L’auteur de l’article paru dans l’hebdomadaire Marianne, fait un bilan de l’échec du trotskisme et dans le même temps oppose cet échec à un renouveau du PCF. Pourtant il me semble qu’il ne mesure pas qu’une importante partie des trotskistes a fait le choix du PCF avec des orientations diverses, soit pour y poursuivre les querelles anciennes y compris en refaisant le passé à leur gré, détruire de ce fait toute formation possible, ou soit dans le même temps appuyer le renouveau sur des bases de classe et sur la défense de la nation. Surmonter ce faisant la tendance au fractionnisme, accepter l’apport de ce qu’a toujours été le PCF quand il revient à ses fondamentaux. Dans une certaine mesure la dérive et l’échec décrits ici est à l’œuvre dans toute la gauche, mais parce qu’il y a eu le 38e congrès, il reste un possible pour le PCF et même pour la gauche. (note de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
Analyse
Par Laurent-David Samama
Publié le 11/12/2020 à 18:20
Alors que le PCF semble connaître une seconde jeunesse idéologique, le trotskisme s’effondre. Le journaliste Laurent-David Samama, auteur de « Les petits matins rouges », nous explique pourquoi.
Il ne vous aura pas échappé que l’époque n’est pas exactement au gramscisme débridé. Ni même à la régénération de la social-démocratie. Quant à la possibilité de voir un candidat de gauche atteindre le second tour de l’élection présidentielle en 2022, elle semble se réduire comme peau de chagrin, au gré de la multiplication des candidatures fleurissant inexorablement à la gauche du PS. Dans cette inextricable lose qui semble désormais caractériser la gauche dans son ensemble, il y a encore plus mal loti. Un courant souffrant d’une telle déshérence qu’il est désormais menacé de disparition : le trotskisme.
À l’inverse du PCF qui semble étonnamment régénéré par la célébration de son centième anniversaire, son ennemi trotskiste de toujours, semble totalement dévisser. Faites le test autour de vous : demandez qui ose encore se qualifier d’héritier de Lev Davidovitch Bronstein en 2020 ? Plus personne. La désaffection est telle que même les gardiens du temple rechignent à poursuivre l’œuvre de leur vie. Prenez Alain Krivine…”En n’assumant plus ce que l’on a été, comment espérer perdurer et surtout avancer”
Rencontré dans son bureau de Montreuil, l’ex candidat aux présidentielles 1969 et 1974, nous sermonne presque : « Se qualifier de trotskiste à notre époque, ça ne veut plus rien dire ! Pour le moment, ça rend le message plus difficile parce qu’il y a le côté classe contre classe, comme disait l’autre, qui n’est plus du tout d’actualité. Et je dis bien pour le moment. Moi je n’aimerais pas être à la place d’Olivier (Besancenot, ndla) ou de Philippe (Poutou, ndla) je les trouve courageux, c’est certain. Il y a 40 ans, c’était plus simple… » On touche alors du doigt la première cause de la défaite du trotskisme : une question de vocabulaire. En n’assumant plus ce que l’on a été, comment espérer perdurer et surtout avancer ? Comment se projeter, lorsqu’au moment de changer de nom, sa force politique majeure, sa principale incarnation, décide de troquer les vocables « Ligue », « Communiste » et « Révolutionnaire » pour les marqueurs plus faibles d’une autre époque, d’un autre moment, à savoir « Nouveau », « Parti » et « Anticapitaliste » ? C’est impossible. Et ça n’a d’ailleurs pas fait illusion…
DE DÉFAITES EN DÉFAITES…
A dire vrai, la mouvance trotskiste n’en est pas à sa première déconvenue. Elle en a connu tant, elle s’est relevée de tellement de débâcles et de périls annoncés comme mortels, qu’elle se dit en s’auto-persuadant que tout perdurera forcément. Politique de l’autruche ! Dans les moments de spleen, les vieux trotskistes ressortent toujours cette jolie citation attribuée à Victor Serge : « De défaites en défaites jusqu’à la victoire finale. » Ils se la répètent tel un mantra, une exhortation à poursuivre le combat. Sauf que le combat semble cette fois-ci perdu d’avance. Trotski n’est plus et le monde dans lequel il évoluait a été englouti. D’ailleurs, qui le connaît encore ? Ce bon vieux Léon n’a pas son visage sur les t-shirts comme le Che. Son étoile est pâlissante. Sa pensée est trop complexe pour être résumée. Et surtout : l’heure est à Amazon, au Black Friday, à la Chine débarrassée de Mao, à la Russie sans Marx, à Cuba sans Fidel et à l’Argentine sans Maradona… N’allez pas croire que la défaite est purement symbolique. Elle est avant tout théorique.”Plus de cours, plus de stage et finies les vacances dédiées à la formation révolutionnaire et à l’étude des textes fondateurs”
Elle procède d’un cruel abandon du processus de formation militant qui fit, des décennies durant, la beauté et l’honneur de la mouvance trotskiste, courants lambertistes, pablistes, JCR, LCR et Lutte ouvrière confondus. Désormais, comme nous le confiait Philippe Poutou sans s’en cacher, c’est un « grand désert ». Plus de cours, plus de stage et finies les vacances dédiées à la formation révolutionnaire et à l’étude des textes fondateurs. Le contraste avec l’âge d’or des années soixante et 70 est frappant. C’était alors le temps où on se bousculait au portillon. Où les cellules attiraient de brillants cerveaux en quête d’idéal : Jospin, Mélenchon, Weber, Stora, Bensaïd, Plenel, Schalscha, Dray, Rossignol, Cambadélis et tant d’autres… La politique comme une grande aventure. Comme un cadeau qui se mérite. Comme un secret que l’on se transmet à une avant-garde chargée d’éclairer le monde. Benjamin Stora le raconte très précisément dans La Dernière Génération d’octobre.
LE GRAND SCHISME ET LA CANDIDATE VOILÉE
Pour expliquer la défaite du trotskisme, il y a enfin l’argument déterminant de la trahison idéologique autour de la question de l’identité et celle de la religion. Tandis qu’au PCF ainsi qu’à LO on a persisté dans les fondamentaux, en voyant dans la croyance religieuse un opium du peuple et un asservissement insupportable, quelques voix, à l’intérieur de la LCR d’abord puis du NPA ensuite, ont progressivement pris leur distance vis-à-vis de cette doxa. Voilà que de glissements en aveuglements, de porte ouverte laissée à la pensée indigéniste distinguant « souchiens », « blancs », « juifs » et « indigènes » à la possibilité de l’expression d’un antisionisme qui cache un antisémitisme banal, le NPA a été jusqu’à rompre avec ses principes élémentaires. Son ADN. Jusqu’à la goutte d’eau… À savoir, le choix, en 2010, de présenter une candidate voilée aux Régionales”Que lorsqu’on en vient à oublier à ce point Marx et Trotski, on a définitivement perdu…”
Un positionnement qui a créé un précédent, suscité une gigantesque vague de protestation à gauche et engendré, surtout, un véritable schisme entre la vieille garde et les nouveaux venus au sein du parti d’Olivier Besancenot. Curieux choix, d’ailleurs, que de ne pas daigner se renouveler pendant des décennies puis de tout bouleverser, soudain, pour tenter un coup. Un coup aux allures de grosses ficelles marketing. Vertement critiquée, la jeune garde du NPA a alors crié à l’islamophobie. Sauf que le souci des anciens, ce n’était pas les musulmans (ni même les cathos ou les juifs), mais Dieu. Foi de « bouffeurs de curés » ! Il y eut alors ni plus ni moins qu’une histoire d’amour déçue. Et plus encore la fin d’une aventure dans un grand dégoût. À tel point que beaucoup ont rendu la carte et sont partis. Ils ont estimé que les glissements avaient engendré trop de renoncements. Que les jeunots n’avaient pas été bien formés. Que lorsqu’on en vient à oublier à ce point Marx et Trotski, on a définitivement perdu…
À LIRE AUSSI : “Les trotskistes ratent souvent le train de l’Histoire”
*Laurent-David Samama, Les petits matins rouges : Récit d’une trahison, L’Observatoire, 240 p., 18 euros
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Grégorio MARTINEZ DIAZ
Cette analyse me semble juste.
Je ne vais pas pleurer sur la débâcle du mouvement Trotskiste car effectivement, les Communistes étaient, je dirais, leur principal ennemi. À mes yeux.
Puisse le PCF et tous les partis communistes du monde ne jamais oublier, ni Marx, ni Lenine, ni Staline, ni Mao, ni Castro, ni aucun grand dirigeant communiste qui a été au pouvoir dans son pays et instauré le socialisme réel.
Même si au “final”, le capital a fini par reprendre le dessus, dans la pluspart de ces pays.
Provisoirement 😉
Quant au parti communiste français et tous autres qui n’ont pas encore, eu la possibilité d’arracher le pouvoir au Capital, ils ont tout de même réussi à lui arracher quelques conquis sociaux très important et cetains même, inestimables.
Comme par exemple la sécurité sociale, en France
Ma gratitude éternelle au camarade Ambroise Croizat et à tous les communistes de francais de son époque, que les Trotskistes qualifiaient Staliniens, avec mépris.
Dès Staliniens comme lui et d’autres, moi j’en voudrais pleins✊
etoilerouge6
Moi aussi. Le socialisme sous Staline un héroisme et des avancées sociales, humaines, d’égalité, scientifiques, économiques gigantesques. Des erreurs certainement et alors? Combien de crimes ds les colonies d’alors de tous les pays européens combien de chinois de vietnamiens, de cambodgiens, d’algériens, de tunisiens d’habitants des peuples noirs d’Afrique, de zoulous, etc ont-ils massacrés? Pas de livre noir du capitalisme et du colonialisme c’est accepter le meurtre de masse et les mensonges des histoires merdiques de la bourgeoisie, c’est prendre le risque de leur retour sous une autre forme!
Xuan
Je ne serais pas aussi optimiste quant au “trotskisme” non pas politique mais idéologique. Le trotskisme politique, étiqueté comme tel quel va mal en effet.
Le “trotskisme” idéologique ne se réfère pas à Trotski mais au marxisme-léninisme voire au maoïsme, et considère que la contradiction principale dans le monde oppose bourgeoisie et prolétariat, que les conflits à l’échelle du monde sont tous de caractère inter impérialiste, et que la Chine est une puissance impérialiste en devenir.
En conséquence ce néo-trotskisme se tient sur la touche lorsque Trump attaque la Chine, et évite de parler de la Chine et de ses réalisations, plus silencieuse même que la presse bourgeoise sur les succès de la RPC dans la lutte contre le covid-19.
Cela dit c’est une position plutôt intenable.