La vie est à nous est un film français réalisé par Jean Renoir en 1936 et sorti en 1969. Le film a été tourné à l’initiative du Parti communiste français pour la campagne électorale du Front populaire avec des fonds recueillis à la suite de collectes effectuées au cours de meetings, et avec la participation bénévole des techniciens et artistes. Il illustre admirablement ce que proclame alors le parti communiste: la classe capitaliste sacrifie la nation comme les travailleurs et conduit le pays vers le fascisme. Le parti communiste issu de la classe ouvrière réconcilie la nation.
Lors de sa sortie, il s’est vu refuser le visa permettant sa projection publique et il n’a alors été diffusé que dans les cellules et meetings communistes. Il ne reçoit son visa d’exploitation des autorités françaises qu’en 1969.
Outre sa portée politique puisqu’il se veut clairement un film de propagande, le film innove en matière cinématographique. Renoir avec des techniciens, des acteurs, la plupart bénévoles, trouve un langage approprié à son contenu : par exemple, on peut considérer comme un morceau d’anthologie d’une grande efficacité le montage sonore d’aboiements sur les images d’un discours d’Hitler. Cela dépasse le réalisme que défend la majeure partie du film pour atteindre le fantastique et ce montage est en quelque sorte la traduction sonore des montages photographiques de John Heartfield pour AIZ (je pense en particulier à Hitler avalant de l’or et crachant des saloperies).
Mais il n’y a pas que l’attaque, Renoir arrive réellement à restituer la force du collectif politique d’une manière différente de celles de l’école russe tout en l’ayant étudiée, là encore c’est le réalisme mais théâtralisé… Les foules qui arrivent, surgissent du fond de l’image, les foules sont montrées avec des visages de combattants en gros plan. C’est tout le film qui est conçu comme une pédagogie entre individu et collectif avec les idées chères à Renoir aussi, celle d’une France divisée qui se réunifie et si c’est de l’usine d’où part la lutte, les solidarités, les analyses politiques, le propos prend de l’ampleur et débouche sur l’apothéose des paysages français.
Comme il a commencé par un cours de l’instituteur à des écoliers d’un milieu ouvrier sur la richesse de la France, simplement la richesse n’est pas pour eux. Elle est gaspillée par ceux qui préfèrent détruire ce dont le peuple a tant besoin pour que les profits des actionnaires continuent à croître, c’est l’illustration de la crise de surproduction parce que le capitalisme fait pression sur les salaires, met au chômage et jette tous les invendus. Ces gens que l’on croirait sortis de la règle du jeu, n’aiment pas plus la France qu’ils ne respectent leurs ouvriers. Et leur seule issue est le fascisme. A partir de là, on a une descriptions très forte de l’intervention des militants qui aident les agriculteurs, de la cellule dans l’entreprise qui se bat contre le licenciement d’un vieil ouvrier et même l’aide à un diplômé au chômage. Cette idée d’un parti communiste issu de la classe ouvrière unifiant un pays que le capital détruit et divise est au centre du film. L’idée est forte et chère à Maurice Thorez, à son parti mais aussi à Aragon: la classe ouvrière réconcilie la nation que divisent les capitalistes.
Danielle Bleitrach
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