Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le Monde contemporain, cette chose étrange, simple, compliquée, explosive… par J.cl.delaunay

Nous sommes entrés dans la trêve des confiseurs, ce moment de l’année où tout parait suspendu et où la famille, les amis, la convivialité et aujourd’hui le dernier loisir laissé aux êtres humains, consommer, envahir les grandes surfaces, imaginer quelques ripailles prend le pas sur la réflexion. C’est pourquoi, je ne place là que les textes très importants, parfois difficiles parce que réclamant le silence de l’étude, en espérant que vous aurez les quelques instants pour les lire. En tous les cas pour les mettre de côté pour des temps plus calmes.

Cela pour souligner l’importance de ce texte. Je partage totalement cette analyse et ses périodisations comme sa perspective, en particulier que le socialisme à la française doit reconquérir sa souveraineté nationale mais qu’il ne peut pas le faire sans repenser la nouvelle mondialisation celle qui tente de naître et dans laquelle la Chine joue un rôle moteur. Simplement j’insisterai sans doute en tant que sociologue et pas économiste comme J.claude sur des faits de civilisation, ceux à travers lesquels les individus prennent conscience de la nécessité du combat. Trois exemples et ils complètent sa démonstration: le premier est le poids de l’histoire sur les formations sociales, là je reviens en particulier au cas de l’ex-URSS. L’épidémie a montré que ce qui résiste et dont se vante Poutine par rapport à l’épidémie ou à la souveraineté russe est l’héritage multiforme de l’URSS. Nous avons en France, de plus en plus atténué quelque chose de cet ordre. Deux, la réalité de la protestation populaire, si vous ne lisez pas histoire et société ou certains blogs y compris celui de Nicolas Maury, investig action, Pcf débat, que-sauriez vous de ce qui se passe en Inde et ailleurs. Le capital et cela renvoie à la démonstration de Delaunay a réussi à provincialiser, enfermer dans des poches d’autarcie les luttes de classe en mettant en avant seulement les formes xénophobes de mécontentement, cela fait partie de sa fascisation. Mais on ne doit pas se contenter de cette représentation idéologique. C’est pour cela que l’international est un enjeu, il nous permet comme le fait Delaunay de comprendre le mouvement du capital, mais aussi de renforcer le “pour soi” de la classe ouvrière. Trois, autre constat, les partis communistes et dans ces partis les courants qui ont le mieux résisté à la social-démocratie se sont situés eux et leur résistance nationale dans un courant anti-impérialiste et la solidarité avec Cuba a joué un rôle très important dans cette indispensable ouverture, plus aisée que de percevoir directement le rôle de la Chine. (note de Danielle Bleitrach pour histoire et societe)

Le Monde contemporain, cette chose étrange, simple, compliquée, explosive… par J.cl.delaunay

Le présent texte paraîtra banal et d’une certaine manière il l’est. Mais il ne l’est pas tout à fait et je crois qu’il contient quelques points de théorie pouvant être objet de l’attention de ses lecteurs. Je l’ai écrit avec la préoccupation de l’éducation populaire, me demandant comment il pouvait se faire que, dans le contexte de la mondialisation contemporaine, le socialisme fut si peu à l’ordre du jour. Si les communistes veulent aider les habitants des quartiers populaires à devenir les combattants d’une société nouvelle, il faut notamment leur apporter non pas «la bonne parole» mais «la parole de la raison et de la vérité des faits». C’est ce que j’ai essayé de faire ici, même si j’ai considérablement simplifié l’exposé.

J’ai d’abord cherché à décrire cette forme de mondialisation, qui diffère profondément des mondialisations précédentes, contrairement à ce que l’on a pu raconter ici et là sur ce point. Ensuite, au fur et à mesure de cette description, je me suis demandé quelles pouvaient être les raisons, lorsque l’on prétend défendre réellement les intérêts du peuple, de s’opposer au socialisme ou d’en négliger totalement, surtout aujourd’hui, la nécessité et l’urgence. J’ai volontairement mis de côté l’explication par «le Stalinisme» et/ou «les crimes de Staline», non pas parce ce que, au delà de leur dimension idéologique, je négligerais ces thèmes, mais parce qu’ils relèvent, selon moi, d’une autre époque, une époque de repli sur les empires et de non-mondialisation économique précisément.

Les origines de la mondialisation contemporaine

Le monde contemporain est la combinaison mondiale de deux sortes de rapports sociaux de production.

Il est, d’une part, structuré par des rapports capitalistes monopolistes, reposant sur une base industrielle développée et en voie de mondialisation complète. Car dans les pays concernés, le sujet actif, c’est le Capital et c’est même aujourd’hui le Très Grand Capital, dirigé par une Très Grande Bourgeoisie. Pour simplifier, je parlerai de Capital et de grande bourgeoisie.

Bien entendu, il n’existe pas de Capital sans Forces productives matérielles et humaines.

Les forces productives humaines du lieu d’origine sont devenues trop exigeantes, a estimé la grande bourgeoisie. Elle en a conclu qu’elle devait tout à la fois mater le salariat et en changer.

Ce qui compte pour le Capital, ce sujet fantastique, c’est ce qu’il représente et ce qu’il deviendra, en valeur économique. Seulement voilà, tout cet argent investi dans des machines ne rapporte plus assez. Et puis, si l’on veut investir dans des machines plus puissantes, beaucoup plus puissantes, il va falloir vendre. Or les marchés nationaux sont trop étroits et les forces de travail sont trop gourmandes. Donc on s’en va. Je dirai que ces forces productives matérielles ont été mondialisées positivement, après la grande crise de rentabilité des années 1970.

Il est, d’autre part, ce monde, structuré par des rapports reposant sur une base sous-développée industriellement et dont l’ancrage est national. Ici, dans ces pays, on n’a pas assez de machines. Les paysans travaillent encore avec des charrues en bois, ou presque. Les routes? Les hôpitaux? N’en parlons pas. Les seules forces productives existantes sont les Hommes, et quand je dis les Hommes, cela comprend les Femmes, évidemment, mais aussi les Enfants. Car ici tout le monde travaille jusqu’à la fin de sa vie, misérable.

Au cours des dernières décennies, toutes ces populations du monde se sont fortement accrues, sous l’effet indirect et lentement propagé, des progrès de la médecine occidentale. En 1953, par exemple en Chine, ils étaient 500 millions de Chinois, pauvres comme Job. Aujourd’hui, ils sont 1 milliard 500 millions, soit, en plus, 1 milliard sur tout cet intervalle, et chaque année, en moyenne, 15 millions (le quart de la population française chaque année).

Or ces forces productives humaines, celles de la Chine et d’ailleurs, n’ont pas pu sortir massivement hors de leurs frontières pour se nourrir et se vêtir. Elles sont trop nombreuses. Il y en a, ici et là, qui cherchent à rejoindre les pays riches, ou qui l’ont fait, ou qui le font encore, d’ailleurs. Mais ça ne se passe pas très bien quand ils y arrivent et de toute façon, ce n’est pas la solution. Ils sont beaucoup trop nombreux. Ces forces productives humaines, elles sont, si je puis dire, mondialisées négativement.

D’un côté, donc, il y a les forces productives matérielles, en voie de mondialisation positive, et de l’autre côté, on a des forces productives humaines, en situation de mondialisation négative. 

Mais alors, c’est très simple! Puisque d’un côté, on a des forces de travail très nombreuses, qui crèvent la faim, qui attendent de travailler, et que, d’un autre côté, on a des capitalistes qui sont très riches et qui cherchent à investir ailleurs que dans leur pays, pourquoi se casser la tête? Il faut que les (A+), ceux qui veulent s’en aller avec leurs techniques et leur argent, se rendent chez les (B-), tous ces gens qui ne peuvent pas partir, et comme l’aurait peut-être chanté Guy Béart, on appellera ça la globalisation, on fera beaucoup d’argent et tout le monde sera content. Je pense que les capitalistes ont raisonné comme ça dans les années 1970.

Comment les choses ont-elles évolué?

Cela s’est-il bien passé? Eh bien! non, ça ne s’est pas bien passé, et aujourd’hui encore, ça ne se passe pas bien. Voici un premier aperçu à ce propos, sans entrer dans les détails.

Les (A+) sont bien allés dans les pays sous-développés à la recherche des (B-). Mais :

  1. En quittant massivement leur pays d’origine, les (A+) ont créé, dans les pays capitalistes développés dont ils étaient originaires, une quantité (C-) de chômeurs dans leur système productif.
  • En quittant massivement leur pays d’origine, les (A+), qui continuent de gouverner, ont réduit l’emploi public ou de type public. Ils ont détruit les services publics. Je vais appeler (D-) cette autre réduction d’emplois et d’activités.
  • Il s’est alors passé ce qui se passe toujours quand il y a un chômage massif et durable dans un pays capitaliste, les conditions économiques, politiques, juridiques, culturelles de la vie d’une grande quantité de travailleurs ont été fortement détériorées. La misère profonde est apparue. Elle est désormais installée.

Est-ce que, pour autant, les capitalistes, ont pu faire ce qu’ils voulaient dans le monde et comment cela s’est-il passé pour les (B-)?

  1. En première approche, on peut dire que les capitalistes ont d’abord pu faire ce qu’ils voulaient. Ils l’ont cru en tout cas. La mondialisation capitaliste contemporaine, par exemple, n’a pas concerné tous les pays sous-développés. Ceux que l’on appelle les PMA, ou pays les moins avancés, n’intéressent pas les (A+). La population de ces PMA représente environ 15% de la population mondiale, laquelle est aujourd’hui estimée à 7.8 milliards d’habitants. Personne ne fait aux capitalistes le reproche de les laisser tomber alors que 61% de la population des PMA se trouve en Afrique et que ce continent est le lieu d’une forte exploitation collective, de la part des multinationales capitalistes.
  • Ensuite, les (A+) n’ont pas quitté le pays d’origine pour s’installer ailleurs sans prendre de précautions et sans chercher à instaurer partout une discipline capitaliste rigoureuse. Les Etats-Unis ont renforcé leur rôle de leader des pays capitalistes développés par rapport à ce qu’il fut après 1945, et de ce que, depuis Lénine, on appelle l’impérialisme. Mais alors qu’après 1945, ils avaient surtout cherché à contenir toute avancée communiste, ils interviennent ou voudraient intervenir aujourd’hui directement dans l’économie des pays, qu’ils soient socialistes ou capitalistes. Ils cherchent à s’en réserver directement les ressources, que celles-ci soient des ressources naturelles ou de l’épargne. 
  • Ensuite encore, les gouvernements des (A+) ont ouvertement porté la guerre contre les pays du socialisme. Ils ont réussi à liquider le socialisme de type soviétique. Ils ont écrabouillé la Yougoslavie, ainsi que d’autres pays, jugés rebelles. Ils ont espéré, un moment, avoir neutralisé la Chine. Ils ont mis Cuba en situation d’isolement et ils lui ont fait toutes les misères possibles et imaginables.
  • Sur un autre front, ils ont réussi a contrôler leurs opinions publiques. Les populations (C-) et (D-), qui sont le produit du départ des (A+) et des nouvelles stratégies du Capital, n’ont visiblement pas compris l’origine de leur situation. Elles ont eu tendance à croire que les Pays sous-développés étaient responsables de leurs problèmes. Il va de soi que les classes dirigeantes les ont, de manière appropriée, encouragées à penser ainsi. Les représentants politiques du très grand Capital sont ravis de cette méprise. Elle leur permet de gouverner et d’occuper l‘Etat sans que la responsabilité du Capital dans la dégradation de la vie des salariés, désormais en détresse, soit clairement perçue par ces derniers.
  • En prolongement encore du point précédent, ces représentants politiques ont réussi à trouver une nouvelle source de confusion dans la compréhension de leur situation par les classes populaires et le salariat qui les compose. En effet, une fraction de la population des pays sous-développés (E-) a quand même pu venir dans les pays développés. Cette population est numériquement faible, en %, par rapport à la population des pays dont elle est issue. Mais par rapport à la population des pays développés, où elle arrive, et par rapport à la population des chômeurs ou des appauvris de ces pays, elle atteint des proportions significatives. Une partie des (C-) et (D-) estime que sa situation s’est durablement dégradée, non seulement à cause des (B-) mais en raison de l’arrivée des (E-) dans leur pays, développé. Ce phénomène concerne aussi bien les Etats-Unis que l’Europe occidentale.
  • Les choses sont alors devenues plus compliquées. Chacun, en France comme ailleurs en Europe, a pu en observer le processus. Arrivant dans un quelconque pays développé mais en crise, la population des (E-) est confrontée à des difficultés de toutes sortes, économiques et autres. Une partie de cette population les résout à l’aide des structures mentales de la société d’arrivée, par intégration dans les luttes et dans la dite société. Cela dit, une autre partie n’arrive pas à se saisir de ces structures mentales nouvelles. Elle donne donc de ses difficultés une interprétation faite à l’aide des structures mentales, totalement différentes, de la société de départ. A la grande satisfaction de la bourgeoisie, certains membres de la population des (E-) adoptent un comportement insupportable et entrent en conflit direct et ouvert avec les (C-) et les (D-).    
  • Apparemment, les classes dirigeantes des pays capitalistes développés ont donc pu croire que la situation était, pour elles, favorable. La mondialisation qu’elles  souhaitaient faire pour résoudre leurs problèmes économiques graves, répondait à leurs espérances, non seulement économiques mais politiques. Et il est vrai que d’une part, dans leurs propres pays, elles ont, en règle générale, réussi à contrôler leurs oppositions et que d’autre part, dans le monde, elles ont remporté une immense victoire sur le système socialiste.
  • Les problèmes rencontrés par les classes dirigeantes de ces pays, n’ont, cependant, pas disparu. Ils se sont, au contraire, aggravés.

D’abord, elles n’ont pas réussi, ces classes dirigeantes, à contrôler les contradictions de leur système économique. Une situation de suraccumulation durable et mortelle du Capital a refait surface au début des années 2000 et la crise de 2008 en a été le révélateur.

Ensuite, elles ont échoué dans leur projet d’anéantissement complet du socialisme. Certes, l’URSS et les démocraties populaires d’Europe centrale ont été balayées. Toutefois, les socialismes cubain, vietnamiens, chinois, nord-coréen, ont non seulement résisté mais ils se sont renforcés. Dans le contexte de la crise économique en cours, ils arrivent à progresser, à mieux satisfaire les besoins de leur population, tandis que d’autres pays, notamment en Amérique latine, cherchent à explorer des solutions semblables.

Enfin, un certain nombre de pays capitalistes en développement, tels que la Russie ou l’Iran, tendent à refuser le contrôle que les autres pays capitalistes développés, et en premier lieu les Etats-Unis, prétendent exercer sur leur société.

La mondialisation contemporaine est donc pleine de contradictions. La principale de ces contradictions est que le système capitaliste industriel est à bout de souffle, mais que les forces démocratiques des pays développées, comme celles des Etats-Unis ou d’autres pays européens, ne comprennent pas l’urgence de le changer, d’en faire la révolution. Ce système détruit systématiquement les nations dont il est originaire et il voudrait s’emparer des richesses des nations dans lesquelles il prétend apporter le bonheur. Mais en réalité et fort heureusement, il n’est plus en mesure de dominer le monde et d’apporter quoi que ce soit au monde tout en satisfaisant les intérêts des grands monopoles. Il est vain de demander quelque chose à ses dirigeants sans agir simultanément pour que ces mêmes dirigeants soient chassés du pouvoir. Exiger, par exemple, que la SEEF soit mise en oeuvre en France est une illusion à bon compte. Ou alors c’est un leurre pour être réélu. La lutte économique paye mais dans les circonstances où elle peut payer, ce qui n’est plus le cas. Il est aujourd’hui clair que la lutte économique ne peut payer que dans le cadre ouvert d’une lutte politique d’ambition révolutionnaire.

Et pourtant, les situations restent en l’état. Pourquoi? Il ne suffit certainement pas d’énoncer qu’il existe une contradiction ou des contradictions. Il est plus que banal de faire ce constat s’il est vrai que tout est contradictoire. Il faut donc décrypter ces contradictions.

Le problème à résoudre est, à mon avis, le suivant : les contradictions réelles, celles qui structurent réellement le monde contemporain, sont perçues, dans les pays développés, de manière contradictoire. Cela veut dire que la contradiction principale est perçue comme contradiction secondaire et que les contradictions secondaires sont perçues comme contradictions principales. La hiérarchie des contradictions est inversée. Il en résulte une situation dans laquelle les luttes sociales sont biaisées par cette méprise structurelle.

Je vais essayer d’en démêler l’écheveau. Mais auparavant, je souhaite compléter l’exposé que je viens de présenter à l’aide de quelques données chiffrées.

Statistiques sur le monde contemporain

Pour donner du corps à ce qui vient d’être énoncé, voici un tableau construit à partir des statistiques diffusées par l’ONU (population en 2020) et PIB en $ courants 2019 (Banque mondiale). Il montre, avec des approximations inévitables, quelles sont, aujourd’hui, les parts respectives de la population mondiale (PM) et de la valeur ajoutée annuelle mondiale (PIB M) dans les principaux groupes de pays évoqués dans ce texte. Voici le commentaire que j’en propose.

  1. Les pays capitalistes développés abritent 13% de la Population mondiale et produisent 54% de la PIB mondiale. Les habitants de ces pays disposent donc de 4.3 fois plus de richesses par habitant que la moyenne mondiale (dernière colonne).
 Répartition (%) de la population mondiale 2020 et du PIB mondial 2019 par grands groupes de pays (Sources : UN et BM)
Groupes de pays% Population% PIB%PIB/%POP
Pays capitalistes développés (24)12.5%54.3%4.30
Pays socialistes (4)21.5%16.8%0.80
Pays les moins avancés (49)15.0%1.3%0.08
Autres pays (141)51.0%27.6%0.50
Total Monde (218)100.0%100.0%1.00
    

On peut dire, pour se donner un ordre de grandeur, que les pays développés sont 5 fois plus riches que les pays socialistes et 9 à 10 fois plus riches que les pays en développement non socialistes.

Si l’on isole les PMA du reste des pays non socialistes en développement, on note combien est important l’écart entre leur PIB par habitant et celui des pays capitalistes développés (54 fois). Mais il l’est également avec les pays socialistes (10 fois).

  • Il semble toutefois nécessaire de rappeler les deux points suivants:
  1. Les pays socialistes, c’est-à-dire principalement la Chine, sont peut-être, globalement, les premiers producteurs de richesses dans le monde, mais ce sont tous, par habitant, des pays en voie de développement. On note, cependant, que ces PVD sont presque deux fois plus développés que les PVD non socialistes et qu’ils le sont 10 fois plus que les PMA. C’est pourquoi les PVD socialistes sont l’objet de la haine des classes dirigeantes des Pays développés et plus particulièrement des classes dirigeantes américaines. Les données relatives à ces PVD socialistes montrent que le socialisme est un système efficace au plan productif. L’expérience actuelle du Covid19 confirme l’interprétation que suggère ce tableau.
  • Ce tableau fait état de données calculées par habitant. Il crée l’illusion que chaque Américain, chaque Français, chaque Allemand, etc… est 9/10 fois plus riche que l’habitant moyen d’un pays sous-développé non socialiste. Il reporte sur toute la population des pays développés la responsabilité des inégalités de revenu observées dans le monde. En réalité, ce ne sont pas les Américains, les Français, les Allemands qui sont 10 fois plus riches que tel ou tel habitant moyen de la planète. Ce sont les membres des classes dirigeantes des pays considérés. Les inégalités de revenus (les flux) prennent racine dans les inégalités de stocks (le Capital). Voilà un point de théorie que Picketty n’a pas compris, mais ce n’est pas le seul et ce n’est pas grave.

Ce qui est en cause dans l’existence des inégalités mondiales, ce ne sont pas les nationalités : être américain, allemand, français, etc…Ce sont les rapports sociaux privés de production et les pouvoirs relatifs dont ils sont dotés.

  • Ce tableau indique, de manière simple, quelles seront les principales tâches du mouvement démocratique et révolutionnaire mondial au cours du 21ème siècle. Elles consisteront à mettre un terme à l’Impérialisme et, simultanément à développer industriellement les économies sous-développées. Aujourd’hui, le monde est sous-développé industriellement. Les populations concernées, c’est-à-dire 87% de la population du monde, aspirent au développement. Le 21ècle devrait être le siècle de la généralisation du développement industriel initié par le capitalisme industriel au 18ème siècle. Ce devrait être aussi celui du respect simultané des équilibres naturels. Car il ne sera pas possible de développer le monde industriellement en suivant les modalités dévastatrices du développement industriel capitaliste. Dans ce développement industriel général, il y aura une tâche particulière, consistant à réintroduire les PMA, soit 15% de la population mondiale, dans les rangs de l’Humanité. Aujourd’hui, ces pays sont hors Humanité. Ce sont les laissés pour compte de la planète.
  • Enfin, il me semble que pour réfléchir à l’évolution du monde contemporain, il est utile de se rappeler ce qu’Engels et Marx ont écrit dans leur Manifeste du Parti communiste pour décrire la dynamique des modes de production. A un moment donné de leur développement, les forces productives matérielles et humaines ne peuvent plus fonctionner dans le cadre des rapports sociaux qui les ont engendrées. Ces rapports sociaux doivent donc faire l’objet d’une révolution. Dans le cas du monde contemporain, les rapports privés capitalistes ont engendré un développement considérable des forces productives matérielles et un développement non moins considérable des forces productives humaines. Mais ces rapports sociaux, en raison de leur essence privée, ne sont pas capables de conduire plus loin les forces à l’origine desquelles ils se trouvent.

Ces rapports produisent, de manière durable et répétée, la crise et le blocage de leur fonctionnement. Ils doivent donc laisser la place à un autre mode de production. Le 21ème siècle devrait être non seulement le siècle de la généralisation du développement industriel. Ce devrait être celui de la fin de l’impérialisme capitaliste et de l’irrésistible déclin du mode de production capitaliste ainsi que de son remplacement. Quels sera le régime socio-économique capable de porter cette transformation radicale? Observera-t-on la présence simultanée de pays socialistes plus nombreux qu’aujourd’hui et de pays capitalistes, à la fois non agressifs et keynésiens? La question est ouverte et sera tranchée par les faits. Mais c’est, à mon avis une possibilité.

Nous sommes arrivés à une période de l’histoire des Hommes où la nécessité de modifier le capitalisme industriel de fond en comble devient de plus en plus visible, évidente. Par quoi le remplacer? C’est sans doute la principale question posée au monde d’aujourd’hui. Il est clair aussi que les bénéficiaires contemporains du capitalisme industriel, la grande bourgeoisie monopoliste, ne l’entendent pas de cette oreille. Ils résistent déjà avec vigueur et férocité. Ils mènent le combat de classe avec détermination et ils le feront sans discontinuer tant qu’ils en auront la force. Il n’y aura pas de quartier.

Toutefois, pour s’opposer à ces grandes bourgeoisies, les forces authentiquement révolutionnaires sont faibles. Les forces populaires n’ont pas très bien compris la gravité de la situation dans laquelle elles se trouvent. Elles espèrent encore pouvoir s’en sortir, en luttant certes, mais en utilisant les moyens traditionnels sans y adjoindre, non seulement en mots mais en pensée et en action le mot de révolution.

Pour chasser définitivement ces grands bourgeois du pouvoir, de tous les pouvoirs, les masses populaires des pays développés, aujourd’hui dans la confusion, devront acquérir la claire conscience de leur situation et lutter à leur tour de manière efficace et déterminée, tout en faisant alliance, dans ce but, avec les classes et les organisations révolutionnaires des autres pays, à commencer par celles des pays socialistes.

Les contradictions à l’œuvre, inversion et transformation

Le problème est cependant que nous sommes encore bien éloignés de ce degré d’exigence. D’une part, nous ne comprenons pas, pour la plupart d’entre nous, que ce système est fini, que l’on ne peut rien en attendre de positif, qu’il nous faut construire le socialisme. D’autre part, nous sommes faibles et désunis pour entreprendre cette tâche historique.

M’intéressant seulement ici surtout au cas de la France et des pays capitalistes développés, l’hypothèse que je formule est que la perception des contradictions sociales traversant ces pays, notre pays, s’est, dans la conscience des populations, inversée et déformée par rapport à sa base réelle. Cela expliquerait, pour une part en tout cas, la faiblesse des idées révolutionnaires. Quel est donc ce système réel? Comment expliquer son inversion et sa déformation?

La contradiction principale réelle

Voici le schéma que j’en propose.

Au plan intérieur, la contradiction principale réelle est entre capitalistes et salariés, considérés globalement (partie gauche du schéma). Elle est d’autre part entre la grande bourgeoisie, armée de son Etat, et les autres pays (partie droite du schéma), en distinguant alors les pays socialistes (une opposition mortelle) et les autres pays développés (une querelle de famille).

Pour un marxiste, cela ne fait aucun doute. Les capitalistes se moquent a priori de savoir si leurs salariés sont bouddhistes ou marocains. Ce qu’ils exigent des forces de travail qu’ils emploient est qu’elles satisfassent aux normes de qualité et de rapidité. Les temps de travail d’un athée ou d’un polonais ont exactement les mêmes odeurs et les mêmes vertus marchandes que ceux d’un protestant luthérien ou d’un charentais mangeur de gastéropodes. Le fait, pour un chef d’entreprise, d’utiliser l’une de ces caractéristiques, par exemple embaucher des saisonniers étrangers pour cueillir du raisin ou ramasser des légumes, lui permet seulement, toutes choses égales par ailleurs, de surexploiter la main-d’oeuvre concernée en raison de sa vulnérabilité.

Au plan extérieur, les grandes bourgeoisies sont foncièrement hostiles au socialisme. Ce système est leur ennemi majeur. Elles composent avec lui parce qu’il faut faire des affaires, surtout dans une situation de crise du capitalisme. Le grand frère américain a toutefois raison. Beijing delanda est. Mais comment faire?

En ce qui concerne les capitalistes des autres zones, c’est chacun pour soi, c’est bien connu, mais on a des intérêts communs. Les conflits entre cousins sont nombreux. La famille et l’esprit de famille ne disparaissent pas pour autant.

Au total, la contradiction fondamentale, que Marx analysait basiquement comme contradiction entre Salariat et Capital, demeure. Elle a seulement évolué dans trois directions, que je vais indiquer. En même temps qu’elle évoluait de la sorte, elle s’est évaporée.

La première de ces directions résulte de la mondialisation du Capital productif. Le Capital de chaque pays exploite non seulement la main-d’œuvre du pays mais encore celle d’autres pays. La production ainsi que le marché du travail se mondialisent. Une partie de la main-d’œuvre du pays s’expatrie.

La deuxième résulte de l’apparition de pays socialistes solides au sein de l’ensemble mondial. La contradiction fondamentale entre Capital et Salariat demeure et se déploie comme contradiction entre Capitalisme et Socialisme. Mais alors que le Capital est en situation de domination par rapport au Salariat, il ne l’est plus par rapport aux pays du Socialisme.

La troisième évolution est sans doute la conséquence de la précédente. Les contradictions entre pays capitalistes développés, dont les aboutissements furent ouvertement guerriers dans la première moitié du 20ème siècle, ont pris un tour apparemment pacifique. Les dirigeants de ces pays continuent d’être des guerriers, mais contre des pays sous-développés ou contre des pays socialistes et non contre des pays de la même famille développée.

Au total, eu égard à l’état de crise profonde, non réversible du système capitaliste dans la phase actuelle de son stade monopoliste financier mondialisé, on devrait assister à la débandade des grandes bourgeoisies des pays capitalistes développés, et, de la part des salariés ainsi que de leurs organisations, au développement intense de leurs luttes pour le socialisme. La perception, par les salariés de toutes sortes, de la contradiction fondamentale dont ils subissent les effets devrait tendre vers celle que j’ai dite, vers sa structure réelle.

La transformation idéologique du système des contradictions à l’époque du CMF

Or il n’en est rien. Bien au contraire, ces grandes bourgeoisies occupent toutes le pouvoir d’Etat, en Europe occidentale, aux Etats-Unis et au Canada, en Australie, au Japon. La social-démocratie étant dévalorisée, elles l’occupent grâce à leurs représentants directs ou grâce à ceux des partis d’extrême-droite. Quant au socialisme, il n’y est certainement pas à l’ordre du jour, que ce soit en Amérique du Nord ou en Europe occidentale. Elles ne sont l’objet d’aucune menace salariale. La contradiction principale réelle semble s’être évaporée.

Il paraît donc clair que la représentation de la contradiction antagonique que les salariés auraient pu avoir de leur situation, celle entre Capital et Salariat, a été transformée, par la force des rapports sociaux, des représentations et de l’idéologie, en contradiction antagonique entre Salariés, d’abord à l’intérieur de chaque pays, ensuite entre les salariés de chaque pays et ceux d’autres pays.

Le point de départ de cette transformation a sans doute été le salariat industriel en raison de la migration du capital productif national. Je ne prétends pas faire ici une analyse approfondie de l’objet étudié. Il faudrait, si mon hypothèse de transformation est exacte, faire, pays par pays, ou pour les plus importants d’entre eux, l’étude chronologique de cette transformation pour en connaître précisément l’histoire et le contenu multiple.

En outre, je ne crois pas que ce système idéologique existe en tant que système unifié. C’est plutôt, dans la vie courante, un assemblage de pôles distincts de contradictions, mais qui, tous réunis, convergent vers un même résultat, celui de l’affaiblissement du salariat en même temps que de l’affaiblissement de la perception claire de la responsabilité du Capital dans la situation de chacun. Le Rassemblement national est, me semble-t-il, le parti d’extrême droite qui, en France, a fait de la réunification de ce modèle morcelé un modèle global. La grande bourgeoisie utilise ce modèle global comme un instrument objectif de son propre pouvoir. Le Rassemblement national en a fait un instrument politique qui sert exactement les mêmes intérêts que ceux de la grande bourgeoisie, quelles que soient par ailleurs les vociférations de ses dirigeants contre les mondialistes. En voici un schéma simplifié tel que je crois pouvoir le déduire de l’exemple français.

Comment cette transformation, consistant à élever les contradictions secondaires au rang de contradiction principale, et à mettre ainsi de côté la contradiction principale réelle, a-t-elle été rendue possible? 

Un processus de transformation à trois étages

Voici, selon moi, et sans aucune certitude dans l’analyse, comment on peut comprendre le déroulement du processus ayant abouti à la situation présente. Je suis désolé d’être aussi vague et je suis prêt à faire mienne toute analyse globale actuelle, qui rendrait la mienne obsolète. Je me permets de faire état de manière aussi naïve de mes propres idées dans la mesure où elles prennent appui sur ce qu’en a dit Marx, par exemple, mais aussi sur d’autres textes récents tels que ceux de Georges Marchais sur l’immigration ou d’Alain Gérin sur les ghettos de la République. A ma connaissance, cette période n’a pas encore été suffisamment étudiée et intériorisée par les communistes français.

Je vais maintenant énoncer, de manière brève mais directe, ce que je crois.

  1. L’année 1968 fut à la fois l’année d’une grande bataille et d’une grande illusion. C’est le point de départ du processus que je décris. Cette illusion, je la situe dans trois phénomènes. Le premier est la sous-estimation des transformations sociologiques analysées par Clouscard. C’est l’une des composantes illusoires de 1968, laquelle contribua a redonner du volume et du poids à la social-démocratie. Le deuxième phénomène est la croyance en un certain spontanéisme révolutionnaire à laquelle la théorie du CME nous avait habitué. Je ne pense pas que cette théorie soit fausse mais je crois que l’interprétation politiquement trop confiante, trop mécaniste que nous en avons faite en ce qui concerne ses vertus révolutionnaires, nous a conduits dans une impasse.

Cette impasse, c’est le renversement de la contradiction fondamentale que représente la politique de rigueur de 1983. Car parler de politique de rigueur, cela revient à dire que les salariés sont responsables de la situation.

Le troisième phénomène fut la sous-estimation de l’état de la mondialisation capitaliste en cours. Paul Boccara a bien avancé alors le concept de crise du capitalisme monopoliste d’Etat, ce qui montrait que nos analyses précédentes devaient être revues. Henri Jourdain, de son côté, (il assurait la direction théorique et politique de la revue marxiste d’Economie, Economie et Politique), a bien publié divers articles montrant combien les monopoles étaient en train de se mondialiser à toute vitesse. Mais je crois que, globalement, ces efforts théoriques n’ont été que des petits sursauts et que, dans leur ensemble, les communistes n’ont pas compris la transformation qui était en train de se produire dans le fonctionnement de la contradiction fondamentale du capitalisme. En sorte que, grâce à la confiance accordée à la social-démocratie par une majorité populaire, la classe ouvrière française est devenue le cœur de la contradiction. Ce n’était plus le Capital mais la Classe ouvrière. Comme je viens de l’écrire, la politique de rigueur témoigne de ce renversement.

Pour décrire ce que j’interprète comme étant le deuxième étage de la fusée, je passe sur tout un ensemble d’événements très importants qui ont eu lieu dans cette période (la guerre d’Afghanistan, la liquidation du socialisme de type soviétique en 1991, etc…). Je passe, en renvoyant aux Mémoires d’une communiste, de Danielle Bleitrach, sur les responsabilités politiques de la social-démocratie, des dirigeants communistes, des cadres syndicats, des communistes ici et là, pour en venir à ce deuxième étage.

La premier étage, c’est ce qui s’est passé au plan de la production et que je viens d’indiquer. C’est l’étage de l’inversion. Le deuxième étage de la fusée a été construit lorsque la transformation de la contradiction, dans sa forme inversée (les ouvriers prenant la place des capitalistes dans la contradiction principale), s’est déplacée des lieux de production vers les lieux de consommation. Plus précisément vers ces lieux de consommation, même s’il s’agit d’une consommation collective, que sont les mairies. Celles-ci, et plus particulièrement les mairies communistes, ont été atteintes de plein fouet par une vague relativement importante d’immigration alors même que les entreprises susceptibles d’absorber tant la main-d’oeuvre résidente que les forces de travail immigrées, étaient en train de quitter les lieux.     

Le passage de l’étage de la production à l’étage de la consommation a contribué à nourrir et à diffuser une image non seulement inversée de la contradiction principale (les salariés sont responsables de la situation et ils ont à subir la politique de rigueur), mais une image transformée et déformée. La contradiction principale a pris la forme de la contradiction entre les consommateurs, et plus précisément entre les Français et les Immigrés. Elle s’est à la fois rétrécie (l’immigration), déformée (on passe des rapports sociaux de production aux rapports de nationalité), amplifiée en tant que contradiction interne au milieu populaire, largement diffusée, et finalement complétement éloignée de la contradiction réelle et structurelle du capitalisme : Capital et Salariat.

Le troisième étage de la fusée est de nature culturelle. La contradiction principale s’est alors évaporée. L’immigration contemporaine est, dans tous les pays développés, une immigration principalement économique. Elle est issue de pays en développement et donc de structures mentales différentes de celles qui prévalent dans les pays développés. Or cette différence, qui contient le meilleur et le pire, a servi de ciment final pour la solidification de cette image inversée, puis déformée, puis finalement totalement différente de la contradiction principale. Je précise que je ne place pas la religion comme un élément de ces structures mentales. La contradiction ainsi transformée puis évaporée a engendré à son tour, comme dans un jeu de miroirs, de nouveaux monstres idéologiques, dont on n’arrive plus à sortir.

La grande bourgeoisie française n’en mène certainement pas large. Elle connaît sans doute, même si c’est de manière intuitive, les limites du pouvoir qu’elle exerce, mais aussi la nécessité absolue pour elle de ne pas en être dépossédée. Cela dit, c’est elle qui conduit la barque et pour l’instant, elle a su, à l’exception me semble-t-il, de la récente crise sanitaire, utiliser à peu près habilement les contradictions de ses adversaires, voire même les amplifier, aidée en cela par le Rassemblement national. Le rôle de ce dernier consiste à brouiller les cartes, ce qu’il fait lui aussi avec un certain succès.

Or la domination que la grande bourgeoisie continue d’exercer est non seulement pour elle le moyen de poursuivre sans discontinuer sa politique de destruction de la nation française et de surexploitation de ce qui reste de travailleurs. Elle est également très dangereuse.

Forte du soutien politique dont elle bénéficie, même si une composante majeure de ce soutien réside dans notre propre incurie, cette grande bourgeoisie peut d’une part s’associer au pire désastre qui puisse se produire, une guerre atomique mondiale initiée par les Etats-Unis. Elle peut d’autre part, engager la société française dans une voie non seulement autoritaire mais fasciste.

Eléments de conclusion

Pour éviter de conclure ridiculement par un catalogue d’actions à entreprendre, ce qui serait déplacé de ma part, et vain, je me donne la contrainte d’énoncer trois idées, selon moi majeures et directement reliées au texte que l’on vient de lire. Ma conviction est que, c’est en explorant ces idées, en les complétant, en les approfondissant, en en joignant d’autres, que les communistes français à la fois reconstruiront leur organisation et contribueront, c’est l’essentiel, à la construction d’une société nouvelle.

  1. La première idée est que le capitalisme industriel a atteint, dans sa phase actuelle de développement et de mondialisation, les limites de ses potentialités. Il est donc vain d’attendre quoi que ce soit de ce système. La contradiction principale, qui semble s’être évaporée, doit être rendue visible à nouveau. Non seulement le capitalisme industriel a atteint ses limites productives historiques, mais désormais, il détruit tout sur son passage. L’organisation des luttes et la formulation des exigences qui motivent ces luttes ne peuvent aboutir. Elles devraient donc prendre place dans la perspective d’un changement révolutionnaire, qu’il faut rendre de plus en plus explicite. Nous devons ouvertement lutter pour le socialisme, que ce soit pour faire triompher la cause écologique, pour construire des logements que pour stabiliser l’économie et transformer une problématique de l’emploi en problématique du travail. Les luttes quotidiennes doivent, me semble-t-il, être inscrites dans cette perspective, sous peine d’être non seulement illusoires mais trompeuses. Cela ne veut pas dire, pour autant, qu’il faille les abandonner, ou que, réciproquement, le socialisme soit une clé magique. C’est seulement une condition nécessaire.
  • La deuxième idée est que les communistes doivent rompre tant avec le capitalisme qu’avec la mondialisation capitaliste, qui en est la forme actuelle. La mondialisation capitaliste (et donc le capitalisme monopoliste) détruisent la France et le peuple français. Il nous faut reconquérir notre indépendance nationale, aujourd’hui perdue, non pas pour faire cocorico sur un tas de fumier mais pour construire une société nouvelle, dans la souveraineté des décisions populaires. A un moment ou à un autre, il nous faudra certainement sortir de l’OTAN. Le plus tôt sera le mieux. Et il nous faudra rompre avec l’Union européenne si ses dirigeants nous empêchent d’établir notre souveraineté. Dans ce but, la reconquête immédiate de nos indépendances économiques, politiques, financières, monétaires, scientifiques, informatiques, semble aller de soi. Reconstruire, tout en le modernisant, le système productif et financier français, reconstruire les services publics tout en repensant leur signification, leur contenu et leur fonctionnement, sont deux exigences minimales. Je crois enfin que la dimension militaire de notre indépendance ne doit pas être négligée. Etre indépendant, cela signifie pouvoir se défendre. Or nous serons attaqués, et peut-être même dangereusement. Cela dit, nous n’avons pas besoin d’un général de Villiers pour défendre la France socialiste. En revanche, je crois que les communistes doivent savoir faire appel aux officiers, sous-officiers et soldats animés d’un réel souci de l’indépendance nationale. Nous devons solliciter les Brutions, les rebelles, et rejeter les pétainistes et les otaniens. De la même manière, l’ambition des communistes devrait être, me semble-t-il, de reconquérir les cœurs et les esprits de la classe ouvrière désorientée, tout en liant étroitement socialisme et nation.
  • La troisième idée est que le socialisme à la française ne peut se donner uniquement une ambition française. J’espère avoir montré dans ce texte que les forces productives sont aujourd’hui mondialisées, soit positivement, soit négativement, mais que leur rencontre ne se passe pas bien, parce qu’elle est accomplie sous l’égide du Capital. Le problème à la solution duquel les communistes pourraient dépenser une part de leur énergie n’est pas celui de la démondialisation, mais celui d’une autre mondialisation, celle des rapports entre nations souveraines. Ce devrait être celui de la construction simultanée du socialisme au plan national et de son insertion dans un système de relations internationales, économiques, politiques, culturelles, totalement renouvelé par rapport à l’époque de l’impérialisme capitaliste. Je crois qu’il nous faudrait réfléchir davantage que cela n’a peut-être été fait en France à des relations de type gagnant-gagnant. Nourris que nous sommes par l’idéologie capitaliste, fut-ce à notre insu, nous pensons nos relations économiques comme si l’on ne pouvait que prendre à l’un ce que l’autre gagne. De façon concrète, il me semble que la prise en charge collective du développement des PMA sera une tâche internationale aussi urgente que la défense nationale et l’écologie. L’immigration massive pour des raisons économiques n’est pas une solution, aussi bien pour ceux qui quittent leur pays natal que pour ceux qui les reçoivent.

J’aurais bien envie de dire, pour conclure ma conclusion, combien il me paraît urgent que nous nous engagions dans la bataille en cours des élections présidentielles en tant que communistes et combattants du socialisme. Je sais seulement que si nous, communistes, nous nous rabattions sur un Mélenchon ou sur un Montebourg, ou que si notre candidat, communiste, mettait dans sa poche le drapeau du socialisme, je n’irai tout simplement pas voter. J’irai grossir les rangs de l’abstention. J’espère au contraire que nous aurons le courage d’être ce que nous sommes ou devrions être, et que, comme le disait le ripailleur girondin, qui avait quand même le sens du peuple et de la patrie, nous aurons de l’audace, encore de l’audace et que nous en aurons toujours ! Car nous sommes condamnés à être audacieux si nous voulons contribuer à sauver ce pays. Mais voilà, j’arrête, car je me suis donné la contrainte de trois idées et ça, ce n’est qu’une opinion.

Jean-Claude Delaunay   

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5 Commentaires

  • Xuan

    D’accord avec les conclusions de Jean Claude

    Il est important de bien prendre la mesure de la position de notre pays dans le « concert » des nations, et de rappeler sa nature impérialiste en particulier.

    Il existe dans l’opinion publique une opinion bien ancrée selon laquelle notre pays est une victime des autres, de ses voisins, de l’Europe, des pays pauvres et de leurs migrants, de la Chine. Cette mentalité de Calimero dissimule les causes internes de la dégringolade de notre pays, estompe la domination bien réelle des USA, et surtout l’oppression et l’exploitation exercées par nos monopoles dans le monde, notamment vers le sud de l’Europe et de la Méditerranée.
    Ceci implique que l’indépendance nationale de notre pays doit se fonder sur la fin de l’impérialisme français et sur des rapports d’égal à égal.

    D’autre part on voit que la Chine cumule les motifs qui en font une cible, à la fois un pays socialiste, un pays émergent indépendant et un concurrent pour l’hégémonisme US.

    Cette position se décline à des degrés divers dans d’autres pays du tiers monde, socialistes ou capitalistes, développés ou non, en fonction de leur développement propre ou de leur entrave aux projets US.
    Mais on constate aussi des contradictions à mon avis croissantes entre l’hégémonisme et le second monde impérialiste des vieilles puissances coloniales.  

    Ici je ne partage pas cher camarade l’ensemble des tes analyses.

    Il est probable que le conflit actuel entre les USA et la Chine, détermine le positionnement des autres pays, compte tenu de leur situation économique.
    Et ce positionnement dépend d’abord des intérêts respectifs, et ensuite des alliances et des communautés de pensée. Mais aussi des conflits internes au sein de chaque camp.

    « En ce qui concerne, les capitalistes des autres zones, c’est chacun pour soi, c’est bien connu, mais on a des intérêts communs. Les conflits entre cousins sont nombreux. La famille et l’esprit de famille ne disparaissent pas pour autant ». 

    Le chacun pour soi n’est qu’un aspect de la réalité. Il existe un esprit de famille du point de vue des affinités idéologiques, mais le monde capitaliste n’est pas une famille, il faut se méfier de la comparaison parce que les deux guerres mondiales ont prouvé le contraire, alors même la Russie Soviétique était l’ennemi commun des démocraties bourgeoises.
    De surcroît son économie n’était nullement intriquée avec celle des pays capitalistes comme l’est celle de la Chine aujourd’hui.

    Il n’y a pas de rapports égaux entre les capitalistes. Leur développement inégal conduit à des positions dominantes et d’autres dominées. Le rapport avec l’hégémonisme US est symptomatique, même jamais égalé dans le passé.
    Contrairement aux affirmations des politiciens bourgeois, l’émergence de la Chine est-elle aussi périlleuse pour les monopoles européens que la domination US ?
    Il y a ici une discordance entre les faits et leur représentation. Une interprétation qui dépend largement aussi des pressions et du chantage des USA.

    Il ne s’agit donc pas de conflits « entre cousins » mais d’un conflit entre dominant et dominés.
    De même au sein de l’UE ce ne sont pas des conflits « entre cousins » mais des conflits de dominants à dominés.
    Il existe donc à la fois des intérêts communs et des intérêts contradictoires, comme le montre le Brexit.
    L’attitude de l’Allemagne à propos de la 5G et du Nord Stream II est une indication. Notre pays s’est fait aussi tordre le bras en particulier avec l’Iran. Il y a des « amitiés » qui coûtent trop cher.
    Et quelle direction prennent ces contradictions ? Quelle est leur tendance ? Finalement c’est cela qui nous intéresse.

    Il est certain que Biden a du pain sur la planche pour rattraper l’isolement volontaire de Trump et constituer un front uni contre la Chine, sans lequel les USA pourraient difficilement envisager un conflit militaire, ni même isoler la Chine, mettre en place un blocus efficace, etc.
    Mais la diplomatie ne peut pas effacer les intérêts contradictoires, et le déclin des USA ne peut qu’accentuer les conflits avec leurs alliés.

    Peut-être même pourrait-on voir apparaître une situation inédite (pas tant que ça d’ailleurs), s’il s’avère que la Chine ne plie pas et unit autour d’elle de nombreux pays, si le front occidental ne se met pas en place et n’est pas assuré : c’est que les occidentaux finissent par se battre comme des chiffonniers. 

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  • Xuan

    Veuillez m’excuser, en manipulant mon message je l’ai reproduit en deux exemplaires.
    Lire jusqu’à :

    Peut-être même pourrait-on voir apparaître une situation inédite (pas tant que ça d’ailleurs), s’il s’avère que la Chine ne plie pas et unit autour d’elle de nombreux pays, si le front occidental ne se met pas en place et n’est pas assuré : c’est que les occidentaux finissent par se battre comme des chiffonniers.

    Et ignorer ce qui suit. merci
     

    Répondre
    • Jean Claude DELAUNAY
      Jean Claude DELAUNAY

      Bonjour Xuan, et merci pour ton commentaire. Je partage ton analyse : il n’y a pas de rapports égaux entre les capitalistes. Le développement inégal conduit à des positions dominantes et dominées. Je crois que ta remarque permet de comprendre mieux 2 aspects de la lutte pour le socialisme. Le premier est que, dans cette lutte, tout pays socialiste n’affronte pas des “cousins” mais des pays inégaux et rivaux entre eux. Lorsque la France s’engagera dans la voie du socialisme, elle sera en butte à l’opposition résolue des pays capitalistes. Cela dit, le peuple français disposera d’une marge de manoeuvre plus grande à leur égard s’il s’agit de pays rivaux et inégaux que de cousins. Le deuxième aspect est que la construction de nouveaux rapports internationaux devra insister sur la mise en place de rapports égaux, aussi grandes que soit les différences. Lorsque Xi Jinping visite le Laos et ses quelques millions d’habitants, il le fait sur un pied d’égalité. Il ne met pas seulement en cause des rapports de cousinage, il met en cause les rapports caractéristiques du monde capitaliste, c’est-à-dire des rapports de rivalité et d’inégalité, toujours reproduits comme tels. L’égalité de principe permet en plus de discuter et de résoudre franchement les problèmes, s’il y en a, sans complexe de part et d’autre.

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      • Xuan

        Bonjour cher camarade,

        On peut prolonger l’étude des contradictions capitalistes sur notre territoire. Là aussi il existe dominants et dominés.
        Naturellement la contradiction fondamentale oppose exploiteurs et exploités.

        Mais une contradiction profonde oppose aussi les grands monopoles et les TPE et PME, dont les premières victimes sont les salariés des sous traitants.
        Fanny Chartier a fait un topo très intéressant sur ce rapport inégal.
        La crise du premier trimestre 2021 va certainement accentuer les antagonismes, écrabouiller les petites entreprises tout en jetant au chômage de très nombreux salariés.

        Il existe un rapport comparable entre paysans exploitants d’une part, et d’autre part l’industrie agroalimentaire et la grande distribution. Très souvent la FNSEA a orienté les protestations paysannes vers “les technocrates” de Bruxelles, mais en 2009 la « guerre du lait » s’est retournée contre Lactalis et Sodiaal. En 2013 Le Foll a été visé ainsi que la grande distribution.

        Une analyse de classe de la société française pourrait définir qui sont les alliés et qui sont les ennemis de la classe ouvrière, ainsi que les éléments intermédiaires susceptibles de se ranger de part ou d’autre ou de rester sur la touche. La question serait qui a matériellement intérêt au socialisme ? 

        Répondre
  • Xuan

    Permettez-moi de signaler cet article, qu’on peut lire avec la traduction automatique
    Saisir la tendance générale de la mondialisation économique et élargir sans cesse l’ouverture—— Étude approfondie et mise en œuvre de l’importante exposition du Secrétaire général Xi Jinping sur la mondialisation économique – 15/12/2020
    “…plus la force motrice de la mondialisation économique est grande, plus la résistance est grande. La plus petite sera le mieux; les tendances anti-mondialisation actuelles dans le monde ne sont que quelques vagues suscitées par la tendance à la mondialisation et ne peuvent pas arrêter la vague de mondialisation; nous ne devons pas être retardés par les vents contraires et les vagues de retour, et nous devons rester dans le courant de l’histoire.

    […]
    la mondialisation économique est un processus historique objectif qui est encouragé conjointement par le développement des forces productives et la transformation des rapports de production, et qui n’est pas soumis à la volonté humaine. Dans l’histoire, les fléaux, les guerres et les crises ont tous entravé le développement de la mondialisation économique, mais en fin de compte, la tendance à la mondialisation est toujours puissante, progressant vers la vaste mer….

    […]
    Les grands changements mondiaux inédits depuis un siècle sont entrés dans une période d’évolution accélérée et les défis mondiaux se sont multipliés. Le renforcement de la gouvernance mondiale et la promotion de la réforme du système de gouvernance économique mondiale sont la tendance générale. La «montée de l’est et la chute de l’ouest» dans l’équilibre international du pouvoir est le changement le plus révolutionnaire…”

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