(Deuxième Partie) la première partie est ici : https://histoireetsociete.com/2020/10/19/j-cl-delaunay-a-propos-du-monopoly-capitaliste-et-de-la-facon-de-le-remettre-en-cause/
Je reprends ici l’interrogation énoncée pour conclure la première partie de ce texte : quelle impulsion politique centrale donner à l’organisation communiste pour, simultanément, recomposer cette organisation, lui redonner corps et unité, et pour contribuer au développement d’un immense et irrésistible combat populaire contre la grande bourgeoisie de ce pays ?
Ce faisant, ma préoccupation n’est pas ici de juger, discuter, critiquer ou louer, tant le texte de Pierre Alain Millet, diffusé le 5 Octobre 2020 sur le site de Faire Vivre le Pcf, que l’entretien de Fabien Roussel à la Pravda (9-10 Octobre 2020, p.3), traduit par Nicolas Maury, ou que d’autres textes.
Ma préoccupation, qui peut être partagée par d’autres, consiste à me demander, quelle sont les impulsions les plus importantes du moment tant pour mener la lutte contre le capitalisme, à la fois décadent et en crise ouverte, que pour rassembler les populations sans lesquelles cette lutte se terminera par un échec.
Il nous faut des lunettes pour mieux comprendre le passé et surtout mieux réfléchir à l’avenir pour le transformer. Voici la paire de lunettes que je propose de nous remettre sur le nez pour y voir de près et de loin : le marxisme et le socialisme.
Le marxisme
Je vais dire quelques mots, très généraux, sur le marxisme et les raisons pour lesquelles toute organisation révolutionnaire devrait exprimer clairement, sans aucune hésitation, sa référence à cette théorie.
Le PCF, par exemple, s’il est vraiment un parti des travailleurs, devrait prendre appui sur le marxisme pour penser son action. Je ne dis pas cela par routine, par affection pour le passé. Je dis cela par conviction intime de l’heure. Je vais en indiquer les raisons.
En effet, le concept central du marxisme est le travail. Ce n’est pas la lutte des classes, c’est le travail. Le marxisme est une théorie de la lutte que les hommes, en travaillant, ont menée contre la rareté depuis les débuts de l’humanité ainsi que des rapports sociaux à l’intérieur desquelles ils ont travaillé tout en menant cette lutte.
Bien sûr, le marxisme n’est pas étranger à la lutte des classes. Mais ce n’est pas son concept central, sa création majeure.
Ce que Marx a observé et théorisé est que Travail et Nature étaient, dans le cadre de rapports sociaux donnés, les deux mamelles de l’humanité, que nous vivions dans une société de rareté (Travail et Nature pourvoient à nos besoins mais sont encore éloignés de les satisfaire) et que, simultanément, nous étions dans une société capitaliste.
L’oeuvre de Marx est, à ma connaissance, la seule qui allie cette double caractéristique. Elle est donc pour l’instant indépassable, pour reprendre le mot de Jean-Paul Sartre, et elle le sera tant que les sociétés seront des sociétés de rareté, autrement dit tant que les hommes travailleront pour réduire cette rareté et qu’ils le feront dans des rapports sociaux inégalitaires, tant que les sociétés ne seront pas des sociétés d’abondance.
La société communiste sera elle-aussi structurée par des rapports sociaux. Mais des rapports sociaux dans le contexte de la rareté et des rapports sociaux dans le contexte de l’abondance, c’est comme le jour et la nuit.
La société capitaliste est et sera l’avant-dernière société de rareté. Celle qui suit, qui partira de l’état précédent de rareté, celui de la société capitaliste, ainsi des rapports sociaux capitalistes, peut être définie comme la société qui construira l’abondance (la société communiste) et les rapports sociaux correspondants. Cette société, intermédiaire entre le capitalisme et le socialisme, est la société socialiste.
La société capitaliste est une société de rareté qui maintient la rareté et la situation d’inégalité (celle relative à la propriété des moyens de production et de l’argent) susceptible de la prolonger et de la reproduire. La société socialiste est une société de rareté qui construit l’abondance et tend à mettre fin aux inégalités entre les hommes. La société communiste est la société de l’abondance dans laquelle l’inégalité des conditions et des situations perdent toute signification.
Dans une situation de rareté, l’existence de classes sociales est inévitable. Dans une société capitaliste, ces classes sont antagoniques en raison de la propriété exclusive que certaines d’entre elles exercent sur la production.
Dans une société socialiste, l’antagonisme de classes disparaît dans la mesure où le travail, tout le travail est orienté vers la satisfaction des besoins de tous et de chacun. Les inégalités qui subsistent ont pour source les inégalités dans la capacité à travailler.
Dans une situation d’abondance, les classes sociales et les inégalités dues au travail n’ont plus de sens.
Le travail, sa formation, son rapport aux forces productives matérielles, ses modalités d’emploi, et bien d’autres aspects, sont au cœur de ces différentes séquences (capitalisme, socialisme, communisme). Le travail en est le pivot.
Le marxisme est donc l’une des grandes reconquêtes que les communistes de ce pays doivent réaliser, s’ils en ont perdu la référence, pour refaire leur unité politique et théorique, pour acquérir de la force et lutter victorieusement contre le capitalisme, car c’est la théorie du travail et des travailleurs et que son centre théorique le plus élaboré est le travail dans le cadre de rapports sociaux capitalistes [1].
Le marxisme est une théorie permettant non seulement de comprendre le rôle du travail en tant que pivot de la société, mais encore son évolution à travers l’évolution des rapports sociaux. Essayons, à très grands traits, de tracer cette évolution pour la société dans laquelle nous vivons, le capitalisme industriel.
- Aux 18ème et 19ème siècles, le capitalisme industriel a, dans l’hémisphère Nord, sorti les travailleurs de la terre. Il les a mis au travail dans l’industrie et, simultanément, a développé le monde industriel. Son mode de fonctionnement fut alors le temps de travail et son extension. Cette époque fut celle de la plus-value absolue et d’une grande misère. Les travailleurs ont réagi en obtenant par leurs luttes l’exclusion du travail de certains segments de la population (les enfants) et la réduction du temps de travail.
- Les capitalistes, et plus particulièrement, les grandes bourgeoisies de l’industrie et de la banque, réagirent à leur tour à ces transformations. Au début du 20ème siècle, elles mirent en place le Capitalisme monopoliste d’Etat et l’Impérialisme, théorisés par Lénine. Elles militarisèrent une partie de la force de travail. Surtout, autour de l’Etat, elles développèrent une nouvelle catégorie de travailleurs, et dans l’industrie, encadrée par de grosses unités que nous appelons monopoles, elles organisèrent l’intensification du travail. Puisque les travailleurs s’opposaient victorieusement à l’extension quantitative du temps de travail, elles mirent en place un énorme système d’intensification qualitative du travail dans un temps donné, ainsi qu’une nouvelle organisation du travail. C’est l’époque de la plus-value relative. Les travailleurs s’opposèrent de leur mieux à cette intensification et, dans les circonstances de la Deuxième guerre mondiale, en obtinrent une certaine compensation. Les Etats-Unis, qui sont devenus les leaders de l’Impérialisme, ont fourni le modèle de cette nouvelle époque du capitalisme et du travail.
- Autour des années 1970, le système capitaliste est entré à nouveau en crise ouverte et profonde. La théorie marxiste permet de rendre compte de la dimension économique de cette crise à l’aide de ce segment interne qu’est «la théorie de la suraccumulation durable du capital». La solution adoptée par les grandes bourgeoisies fut alors celle de la liquidation du Capitalisme monopoliste d’Etat et de sa transformation en Capitalisme monopoliste financier mondialisé. Le Capital fut stimulé à sortir massivement du cadre national pour trouver, dans le monde, de nouvelles forces de travail et de nouvelles sources de plus-value. Son mode de valorisation productive fut de plus en dominé et contraint par son mode de valorisation financière.
Le travail national dans les pays développés, fut pulvérisé au plan industriel. Les fonctionnaires furent également touchés. L’Etat fut transformé et sa fonction économique devint celle d’un Etat financier, à la fois réduit et au service exclusif du grand capital. En même temps, sa fonction d’Etat policier à l’intérieur et d’Etat d’affrontement avec les pays en développement et les pays socialistes, à l’extérieur, fut renforcée.
Les travailleurs sont désormais soumis à une première grande contradiction, celle entre le travail national et le travail extérieur, dans le cadre classique de la production de plus-value. Mais sur cette première grande contradiction, s’en est greffée une deuxième, celle entre la valorisation financière du Capital et sa valorisation productive.
De la part des grandes bourgeoisies monopolistes, la lutte contre la suraccumulation durable du capital est maintenant organisée sur deux fronts, d’abord au plan territorial, celui de la mondialisation, ensuite au plan de la valorisation, celui de la financiarisation de l’économie. La production de marchandises financières, supposées négociables à tout instant, tend à devenir beaucoup plus importante que la production de marchandises réelles (biens ou services). Ces deux modalités de la lutte de la grande bourgeoisie contre la suraccumulation durable du capital se traduisent sur les travailleurs par un état inédit de surexploitation du travail combinée à une situation non moins nouvelle de destruction du travail, avec, pour prolongement, la destruction des potentialités scientifiques de chaque pays.
Il s’agit d’une véritable régression, d’un retour à l’époque primitive et sauvage de la plus-value absolue, avec la puissance multipliée, technique, politique, militaire et policière, que la grande bourgeoisie a pu acquérir entre temps, mais avec, également, l’arrêt de sa créativité scientifique. La période de crise sanitaire actuelle illustre cette impuissance. Toutes choses égales par ailleurs, les retraités sont également balayés par le vent de cette histoire. Alors que la Chine socialiste, honnie par les grandes bourgeoisies monopolistes, lutte efficacement contre la pauvreté dans les moindres recoins de son immense pays, ces mêmes bourgeoisies accroissent inexorablement la pauvreté dans leurs pays respectifs. Elles ne produisent plus, elles détruisent et elles enfoncent les populations dans la misère.
Voilà ce que, à mon avis, le marxisme permet de comprendre, en toute généralité. Il est clair que cette théorie ne donne pas l’explication concrète de ce qui se passe à Alstom et à General Electric. Mais ce que l’on apprend de cette histoire en lisant, par exemple, les articles de Laurent Santoire [2] ou de Pierre-Alain Millet [3] sur ce sujet est en parfaite cohérence avec ce qu’éclaire le marxisme. Je mets en note un long passage du texte cité de PA Millet. Il me paraît saisissant [4].
On pourrait développer ce que je viens d’énoncer brièvement. La conclusion qui s’impose est la suivante. Le capitalisme n’est plus en mesure de subvenir tant aux besoins de larges couches de la population en France ou dans d’autres pays développés, qu’aux exigences productives de notre époque. Il faut le remplacer en tant que système, en tant que structure sociale, et pour cela, il nous faut (occupons-nous de la France, c’est notre responsabilité) chasser la grande bourgeoisie des lieux de son pouvoir, économique, politique, administratif, juridique, culturel. Il faut rompre avec le capitalisme et construire le socialisme.
Voici un tableau visant à résumer ce qui vient d’être dit sur l’évolution du travail dans les pays capitalistes développés, depuis le 18ème siècle.
CAPITALISME DE LIBRE CONCURRENCE (18e-19e siècles) | CAPITALISME MONOPOLISTE D’ETAT (1890-1970) | CAPITALISME MONOPOLISTE FINANCIER MONDIALISE (1970 to date) | |
Modalités du travail | Mise au travail des paysans + femmes, enfants. Durée du travail et extension | Durée du travail et intensification | Réduction du travail et im migration en France, augmen tation du travail dans PVD |
Marchandises produites | Marchandises réelles (Biens) | Marchandises Biens et Services | Marchandises Biens et Services, March. financières |
Formes de l’exploitation et de la valorisation | Plus-value absolue Allonger le temps de travail, augmenter le nombre des travailleurs | Plus-value relative Mécanisation, segmentation du travail | Plus-value absolue et relative, Réduction du salaire, direct et indirect, privatisations, Valeur actionnariale, éclatement du travail |
Lutte des travailleurs | Réduire le temps de travail Interdire le travail des enfants | Reconnaissance des qualifications, Réduction du temps de travail, Congés annuels, Services publics | Conserver l’emploi, Obtenir des primes en cas de licenciement |
Le Socialisme
La construction du socialisme en France n’exigera pas moins d’efforts théoriques que la compréhension de ce qu’est le travail dans le cadre du capitalisme monopoliste financier mondialisé et dans les sociétés qui suivront.
Cela étant dit, on peut être assuré, eu égard à ce qui est en jeu, que la construction du socialisme aux caractéristiques françaises exigera, pendant un certain temps, une mobilisation politique à la fois considérable et sans relâche. La grande bourgeoisie française va résister tant qu’elle le pourra et fera intervenir ses alliés, européens et américains, directement concernés. Les problèmes à résoudre seront tout autant et pratiques que théoriques.
J’avais envisagé initialement de consacrer une grande partie de cet article à la théorie de la Sécurité-Emploi-Formation. Je ne crois pas, en effet, qu’elle soit dotée des vertus révolutionnaires et visionnaires que lui prêtent Frédéric Boccara et ses amis théoriques.
Elle est certainement nourrie de bonnes intentions [5] mais, comme l’a noté Pierre-Alain Millet dans son texte sur General Electric et le Monopoly mondial, elle est loin d’être au point [6]. C’est pourquoi, tout en la citant positivement dans la première partie de ce texte, j’ai souligné que les productions intellectuelles de la Section économique, comme d’autres, devraient, à mon avis, faire l’objet d’un processus critique de réappropriation collective, en même temps que se développeront les luttes en France, sauf à considérer que le féodalisme est la forme définitive d’organisation du PCF.
Je vais maintenant énoncer quelles sont, selon moi, les principales exigences théoriques auxquelles, en France, le mouvement populaire sera vraisemblablement confronté s’il envisage de lutter pour le socialisme.
J’entends, par exigences théoriques, ce qu’une approche théorique abstraite du socialisme en France conduit à considérer comme nécessaire. Pour une approche plus longuement argumentée de ces exigences, je me permets de renvoyer au livre que je viens de publier aux éditions Delga [7], tout en sachant qu’un livre de ce genre ne se lit pas comme un roman de Dumas ou de Stevenson. Je note 9 points, sans les développer vraiment.
- Rompre avec le capitalisme dans un pays développé comme la France. La grande bourgeoisie et ses représentants politiques doivent être immédiatement chassés du pouvoir économique, politique, administratif, juridique et culturel. C’est une condition nécessaire de l’avénement de toute alternative démocratique et populaire à la société actuelle de ce pays, car le capitalisme, en son stade présent de maturité, est une société de destruction (cf. la note n°6 de ce texte).
- Délimiter un coeur productif industriel de l’économie nationale. Quels sont les biens que la France se doit de produire selon des rapports socialistes, pour assurer la base de sa souveraineté productive, pour satisfaire le maximum de besoins populaires et dégager une capacité de négociation et d’échange sur le marché mondial.
- Aborder avec précision l’essence de la révolution technique et scientifique en cours [8]. Il existe, parmi les communistes français, au moins une autre conception de ce qu’est la révolution technique et scientifique en cours que celle diffusée sous le nom de Paul Boccara (la révolution informationnelle). Selon cette autre conception, cette révolution serait celle du calcul numérique et la possibilité, au terme de cette révolution, d’utiliser des machines universelles [9]. Voilà encore un point que les communistes devraient éclaircir. La clarification de la nature de la révolution scientifique en cours est l’une des exigences du socialisme en France. Elle est liée à ses implications sur le coeur productif évoqué au point précédent, à son intégration nécessaire aux systèmes de formation et de recherche, à son incidence sur les chercheurs et les laboratoires, sur les relations internationales à développer dans ces domaines, sur les précautions à prendre vis-à-vis des pays impérialistes pour protéger la souveraineté scientifique de la France.
- Bien que le socialisme vise à satisfaire au mieux les besoins de la consommation individuelle et collective des Français, la construction du socialisme repose et reposera sur l’investissement, matériel et humain. Le socialisme favorise le revenu et la consommation populaire. Celle-ci est la preuve tangible de son bien-fondé. Mais il se construit sur l’investissement. C’est l’une des difficultés du socialisme, surtout dans les pays en développement, de n’avoir de sens dans la population que par la consommation finale mais de n’avoir de dynamique et de solidité que par l’investissement. Le socialisme en France aura aussi à faire face à cette contradiction.
- Cela dit, le fait que les services collectifs, qui correspondent en gros à ce que nous appelons les services publics, soient à la fois, dans la plupart des cas, un investissement et une consommation finale, facilitera la solution de cette contradiction. J’ai, dans mon livre sur les Trajectoires chinoises, traité de ces services de manière théorique, les appelant, en reprenant les écrits d’un économiste russe du 19ème siècle, Henrich Storch, des biens et services de civilisation. Je renvoie sur ce point au chapitre 9 de ce livre [10]. Je pense que ces biens et services de civilisation devront être une priorité de l’investissement en France.
- La nation française, c’est l’évidence, doit être le lieu principal de la production et de la consommation socialistes. Partout, les Etats, les Nations doivent être, dans leurs territoires respectifs, les priorités du développement économique et social, pour une raison simple. Les socialistes cherchent à développer la production là où se trouvent la population et les consommateurs à titre final, par différence radicale avec les bourgeoisies monopolistes, qui développent la production dans le monde, là où elles peuvent satisfaire leurs exigences de rentabilité. Les populations se débrouillent ensuite et se déplacent vers les lieux de production que ces grandes bourgeoisies ont mis en place. Il faudrait aussi évoquer les guerres impérialistes, les stratégies de mise en concurrence des populations immigrées et des populations résidentes. Le 21ème siècle, qui devrait être un siècle de développement et de socialisme mettra un terme à ce genre de grandes migrations.
- Un aspect du socialisme, économiquement et politiquement très important, concerne les entreprises capitalistes. Il est clair qu’un certain nombre d’entre elles doivent être nationalisées. Cela dit, le socialisme est-il le stade de l’élimination complète des entreprises capitalistes? Je crois, d’une part, que le socialisme peut apporter une aide à un certain nombre d’entreprises capitalistes, petites et moyennes. Les Paysans du 17ème arrondissement ou, mieux même, Les Paysans de Paris relèvent d’une autre histoire, cela va de soi. Je crois d’autre part qu’il devrait être possible d’établir un contrat moral et politique de long terme avec certaines de ces entreprises, s’il est vrai que l’on peut distinguer entreprises capitalistes et mode de production capitaliste, comme le montre l’exemple du socialisme chinois. Cela suppose que soit instaurée la dictature démocratique du peuple. Certains capitalistes auront droit à une existence reconnue et nullement malheureuse s’ils contribuent au développement économique national, tout en ayant compris qu’ils ne disposent plus d’un pouvoir particulier.
- J’ai mis la démarchandisation de la force de travail au terme de ces différents points, car je crois que la revendication immédiate la plus importante des travailleurs est d’une part celle de la revalorisation de leurs salaires, la reconnaissance de leurs droits, notamment à la retraite, et d’autre part celle de la stabilité de leur emploi dans le contexte d’une dynamique générale de développement de l’économie et du bien-être. Ce que le socialisme doit réaliser, et il doit sans doute s’y employer rapidement, est de transformer la marchandise capitaliste force de travail en marchandise socialiste. La précarité et la surexploitation des travailleurs sont incompatibles avec les exigences scientifiques, techniques, environnementales, humaines, du développement moderne. Les travailleurs doivent disposer immédiatement d’une capacité élargie et approfondie d’intervention tant au plan de leur entreprise qu’au plan national.
C’est ensuite l’évolution normale du socialisme que de démarchandiser cette marchandise et d’instaurer un nouveau mode d’accès aux biens et services produits que celui du salaire ou du revenu, fut-il garanti ainsi qu’un nouvel état de responsabilité sociale et gouvernementale.
Le statut de cette marchandise devrait donc d’abord être, sous le socialisme, totalement différent de ce qu’il est au sein du Capitalisme monopoliste financier mondialisé. Viendrait ensuite le temps de la démarchandisation de cette marchandise avec sans doute les quatre aspects suivants, au delà de l’accroissement du bien-être : 1) la généralisation à tous les travailleurs d’un niveau élevé de connaissances, 2) l’augmentation continue du temps libre, 3) le changement de signification du travail, 4) la prise en charge de plus en plus complète du fonctionnement de la société.
- Enfin, dans un autre registre que celui de l’économie, je crois indispensable de faire que le socialisme soit un état de droit. Les problèmes et conflits qui surgiront doivent être réglés par le droit et non par des décisions administratives.
Tels sont, selon moi, les 9 points théoriques majeurs devant être abordés et pris en charge par une société socialiste. Je n’ai pas fait de l’écologie un point particulier car la préoccupation écologique est une préoccupation générale, transversale à la plupart des points mentionnés.
Je conclus ce texte en disant que les problèmes théoriques, pour fondamentaux qu’ils soient, risquent d’être absorbés par les problèmes pratiques. Le premier d’entre eux est certainement l’appartenance à l’Union européenne. Comment notre pays peut-il rompre avec le capitalisme et construire le socialisme en étant membre de l’Union européenne? Le deuxième est sans doute celui de la très grande mobilisation nécessaire pour franchir tous les obstacles de cette construction. Comment les communistes peuvent-ils redonner dès à présent confiance au peuple français et à ses diverses composantes, alors que leur audience est si faible? Comment surmonter le doute des uns et l’ironie des autres? Quoiqu’il en soit, nous devons commencer et nous n’avons pas de temps à perdre. La décrépitude du système capitalisme accroit la misère d’un grand nombre. Le risque de sa fascisation n’est aucunement irréaliste. Et puis, comme nous le savons tous, le plus long des voyages commence par un pas.
Jean-Claude Delaunay
[1]Bien sûr, le marxisme n’est qu’une clé et cette clé n’ouvre pas toutes les portes. Elle doit être revisée au fur et à mesure des évolutions, graissée de temps en temps. Par ailleurs, le fait d’être marxiste ne garantit pas contre l’erreur. C’est pourquoi cette théorie ne peut que relever d’une élaboration collective, devant lier, le plus étroitement qu’il est possible, la théorie et la pratique. Cette théorie n’est pas une divination. Elle repose sur l’observation, comme toutes les théories scientifiques. Tout cela est rétrospectivement l’évidence. Les circonstances ont entraîné la suppression du marxisme comme référence de l’action révolutionnaire menée par le PCF. Les communistes de cette organisation doivent revenir sur ce passé.
[2]Laurent Santoire : «Alstom : Le dépeçage continue», publié sur le site de FVRPCF (30/11/2017).
[3]Pierre Alain Millet : «Alstom/GE : Casser la spirale infernale du monopoly mondial», publié sur le site de FVRPCF (20/09/2020).
[4]«Les salariés ont donné de multiples exemples qui montrent à quel point les décisions de GE ne répondent qu’à un objectif simple, “le cash”, la rentabilité forcée du travail pour assurer le retour d’investissement le plus rapide possible. Aucune stratégie de développement des produits, des processus de production, des compétences, bref, pour GE, un site industriel n’est qu’une marchandise qu’on presse au maximum avant de la jeter. Et pour cela, ils jouent la concurrence, “libre et non faussée” dirait l’Union Européenne, transférant une activité de Villeurbanne à Aix-les Bains, puis en Italie, en Chine ou en Inde… C’est le grand monopoly des actionnaires du capital qui ne poursuivent qu’un seul et unique but, leur propre fortune !Et ce monopoly conduit non seulement à des destructions d’emplois et de savoir-faire, mais aussi à une incohérence de la filière industrielle et technologique, à son inefficacité que les actionnaires utilisent ensuite comme prétexte à leur restructuration. Cette inefficacité vient du refus de donner sa place à l’innovation dans toute la filière, de développer les qualifications, les coopérations internationales, comme avec toutes les parties prenantes pour mieux répondre aux besoins d’une électricité décarbonée.On ne peut pas sortir de cette situation en restant dans ce jeu de monopoly. Tant que les actionnaires peuvent décider des investissements, de leur localisation, ils ne décideront que pour leur intérêt. Pour prendre en compte les intérêts des salariés, des fournisseurs et clients, des voisins du site et de la région urbaine, il faut que les investissements industriels deviennent un enjeu du débat public, de la décision politique. Pour porter un projet de développement économique, technologique, social, environnemental d’une industrie, la décision doit revenir au politique, les investisseurs devant s’inscrire dans le cadre de ce projet» (PA Millet, Alstom/GE : Casser la spirale infernale du monopoly mondial).
[5]Le projet de Sécurité Emploi-Formation peut être résumé de la manière suivante. C’est un projet qui pense possible, au sein même du capitalisme, de «démarchandiser» la marchandise capitaliste force de travail, tout en lui conservant, tant pour les entreprises que pour les individus, les vertus de souplesse et d’adaptabilité de sa forme marchandise. La démarchandisation serait obtenue grâce au versement d’un revenu à la fois sécurisé et substantiel, au moment du départ de l’entreprise et jusqu’au retour dans l’entreprise. Ce projet vise en outre à assurer la mise en cohérence des qualifications et compétences des individus avec le développement des forces productives matérielles, d’où la liaison envisagée entre sécurité et formation. Il s’agit d’en finir définitivement avec le principe même du chômage, l’armée industrielle des chômeurs étant remplacée par l’armée industrielle des étudiants. La Revue marxiste d’économie, Economie et Politique a publié de très nombreux articles sur ce sujet. Cf, par exemple, «Rapport à la Commission Economique du PCF, 27 Mai 2020» (E et P, 23/10/2020). Dans les publications récentes, cf. l’entretien de Frédéric Boccara paru dans L’Avant-Garde du 7 Octobre 2020: «Nous proposons d’en finir avec le principe même du chômage et de la précarité».
[6]«Les promoteurs de la SEF parlent le plus souvent de «pôles publics», de «conférences régionales de mobilisation pour l’emploi» sans le plus souvent poser la question de la propriété du capital et donc des nationalisations» (PAM, Comment remettre en cause le Monopoly capitaliste? 5/10/2020). Il semble que ses promoteurs pensent leur proposition théorique comme si la propriété du capital n’avait plus grand sens et comme si la mise en route de la SEF pouvait être de nature exclusivement ou principalement bancaire. Cette approche de la révolution par la SEF est dotée d’une tonalité proudhonienne (le crédit bancaire, sa quasi-gratuité, sont les facteurs majeurs de la révolution sociale) qui mériterait examen. Je crois que nos camarades, en développant l’idée que le capitalisme en est aujourd’hui au stade du Capitalisme Monopoliste d’Etat Social (en crise), sous-estiment que le Capitalisme est sorti de ce stade. Un nouveau stade a pris forme après les années 1970, le Capitalisme monopoliste financier mondialisé. Le Capital est désormais mondialisé au plan de la production en même temps que financiarisé au plan de la valeur et de sa mise en valeur. Cela entraîne, d’une part, la destruction, au plan national, de l’appareil de production des biens et des services ainsi que de la régression généralisée de la production scientifique, et d’autre part, la soumission complète du capital en fonction à la financiarisation de l’économie. La marchandisation financière du Capital, sa transformation en marchandises financières, détermine et domine désormais complètement ce qui est produit sous son égide, sa production en tant que capital productif, sa production de marchandises réelles, et, par voie de conséquence, son utilisation de la marchandise capitaliste force de travail. C’est ce que j’ai expliqué en raccourci dans la première partie du présent texte, supra, sous la rubrique «le marxisme». Démarchandiser la force de travail tout en conservant les rapports sociaux capitalistes (je préfère parler de rapports sociaux plutôt que de logique, comme le fait la section économique du PCF ) ne changera rien à l’affaire, car le système sera toujours sous l’effet de la suraccumulation durable du capital même si la consommation finale est stimulée par cette mesure. Il faut rompre avec le capitalisme et instaurer une nouvelle société, instaurer de nouveaux rapports sociaux, pour que cette démarchandisation soit rendue possible, car ce n’est pas la marchandise force de travail qui engendre et structure les moyens de production comme Capital et comme Capital financiarisé et mondialisé. C’est le Capital en tant que rapport social à son stade actuel de développement qui structure la force de travail comme marchandise capitaliste.
[7]Jean-Claude Delaunay (2020), Rompre avec le Capitalisme, Construire le Socialisme, Editions Delga, Paris.
[8]La section économique du PCF s’en tient aux conceptions de Paul Boccara sur la révolution informationnelle. Les machines d’hier auraient remplacé la main de l’homme dans la production des choses. Les machines d’aujourd’hui (les ordinateurs) travailleraient sur les choses par l’intermédiaire de l’information que l’on a sur les choses. Elles tendraient donc à remplacer à la fois la main et le cerveau des hommes. Il n’en dit pas plus sur cette révolution et l’on peut penser que, au moment où PB l’a mise sur le marché, cette théorisation n’était pas très originale. Cela dit, l’intérêt accordé par PB à cette théorie a surtout porté sur la difficulté de développer cette révolution dans le cadre du capitalisme. En effet, disait-il, l’information est infiniment reproductible à coûts nuls. Or le capitalisme, cherchant à marchandiser toute chose, bloquerait la progression de cette révolution en marchandisant l’information. Le blocage de la révolution ne résulterait pas de l’effet des rapports sociaux privés sur les machines mais sur l’information. Cet aspect du problème est certainement important, mais est-ce le seul? Est-ce l’aspect déterminant? Tout cela manque de cohérence. La théorie porte sur l’information, un concept vague, puis se déplace vers les résultats de la recherche. Qu’en est-il des autres informations? Enfin, l’attention est centrée sur la diffusion de la recherche et non sur son processus de production. Mais même à ce niveau, la théorie reste floue. Une recherche ne se reproduit pas et ne se diffuse pas aussi simplement qu’une démonstration relative au théorème de Pythagore. Les temps ont changé depuis l’antiquité. Cette affirmation relative à la reproductibilité infinie des résultats de la recheche, que PB avait reprise à son compte sans esprit critique, aurait due être, par lui, examinée avec soin. C’est l’un des problèmes pratiques aujourd’hui que de faire passer la recherche des laboratoires universitaires dans l’industrie.
[9]Cf. les travaux de Francis Velain et Ivan Lavalée, ainsi que leurs articles dans Progressistes.
[10]Jean-Claude Delaunay, 2018, Les Trajectoires Chinoises, De l’Empire Agro-militaire au Développement et au Socialisme, Editions Delga, Paris.
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Jean Claude Delaunay : A propos du Monopoly Capitaliste et de la façon de le remettre en cause - Alternative Révolutionnaire Communiste
[…] ce que l’on apprend de cette histoire en lisant, par exemple, les articles de Laurent Santoirre[2] ou de Pierre-Alain Millet[3] sur ce sujet est en parfaite cohérence avec ce qu’éclaire le […]
Jean Claude DELAUNAY
J’imagine que le lecteur ARC de mon texte n’est pas d’accord avec mon propos et que pour lui, les textes de Santoire et Millet ne sont pas en cohérence avec le marxisme. En réalité je n’en sais rien. Je n’ai rien à dire. J’apprends toujours beaucoup en lisant les écrits de ces deux personnes.
Baran
Ayant lu votre livre récemment et écoutant l’intervention d’un consultant XERFI sur les évolutions du métier d’auditeur, je n’ai pu m’empêcher de mettre en parallèle son diagnostic et les problèmes qu’il soulève avec la périodisation du capitalisme que vous proposez, notamment son stade “suprême”, le CMF.
En prenant au sérieux votre concept et son rapport au travail, on voit les problèmes poser au procès de travail dans son ensemble, y compris les travailleurs chargés du contrôle des activités de la haute finance! Ruse de la raison? Les auditeurs du capitalisme se tirent les cheveux face aux résultats “non-mesurables” d’entreprises et de “marchandises sans corps” (pour reprendre votre expression)/ Lien ici: https://www.youtube.com/watch?v=InD2mXDddJU&t=28s
A plusieurs reprises l’intervenant utilise le qualificatif de “monstre” pour désigner les structures des monopoles financiers mondialisés. Les auditeurs auraient affaire à des formes sociétaires rendant ses comptes nouménals (“des comptes non-comptables”).
Qu’est ce que peut faire un auditeur de la haute finance quand il doit analyser les opérations intra-groupes de plus de 2500 filiales, elles mêmes complexifiées par des marchandises financières face auxquelles même un polytechnicien déclare faillite ?
Mireille POPELIN
Toujours clair et accessible au plus grand nombre ! Jean-Claude nous donne envie de lutter pour ce socialisme ! Même si le chemin me parait long long …J’ai bien compris puisque je lis les ouvrages de JC Delaunay mais il y a quand même des étapes que je ne comprends pas bien. Comment passer de la revalorisation des salaires etc ( puisque nous luttons pour en ce moment et tout le temps) à la démarchandisation ?
Danielle Bleitrach
Jean Claude : j’ai un problème , si je suis tout à fait d’accord avec ta démonstration qui part de la contradiction force productive rapports de production, incontournable. Cette contradiction est toujours elle-même chez Marx articulée contradictoirement avec le rapports de production, eux-mêmes soit de coopération, soit de concurrence et antagoniques. Toutes les dimensions coexistant, ce qui fait que la mise en mouvement, le dépassement dépend de la lutte des classes. Enfin ce qui est aux centre de la réflexion de Marx sur le capitalisme n’est pas le travail mais la valeur du moins sous le capitalisme et il est clair que le capitalisme a toujours été en situation hégémonique capable d’imposer la valeur. Même comme si tu le notes cette valeur financiarisée perd son rapport avec la production. Dans cette pensée complexe, nous sommes toujours sur le fil du rasoir entre déterminisme à la Bernstein et volontarisme, le léninisme évite les deux écueils. Je suis tout à fait d’accord en revanche sur la manière dont tu vois l’apport de Boccara , et cependant le caractère incomplet souligné par PAM. Si nous en faisons un débat idéologique entre intellectuels cela peut aisément tourner à ces luttes féroces académiques dans lequel le chercheur s’identifie à sa théorie, la seule solution est effectivement de l’intégrer à une pratique politique de transformation de la société. peut-être que c’est plus facile de le voir de Chine.
Jean Claude DELAUNAY
Bonjour Danielle. Trois points dans ce commentaire. 1) Je crois bien, je suis même sûr, que mes formulations méritent d’être plus claires et que tu as clarifié les choses. J’ai voulu donner du marxisme une interprétation générale, située au delà du capitalisme. J’ai insisté sur le couple travail/rareté comme concept basique du marxisme et de l’interprétation que l’on peut faire grâce à lui de toutes les sociétés de rareté jusqu’à aujourd’hui. D’autant que Marx a dit je ne sais plus où : ce n’est pas moi qui ait inventé la lutte des classes. Il fait alors référence à un historien, Augustin Thierry, me semble-t-il, qui aurait été le promoteur de cette conception. Mais s’il est vrai que son apport ne réside pas dans la reconnaissance de l’existence et de la permanence de la lutte des classes, il n’empêche que la lutte des classes est un élément permanent de sa théorie. Toute l’histoire, na na na na na na, est l’histoire de la lutte des classes. J’espère avoir bien compris ce que tu as voulu dire. Ce qui signifie notamment que le PCF des dernières décennies, que tu décris et critique dans ton dernier livre, n’a pas seulement perdu le contact avec le travail. Il l’a aussi et simultanément perdu avec la lutte des classes.
2) Maintenant, aujourd’hui, le capitalisme. Oui, le travail prend alors la forme valeur des marchandises et comme la force de travail est transformée en marchandise, cela veut dire qu’elle à la fois valeur et valeur d’usage, qu’il est rationnel de dire que cette marchandise est le produit d’un certain travail lequel devient sa forme valeur. Avec le capitalisme, la forme valeur s’empare de tous les éléments de la production. La loi de la valeur s’impose. Ce n’est plus du tout la valeur d’usage qui compte, c’est la valeur.
L’idée que j’ai cru importante à retenir dans mon texte et que, en tout cas, je soumets à discussion est la suivante. Avec le capitalisme actuel, la production de valeur est spatialement éclatée (mondialisation) et la forme de la valeur est dualisée (valeur de production et valeur financière). J’en déduis que le capitalisme n’est plus en mesure de produire pour l’ensemble national et que la contrainte de valorisation qui pèse sur les travailleurs est amplifiée de manière considérable. Cela me semble deux raison complémentaires fortes de ne plus avoir aucune illusion sur la capacité du système capitaliste actuel à accepter la moindre réforme. Il faut en changer. Il faut rompre avec lui. Ma proposition de désigner le stade actuel comme étant celui du Capitalisme monopoliste financier mondialisé n’a rien à voir avec une quelconque volonté de faire la nique à la mémoire de Paul Boccara et à l’héritage que son fils en a retenu. Comme tout le monde je cherche à comprendre mon époque.
3) Quelques mots maintenant sur les théories de Paul Boccara et sur ce que j’ai dit de la section économique et de la SEF. J’ai beaucoup hésité à t’envoyer le texte que je t’ai finalement envoyé. J’ai quasiment mis en note tout ce qui concerne ces aspects. Ce n’est pas que je regrette mon propos.Il n’y a aucune attaque personnelle dans ce que j’ai avancé et ce que j’ai avancé, je l’ai fait sur la base d’une argumentation. Je pense que le féodalisme marque profondément le fonctionnement de la section économique, et que Paul Boccara y a contribué pour beaucoup. Cela étant dit, je ne suis pas le mieux placé pour critiquer cet organisme et les personnalités qui l’ont façonné et l’occupent, car j’en ai connu ou j’en connais personnellement un certain nombre. Contrairement à ce que croyait Baboeuf, la société des ego n’est pas une société harmonieuse. Cela étant dit, je crois avoir été généreux avec Paul Boccara lorsque j’ai rendu compte de son livres sur les théories des crises. Et je l’ai été dans mon dernier livre en faisant largement référence à ses œuvres. Je crois même avoir été parfois plus généreux que nécessaire. Mais c’est vraiment un détail. Cela étant dit, si les communistes et d’autres estiment, sur la base d’une argumentation, que je ne raconte que des bêtises, eh bien j’en tiendrai compte et cela me permettra de travailler mon chinois avec l’esprit plus tranquille.
Ce qui me fait penser que je dois absolument remercier M. Baran pour les propos encourageants qu’il a bien voulu écrire concernant mon bouquin sur le socialisme. Je vais le faire. Merci infiniment, Danielle, pour l’esprit à la fois fermement critique mais en même temps modérateur et civilisé que tu sais imposer dans ce blog par la force de tes seuls arguments.
Jean Claude DELAUNAY
Bonjour, ma chère camarade. Voici ce que j’ai en tête. Cela vaut ce que ça vaut et je suis prêt à changer mes idées. Il est clair que pour l’instant, la FT fonctionne comme marchandise capitaliste. La première étape consisterait à éliminer les rapports sociaux privés et donc à protéger les FT du fonctionnement capitaliste de ces rapports. Elle fonctionnerait comme marchandise socialiste. A chacun selon son travail. Le salaire serait la forme individuelle principale de participer à la distribution du produit, mais la société apporterait des changements substantiels dans les modalités de cette participation individuelle. Ainsi, avec le socialisme, les travailleurs auront conquis des droits nouveaux dans l’entreprise et dans la société. Leurs conditions de rémunération, de vie et de travail seront vraiment négociées et acceptées que ce soit dans le secteur public que dans le secteur privé, et la loi interviendra en ce sens. Je pense que les entreprises du secteur public devront faire l’objet d’un suivi extrêmement précis et régulier, comme une Cour des Comptes, mais avec des effets, et non seulement un avis. Deux facteurs devront ensuite intervenir : 1) au plan économique, la formation et l’investissement; 2) au plan politique la responsabilité croissante des travailleurs dans le fonctionnement social. Démarchandiser la FT cela veut dire, à mon avis, la socialiser. La FT est aujourd’hui individualisée au plan économique et au plan politique, mise hors circuit. Elle doit donc devenir un produit de la société et comme le dépassement de sa forme marchande est la finalité de la société socialiste, les travailleurs doivent être les éléments de plus en plus moteurs et responsables du fonctionnement de la société, en même temps que de la transformation de qu’ils sont comme FT. La formation homogénéise les situations et devrait tendre à faire disparaître la séparation entre travail manuel et intellectuel. L’investissement tend à faire disparaître la valeur comme forme significative du travail. De dominée et parfois écrasée par elles, qu’elle était sous le capitalisme, la FT dominera, au fur et à mesure que la société socialiste prendra force et vigueur, les Forces productives matérielles et la conduite de la société. Pas très clair tout ça.
Christian
“La production de marchandises financières, supposées négociables à tout instant, tend à devenir beaucoup plus importante que la production de marchandises réelles (biens ou services). Ces deux modalités de la lutte de la grande bourgeoisie contre la suraccumulation durable du capital se traduisent sur les travailleurs par un état inédit de surexploitation du travail combinée à une situation non moins nouvelle de destruction du travail, avec, pour prolongement, la destruction des potentialités scientifiques de chaque pays”
Je ne comprends pas bien pourquoi avec les marchandises financières la grande bourgeoisie espère lutter contre la suraccumulation durable du capital ? N’est ce pas un moyen d’en réaliser plus??? Quelqu’un peut rendre plus explicite le mécanisme intellectuel ?
Danielle Bleitrach
E, réponse à jean claude Delaunay
voici ce que Marx a dit sur la question qui me semble tout à fait pertinent. PCF débat a repris ce texte que j’ai publié le 24 octobre et qui lie lutte des classes et dictature du prolétariat.
https://lepcf.fr/Marx-et-la-dictature-du-proletariat
Sur la valeur j’ai passé mon temps à expliquer la relation entre travail et valeur sur lequel les étudiants ne cessaient de faire des contresens. Ils pensaient que le capitaliste payait son travail au travailleur. Donc pas de plus value,pas de profit,pas d’accumulation… ce que paye le capitaliste c’est la force de travail dans un temps déterminé socialement nécessaire . Cette force de travail produit plus de valeur que ce qui ne lui en faut pour se reproduire et conserve la valeur du précédent processus de formation du capital constant.
A-M-MPxFT- M’-A’ est-ce que la financiarisation s’est abstrait de ce processus ? ou est-ce un moyen de le diriger?
Je suis assez d’accord avec l’idée de féodalité autour de la section économique, je me souviens de la formule de jacques Chambaz “Paul Boccara l’inventeur des critères de gestion et leur fossoyeur”. Je m’intéressais, je m’intéresse toujours aux travaux de Paul, un peu moins quand j’ai découvert Boukharine. Ce qui m’a toujours paru le plus pertinent dans ses travaux c’est le cycle marchand non marchand? Sur les longues périodes historiques et sur les transitions c’est tout à fait éclairant. Mais il y a l’art de vouloir exclure tout désaccord qui non seulement me parait insupportable mais en fait un jouet pour les politiciens véreux. Les liquidateurs se foutent de nos querelles byzantines, de Friot, de Boccara, de toi et de moi, ils les utilisent pour mener à bien leur art de diviser pour régner et Boccara s’y prête et pire je crois sans naivete, en faisant monter les enjeux alors que ce joue la vie du parti donc celle du pays. C’est caractériel et minable.
Il s’est avéré que j’ai rencontré de grands politiques, ils n’étaient pas cyniques et appréciaient énormément le travail des intellectuels. Mais ils n’avaient plus le sens de la propriété intellectuelle qui nous rend si insupportables. C’est toute la différence entre Lénine et trotski et même Boukharine qui restent des intellectuels et créent des factions autour d’eux. Alors qu’un grand politique disparait dans son objet historique justement le socialisme, il cherche un levier et un point d’appui et pas sa propre théorie…
Jean Claude DELAUNAY
Je souhaite ici reprendre la question de Christian : «Pourquoi, avec les marchandises financières, la Grande Bourgeoisie espère lutter contre la suraccumulation du Capital? N’est ce pas un moyen d’en réaliser plus?». Christan, je ne comprends pas ta deuxième question. En réaliser plus? Mais plus de quoi? De suraccumulation?
Ce que je vais essayer de faire ici, c’est d’éclairer, en allant vite, la liaison entre la production de marchandises réelles pour lutter contre la suraccumulation durable du capital et l’existence de marchandises financières dans le cadre de cette lutte. La suraccumulation durable du capital est la combinaison d’une double carence de la rentabilité : 1) au niveau de l’appareil productif (les coûts sont trop élevés, la technique se traîne, les salariès gagnent trop, etc…), 2) au niveau du marché (le marché n‘absorbe plus les marchandises au prix souhaité). C’est ce qui s’est passé fin des années 1960, début des années 1970. Partout, dans les pays développés, le taux moyen de profit baisse. Pendant les années 1970, les Grandes Bourgeoisies cherchent une solution. Les classes ouvrières et salariées sont très remuantes. Les gouvernants prennent progressivement une triple décision : 1) mater les classes ouvrières, 2) mettre fin au Capitalisme monopoliste d’Etat et, en tout cas, à la partie sociale de cet Etat (Il faut moins d’Etat, mieux d’Etat. L’Etat, dit Raegan, n’est pas la solution, mais le problème) ;3) Mondialiser le capital (intensifier la multinationalisation des économies). Derrière ces trois solutions s’en tient une quatrième, toujours présente : liquider l’URSS, le socialisme existant, qui existe mais qui commence à merdoyer. La décision qui concrétise tout ça (les 3 premiers éléments), c’est une réunion à Tokyo en 1979. Décision concrète est prise de doubler les taux d’intérêt, avec pour conséquence la mise en crise brutale des économies développées, l’accélération de la multinationalisation (les entrepises, les grandes et très grandes, sortent du territoire national et vont chercher de la plus-value et du profit en puisant dans la main-d’oeuvre fraîche, pas chère, nombreuse, docile des PVD). Dans ce contexte, les gouvernements (Grande-Bretagne, USA) affrontent directement le mouvement ouvrier et salarial de leur pays et le mettent à genoux. Je te laisse le soin, Christian, de combler les trous, par exemple, la longue politique de réduction de l’Etat social en France, le développement du chomâge, l’accroissement de la dette publique en raison de l’élévation des taux d’intérêt, les privatisations, la pressions sur les salaires, etc. Au plan de la lutte contre la suraccumulation durable du capital, on comprend ce qui se passe. Au niveau des appareils productifs, ceux-ci sont de plus en plus allégés de côuts sociaux divers, de taxes, du poids des salaires, des cotisations. Des technologies nouvelles apparaissent, dans l’information, mais aussi dans les transports, ce qui allège les coûts. La rentabilité est rétablie à ce niveau pour les grands groupes en tout cas. Et, au niveau du marché, chacun s’adresse à la demande mondiale et estime pouvoir se débrouiller à ce niveau pour vendre ses marchandises. En 1990-1991, le socialisme de type soviètique est pulvérisé. Tout est mieux dans le meilleur des mondes. Comment comprendre que ces évolutions relatives aux appareils productifs classiques aient été accompagnées de ce qu’on appelle la financiarisation?
Je crois que le processus de financiarisation que l’on observe aujourd’hui est le prolongement nécessaire de la mondialisation productive, mais que l’on peut distinguer plusieurs étapes ou segments de ce processus.
Le premier est celui de l’existence de marchés financiers modernes. Pourquoi? Supposons qu’un grande entreprise investisse en Thaïlande parce que l’immobilier s’y développe à toute vitesse. Mais intervient en Thaïlande un incident de parcours (les salaires montent, les ouvriers gueulent, etc.), et cet incident fait peur aux capitalistes ayant investi dans ce pays. Leur souci est de partir le plus vite possible de ce pays. Il leur faut un marché financier suffisemment profond pour s’envoler vers la qualité, c’est-à-dire se barrer à toute vitesse vers des lieux plus rentables. Autre aspect du processus : les grands groupes pour se mondialiser, ont besoin d’argent. A partir de 1970-1971, l’économie américaine est commercialement déficitaire. Cela veut dire que ce pays accepte d’importer les produits que maintenant les multinationales produisent à l’extérieur et que, en contrepartie de ces importations une quantité croissante de dollars US se trouve entre les mains de ceux qui exportent vers les USA. Ces dollars servent à financer la mondialisation. Mais la valeur de cette monnaie (son taux de change avec les autres monnaies) varie en fonction de la demande qui en est faite. Bref, les multinationales ont besoin de marchés financiers spécialisés dans l’approvisonnement en monnaie et si possible en dollars qui sont partout acceptés. Sur ces marchés, elles peuvent placer les dollars dont elles disposent car elles n’ont pas besoin d’utiliser immédiatement tous les dollars qu’elles viennent de gagner. Tout cela pour dire que la mondialisation productive a été necéssairement prolongée par la création de marchés financiers et que, sur ces marchés, un volume important de marchandises financières a commencé à circuler.
La deuxième étape est la transformation des entreprises multinationales en marchandises financières elles-mêmes. La financiarisation est en effet le résultat de la mondialisation productive et la mondialisation productive a entraîné d’une part le besoin de marchandises financières et de marchés financiers pour fonctionner. Elle a enraîné d’autre part la marchandisation des entreprises elles-mêmes. Les entreprises sont devenues des marchandises financières. En effet, le mode normal de fonctionnement des entreprises est la concurrence en même temps que l’ajustement de leur taille, de leurs capacités dans ce contexte. Dans le contexte mondial, avec des marchés financiers adaptés, les entreprises se structurent et se restructurent. Elles achètent une entreprise de ceci, elles vendent une entreprise de cela, tout cela dans le contexte de la recherche du profit maximum, à titre individuel. Elles combattent ainsi dans le monde la suraccumulation durable du capital qui les menaçait dans leurs pays respectifs. Dans ce contexte mondial, elles s’allient, s’absorbent, se restructurent. Bref elles se transforment elles-mêmes en marchandises financières et, en tant que telles, plus elles sont rentables et plus il est facile, pour elles, de trouver de l’argent, de s’endetter. Je dirai enfin que la concurrence capitaliste étant leur mode d’existence, elles ont accepté cette règle du jeu consistant à pouvoir manger les autres mais comportant le risque d’être elles-mêmes mangées.
A partir de là, on peut comprendre aisément que la marchandise financière entreprise impose sa loi de fonctionnement à l’entreprise productive. La valeur actionnariale, ou la valeur financière, l’emporte sur ce que je vais appeler pour aller vite, la valeur productive. Les salariés subissent cette double pression.
Est ce que les affaires sont allées mieux pour le grand capital? Pendant un certain temps, oui. Mais je pense que l’époque actuelle est, du point de vue du capital une régression technique et scientifique. En plus le capital commence à se faire manger la laine sur le dos par les pays socialistes ou d’autres pays qui se développent et commencent à etoffer leurs capacités. Enfin l’action des capitalistes développe la sous-consommation, dans leur pays d’origine d’abord. Au total, la lutte qu’elles avaient engagée contre la suraccumulation durable se traduit par le prolongement de ce processus, et comme ces groupes refusent absolument de disparaître (ils sont, dit-on, too big to fail) ils reçoivent d’importants financements qui font que à la suraccumulation productive tend à s’ajouter la suraccumulation financière. Voilà, cher Christian, comment je crois pouvoir répondre à ta question. Jean-Claude Delaunay.
Christian
Je vous remercie d’avoir pris le temps de détailler votre propos pour le néophyte que je suis. Je pense désormais comprendre le propos général. Par erreur, j’avais entendu le mot “suraccumulation” comme un objectif de la bourgeoisie. Avec l’idée sous-jacente de cupidité: “suraccumuler durablement” = “accumuler plus durablement”. Avec vos explications, je comprends l’énorme contresens: c’est un capital devenu trop obèse pour faire des nouveaux nés et fini par manger les autres et lui même. Et vous arrivez à la conclusion que c’est parce qu’il a du mal à se reproduire physiquement dans le cadre du marché de biens et services traditionnels qu’il fonde de nouvelles formes de reproduction, avec les rapports sociaux financiers mondialisés? Merci encore pour votre effort pédagogique. Longue vie au site de Danielle !
marsal
Ce texte est tout à fait intéressant. Un point parmi d’autres me pose question. Je crois qu’il est erronné (et que cela ne permet pas de comprendre l’histoire contemporaine) de poser le développement du capitalisme depuis 1950 comme un développement propre, un nouveau “stade suprème” du capitalisme. Il est faux également de chercher à penser le cours du capitalisme dans les pays développés indépendamment de l’ensemble des rapports mondiaux.
A mon sens, à partir de 1917 commence la phase mondiale dans laquelle des éléments de socialisme (l’Union Soviétique) coexistent (de manière antagonique) avec les formes capitalistes et pré-capitalistes (qui n’ont pas complètement disparues au niveau mondial avant la fin du 20ème siècle). Celà n’a pas seulement des impacts au niveau international. Les rapports sociaux internes aux économies capitalistes développées en sont eux-mêmes transformé. La sécurité sociale est créée en France sur la base de ces rapports de forces mondiaux. La transition du socialisme vers le capitalisme est commencée.
C’est pour cela que le mot d’ordre “dépasser le capitalisme” est faux. Parce, dépasser le capitalisme, c’est déjà en cours. Et, en quelque sorte, la tâche de notre génération, c’est de liquider ce stade tardif du capitalisme qu’est le capitalisme mondialisé. Lenine ne se trompe donc pas au début du siècle, lorsqu’il écrit que le stade suprême du capitalisme est l’impérialiste.Il est dans ce cadre tout à fait important de mesurer l’évolution de la Chine, et tous les articles publiés ici ont été forts intéressants. La transition de leadership scientifique, technologique, économique et financier entre les Etats Unis et la Chine est en cours, et c’est la transition entre un type de structure économique et un autre. ET cela va changer complètement les rapports mondiaux.
Il y a dans toutes ces évolutions toute une dynamique dialectique qui est fascinante. Le socialisme naît sous une forme avancée (l’Union Soviétique), mais périphérique. Cela change les rapports internes aux pays développés, avec apparition de formes transitoires, d’équilibre relatifs, et cela change les conditions d’existence des pays colonisés, avec une impulsion profonde donnée à l’indépendance de ces pays et apparition de nouveaux pays socialistes, dont un, la Chine, a la taille et les ressources suffisantes pour contester l’hégémonie mondiale. Puis une pbase de régression, de négation de cette première phase.Accompagnée d’une croissance quantitative de l’économie chinoise qui, elle-même, s’est hybridée avec le capitalisme américain pour en capter la technologie. Phase qui nous amène aux contradictions d’aujourd’hui. Voilà, en quelques mots, le schéma de base dans lequel nous avons à agir aujourd’hui.
Xuan
Bonjour cher camarade,
Merci encore pour cette précieuse contribution et pour les axes de réflexion que tu proposes.
Elle envisage la question sous l’angle du développement des forces productives, et il y a également un débat sur « forces productives ou lutte des classes ? »
C’est un débat qui s’est posé violemment en Chine et Deng Siaoping lui-même avertissait du danger à oublier la nature socialiste de la réforme, ainsi que la dictature du prolétariat. En fait les deux sont liés de façon dialectique, mais je ne t’apprends rien. La lutte des classes aboutit réellement à supprimer la pénurie et la pénurie aboutit à la lutte des classes.
J’ai comme toi des réserves sur le parcours Sécurité-Emploi-Formation. A mon sens elle relève encore de conceptions réformistes.
Défendues par MG Buffet, ces notions ont rapidement été mises à la sauce de la flexicurité par le commissaire européen à l’Emploi et aux Affaires sociales, Vladimir Spidla « La protection de l’individu dans sa capacité de travail doit passer avant la protection de son poste de travail ( … ). Je conçois la flexicurité, comme une politique protégeant les personnes davantage que les emplois »
puis par Sarkozy « Je crois, au contraire, qu’il est possible d’offrir aux entreprises et aux salariés français un accord gagnant. Pour lutter contre le chômage, je suis convaincu qu’il nous faut inventer la protection sociale du salarié du XXIe siècle.
Alors que les parcours professionnels sont discontinus et marqués par des périodes de chômage plus ou moins longues, par des reconversions et l’acquisition de compétences nouvelles, il convient que les protections soient désormais attachées aux salariés et non aux emplois qu’ils occupent. La CGT et la CFDT le réclament depuis longtemps, à juste titre. …»
Si la formation scolaire ou extrascolaire peut sembler à chaque ouvrier pris isolément une porte de sortie vers une qualification ou une garantie d’emploi, en réalité le système capitaliste fait de cette formation un moyen de pression supplémentaire sur l’ensemble des salaires et des qualifications et lui assure une polyvalence quasi gratuite, alors qu’auparavant les ouvriers pouvaient monnayer chaque changement de poste. « envoie d’abord la rallonge et j’ajouterai ensuite l’assurance qualité à mon enveloppe de poste… »
Marx notait ceci :
« …faire apprendre à chaque ouvrier le plus de branches de travail possibles de façon que s’il est évincé d’une branche par l’emploi d’une nouvelle machine ou par une modification dans la division du travail, il puisse se caser ailleurs le plus facilement possible.
Supposons que ce soit possible:
La conséquence en serait que, lorsqu’il y aurait excédent de bras dans une branche de travail, cet excédent se produirait aussitôt dans toutes les autres branches de la production, et que la diminution du salaire dans une branche entraînerait encore plus fortement qu’auparavant une diminution générale immédiate. »
[travail salarié et capital]
Et concernant la révolution informationnelle, elle véhicule de graves illusions sur un communisme « déjà là », issu du bénévolat et de l’échange gratuit, illusions balayées par l’existence même des GAFA.
Les machines remplacent la main du manœuvre, pas celle du dépanneur ou du monteur de machines…le robot dépanneur doit lui-même être conçu, mais aussi construit, entretenu et dépanné, ceci à l’attention des purs esprits qui ont un peu perdu le sens du toucher et oublié l’odeur des lubrifiants.
Une réserve encore, mais tu la connais, sur le concept de « Capitalisme monopoliste financier mondialisé ». Ce concept reflète une partie de la réalité et de son stade actuel, mais ne rend pas compte du développement inégal et de ses contradictions internes, entre nations notamment. La guerre hors limites des USA en est l’illustration.
Bien à toi.