Merci Cuba coopération pour ce magnifique reportage, tous ces noms dont celui de Capra qui m’est particulièrement cher. un mot pour les intiés, Adlane est là aujourd’hui et nous avons décidé d’aller ensemble l’an prochain pour ce qui sera mon ultime voyage et le premier pour lui à la rencontre de l’île de la liberté… La liberté si chèrement acquise et que l’on offre aux autres en partage. A propos les amis n’oubliez pas ce que vous pouvez rendre un peu à Cuba, pour la solidarité alimentaire. Envoyez vos chèques à Cuba Coopération,32 rue Lénine à Ivry. 94200. (note de danielle Bleitrach)
mercredi 16 décembre 2020
par Jorge OLLER OLLER, Traduit par Suzanne Dejours
Ernest Hemingway est un des romanciers les plus lus dans le monde. Il a écrit une bonne partie de ses œuvres célèbres à La Finca Vigia, son refuge de San Francisco de Paula, au sud-est de La Havane. C’était un des lieux favoris de l’écrivain pour recevoir ses nombreuses amitiés du monde intellectuel et artistes célèbres d’Hollywood.
Son autre lieu de séjour cubain était le village de pêcheurs de Cojimar où était ancrée sa «maison flottante», el Pilar, un yacht avec lequel il naviguait, pêchait et où il se reposait et qu’il arma pour poursuivre les sous-marins pendant la deuxième guerre mondiale. Ce sont dans ces lieux que certains photographes les plus célèbres du monde feront leurs clichés.
Lors de ses pérégrinations en Europe, Hemingway a connu beaucoup de professionnels de la photo surtout des correspondants qui comme lui avaient couvert la première et la deuxième guerre mondiales ou la guerre civile espagnole. Sa grande amitié avec Robert Capa, le plus célèbre d’entre eux, est née en Espagne lors d’un reportage sur la lutte que livraient les Républicains espagnols aux franquistes. Il a rejoint le débarquement des forces alliées en Normandie et l’avant-garde des troupes qui libèreront Paris. Hemingway n’a jamais pu voir comme il l’espérait, son camarade à La Havane puisque en 1955 une mine lui ôta la vie alors qu’il couvrait le conflit franco-vietnamien. Hemingway a toujours considéré Capa comme le meilleur correspondant de guerre, un grand camarade et dans ses collections de la Finca Vigia, il gardait jalousement des dizaines d’excellentes photos historiques. De ces hommes, de cette époque et de ces lieux naîtront ses sympathies pour les photographes et motiveront l’exposition de ces images dans notre capitale.
Le photographe nord-américain Walker Evans a connu Hemingway à La Havane. Néanmoins, on n’a pas trouvé des portraits de Papa pris par Evans alors qu’ils se rencontraient tous les jours. A gauche, Evans avec son appareil photo, à droite, en haut, une famille sans toit, en bas la police réprimant des manifestants. (photo de Walker Evans).
Walker Evans (1903-1975) fut le premier photographe qu’Hemingway a connu à La Havane. Un newyorkais venu dans l’île pour photographier l’actualité cubaine. A Cuba régnaient la misère, la répression et la cruauté policière du régime tyrannique de Gerardo Machado. La dernière semaine du mois de mai et la première semaine de juin 193, on les voyait parfois parcourant les rues, l’un avec un appareil photo sur les épaules en train de photographier et l’autre, surveillant.
Un jour, Evans est allé dire au revoir à Hemingway. Il avait épuisé l’argent destiné à ses dépenses, il lui manquait quelques photos pour terminer son reportage. L’écrivain sensibilisé à sa mission l’encouragea à la terminer et lui donna l’argent pour lui permettre de rester une semaine supplémentaire. On dit aussi qu’Evans a donné les photos à Hemingway pour qu’il les sorte de Cuba craignant que les autorités les lui confisquent. Il contribua ainsi à la publication du livre «Le crime de Cuba», écrit par Carleton BEALS, un dossier extraordinaire pour que le monde ait connaissance par des photos des barbaries du régime de Machado.
Le plus célèbre des portraitistes du vingtième siècle, Yosuf Kash a photographié l’écrivain dans sa maison de San Francisco de Paula en 1957. Ce furent des jours de coopération mutuelle entre les deux gloires du monde de l’art et de la littérature. Le jour prévu pour la séance, l’assistant du photographe, Jerry Fielder, posa son trépied et l’appareil de grand format dans un des salons et posa la malette à côté de plaques de 8 pouces par 10, pendant que Karsh orientait convenablement les lumières qui éclaireraient le romancier. Quand tout fut prêt, Hemingway s’installa au lieu indiqué et entre deux clics, anecdotes et daiquiris l’artiste prit une quarantaine de photos dans différentes poses, certaines avec Mary Welsh, l’épouse de l’écrivain.
Le photographe KARSH, à droite le portrait préféré d’Hemingway
Papa (ainsi l’appelaient sa famille et ses amis proches) a voulu être photographié vêtu d’un pull à col roulé qui lui donnait un air marin. Résultat : c’est la photo préférée de l’écrivain et en général de tous parce qu’elle révèle son tempérament. Elle lui a tellement plu qu’elle est affichée à droite de la porte d’entrée de la salle de la maison Finca Vigia.
Dans ses mémoires, Karsh a écrit : «J’espérais trouver chez le romancier un mélange des héros de ses romans. A la place de cela, j’ai trouvé un homme particulièrement courtois, un homme plus timide que celui que j’avais photographié. Un homme cruellement maltraité par la vie mais apparemment invincible.
Cinq ans auparavant, le premier septembre 1952, la revue LIFE a publié dans un numéro spécial la première mondiale du roman «Le vieil homme et la mer», avec un reportage photo de la vie de l’écrivain à La Havane. La publication chargea son photographe étoile Alfred Eisenstadt de cette remarquable commande. Il se disputa rapidement avec l’écrivain. Il affirma «Hemingway est l’homme le plus difficile que j’ai photographié».
Le photographe de Life a pris des photos d’Hemingway dans sa maison Finca Vigia et dans le village de pêcheurs de Cojimar avec des appareils Leica, utilisant des objectifs avec des focales différentes, à la lumière naturelle. Il ne l’avait pas photographié pendant l’édition du tournoi international de pêche à l’aiguille en 1952, tournoi qui avait toujours lieu.
A cette occasion l’écrivain lui proposa de faire des photos depuis la vedette de presse mais le photographe a préféré louer une barque pour se déplacer plus librement. Hemingway lui rappela qu’il devait respecter les règles du tournoi et se maintenir à distance, à plus de soixante mètres des embarcations des participants y compris de la sienne pour ne pas gêner la compétition.
Pendant la pêche, Eisenstadt demanda au propriétaire de la barque de se rapprocher plus du Pilar (NdT. : le yacht de l’écrivain) pendant qu’il photographiait Hemingway concentré en train de pêcher tranquillement mais quand Hemingway se rendit compte qu’il était en train de le photographier de près, l’ange se transforma en diable furieux.
Le pire était à venir. Cet après-midi-là, le club international de pêche qui patronnait le tournoi Hemingway, offrait un cocktail à son siège de l’avenue du port, aux participants et à la presse accréditée. Le photographe officiel du club, Raul Augusto Fernandez de Angosto, plus connu sous le nom de Barcino qui était présent, nous raconta en détail ce qui s’était passé.
Quand Hemingway qui était au bar en train de boire un daiquiri avec le président du club El Comodoro, Rafael del Pozo, vit entrer le photographe de Life, il l’aborda rapidement. Il lui reprocha de ne pas avoir respecté la distance entre les barques. Eisenstadt se défendit en disant que c’était un mensonge, qu’il était au double de cette distance. La réponse était une insulte pour l’auteur du «Vieil homme et la mer» qui répliqua «je ne suis pas un menteur» et il secoua le photographe, fit tomber ses appareils. L’intervention opportune de Comodoro Pozo et de ses amis apaisa la situation et l’incident fut clos.
Le photographe vedette de la revue Life, Albert Einsenstadt (en bas à gauche) a affirmé qu’Hemingway fut la personne la plus difficile à photographier.
Quand il termina le reportage, Hemingway lui envoya un cadeau et une carte qui disait : «Pour Alfred Eisenstadt lui souhaitant bonne chance pour la vie». Ernest Hemingway.
Ce fut le seul photographe à La Havane qui fit sortir de ses gonds le célèbre romancier.
Nous étions 71 photographes de presse enregistrés à l’union des reporters photographes de Cuba dans les années 50. Nous avons photographié Hemingway dans diverses circonstances lors des tournois de pêche, au club des chasseurs du Cerro, lors des rencontres avec des amis de la culture ou des artistes célèbres à la Finca Vigia ou autres activités où nous étions invités. Le journaliste Fernando Campoamor, grand ami du romancier, se chargeait d’avertir la presse.
Il était toujours aimable avec nous, surtout avec Raul Corrales, photographe d’affiches de publicité, son voisin de Cojimar. Il le photographia en train de naviguer ou au restaurant La Terraza où aujourd’hui des photos des aventures de l’écrivain dans ces lieux sont exposées .
Mais celui qui a le plus photographié Hemingway c’est son secrétaire particulier, Roberto Herrera Sotolongo.
Hemingway et différents participants à la réunion préparatoire pour créer l’association des photographes de presse. On voit Bert Emanuel de La presse libre de Détroit, Murray Becker de la presse associée, les Cubains Luis Sanchez et Dr Rolando Millas de l’association nationale des reporters photographes de Cuba, José Agraz Directeur de la revue Photos et d’autres (photo Barcino).Vers la fin de 1954, lors de la première rencontre internationale des photographes de presse à La Havane, a été proposée la fondation de l’association internationale des photographes de presse. Hemingway s’informa et est allé saluer les professionnels le jour suivant l’inauguration. Il a parlé avec eux de cette initiative et de l’importance du partage des connaissances et des techniques, de la défense et de la promotion des œuvres photographiques et de l’organisation de concours et autres stimulants pour la corporation. Papa a écouté avec attention les explications et a fait quelques suggestions. Il cita avec admiration Robert Capa et fit l’éloge de ceux qui embrassent cette profession pleine de risques et d’aventures pour montrer au monde les réalités de la vie.Hemingway, qui a toujours aimé Cuba, ne s’y trouvait pas quand a triomphé la Révolution le premier janvier 1959. Il a pu venir dans l’année, il passa quelques mois admirant les transformations sociales pendant que sa santé se détériorait..Les photos les plus connues d ‘Hemingway de cette époque ont été prises le 15 mai lors de la remise des récompenses du championnat de pêche à l’aiguille organisé par l’institut national de l’industrie touristique. Cent cinquante pêcheurs participaient à ce concours qui avait lieu face au littoral de La Havane,parmi eux le commandant Fidel Castro qui concourait pour l’équipe «Amis de la mer», à bord du yacht Cristal. Il remporta le premier prix individuel, ainsi que deux deuxièmes places.Hemingway photographié à bord de son yacht Pilar par le photographe cubain Raul Corrales.A bord du yacht utilisé par Fidel Castro se trouvent cinq reporters photographes : Cala, Korda, Osvaldo Salas et Corrales à côté de Hy Pesking, chef de la photographie de la revue nord-américaine Sports Illustrated, le commandant Ernesto Che Guevara qui a utilisé le même appareil photo Contax qui l’aida au Mexique à récolter des fonds pour la lutte armée de Cuba.Sa présence et sa rencontre avec le jeune leader de la révolution seront pratiquement l’épilogue du dernier séjour d’Hemingway à Cuba. Il avait promis de revenir et concourir l’année suivante, promesse non tenue puisqu’il s’est suicidé le 2 juin 1961 à Ketchum Idalis.
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