UN texte essentiel, le premier que je lis de cette qualité sur la fin de l’Union soviétique… et qui va bien au-delà puisqu’il nous aide à tirer des enseignements sur des processus de pseudos révolutions démocratiques autant que la colère russe d’avoir été floués. En le lisant, on comprend pourquoi les Russes détestent encore plus Gorbatchev que Eltsine, l’homme est effectivement sordide. Quant à ces pauvres gens leur tort est d’avoir cru jusqu’au bout à la légalité soviétique, d’avoir répugné à attenter à une seule vie. Deux ans après ceux qu’ils avaient laissé s’installer ne craignirent pas eux dans un octobre noir de tirer au canon sur le parlement de faire mille morts. Pendant que les occidentaux unanimes expliquaient qu’un” air de liberté flottait sur la Russie”. Merci Marianne pour une telle traduction (note de DB pour histoire et société, traduction de Marianne Dunlop).
https://sovross.ru/articles/2012/49549
Le 18 août 1991, un groupe de dirigeants soviétiques est allé à Foros voir le président Mikhaïl Gorbatchev. Le lendemain, l’URSS a annoncé le transfert du pouvoir au Comité d’État pour l’état d’urgence, qui est entré dans l’histoire sous l’abréviation GKChP.
Anatoly Loukianov, en août 1991, président du présidium du Soviet suprême de l’URSS :
C’était une tentative désespérée et mal organisée de préserver une Union soviétique forte. Et il n’y avait rien d’autre derrière. Et de la préserver avec l’aide du président en exercice. C’est pourquoi nous sommes allés voir Gorbatchev. Et la position de Gorbatchev était on ne peut plus “claire” : attendre de voir qui allait gagner.
Oleg Baklanov, en août 1991, secrétaire du Comité central du PCUS, vice-président du Conseil de défense de l’URSS, membre du Comité d’urgence de l’État :
J’ai appris la création du comité par Gorbatchev, qui un an ou un an et demi avant août 1991, sentant que sa politique s’enlisait, a exprimé lors d’une des réunions l’idée de créer un organe qui, en cas d’urgence, pourrait intervenir pour redresser la situation dans le pays. Mais cet organe devait être constitutionnel, c’est-à-dire formalisé par décision du Conseil suprême. Parlant spécifiquement des événements d’août, la nécessité de créer un GKChP est apparue après que le 17 ou 18 août l’un des journaux a publié des informations sur les rencontres de Novoogarevo, où, en fait, Gorbatchev, Eltsine et d’autres comme eux préparaient un document sur la dissolution de l’Union soviétique. D’ailleurs, le 21, Gorbatchev était prêt à le signer. Nous avons décidé de rencontrer Gorbatchev et de lui demander comment il est possible de signer un tel document. En effet, il n’y a même pas eu de discussion à l’échelle nationale. De plus, 76% de la population lors du référendum de mars s’étaient prononcés en faveur du maintien d’un seul État.
Nous avons pris l’avion pour Foros, Gorbatchev était un peu froissé et effrayé. Maintenant je comprends pourquoi il avait peur. Nous pensions qu’il faisait une erreur, mais lui savait qu’il était un traître. C’était difficile de le comprendre. D’un côté, il semblait d’accord, mais de l’autre, il ne faisait rien. Par exemple, il nous a dit: “Permettez-moi de signer un papier sur la convocation du Conseil suprême.” Il a tenu ce morceau de papier, l’a tourné entre ses mains, puis a soudainement dit: «Pourquoi signerais-je pour vous ce papier alors que vous êtes tous ici. Dites à Loukianov de convoquer le Conseil suprême. ” Nous lui avons proposé de revenir avec nous à Moscou, mais Gorbatchev a immédiatement commencé à dire qu’il ne pouvait pas aller à Moscou parce qu’il était assis dans un corset et que sa jambe ne fonctionnait plus. Pour la même raison, il ne souhaitait pas que les dirigeants du pays et les chefs des républiques se réunissent avec lui pour discuter de la situation. Mais en même temps, il a déclaré qu’en tout cas, il se rendrait à Moscou pour signer l’accord, même si on devait lui couper la jambe. En bref, c’était une conversation très pénible, à la fin de laquelle Gorbatchev a dit: “D’accord. Faites-le vous-mêmes.” Il avait en quelque sorte donné le feu vert. L’armée a été amenée parce cela était prévu par le statut du Comité d’urgence de l’État afin de garder le télégraphe, la poste, le Conseil suprême et le Kremlin.
GennadyYanaev, en août 1991, vice-président de l’URSS, membre du Comité d’urgence de l’État.
Je vais à une conférence de presse, j’annonce la maladie du président, mais je n’ai pas de certificat des médecins. Ce n’est pas un hasard si j’ai reporté la conférence de presse de dix heures du matin à cinq heures du soir. J’espérais qu’à ce moment-là j’aurais entre les mains un rapport sur l’état de santé de Gorbatchev. Je n’étais pas là pour jouer dans un chapiteau de cirque, mais pour m’exprimer devant le monde entier. Si je disais que le président était malade, alors je devais étayer mes propos par un document. Et si cela ne pouvait être fait, non seulement mes mains trembleront, mais mes autres membres trembleront aussi. Et quand nous avons annoncé que Gorbatchev était malade et incapable de remplir ses devoirs, ce n’était pas un mensonge pour le sauver. C’était pour créer l’apparence que Gorbatchev était étranger à tout ce qui se passait. Gorbatchev attendait son heure pour voir qui prendrait le dessus. Nous avions pleinement conscience qu’il nous abandonnerait. Dans tous les cas, nous gagnerions ou perdrions. Et dans le cas d’une issue défavorable, nous faisions une croix sur nous physiquement. Il faut connaître Gorbatchev.
Valery Boldine, en août 1991, chef de l’administration présidentielle de l’URSS.
Sentant qu’il perdait pied, Gorbatchev a invité au début des années 1990 un groupe de membres du Politburo et du Conseil de sécurité – tous ceux qui sont ensuite entrés au Comité d’urgence.
Eltsine prend de plus en plus l’initiative en main – Gorbatchev devient fou par manque d’informations. En fin de compte, Gorbatchev s’est rendu compte que des négociations séparées entre Eltsine et les dirigeants des républiques conduiraient à sa destitution définitive du pouvoir et il a intensifié les activités des forces de l’ordre pour déclarer l’état d’urgence.
Déjà en 1991, en août, il a convoqué ceux avec qui il avait précédemment discuté de la question de l’état d’urgence, leur a donné les ordres nécessaires et est parti en vacances. Gorbatchev aimait tout faire par les mains de quelqu’un d’autre. Lors de la préparation des événements de Tbilissi, Vilnius, Riga, il a donné des ordres oraux à Yazov. Celui-ci disait : “J’ai besoin d’un ordre écrit.” Et Gorbatchev répondait: “Ma parole suffit.” Le 18 août 1991, nous nous sommes envolés pour voir Gorbatchev à Foros. Nous étions dans l’avion avec Chenine, Baklanov, Varennikov et Plekhanov. “Qu’est-ce que vous êtes allés inventer?” –s’exclama Gorbatchev en nous voyant. A cette question tout le monde leva les yeux de surprise: il parlait comme si tout n’était pas finalement décidé. À la fin, Gorbatchev a dit: “Par tous les diables, faites ce que vous voulez!” – et il a même donné quelques conseils sur la meilleure façon, de son point de vue, d’introduire l’état d’urgence.
PAS UN PUTSCH, MAIS LA PREMIÈRE REVOLUTION DE COULEUR
1. Il y a 29 ans, le soir du 19 août 1991, les citoyens de l’Union soviétique, en allumant leur téléviseur, ont vu sur l’écran la speakerine du programme de nouvelles “Vremia” Vera Shebeko, qui, baissant la tête sur le papier, a commencé à lire le texte de la déclaration du Comité d’ État sur l’état d’urgence (GKChP ): “En relation avec l’impossibilité pour des raisons de santé de Mikhail Sergueïevitch Gorbatchev d’exercer les fonctions de président de l’URSS et le transfert, conformément à l’article 127 de la Constitution de l’URSS, des pouvoirs du président de l’URSS au vice-président de l’URSS Yanaev Guennadi Ivanovitch …”
Ainsi ont commencé les événements qui ont lancé le mécanisme de l’effondrement accéléré de la deuxième superpuissance de la planète, la destruction du centre du socialisme mondial, et ont ouvert l’ère de la domination indivise de l’impérialisme américain. Ce furent des jours vraiment tragiques, qui ont jeté une ombre noire non seulement sur le sort des générations plus âgées qui ont fondé l’Union soviétique mais bien au-delà. Ils se feront sentir pendant longtemps par les explosions retardées de bombes politiques placées il y a des décennies.
Une telle explosion retardée a déjà été entendue dans Minsk fraternelle. Je veux dire le “Minsk Maidan” qui a débuté dans la nuit du 9 au 10 août, dont le développement est plein de surprises. Mais une chose est sûre: il existe un lien généalogique essentiel entre lui et ce que nous appelions la «défense de la Maison Blanche» à Moscou en 1991. Et cela, comme il est déjà clair pour beaucoup maintenant, près de 30 ans plus tard, fut l’une des premières «révolutions de couleur».
2. Quand les gens parlent d’août 1991, ils se souviennent généralement de la formation du GKChP et de ses actions (la conférence de presse de ses membres, les plans ouverts de tentative d’assassinat contre le pouvoir soviétique, l’introduction des troupes à Moscou). De plus, ces événements sont souvent appelés “putsch”, et GKChP – “junte”. Et cela n’est pas seulement fait par nos ennemis idéologiques, mais aussi mécaniquement répété par nos camarades d’armes, représentants du camp populaire patriotique de gauche. Et pourtant, cette phraséologie nous est étrangère, imposant une perception ouvertement calomnieuse de ces événements. On appelle putschs les coups d’État militaires qui ont lieu dans les pays du tiers monde (généralement en Amérique latine) et conduisent au pouvoir des forces pro-américaines, d’extrême droite et pro-fascistes. «Junte» est également une définition collective de diverses dictatures militaires d’Amérique latine, qui sont «célèbres» pour leur persécution illégale, la torture et l’exécution de représentants de gauche et communistes. Les Eltsinistes ont collé les mots «putsch» et «junte» aux défenseurs du système soviétique en août 1991 afin de discréditer leurs opposants, de suggérer aux masses, qui croyaient en l’idéal socialiste, qui pensaient en termes d’antifascisme, que les Gekachepistes étaient des «gorilles fascistes» comme Augusto Pinochet au Chili ou Jorge Videla en Argentine, contre qui tous les moyens sont bons. Comme on dit, c’est vraiment rejeter sur autrui ses propres turpitudes.
Le Comité d’urgence de l’État était le gouvernement légitime du pays. Les documents du Comité de l’état d’urgence ont été élaborés au printemps 1991 sous la direction de Gorbatchev lui-même (il existe de nombreux témoignages à ce sujet, à commencer par les mémoires d’Anatoly Loukianov). En août, Gorbatchev, dans une situation difficile – avant la signature d’un nouveau traité d’Union, est parti en vacances en Crimée, au courant de l’état d’urgence imminent. C’est vers lui à Foros qu’un groupe de «gekachepistes» est arrivé avec un rapport. Il n’était pas du tout isolé, avait accès aux communications par satellite du gouvernement, connaissait le cours des événements à Moscou. Comme d’habitude, il voulait, en faisant semblant d’être malade, se cantonner en Crimée et, par les mains des conservateurs, faire face à son dangereux ennemi personnel – Eltsine.
Le chef du Comité d’urgence de l’État, Guennadi Yanaïev, a pris les rênes du pays en stricte conformité avec la Constitution du pays (il n’y a donc aucune raison de parler d’un coup d’État ou d’une prise de pouvoir, et plus tard, même le tribunal d’Eltsine a été contraint d’abandonner l’accusation de putsch). L’imposition de l’état d’urgence était tout à fait justifiée et, à l’été 1991, il était déjà un peu tard. «La perestroïka selon Gorbatchev» avait conduit le pays dans une impasse. L’économie de l’Union soviétique battait de l’aile. Les républiques baltes étaient déjà séparées économiquement de l’URSS. Un conflit armé civil avait éclaté en Transcaucasie. La déclaration du GKChP a noté à juste titre que de nouveaux mouvements sur cette voie désastreuse conduiraient le pays à l’effondrement. Hélas, l’évolution ultérieure des événements l’a confirmé.
De plus, contrairement aux vrais putschistes et aux «juntistes», les membres du Comité d’urgence de l’État n’étaient pas des marionnettes anti-communistes pro-américaines, mais au contraire des communistes soviétiques et russes, fervents partisans du socialisme existant construit par leurs pères et grands-pères. Ils ont résisté du mieux qu’ils pouvaient à l’expansion rampante américaine et occidentale et voulaient empêcher la perte de l’indépendance réelle de notre patrie.
Et ils n’étaient pas des “dictateurs militaires”. Il n’y avait parmi eux que trois ‘siloviki’ – Pougo, Yazov et Krioutchkov. Mais le GKChP était un gouvernement en période d’urgence, et comment un gouvernement peut-il se passer de la “sûreté”? Tous les 5 autres membres du GKChP étaient purement civils. Guennadi Yanaev, chef du Comité d’urgence de l’État, est un permanent du parti, docteur en histoire, qui avait jadis commencé comme ingénieur. Oleg Baklanov un ancien ministre du génie mécanique de l’URSS, avant de devenir député, il a dirigé le programme de création de la navette soviétique Bourane. Starodoubtsev – président de l’Union paysanne de l’URSS, président du Kolkhoz Toula du nom de Lénine, Tizyakov, qui venait de l’Oural – président de l’Association des entreprises d’État et des objets industriels. Qu’est-ce que cela a à voir avec la junte de Pinochet, qui était entièrement composée de généraux (même les recteurs des grandes universités sous Pinochet étaient nommés parmi les militaires)?
Le caractère essentiellement civil, protecteur et pacifique du Comité d’urgence a en fait prédéterminé son effondrement. Comme on l’a appris plus tard, Yanaev, qui n’avait jamais tenu de mitrailleuse entre ses mains, répétait sans cesse d’une voix tremblante: si une seule personne meurt, je ne me le pardonnerai jamais …
Les vrais putschistes et la junte (avec quelques variantes) étaient Eltsine et sa camarilla de “démocrates autoproclamés” (à l’époque on appelait “démocrates” les partisans du capitalisme) et les généraux traîtres Gratchev, Kobets, Chapochnikov et d’autres qui les ont rejoints. Les Eltsinistes ne se sont pas contentés de prendre le pouvoir avec l’aide de leurs mentors américains, comme Pinochet au Chili, ils n’étaient pas seulement prêts à sacrifier la vie de leurs partisans naïfs – des milliers de Moscovites ordinaires qu’ils ont exhortés à venir à la Maison Blanche pour “défendre la démocratie” (l’un d’eux a exprimé sa volonté de “bombarder le Kremlin”). Comme il s’est avéré plus tard, ils ne le cédaient en rien au général Pinochet pour persécuter le Parti communiste et même tirer sur les communistes et, de plus, ont mis en œuvre les réformes néolibérales à la Pinochet, et même le dictateur-fanatique chilien lui-même faisait l’objet d’une vénération “touchante” dans leurs médias.
Certes, la technologie du coup d’État d’Eltsine en 1991 était différente de celle du Chili. Ce fut, comme je l’ai dit, l’une des premières “révolutions de couleur”.
3. Comme vous le savez, les politologues ont qualifié le chapelet de coups d’État pro-américains qui ont balayé le territoire de l’ex-URSS, de l’Europe de l’Est et du monde arabe dans les années 2000 de «révolutions de couleur». Il s’agit par exemple de la “Révolution des roses” en Géorgie (2003), de la “Révolution orange” en Ukraine (2004), de la “Révolution des tulipes” au Kirghizistan (2005), des “rubans blancs” ou révolution de “neige” en Russie (2011 –2012), l’Euromaidan en Ukraine (2013–2014).
En fait, appeler ces actions des “révolutions”, c’est vraiment dénaturer la situation. Nous sommes habitués à considérer comme des révolutions de larges mouvements sociaux qui couvrent de vastes couches populaires et conduisent à des changements significatifs dans le système politique, économique et social. Telles sont, par exemple, la Grande Révolution française de 1789 ou la Grande Révolution socialiste d’octobre 1917. Les «révolutions de couleur» sont des coups d’État d’en haut, largement contrôlés de l’extérieur, par des ambassades étrangères, des centres de science politique et de renseignement, s’appuyant sur une jeunesse bien nourrie et la classe moyenne des capitales. À la suite de tels coups d’État, une partie différente, plus pro-occidentale de la même ancienne “élite” arrive au pouvoir (par exemple Saakachvili sous Chevardnadze ne moisissait pas dans les prisons ou en exil, comme Lénine et Staline sous le tsar, mais était ministre). Les larges masses populaires ne soutiennent pas de tels coups d’État, au mieux, elles sont déconcertées, sombres et silencieuses, ne comprennent pas ce qui se passe, et le plus souvent elles grondent faiblement, mais n’ont pas les mécanismes pour s’organiser et exprimer leur opinion. De tels événements ne peuvent être qualifiés de révolutions qu’en mettant les mots «révolution» et «révolutionnaires» entre guillemets.
Soit dit en passant, les régimes mis en place après les «révolutions de couleur» ne sont pas du tout démocratiques. Ils n’utilisent que les oripeaux de la démocratie, ses symboles. En fait, ils sont beaucoup plus intolérants envers les dissidents, beaucoup moins libres. Un exemple frappant est l’Ukraine après l’Euromaïdan.
C’est peut-être la propriété principale des «révolutions de couleur». Ce sont des fantômes, des simulacres, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas du tout ce qu’ils prétendent être. Les “révolutionnaires” invoquent du soutien du peuple, mais ce sont surtout la bourgeoisie de la capitale et les jeunes qui se soulèvent. Les “révolutionnaires” parlent d’indépendance nationale, mais derrière eux se trouvent des ambassades étrangères, et dans les cas les plus extrêmes, comme en Irak et en Libye, même des troupes étrangères. Les “révolutionnaires” maudissent “l’ancien régime”, mais eux-mêmes ne sont que des traîtres, des parjures de ce régime. Cette hypocrisie est particulièrement perceptible dans les expressions obligées selon lesquelles «il ne s’agit que d’une manifestation pacifique de citoyens ordinaires sortis sans armes pour affronter les troupes et la police». En fait, il y a toujours des formations quasi-militarisées du côté des “révolutionnaires” (comme les «anciens combattants», anciens responsables militaires et de sécurité, ultras du football, groupes néo-nazis formés aux tactiques de combat de rue contre la police et l’armée). Et leur objectif n’est pas de minimiser la violence, mais au contraire de provoquer l’escalade, l’agression de la police et de l’armée, qui sera filmée et reproduite par des journalistes occidentaux. Le sommet de leurs aspirations est de recevoir des «victimes sacrificielles» (comme la ‘Centurie céleste’ en Ukraine), qui seront transformés en «héros de la révolution» et serviront à créer une mythologie. Certains analystes politiques russes suggèrent que les «révolutions de couleur» sont des phénomènes complètement artificiels, elles peuvent être facilement provoquées n’importe où, pourvu qu’il y ait un désir de l’Occident et de l’argent. C’est une illusion destinée à caresser les oreilles de ceux qui sont au pouvoir car, s’il y a un «Maidan» en Russie, alors les autorités ne seraient pas à blâmer, tout le blâme retombant sur l’ambassade américaine. Mais l’opinion opposée est aussi une illusion – que les «révolutions de couleur» sont inévitables, comme de vraies révolutions profondes. Ce n’est pas le cas, elles peuvent être évitées, et quand elles commencent, elles peuvent être contrecarrées avec succès (comme lors de la “révolution des bleuets” en Biélorussie).
Après cette nécessaire digression théorique, revenons aux événements d’août 1991 à Moscou.
4. Commençons par l’influence étrangère sur Eltsine et les gens de la Maison Blanche en août 1991. Après la publication de nombreux mémoires de participants aux événements, d’ouvrages de science politique, de recherche historique, celle-ci n’est un secret pour personne. Par conséquent, je ne dirai rien de nouveau ici et je répéterai les faits connus. Mais d’abord, je voudrais rembobiner un peu la bande de l’histoire. Car les origines de ces événements remontent aux années 40 et 50. À la fin des années 40, le président Harry Truman a ordonné la préparation d’un plan de bombardement nucléaire de l’Union soviétique. Les Américains voulaient mettre fin à la «superpuissance communiste» rapidement et radicalement. Mais malheureusement pour eux, l’Union soviétique a créé son propre “bouclier atomique” (qui protège toujours la Russie et la sauve du sort de l’ex-Yougoslavie, cependant, cela n’empêche pas Poutine “et ses camarades” de jeter de la boue sur leurs sauveurs – les dirigeants communistes soviétiques) … Puis une nouvelle guerre a commencé contre l’URSS, une guerre informationnelle et idéologique, au cours de laquelle le bombardement de la population par la propagande s’est accompagné du travail en filigrane des services de renseignement occidentaux. Tant que l’URSS était forte à la fois économiquement et politiquement et que la foi de ses citoyens dans l’idéal socialiste était ferme, les efforts de l’Occident ont été vains. Mais peu à peu, la corrosion idéologique a eu lieu dans les cercles de la direction de notre pays, leur politique ne correspondait pas aux défis de l’époque, les phénomènes de crise prenaient de l’ampleur dans l’économie, et une partie des citoyens ont été conquis par le matérialisme, le consumérisme, le culte occidental, bref, l’«embourgeoisement». Ces processus se sont développés particulièrement rapidement pendant l’ère de la perestroïka. Conçue comme un programme de réformes pour la société soviétique, dont elle avait vraiment besoin alors, la perestroïka s’est transformée en catastrophe – un programme de destruction de l’État socialiste. Au début, les initiateurs maladroits de la perestroïka avait apparemment encore des idéaux résiduels et ont détruit notre maison par ignorance de la société dans laquelle ils vivait, comme l’écrit S.G. Kara-Murza. Puis, alors que les puissances occidentales «travaillaient» la direction du Pays des Soviets, approfondissaient leur influence sur les processus en URSS, les traces d’une influence délibérément néfaste sont devenues visibles.
Avec l’autorisation du gouvernement soviétique, une branche de la Fondation Soros, la Fondation Soros-Union soviétique, a été ouverte dans le pays. Elle a financé la publication de la littérature antisoviétique, payé les voyages aux États-Unis et dans les pays occidentaux de politiciens radicaux «démocratiques» (en fait, agressivement néolibéraux) (tels que Tchoubaïs, Gaidar, Starovoitova). Eltsine s’est vu payer deux fois un voyage aux États-Unis, où le partisan de la perestroïka «accélérée», «approfondie» a rencontré des politiciens, des agents du renseignement, là il a reçu un honoraire d’un million de dollars pour un livre concocté à partir de discours des référents.
En URSS, le Cribble Institute opérait légalement, c’était, comme on dirait maintenant, une ONG américaine, qui fournissait aux «démocrates radicaux» du matériel de copie occidental (que l’on ne pouvait pas acheter en URSS). Grâce à cela, les organisations antisoviétiques ont inondé le pays à la fin des années 1980 avec leurs tracts illégaux (comme Svobodnoye Slovo de V. Novodvorskaya).
En 1991, quand il est devenu clair que les «forces conservatrices» de la direction soviétique allaient tenter de prendre leur revanche, les mentors américains des «démocrates» ont mis en route leur «accélération». Le maire de Moscou de l’époque, Gavriil Popov, a admis plus tard qu’avant même le coup d’État, il avait vu des papiers secrets dans les hautes fonctions, décrivant divers scénarios pour l’imposition d’un état urgence et les réactions d’Eltsine et des «démocrates».
Ainsi, Eltsine et les Eltsinistes avaient un “manuel” (comme dans la Biélorussie d’aujourd’hui), selon lequel ils agissait. Mais pas seulement un manuel de formation, mais aussi des «instructeurs».
En 1994, le journaliste américain Seymour Hersh a écrit le livre “The Wild East” sur les événements en URSS en 1991. Le livre a été remarqué en Amérique, le Washington Post a écrit à son sujet (numéro du 15 mai 1994). C’est naturel, le livre s’inscrit tout à fait dans le concept qui prévaut aux États-Unis, selon lequel il n’y a pas eu de «révolution démocratique» contre les «communistes totalitaires» à Moscou en août 1991 (contrairement à ce qu’Eltsine et sa camarilla nous assuraient tout au long des années 90). Mais plutôt le dernier épisode de la guerre froide, brillamment exécuté selon le scénario développé à Langley, au siège de la CIA.
En particulier, Hersh écrit: « … Eltsine à l’époque a reçu une aide importante … de la CIA », qui « avant même le ‘putsch’ avait amélioré sa sécurité personnelle et le secret des communications, et lorsque le ‘putsch’ a commencé, le président Bush père a ordonné de fournir à Eltsine une importante aide au renseignement … Plus précisément, la CIA a ensuite fourni à Eltsine des données sur l’interception des négociations du GKChP avec les commandants de districts et de divisions … et a également envoyé un signaleur de l’ambassade américaine avec un équipement spécial à la Maison Blanche, donnant à l’équipe d’Eltsine la possibilité de parler directement avec les chefs militaires et même avec le commandement d’Alpha, les convainquant de rester sur place. »
Il y a un épisode similaire dans les mémoires de R. Khasboulatov (qui était alors encore l’associé d’Eltsine). Il s’avère qu’Eltsine, après avoir reçu un message sur l’assaut présumé imminent contre la Maison Blanche, avait décidé de se réfugier à l’ambassade américaine (située en face de la Maison Blanche), mais Rouslan Imranovitch (comme il le prétend lui-même) en a dissuadé le président de la RSFSR. De cela, il apparaît clairement qu’Eltsine avait un accord avec l’ambassade américaine pour son évacuation. Et on ne sait pas ce que les diplomates américains exigeaient de lui en échange de leur protection …
Ce fait est également confirmé par le secrétaire d’État russe de l’époque, Guennadi Bourboulis. Dans une interview accordée au magazine américain Foreign Policy, il a révélé le nom de la personne par l’intermédiaire de laquelle les locataires de la Maison blanche maintenaient le contact avec l’Occident: «Grâce à Kozyrev, à des diplomates en poste à Moscou, et à Eltsine lui-même, qui leur parlait sans relâche au téléphone, le soutien de l’Occident a grandi. Les Américains ont même proposé à Eltsine et à son gouvernement d’assurer son évacuation par l’ambassade américaine. »
5. Comme on sait, les «révolutions de couleur» échouent si certains des hauts dirigeants de l’armée, de la police et des services de sécurité ne se rangent pas du côté des révolutionnaires. Le succès des Eltsinistes a également été prédéterminé par la trahison des responsables de la sécurité, et surtout des militaires.
Il faut noter que dans les structures de pouvoir – le ministère de l’Intérieur, le KGB, l’armée – les partisans d’Eltsine se recrutaient surtout parmi les commandants de rang intermédiaire (des majors aux lieutenants-colonels), ce qui est compréhensible : ils espéraient faire carrière sous le nouveau gouvernement. Et les partisans du GKChP se concentraient parmi les officiers subalternes et les généraux. De plus, il y avait clairement plus de conservateurs, selon A. Tsyganka, 45 à 50% des officiers de la garnison de Moscou ont déclaré qu’ « ils exécuteraient tous les ordres du Comité d’urgence de l’État, 20-25% soutiennent le nouveau gouvernement russe, 30-35% ont pris une attitude attentiste ». En général: «Du côté du GKChP se trouvaient les Forces de défense aérienne soviétiques sous le commandement du colonel-général Ivan Tretyak et la plupart des forces terrestres. […] Le Comité d’urgence de l’État était soutenu par la plupart des officiers du KGB et du ministère de l’Intérieur de l’URSS, ainsi que par les troupes aéroportées avec tous leurs commandants. »
Mais c’est parmi les parachutistes qu’est apparu un traître, qui a joué un rôle important dans la victoire des “Eltsinistes”. C’était le commandant adjoint des forces aéroportées pour l’entraînement au combat et les Écoles militaires, le général de division Alexandre Lebed. Le 19e bataillon aéroporté de la division de Toula avec 30 véhicules de combat aéroportés (BMD) avait été mis à la disposition de Lebed et celui-ci avait pour tâche de percer les défenses de la Maison Blanche, prendre le quartier général d’Eltsine et arrêter les «chefs». L’opération était baptisée “Tonnerre”. Lebed avec ses parachutistes s’est mis en marche pour l’exécuter dans la soirée du 20 août. L’attaque était prévue pour la nuit du 20 au 21. Au moment où le lourdaud général à la voix de basse a reçu l’ordre, il s’est vanté qu’il prendrait la Maison Blanche en deux heures. Il a seulement demandé des drapeaux de couleur sur les blindages, afin que les défenseurs prennent les parachutistes «pour les leurs» et les laissent passer. Effectivement, Routskoi est descendu voir les blindés (en 1991 il était la «main droite» d’Eltsine, son «vice-président»). Après avoir parlé avec son ami à la voix caverneuse, il a emmené Lebed dans le bâtiment, où ils ont parlementé avec Eltsine pendant un long moment. En sortant, Lebed a déclaré qu’il “ne tirerait pas sur le peuple” et a ordonné à ses parachutistes “de défendre la démocratie”. Après la «victoire de la démocratie», Lebed de commandant de la 106e division est passé du jour au lendemain commandant de la 14e armée. Et après 2 ans, il a trahi son ami Routskoi, qui à ce moment-là était devenu un ennemi d’Eltsine …
Un rôle fatal a également été joué par la trahison du commandant des forces aéroportées, le vice-ministre de la Défense de l’URSS, le général Pavel Gratchev (qui entretenait secrètement une liaison téléphonique avec Eltsine, même lorsque, avec Yazov, il développait la stratégie militaire du Comité d’urgence de l’État). Bientôt, Eltsine fera de Gratchev le ministre de la Défense de la Fédération de Russie (éjectant le général Kobets, qui lui était fidèle). Gratchev devait par la suite organiser un massacre sanglant en Tchétchénie et obtenir le surnom méprisant Pacha-Mercedes.
Ces personnages ne différaient pas beaucoup de leurs «collègues en trahison» qui ont assuré l’arrivée au pouvoir des «révolutionnaires» en Yougoslavie, en Géorgie, en Ukraine 10 à 15 ans plus tard. Ainsi, en février 2014, le chef d’état-major général d’Ukraine, commandant en chef des forces armées ukrainiennes, le colonel général Volodymyr Zaman a reçu l’ordre du président Ianoukovitch de “nettoyer” l’Euromaïdan. Il a refusé de l’exécuter, disant, comme Lebed, de belles paroles qu’«il n’est pas en guerre avec le peuple». En fait, la direction du Maidan lui avait promis le poste de ministre de la Défense dans le nouveau gouvernement. Et il l’aurait obtenu, s’il n’y avait pas eu… des preuves compromettantes du SBU. Les services secrets ont fourni à Tourtchinov des informations sur la corruption et le protectionnisme de Zaman à un niveau totalement indécent (il avait même réussi à caser sa fille enceinte comme officier supérieur!). Zaman n’a jamais reçu ses “deniers”, et c’est un membre du parti Svovoda [extrême droite, NdT], Tenyukh, qui est devenu ministre… Eh bien, il a répété le sort de notre Kobets …
6. Tournons-nous maintenant vers la foule – la rue en colère, qui devrait symboliser le peuple. Comme je l’ai déjà dit, c’est toujours une foule métropolitaine, qui n’a rien à voir avec les vrais gens et qui est organisée par des provocateurs via des messagers Internet. Ici aussi, une coïncidence complète avec la «défense de la Maison Blanche». Internet regorge de reportages photographiques dépeignant les «défenseurs de la démocratie». Voici le jeune Makarevitch sur les barricades. Voici le musicien de renommée mondiale Rostropovitch endormi avec une arme sur ses genoux. Voici des pompiers à lunettes, barbus et des étudiants en pulls, en vestes d’escouade de construction, debout main dans la main, formant une chaîne sensée bloquer le chemin des chars et des véhicules blindés. Ce sont des photographies de correspondants occidentaux, destinées à montrer au public de leurs pays quels «excellents idéalistes» «s’opposaient à l’armée totalitaire».
Cependant des faits bien connus dont les témoins oculaires se souviennent viennent contredire cette image heureuse. Par exemple, nous savons tous que parmi les “défenseurs de la Maison Blanche” il y avait non seulement “le brillant et excentrique Rostropovitch”, mais aussi le futur terroriste Shamil Basayev (pendant que son futur patron Doudaïev envoyait un message de félicitation à Eltsine). S.G. Kara-Murza a écrit que des mafieux se rendaient dans des voitures de luxe à la Maison Blanche, distribuaient de la nourriture, de l’eau, de l’argent et demandaient seulement «que les coopératives ne soient pas interdites». Grâce aux affaires privées autorisées par Gorbatchev, les bandits et les parrains du marché noir blanchissaient leur «argent sale».
Et bien sûr, les travailleurs, les gens ordinaires étaient en minorité sur les barricades de la Maison Blanche. La «force de frappe» de la ‘katastroïka’ antisoviétique en général était constituée d’un mélange de nomenklatura, de parrains du crime organisé et d’intelligentsia parjure. Et on retrouvait les mêmes sur les barricades.
La province observait silencieusement ce qui se passait à Moscou. La plupart des gens ordinaires sympathisaient avec les proclamations du GKChP selon lesquels la perestroïka avait conduit le pays dans une impasse et que tout pouvait se terminer par l’effondrement de l’État. Mais les personnalités des Gekachepistes provoquaient un certain rejet. Ils étaient presque inconnus du peuple. Si les libéraux avaient un personnage bien connu de tous – Eltsine, les conservateurs, hélas, n’en avaient pas. Ils se sont comportés de manière indécise, parfois lâche, de plus, ils ne voulaient pas se distancer de Gorbatchev, qui à ce moment-là était devenu extrêmement impopulaire parmi le peuple.
Dans le même temps, il faut noter que certains cercles à la direction du Parti et de l’Etat préparaient progressivement mais avec persistance un «mécontentement populaire». En 1990, une «crise du tabac» éclate soudainement dans le pays. 16 des 24 usines de tabac de l’Union soviétique ont été “fermées pour réparation” du jour au lendemain. Les ‘papirossy’ [cigarettes russes, munies d’un ‘filtre’ en carton, NdT] et cigarettes ont disparu des magasins. Une vente de produits du tabac par tickets de rationnement a été organisée, mais ils étaient encore rares. Les spéculateurs dans les rues vendaient sous le manteau un paquet de “Cosmos”, qui coûtait 70 kopecks, pour 7 roubles! Les plus âgés se souviennent que les grands-mères devant les magasins offraient des mégots de cigarettes dans des bocaux en verre: 10 kopecks un mégot de cigarette. Des citoyens assez honnêtes, épuisés par la faim de nicotine, suppliaient les passants: « Laisse-moi ton mégot »! Les gens étaient tellement à cran que des émeutes du tabac ont commencé. À plusieurs reprises à Moscou et à Leningrad, des foules de fumeurs ont bloqué des routes et détruit des kiosques de tabac vides. Nikolai Ryjkov, alors président du Conseil des ministres, a admis plus tard que la crise était artificielle. L’ordre d’arrêter les usines simultanément a été donné personnellement par Eltsine, qui était devenu le président de la RSFSR. Gorbatchev, en présence de Ryjkov, a crié à Eltsine: «Pourquoi avez-vous fait cela, Boris Nikolaïevich?!», Mais l’autre a seulement souri d’un air suffisant. Gorbatchev a été contraint d’acheter des cigarettes aux États-Unis pour 300 millions de dollars. Avec cet argent, il aurait été possible de moderniser toute l’industrie du tabac!
La pénurie alimentaire était également largement artificielle. Les libéraux aiment maintenant montrer aux jeunes des photos de comptoirs vides dans les magasins soviétiques en 1990. Mais ils oublient de dire que, par exemple, la production de viande en 1987 avait augmenté de 130% par rapport à 1980. L’équipe de Gorbatchev a contracté d’énormes prêts de l’Occident et acheté avec de nombreux produits alimentaires. Où sont-ils passés? Youri Prokofiev, l’ancien 1er secrétaire du Comité municipal de Moscou du Parti communiste de l’Union soviétique, se souvient: «Sur les routes d’accès à Moscou, il y avait des trains avec du beurre, du fromage, de la viande, il y avait des camions réfrigérants qui n’étaient pas autorisés à entrer à Moscou» et explique: «Il y a un document: le discours de Popov au groupe de députés interrégional, où il a dit qu’il était nécessaire de créer une telle situation avec le ravitaillement, afin que la nourriture soit distribuée avec des coupons de rationnement ».
Les «démocrates» – Eltsine, Popov, Gaïdar etTchoubaïs espéraient que, par leur sabotage, ils amèneraient le peuple à un état tel qu’il soutiendrait ses «réformes». Mais ils ont mal calculé. Le peuple, bien sûr, était en colère, mais il n’était pas pressé d’abandonner le socialisme et l’amitié soviétique entre les peuples. Lors du référendum de 1991, la majorité des citoyens soviétiques a soutenu la préservation de l’Union. Et l’état d’urgence proclamé par le Comité d’urgence de l’État a été salué par beaucoup dans les provinces, dans les républiques d’URSS, parmi le «peuple profond». Le Comité d’urgence de l’État a été ouvertement soutenu par les travailleurs de la RSS de Biélorussie en la personne du chef du Soviet suprême de l’époque, Dementey, et des habitants du Kazakhstan en la personne du chef de la république, Nazarbayev. Il n’y avait pas une seule république de l’URSS (à l’exception des républiques baltes déjà séparées), où se seraient dressées des barricades contre le Comité d’urgence de l’État, comme devant la Maison Blanche de Moscou. Même la rebelle “Géorgie de Gamsakhurdia” a reconnu les ordres du Comité d’urgence de l’État.
Le secrétariat du GKChP a reçu des milliers de télégrammes de soutien de villes et villages russes – d’ouvriers, de fermiers collectifs, d’enseignants, de collectifs d’hôpitaux et de polycliniques, sans parler des unités militaires et des unités du ministère de l’Intérieur.
Soit dit en passant, le peuple soviétique, qui ne voulait pas que la désastreuse perestroïka se poursuive, a également reçu un soutien international. Contrairement à l’Amérique, la France, représentée par son président, le socialiste François Mitterrand, a exprimé sa volonté de coopérer avec le Comité d’urgence de l’État comme avec la «nouvelle direction légitime de l’URSS». Les camarades de la République populaire de Chine, ainsi que le chef de la Jamahiriya socialiste arabe Mouammar Kadhafi, ont soutenu le Comité d’urgence. Tout cela a agi de manière très encourageante pour les partisans du Comité d’urgence dans le pays.
7. Il ne reste plus qu’à parler des «victimes sacrificielles» – également attribut inévitable de tels bouleversements. Les Eltsinistes, Dieu merci, n’avaient pas de «Centurie Céleste», ils se limitaient à trois «victimes de la démocratie». Mais d’un autre côté, les circonstances de leur mort caractérisent très bien les mythes sur les «manifestations pacifiques» dans le cas des «révolutions de couleur».
Décrivons-les brièvement. Tard dans la soirée du 20 août, lorsque les véhicules de combat d’infanterie de l’armée ont commencé à partir vers la place Smolenskaya (c’est-à-dire déjà dans la direction opposée à la Maison Blanche), des «manifestants pacifiques» leur ont tendu une embuscade, plaçant deux trolleybus sur leur chemin. C’est alors que périrent les «victimes sacrées» – Dmitri Komar, Ilya Krichevsky et Vladimir Ousov, à qui Gorbatchev a donné plus tard le titre de héros de l’Union soviétique à titre posthume. Une commission entière a enquêté sur les causes de leur décès. Elle a réussi à établir que 7 véhicules de combat d’infanterie étaient bloqués par des trolleybus. 6 d’entre eux ont réussi, en manœuvrant, à s’échapper du piège et à partir sur une courte distance. Et le 7ème est resté coincé. La foule enragée se précipita vers elle, brandissant des barres de fer et lançant des cocktails Molotov. Kromar est monté sur un véhicule de combat d’infanterie (il était un “Afghan” [ancien de l’Afghanistan, NdT] et connaissait la structure de la machine) et a jeté une bâche en feu sur la fente d’observation. Ensuite, le conducteur a essayé de manœuvrer et de rejeter la bâche, en tournant, Kramar est tombé du blindage, s’est cogné la tête et est tombé sous les roues. La foule est devenue furieuse et a commencé à lancer des bouteilles avec un mélange combustible sur le blindé. La voiture a pris feu, l’équipage a commencé à sortir. Lorsque le soldat Boulytchev, chauffeur-mécanicien, est apparu, l’un des «démocrates pacifiques» lui a jeté de l’essence et les vêtements du soldat ont pris feu. Mais avec ses camarades ils ont sauté sur l’asphalte, éteint les flammes (le chauffeur a reçu des brûlures) et se sont abrités derrière le blindage. La foule (dont la majorité était à des degrés divers d’intoxication) les a attaqués et a commencé à lancer des bouteilles, des bâtons et des planches (fragments de caisses de vodka, que la commission a trouvés en grand nombre). Dans la panique, les soldats ont commencé à tirer obliquement vers le haut (à partir des positions assises et couchées) pour effrayer les gens en tirant au-dessus de leurs têtes. Une balle a accidentellement touché Kritchevsky, une autre a rebondi sur le blindage et frappé Oussov. Mais ce tir automatique a permis aux soldats de se replier sur d’autres véhicules de combat d’infanterie et de s’échapper. La commission les a déclarés non coupables de la mort des «héros».
8. Ainsi, la «révolution de couleur» de Moscou en 1991 s’est déroulée à peu près comme ça. Depuis l’ère de la glasnost, l’influence américaine et, plus largement, occidentale sur la «classe dirigeante» en URSS s’était accrue. Presque tous les principaux dirigeants des «démocrates» étaient «sous le bocal», ils étaient conditionnés, on leur donnait des «idées commodes». En 1991, des scénarios de «révolution de couleurs» ont émergé à Moscou en réponse à la réaction attendue des conservateurs. Eltsine s’est vu garantir l’asile à l’ambassade, l’aide de spécialistes militaires occidentaux, d’agents de renseignement et de soutien médiatique. Des agents d’influence ont travaillé parmi les dirigeants des forces de sécurité pour pousser au moins quelqu’un à se mettre du côté des «défenseurs de la démocratie». Ils se préparaient à transformer les défenseurs civils de la Maison Blanche en «boucliers humains» et en «victimes sacrificielles». Ils préparaient le mécontentement des masses.
Tout s’est déroulé encore plus facilement que prévu. Les gekachepistes n’ont pas osé donner l’ordre d’un véritable assaut, et quant aux traîtres à la patrie parmiles dirigeants militaires et les «victimes sacrificielles» parmi les manifestants, ils sont «apparus spontanément».
Quand tout fut fini, l’objectif principal des «scénaristes» apparut clairement. Entre septembre et décembre 1991, plus de 80% des officiers supérieurs et des représentants du personnel du commandement intermédiaire ont été démis de leurs fonctions de l’armée, du KGB et du ministère de l’Intérieur. Presque tous étaient des partisans du Comité d’urgence. Ils ont été remplacés par des «partisans de la démocratie». Il y a eu une rotation dans la direction des forces de l’ordre, l’expulsion des personnes aux vues conservatrices, prosoviétiques et prosocialistes. Il est facile de deviner que c’était le vrai but poursuivi par la «révolution de couleur» appelée «défense de la Maison Blanche». La voie de la transition vers le capitalisme et de la transformation du pays en appendice de matières premières était ouverte.
Beaucoup parmi les patriotes pensent que les scénaristes du «Maïdan» de Moscou de 1991 préparaient déjà l’effondrement de l’URSS. Je pense que c’est une idée fausse. D’après les mémoires de l’ambassadeur américain de l’époque,Matlock, et du président Bush père, il est clair qu’à l’étranger, ils avaient terriblement peur de l’effondrement de l’Union soviétique, car ils pensaient que les événements suivraient le modèle yougoslave (en effet, 3 républiques de l’URSS avaient des armes nucléaires). Bush s’est même rendu en Ukraine et a tenté de persuader les membres de la Verkhovna Rada de ne pas accepter la déclaration d’indépendance. Les Américains soutenaient Gorbatchev et voulaient que l’URSS s’affaiblisse, la transformant en une confédération lâche et inapte, la CEI, où le président, c’est-à-dire Gorbatchev, serait quelque chose comme un «monarque constitutionnel» impuissant, mais avec une mallette nucléaire, qui serait surveillée avec vigilance par des «experts étrangers». … Belovej était une performance amateur d’Eltsine,et donc il a immédiatement appelé Bush poussé par la peur. Il a négocié le soutien américain en échange d’une promesse de ne pas changer les frontières, de ne pas déclencher de conflits territoriaux, de prendre en main les missiles nucléaires et de les mettre sous le contrôle de conseillers étrangers.
9.La première «révolution de la couleur» dans l’espace soviétique a 29 ans. Depuis lors, l’Occident a accumulé une grande expérience et en a amélioré la technologie à plusieurs reprises. Sous nos yeux, quelque chose de similaire se passe en Biélorussie. Bien sûr, tout n’est pas parfait chez nos voisins, il y a de la lassitude et de l’irritation des gens avec le long règne d’une seule et même personne, le décret sur les parasites, la “dissidence de la couronne”, la brutalité policière lors de la dispersion des manifestants. Mais en général, les gens sont reconnaissants à « Bat’ka » pour la préservation de l’industrie, pour l’État-providence. En revanche dans les grandes villes et surtout à Minsk on observe tout ce que nous avons vu plus d’une fois à Moscou en 1991, à Tbilissi en 2003, à Bichkek en 2005, à Kiev en 2014. Des voyous brutaux aux cheveux courts, armés de bâtons et de pelles, provoquant la police, puis – sur les caméras de photographes occidentaux – des filles paisibles en robes blanches.Des diplomates occidentaux hypocrites, avec des airs de carême pleurant «pour les victimes de l’arbitraire» (les mêmes diplomates dans les bureaux desquels ont été élaborés les scénarios qui prévoyaient cet arbitraire). Et même dans les «grèves ouvrières», dans lesquelles certains de nos gauchistes impatients ont vu éclater la «révolution prolétarienne», il n’y a rien de nouveau. Nous avons vu la même grève des mineurs en 1989. Les “défenseurs de la Maison blanche” en août 1991 avaient appelé à une “grève nationale”, mais ils n’ont tout simplement pas réussi à l’organiser.
Et nous savons parfaitement comment cela se termine. L’arrivée au pouvoir d’un gouvernement pro-occidental. La privatisation totale et l’effondrement de l’industrie. L’appauvrissement des masses et l’enrichissement d’une poignée d’oligarques. Des frais de scolarité exorbitants pour les étudiants qui, hier, chahutaient sur les places.La mise au chômage des prolétaires qui, hier encore, criaient “Va-t’en!”
Notre amère expérience apprendra-t-elle quelque chose à nos voisins?
Roustem VAKHITOV
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Daniel Arias
Le rôle des commissaires politiques dans l’Armée Rouge n’est pas évoquée.
Jukov a semble-t-il lutté contre le contrôle politique de l’Armée Rouge.
Si quelqu’un a des informations sur le sujet provenant de Russie.
Selon la CIA:
https://www.cia.gov/library/readingroom/docs/DOC_0001408626.pdf