Craig Murray https://www.craigmurray.org.uk
28 septembre 2020
C’est difficile à croire, mais la juge Baraitser a décidé vendredi [25 septembre] qu’il n’y aurait pas de discours de clôture lors de l’audience d’extradition d’Assange. Elle a accepté la proposition initialement avancée par l’avocat du gouvernement américain, selon laquelle les plaidoiries finales devraient simplement être présentées par écrit et sans présentation orale. La défense a accepté cette proposition, car elle a besoin de temps pour traiter du nouvel acte d’accusation dans les plaidoiries finales, et Baraitser n’a pas voulu que les plaidoiries aient lieu après le 8 octobre. En acceptant de présenter uniquement des arguments écrits, la défense a gagné trois semaines supplémentaires pour préparer la clôture de son dossier.
Mais toute cette audition a été effectivement tenue en secret, un secret complet qui donne un aperçu précis des structures politico-économiques de la société occidentale actuelle. L’accès physique à la salle d’audience a été extrêmement limité, la galerie publique ayant été réduite à cinq personnes. L’accès par liaison vidéo a également été extrêmement limité, 40 ONG ayant vu leur accès bloqué par la juge dès le premier jour à l’Old Bailey, dont Amnesty International, PEN, Reporters sans frontières et des observateurs du Parlement européen, parmi beaucoup d’autres. L’État et les médias de masse ont pratiquement occulté cette audience, avec une unanimité vraiment inquiétante, et malgré les implications de l’affaire pour la liberté des médias. Enfin, les entreprises qui font office de gardiens de l’Internet ont fortement entravé les messages des médias sociaux sur Assange, et le trafic vers les rares sites Web qui font des comptes rendus d’audience.
Cela me rappelle les paroles d’un autre de mes amis, Harold Pinter, dans son discours d’acceptation du prix Nobel de littérature. Cela semble parfaitement correspondre au procès de Julian Assange :
“Cela n’est jamais arrivé. Rien n’est jamais arrivé. Même si cela arrivait, cela n’arrivait pas. Cela n’avait pas d’importance. Cela n’avait aucun intérêt. Les crimes des États-Unis ont été systématiques, constants, vicieux, sans remords, mais très peu de gens en ont réellement parlé. Vous devez le reconnaître à l’Amérique. Elle a exercé une manipulation assez clinicienne du pouvoir dans le monde entier tout en se faisant passer pour une force au service du bien universel. C’est un acte d’hypnose brillant, voire spirituel, très réussi.”
Harold m’a envoyé une exemplaire de ce discours imprimé pour la cérémonie, avec une aimable dédicace écrite a la main, alors que l’écriture lui était déjà douloureuse à l’époque, avec des traces d’encre projetées de façon incontrôlée sur la page. Après sa mort, je l’ai fait encadrer et l’ai accroché au mur de mon bureau. C’était une erreur. Quand je rentrerai à Edimbourg, je briserai le cadre et je sortirai la brochure. Il faut la relire, souvent.
Les plaidoiries sont la partie de tout procès que les médias sont le plus susceptibles de rapporter. Elles résument tous les témoignages entendus des deux côtés et les conclusions qui peuvent en être tirées. Les présenter simplement sur papier, sans le drame de la salle d’audience, c’est s’assurer que l’audience restera un événement non médiatisé.
Le calendrier qui a été accepté est le suivant : la défense déposera ses conclusions finales par écrit le 30 octobre, l’accusation y répondra le 13 novembre, la défense pouvant faire une nouvelle réponse d’ici le 20 novembre, uniquement sur des questions juridiques ; Baraitser rendra ensuite son jugement en janvier. Elle a clairement indiqué qu’elle n’acceptera aucune autre requête basée sur les développements éventuels entre temps, y compris l’élection présidentielle américaine.
[Craig Murray continue avec un compte-rendu de discussions techniques sur l’encryption des mots de passe etc]
Enfin, Baraitser a entendu les arguments sur la question de savoir si le dossier médical complet d’Assange des médecins et des psychiatres qui ont témoigné devait être communiqué aux médias. La presse l’a demandé. Les dossiers contiennent une grande quantité d’informations et de nombreux détails intimes sur l’enfance et les liaisons de Julian, qui sont des témoignages mais n’ont pas été présentés en audience publique par les médecins. La défense et l’accusation se sont toutes deux opposées à la divulgation de ce dossier, mais Baraitser n’a cessé de parler de “justice ouverte”. Vous vous souviendrez qu’au début de cette année, Baraitser avait décidé qu’il était dans l’intérêt de la “justice ouverte” de communiquer aux médias l’identité de la compagne de Julian, Stella Morris, et de ses enfants. Cela aussi était contraire aux souhaits de l’accusation et de la défense.
Il est très ironique qu’une juge si déterminée à faire taire ou à refuser d’entendre les témoignages de la défense soit soudainement si préoccupée par la “justice ouverte” lorsqu’il s’agit de blesser Assange en divulguant des informations profondément personnelles. Baraitser se prononcera sur ce point lundi et j’espère que l’humanité aura prévalu avec elle. [Elle n’a pas autorisé la publication du dossier. NdT]
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