscience de la nécessité de redire comme lors de la véritable fondation du PCF par Maurice Thorez “que les bouches s’ouvrent”.Cette mise en perspective peut nous permettre peut-être de prendre la hauteur nécessaire audelà, des colères, des frustrations. Ce débat sur le piège tendu par les institutions autant que par des années de propagande anticommuniste, par la montée du désaveu du politique a une dimension historique. et bien peu des partis y échappent alors même que les périls, les défis renforcent l’utilité des partis communistes, et que de plus en plus cela apparaisse comme une question de vie ou de mort pour la planète comme pour les créatures vivantes, les êtres humains, pour les enfants eux-mêmes.

Nous signalons à ce propos le vote du Conseil National du PCF et le texte en faveur d’une candidature communiste à la présidentielle qui sera proposé aux militants, la majorité est je crois de 52% et le texte malgré pas mal d’avancées souffre comme celui du 38e congrès de nombreux compromis qui en atténue souffle et portée, donne parfois un sentiment de redondance qui tourne autour de l’essentiel sans toujours l’aborder , mais c’est un pas en avant avec les limites de ce qu’a été le 38e congrès.

Personnellement si j’étais militante je le voterais tout en disant ce que j’ai à dire et en ne me laissant pas ligoter par l’idée de “l’unité” du parti que mettent en avant ceux qui ne cessent de la mettre à mal.(2) Mais n’étant plus militante et le choix du PCF n’étant pas de s’ouvrir à tous ceux qui s’estiment communistes je respecterai ce débat interne. Tout en soulignant le fait qu’un appel à tous ceux qui se reconnaissent comme communiste est d’autant plus nécessaire que l’enjeu reste la présentation d’un candidat qui a besoin de la conviction de tous. Ce sera un combat difficile qui ne doit pas déboucher une fois de plus sur des transactions de sommet en vue de la distribution des places.(3)

3) cette démarche du renoiuveau des partis communistes reprend appui sur les peuples, les nations, mais comme le montrent les exemples que nous présentons aujourd’hui le cas est général: partout le capital choisit un combat fictif entre des “coqs” qui ont en fait le même programme et fait porter ses coups contre les communistes. Parallelement il organise une censure totale sur les luttes qui se développent partout dans le monde y compris quand celles-ci ont une ampleur continentale comme en Inde et en Amérique latine, et que bien peu de lieux échappent à ces mouvements, il ne faudrait pas que leur rencontre impose la force d’une perspective socialiste en finissant avec le profit criminel.

L’appareil politique et médiatique qui s’est unifié comme l’OTAN derrière le leadership étatsunien (plus que jamais avec Biden) est tout entier mobilisé dans cette censure, ce dévoiement, dans cette attaque du socialisme présenté comme un totalitarisme. Ils sont moins occupés à défendre leur propre bilan qu’à faire un portrait mensonger et ignoble des expériences existantes. Mentez il en restera toujours quelque chose et toute caution apportée au consensus qu’ils tentent d’obtenir est préjudiciable.

Si ce blog a un sens c’est bien celui de s’opposer au laisser dire et à la facilité de ne pas défendre le socialisme en prétendant des stupidités telles que “le communisme a de l’avenir s’il oublie son passé” ou à la mode trotskiste qui a toujours été un échec: faire un portait horrifique du socialisme et prétendre que nous on fera différemment . Alors que la bourgeoisie elle attaque sur tous les fronts, celui du socialisme existant mais aussi de l’histoire ?

C’est également l’histoire qui est tronquée, Robespierre continue à être un enjeu et il faut faire oublier que la Commune de Paris dont sont célébrés les 150 ans est une leçon plus actuelle que jamais, la classe ouvrière ne peut plus être à la remorque de la bourgeoisie, celle-ci ne craint aucune répression, la classe ouvrière, le prolétariat,les couches populaires doivent avoir leurs organisations propres et conquérir le pouvoir d’État y imposer l’intérêt majoritaire à la poignée d’exploiteurs qui ne cessera longtemps de prétendre reprendre le pouvoir.

C’est à partir de cette conscience-là que nous pourrons dépasser l’opposition entretenue entre un “sociétal” et le social et donner toute leur force à des mouvement d’émancipation humaine, de civilisation concernant la paix, la lutte antiraciste, le féminisme, l’homophobie, les droits individuels et l’écologie la lutte du vivant sur la mort, en mesurant bien que quels que soient les paravents libéraux libertaires, le libéralisme économique, le pillage destructeur a fait son choix celui de s’associer aux forces réactionnaires et bellicistes.

le capitalisme a des élites corrompues et corruptrices , qui sont prêtes à tous les abus de pouvoir face aux salariés comme face à ceux qu’ils utilisent à leur gré comme lesobjets de leur jouissance disait déjà Marx,. Mettre ces abus sur le compte de la sexualité est leur faire trop d’honneur, c’est comme confondre les violences policières avec la sécurité nécessaire des citoyens. Retrouver la dimension de classe c’est ne plus participer à des confusions qui engendrent en fait des divisions au sein des exploités et s’opposer réellement aux abus, ne pas laisser les victimes seules,leur apporter la force du combat de classe,le seul apte à briser les chaînes.

4) Qu’Hervé Poly me pardonne de l’avoir associé à ce texte par cette photo d’un débat à la fête de l’Humanité où il nous avait accueillies Marianne et moi dans le stand du Pas de Calais. Hervé n’a bien sûr rien à voir avec ce texte mais en ce qui me concerne il y a dans les acteurs principaux de la tentative de renouvellement des gens qui ancrent ce parti dans la classe ouvrière, l’internationalisme autant que la défense de la nation, des militants ouvriers épris de culture et de théorie, il en fait partie. Je n’ai jamais prétendu à un rôle dirigeant mais j’ai toujours souhaité pouvoir être pleinement ce que je suis une intellectuelle qui peut apporter une dimension spécifique en faisant confiance à des dirigeants dont le symbole demeure Maurice Thorez mais aussi Georges Marchais dans des circonstances plus difficiles.

5) Je signale sur un plan anecdotique mais pas seulement que je suis interdite sur Facebook pour trois jours pour avoir publié la photo du film de Bela Tarr, le hongrois représentant la folie fasciste d’une petite ville qui se heurte à ce vieillard dénudé et qui recule parce que cette image est celle de la déshumanisation nazie qu’elle a confondue avec une tentative de rompre avec la grisaille. Cet interdit qui devrait suspendre toute intervention de ma part y compris de diffuser les articles de ce blog jusqu’à mercredi matin 17 mars est ridicule mais il est devenu fréquent sous les prétextes les plus divers sur Facebook et il n’est que le prélude selon moi à des interdits définitifs pour des gens dont ils ont ciblé l’audience et les opinions. Cela nous aidera peut-être à échapper à la logique des réseaux sociaux et de leurs faux débats empoignades et trolls intervenant sans lire. Mais cela demeure inquietant parce que déjà wordpress interdit l’utilisation de certaines illustrations et comme par hasard c’est quand elles sont trop explicites sur la nature de l’impérialisme.

Danielle Bleitrach

(1) les rubriques correspondront à leur titre et celle consacrée au cinéma, photographie, littérature, art en général n’accueillera pas un surplus qui devra attendre. J’envisage de faire de la rubrique “si on vous le dit”, une rubrique consacrée à vos interventions quand elles deviennent de véritables articles d’information. Demain nous inaugurons une intervention sur Cuba d’une amie de ce blog et sa lettre envoyée à un ami. D’autres suivront et permettront des échanges entre lecteurs sur des sujets qu’ils souhaitent eux mêmes voir traités.

(2) en bonne logique électorale la démarche suivie par Fabien Roussel est imparable et je ne vois pas en quoi elle mettrait en cause l’unité du parti, sauf par mauvaise volonté de factions. En effet, ilest clair qu’aucun candidat à gauche n’a la moindre chance de passer au second tour et encore moins de devenir président, Melenchon pas plus et peut-être moins que d’autres. Donc la stratégie est simple et elle est juste d’un point de vue cuisine electorale, toutes les campagnes depuis les régionales jusqu’aux législatives privilégient l’union et la conquête voir le partage des positions, réduire le plus possible l’assise territoriale de la droite , de l’extrême-droite, des macroniens, empêcher l’effet godillot de l’assemblée de la présidentielle et pour arriver à cela il ne faut pas de batailles irresponsables à l’intérieur de la gauche mais faire que chacun rassemble son électorat aux présidentielles. Tout cela est frappé du coin du solide bon sens mais est ce que et à quelles conditions ces ententes de sommet font-elle avancer un projet réellement révolutionnaire ? Cela dépendra beaucoup de la nature de la campagne du candidat communisteet des militants eux-mêmes pour le moment nous sommes en se montrant optimistes au milieu du gué… parceque rien n’est résolu sur le parti qu’il faudrait…

(3) PROJET DE TEXTE POUR LA CONFÉRENCE NATIONALE ADOPTÉ PAR LE CONSEIL NATIONAL – Site Internet du P.C.F.