Cet article traduit par Nico Maury et le chapô qui le précède témoignent bien de préoccupations , voir de constats communs entre un certain nombre de membres du PCF . Dans mes mémoires, je décris comment cette destruction du PCUS a été accompagné essentiellement à travers l’eurocommunisme d’une destruction parallèle des partis européens. Le problème est sans doute de savoir où en est la destruction du PCF, est-ce qu’il s’agit de quelque chose d’irréversible et la constellation de groupuscules qui l’entoure ne valant pas mieux? Quand on mesure la nature du parti qu’exige le socialisme et les défis de notre temps, on se dit que cette destruction est vraiment dramatique parce que la France et le pCF avec sa tradition de grand commis de l’Etat avait beaucoup d’atouts, les Ambroise Croizat, Maurice Thorez, Marcel Paul, étaient à la fois les héritiers d’une tradition française et d’une capacité à la classe ouvrière de relayer cette tradition dans ce qu’il faut bien appeler la dictature du prolétariat ? Nous avons désormais hérité de la “mutation” au titre du PCF d’une bande de gauchistes , sociaux démocrates, irresponsables gorgés d’illusion gorbatchéviennes , méprisant le peuple autant que les militants, capricieux, coupés à la fois de la nation et de l’international qui organisent la destruction de tout ce qui tient encore debout mettant toutes leurs forces au service de l’inertie et des manoeuvres d’appareil tenant dans une cabine téléphonique, et se complaisant dans tout ce qui est secondaire, bousculés par le 38e congrès ils poursuivent la stratégie de l’arapède jusqu’à ce que mort s’en suive. L’ensemble étant exactement le lieu de toutes les corruptions et divisions dont rêve le capital. (note de Danielle Bleitrach pour histoire et societe)
Vendredi 20 Novembre 2020
Les dernières années du Parti Communiste d’Union Soviétique ont été marqué par des luttes intestines entre différents groupes (plates-formes) et des rivalités politiques qui reflétaient les luttes politiques antisoviétiques de l’ère de Gorbatchev, notamment de la Perestroïka (1985-1991).
Naturellement il ne s’agit de faire un bilan et une analyse globale et scientifique de la dernière période de l’Union soviétique, mais d’analyser comment le PCUS a été liquidé et comment cette dernière a conduit à la destruction de l’Union soviétique.
Toute ressemblance avec des Partis communistes d’Europe occidentale ne serait que pure coïncidence (ou pas).
Article et traduction Nico Maury
Comment a été liquidé le Parti Communiste de l’Union Soviétique ?
Il est une expression de Mao Zedong qui dit que “Le poisson pourri toujours par la tête”. La liquidation du Parti Communiste de l’Union Soviétique, tout comme de l’URSS, est venue de sa classe dirigeante, du sommet, en opposition à la majorité.
Le Parti Communiste de l’Union Soviétique à la mort de Léonid Brejnev est dirigé par de vieux communistes et l’URSS entre dans une période de troubles politiques et économiques liées à plusieurs facteurs (internes comme externes). Naturellement nous ne sommes pas là pour faire le bilan global et scientifique de la dernière période de l’Union soviétique.
Les dernières années du Parti Communiste d’Union Soviétique sont marquées par des luttes intestines entre différents groupes (plates-formes) et par des rivalités politiques qui reflétaient les luttes politiques antisoviétiques de l’ère de Gorbatchev, notamment de la Perestroïka (1985-1991). Tout ce qui faisait l’unité et l’utilité du Parti communiste avait été jeté par dessus bord.
1975-1982 : L’affaiblissement interne du PCUS
Le XXIIème Congrès du PCUS (1961), déclarait que “la génération actuelle du peuple soviétique vivrait sous le communisme”. Mais en 1991, le communisme était repoussé aux calendes grecques du fait du triomphe de la contre-révolution capitaliste.
Si des réformes sérieuses ont été engagé par Léonid Brejnev dès sa prise de pouvoir sur Khrouchtchev, l’Union soviétique va entrer dans une période de stagnation économique au milieu des années 70. Une période spéciale s’ouvre en URSS dans la seconde moitié des années 70, celle du “socialisme développé”. Une période qui hérite des grandes réussites sociales, scientifiques et industrielles du pays, mais qui se caractérise par une volonté de maintenir un statu quo et donc de mettre à l’arrêt la dynamique révolutionnaire constante du PCUS dans la société.
Il ne faut pas croire qu’à cette époque le PCUS était un appareil monolithique verrouillé. Les structures de base disposaient d’un véritable contre-pouvoir et étaient de véritables lieu d’action. Des directions sautaient lorsqu’elles s’éloignaient de leurs mandats politiques (en 1969, l’intégralité de la direction du PC d’Azerbaïdjan est purgé suite à des affaires de corruption et de trafic de caviar).
Avec la réforme constitutionnelle de 1977, l’Union soviétique acte son entrée dans l’ère “du “socialisme développé”, une nouvelle étape intermédiaire vers le communisme. La mobilisation révolutionnaire pour le changement de société, qui faisait la légitimité du leadership politique du Parti communiste, laisse place à un maintien de la situation interne et repousse la résolution les problèmes politiques, sociaux et économiques à plus tard. L’URSS va vivre sur son grand héritage.
Depuis le milieu des années 1970, on observe une paralysie dans les réflexions idéologiques au sein du PCUS, elle s’accompagne d’une inertie grandissante des structures de base du Parti communiste, la formation des communistes s’appauvrit et le recrutement se fait de plus en plus sur des bases carriéristes. Ainsi le PCUS perd lentement sa raison d’être et cela conduit à un affaiblissement des idéaux du communisme parmi les dirigeant.e.s du Parti. C’est dans ces années qu’entrent en responsabilité les fossoyeurs de l’Union Soviétique (Boris Eltsine, Leonid Kravtchouk, Stanislaw Chouchkievitch…)
A l’extérieur de l’Union soviétique commencent à apparaitre des modèles de développement alternatif au modèle soviétique : L’eurocommunisme en Europe de l’Ouest et le modèle de socialisme de marché initié par le Parti communiste chinois avec Deng Xiaoping.
Au niveau international, les puissances impérialistes, les Etats Unis en tête, ont engagé de vastes moyens pour contenir le communisme (qui est en expansion en 1975) et pour affaiblir le leadership soviétique dans le monde. L’Afghanistan est le symbole de la mise en échec de l’URSS.
Comment a été liquidé le Parti Communiste de l’Union Soviétique ?
1982-1985 : Le virage raté du redressement du PCUS et de l’URSS
Le successeur de Brejnev (Andropov) n’aura pas le temps d’engager des changements sérieux pour corriger la situation.
L’appareil dirigeant politique est paralysé par une lutte interne entre les “réformateurs” et les “conservateurs”. Si ces deux expressions pour les qualifier sont hors sol, elles permettent de comprendre que la division interne au PCUS commence par le sommet. Et que de cette paralysie va permettre aux fossoyeurs de l’URSS d’agir librement.
Pourtant Andropov va prendre des initiatives pour relancer la machine. Son premier axe vise à développer la lutte contre la corruption (déjà commencée pendant qu’il gérait le KGB) et le second axe visait à restaurer la discipline dans le Parti. Il portait la nécessité de limiter le soutien au complexe militaro-industriel et à l’armée qui était en train d’affaiblir tout le système économique soviétique et de neutraliser les réformes économiques entreprises lors des premières de Brejnev. Mais sa mort et la nomination de Konstantin Tchernenko met un terme à toutes ces tentatives.
Paralysé, sans ligne politique, le Comité central du PCUS, nomme en mars 1985, Mikhail Gorbatchev au poste de Secrétaire général du Comité central du PCUS. A son initiative, une réforme à grande échelle est lancée : la “Perestroïka”.
Comment a été liquidé le Parti Communiste de l’Union Soviétique ?
1985-1991 : La perestroïka sonne le glas du Parti communiste et de l’URSS
La politique d’introduction de méthodes capitalistes dans la gestion du système socialiste commence pendant la période de Brejnev, mais c’est avec la perestroïka et la glasnost que l’orientation idéologique du PCUS va subir un changement radical et définitif.
A partir de 1987, lorsque les réformes économiques ont donné naissance à des structures typiquement capitalistes, Gorbatchev annonce la fin du rôle central du PCUS dans la vie politique, économique et sociale de l’Union soviétique. Le “pluralisme” s’ouvre à la sphère culturelle, puis à la sphère politique et au sein du PCUS.
Au niveau idéologique, le PCUS entame sa profonde mutation et la défense de la classe ouvrière s’efface devant la primauté des valeurs universelles de l’Humanité, la perspective communiste est abandonnée, la construction du socialisme selon le schéma marxiste-léniniste est abandonné, le PCUS entame sa mue social-démocrate. C’est avec la fin de l’unité de classe des différents peuples qui composent l’URSS, que vont éclater des conflits nationalistes dans le Caucase, en Moldavie, dans les Pays Baltes …
Au sein du parti, la discipline d’organisation hérité des bolchéviks laisse place au pluralisme et aux factions, des groupes se forment officiellement. Au sein de certaines factions, les fondements mêmes du marxisme et du socialisme sont remis en question ou ouvertement condamnés.
Dans cette phase, les effectifs du Parti communiste s’effondrent (perte de plus de 4 millions de membres) et le XIXème congrès (28 juin 1988) – le dernier congrès du PCUS avant l’effondrement de l’URSS – se déroule dans un climat de confrontation ouverte entre partisans et opposants à la politique de Gorbatchev. Trois blocs vont s’affronter : le bloc des “réformateurs” organisé autour de Gorbatchev, le bloc des “démocrates” organisé autour de Boris Eltsine et le bloc “communiste” opposé à la Perestroïka.
Au même moment, un nouvel appareil institutionnel est crée par l’éviction du rôle d’avant garde et central du Parti communiste, sur le modèle des “démocraties parlementaires occidentales”. C’est dans ces conditions, que les “démocrates” vont quitter le PCUS et s’emparer du pouvoir politique dans les Républiques socialistes soviétiques.
La mutation du système politique fait perdre à Gorbatchev le contrôle du cours des événements. Il se retrouve pris en étaux entre un Boris Eltsine poussant à l’établissement d’une économie de marché et d’un système dit “démocratique” de type occidental, et les communistes qui vont tenter de reprendre en main la situation avec la formation du “Comité d’État pour l’état d’urgence” le 19 août 1991. Mais les communistes vont échouer, le Parti communiste était bien trop disloqué pour pouvoir être le moteur révolutionnaire qu’il a toujours été en URSS.
La suite on la connait :
Le 23 août 1991, le PCUS est interdit par décret de Boris Eltsine sur le sol de la RSFSR.
Le 29 août, le Soviet suprême de l’URSS interdit le PCUS sur tout le territoire de l’URSS.
Le 8 décembre 1991, la Communauté des Etats Indépendants (CEI) s’organise et annule le traité d’association de 1922.
Le 25 décembre 1991, l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques cesse d’exister.
Comment a été liquidé le Parti Communiste de l’Union Soviétique ?
Dans les dernières années du PCUS, quelles furent les plates-formes qui agissaient en son sein ?
Les plates-formes qui se formèrent au sein du PCUS s’organisent en courants idéologiques et politiques à partir de 1988. Très vite ces plates-formes vont prendre le dessus et mettre un terme définitif au centralisme démocratique hérité du parti bolchévik. La “Liberté de critique et l’unité d’action” disparait au profit du factionnalisme.
- La Plate-forme “bolchevique”
Cette plate-forme est fondée suite à la lettre de Nina Andreev publiée dans le journal Russie Soviétique le 13 mars 1988, “Je ne peux pas compromettre mes principes”. La lettre va trouver un écho très fort au sein du PCUS et va obliger le Bureau politique a prendre position contre le contenu de cette dernière.
Les animatrices et animateurs de cette plate-forme ont décidé de “continuer la lutte contre le révisionnisme à l’intérieur du PCUS” et de demander la destitution au XXVIIIe Congrès “de la direction du parti et du groupe opportuniste de droite Gorbatchev-Yakovlev- Chevardnadze”. Elles, ils se revendiquent comme les “héritiers et successeurs de la ligne révolutionnaire prolétarienne et léniniste du PCUS”.
Après l’interdiction du PCUS, la plate-forme décide de créer le Parti communiste des bolcheviks (VKPB). Ce parti existe toujours, mais ne représente pas une force politique forte dans les pays d’ex-URSS où il dispose des structures.
- La plate-forme du Front uni des travailleurs-travailleuses
Suite aux élections législatives du printemps 1989, des fronts syndicaux ont été créés.
Des clubs politiques d’ouvriers sont fondés dans plusieurs républiques socialistes “pour conserver le léninisme et les repères communistes en Perestroïka”. Le Front uni des travailleurs-travailleuses de l’URSS (UFT URSS) est ainsi crée “pour l’amélioration de la vie de toutes les nations et nationalités, pour tout le peuple de l’URSS, pour l’affirmation de l’égalité sociale et la restructuration de la société soviétique nécessaire pour cela”.
Ils s’opposent aux réformes introduisant l’économie de marché et à la propriété privée en URSS, ils se battent pour “renforcer l’amitié entre les peuples sur la base de l’internationalisme prolétarien et du patriotisme soviétique (dans une période où les tensions nationalistes s’exacerbent).
À l’automne et à l’hiver 1990, les membres du front ont participé activement à l’organisation du mouvement “Initiative communiste du PCUS”. Les participants du nouveau mouvement, mécontents des décisions du XXVIIIe Congrès du PCUS et du Congrès constituant du Parti communiste de la RSFSR, allaient chercher la renaissance des principes communistes au sein du PCUS et du pouvoir soviétique, pour combattre les tendances anticommunistes dans le parti.
En août 1991, l’UFT soutien le Comité d’urgence. Après son échec et la suspension des activités du PCUS, les organisations régionales et locales de l’UFT vont servir de base à la création du Parti Communiste Ouvrier de Russie. Ce dernier existe toujours.
- La plate-forme démocratique
Il s’agit d’un groupe voulant une réforme radicale du PCUS avec sa transformation en un parti social-démocrate.
Les “démocrates” ont été les premiers à quitter le PCUS, estimant qu’il était impossible de continuer à être dans le même parti avec les forces se revendiquant communistes. Cette plate-forme revendiquait plus de 60.000 membres (et près de 4 millions de partisans), essentiellement issues de l’intelligentsia.
En novembre 1990, ils formeront le Parti républicain de la Fédération de Russie, aujourd’hui connu sous le nom de Parti de la liberté du peuple (PARNAS), allié avec des partis de droite comme Iabloko. Il s’agit d’une formation libérale et anticommuniste.
Parmi ces membres on trouvait l’oligarque Boris Nemtsov et le sinistre Boris Eltsine.
- La plate-forme marxiste
La plate-forme est crée le 14 avril 1990. Elle soutient la politique de Gorbatchev. Cette plate-forme est elle même divisée en deux courants, l’un prônant l’unité d’action avec le Front uni des travailleurs-travailleuses, l’autre plus modérée voulant peser dans les débats sans diviser le PCUS.
Idéologiquement, cette plate-forme défendait les grands principes “socialistes”, la “perspective communiste”, la “propriété publique des moyens de production”, le “pouvoir des Soviets”.
Après août 1991, les partisans de la “plate-forme marxiste” ont tenté de maintenir l’unité communiste, mais ont plutôt formé plusieurs organisations politiques. Une parti rejoindra le Parti communiste ouvrier russe, fonderont le Parti russe des communistes (qui rejoindra le Parti communiste ouvrier russe en 2001) et fonderont le Parti travailliste (un parti social-démocrate aujourd’hui disparu).
- La plate-forme Mouvement démocratique
Après le départ du PCUS de la plate-forme démocratique, certains membres sont restés au sein du PCUS pour animer un groupe communiste-réformateur. Un peu plus de 15% des membres du PCUS étaient des partisans ou sympathisants de cette plate-forme.
En juillet 1991, la plate-forme annonce la fondation du Parti démocratique des communistes de Russie (DPKR), un parti associé au PCUS, une tendance organisée. En octobre 1991, le DPKR devient le Parti populaire “Russie libre” puis en 1994, le Parti populaire social-démocrate russe et enfin en 2001, le Parti social-démocrate de Russie. Après sa dissolution en 2007, certains des membres vont rejoindre le parti “Russie juste” et d’autres le parti de Mikhail Gorbatchev , “l’Union des sociaux-démocrates”.
- La plate-dorme Mouvement d’initiative communiste
En septembre 1989, un comité d’initiative pour la création du Parti communiste russe (RCP) est crée afin de corriger une situation jugée injuste selon leur avis, car la RSFSR était la seule république à ne pas avoir son propre Parti communiste. Ce mouvement d’initiative va très vite créer des liens avec la plate-forme du Front uni des travailleurs-travailleuses.
Le Mouvement d’initiative communiste a été créé pour raviver les principes communistes au sein du PCUS et au sein du pouvoir soviétique. Le mouvement comptait environ 8 à 10.000 militant.e.s et environ 1,3 million de partisans.
Le Mouvement d’initiative communiste soutient en août 1991 le Comité d’urgence et ont appelé les communistes à contribuer à ses activités. Après l’échec d’août 1991, il est pris la décision de créer un nouveau parti communiste à la place du PCUS interdit.
Le Mouvement d’initiative communiste participera à la fondation du Parti communiste ouvrier russe.
Quels éléments de conclusion peut-on apporter à cette histoire ?
Le premier élément, le plus évident, c’est que lorsqu’un Parti communiste voit la paralysie de ses réflexions idéologiques s’affaiblir, il crée les conditions à sa stagnation, à sa crise interne et à sa disparition. L’abandon des fondamentaux et l’introduction de méthodes sociales-démocrates n’ont jamais réussi à relever un Parti communiste, au contraire, ils ont disparus.
Le second élément, c’est que le poisson pourri toujours par la tête. L’affaiblissement des structures militantes conduit à une ossification des directions, à la création d’une nouvelle base motivée par des objectifs carriéristes. L’affaiblissement de la démocratie interne (centralisme démocratique) n’a jamais permis la mise en dynamique des communistes.
Le factionnalisme, les tendances, les groupes organisés, sont des conséquences de l’affaiblissement des réflexions idéologiques et de l’affaiblissement des structures militantes. A la place du légitime débat critique/autocritique, s’organise une lutte des places qui paralyse toutes les directions.
Toute ressemblance avec des Partis communistes d’Europe de l’ouest ne serait naturellement que pure coïncidence.
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