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Dieu me pardonne c'est son métier

Procès Assange, Morning Star mercredi 23, débat psychiatrique

Catherine Winch nous traduit ce jour là une bataille d’expert autour de la dépression d’Assange et des risques de suicide. L’article du Morning star est suivi de précisions de Graig Murray sur les enjeux d’un tel débat.

septembrehttps://morningstaronline.co.uk/article/b/psychiatrist-warns-assange-would-be-highly-likely-to-take-his-own-life-if-extradited-to-us

JULIAN ASSANGE souffre de “troubles dépressifs récurrents” et serait très susceptible de se suicider si son extradition est approuvée, a déclaré un psychiatre lors d’une audition aujourd’hui sur l’éventuelle extradition du fondateur de Wikileaks vers les États-Unis.
Michael Kopelman, professeur de neuropsychiatrie au Kings College de Londres, a rendu visite à M. Assange 17 fois en 2019 et trois fois cette année. Il a déclaré lors de l’audience au Old Bailey de Londres que M. Assange avait souffert de dépression sévère, d’hallucinations auditives et d’anxiété, et qu’il présentait des caractéristiques du syndrome d’Asperger.

“Parfois, il pense au suicide plus de 100 fois par jour et appelle constamment les Samaritains”, a déclaré le professeur Kopelman. [Les Samaritans sont une association de prévention du suicide]. Il a également déclaré au tribunal que M. Assange souffrait d’épisodes psychotiques, au cours desquels il entendait des voix lui dire qu’il était “rien que de la poussière” ou “qu’il ne valait rien”.

Le professeur Kopelman a déclaré que M. Assange avait une prédisposition génétique à la dépression et qu’il avait souffert de plusieurs épisodes, y compris pendant son asile politique de près de sept ans à l’ambassade équatorienne à Londres.
Le tribunal a appris que le psychiatre avait diagnostiqué que M. Assange était “gravement déprimé” en décembre dernier et “modérément déprimé” en février et mars de cette année, son état mental s’étant aggravé pendant le confinement de Covid-19.
James Lewis QC, avocat du gouvernement américain, a affirmé que M. Assange était devenu dépendant aux opiacés alors qu’il était à l’ambassade équatorienne et que des problèmes apparents de santé mentale pourraient être des symptômes de “sevrage” en raison de sa détention dans la prison de Belmarsh. M. Assange s’est plaint de souffrir des symptômes de manque le 15 mai dernier après avoir arrêté de prendre l’analgésique co-codamol, qu’il prenait pour ses maux de dents pendant son séjour à l’ambassade, a entendu le tribunal.
M. Lewis a également cité des documents décrivant les visites de M. Assange à la bibliothèque de la prison, regardant les courses à la télévision et jouant au billard avec d’autres détenus. Il a suggéré que ce comportement ne correspondait pas au diagnostic du professeur Kopelman ou à un commentaire de M. Assange selon lequel “il pensait à des idées suicidaires 100 fois par jour”.
Le professeur Kopelman a déclaré : “C’était, bien sûr, avant qu’il ne soit transféré, le 18 juillet, dans la cellule individuelle du service de santé, où sa santé s’est détériorée.”
Il a une prédisposition génétique à la dépression, exacerbée par un trouble de l’anxiété, et la détermination d’une personne atteinte du syndrome d’Asperger.
“Cela constitue un risque très élevé de suicide et l’imminence d’une extradition serait un élément déclencheur évident.
“S’il est extradé vers les États-Unis, M. Assange devra répondre de 17 chefs d’accusation d’espionnage et d’un chef de piratage informatique, passibles d’une peine maximale de 175 ans.
Un complément d’information sur la séance de mardi 22 septembre par Craig Murray (extraits).

Craig Murray l’Observateur au Tribunal
23 septembrehttps://www.craigmurray.org.ukLe psychiatre professeur Michael Kopelman pour la défense a été interrogé pendant quatre heures par l’avocat pour l’accusation James Lewis.
Celui-ci a déployé les tactiques habituelles, commençant par dire que le psychiatre n’était pas compétent. Kopelman lui a répondu:

“Je fais ce travail depuis plus de trente ans et à cinq ou six reprises, des avocats de Londres m’ont téléphoné pour me dire que James Lewis QC agissait dans une affaire d’extradition et qu’il était très désireux d’obtenir mes services pour un rapport. Je pense donc qu’il est un peu fort de votre part de remettre en question mes qualifications”.
Cela a provoqué des rires très forts au tribunal, que la juge n’a remarquablement pas tenté de faire taire. »

James Lewis a dit que Assange faisait simplement semblant d’avoir des problèmes de santé mentale, et que Kopelman ne s’en rendait pas compte. Un argument de Lewis semble avoir eu un effet sur la juge : si les conditions d’incarcération aux USA étaient satisfaisantes, sans mise à l’isolement, et Assange n’était condamné qu’a six ans de prison, y aurait-il toujours danger de suicide ?
Kopelman a répondu :« que ce serait le cas si c’était réaliste, mais il avait fait trop de cas d’extradition et vu trop d’engagements non tenus pour y accorder de l’importance. En outre, il avait bien compris qu’aucun engagement n’avait été pris. »
Après d’autres questions, Lewis revient sur le même argument et c’est là que la juge Baraitser prend note :
« Lewis a de nouveau fait pression sur Kopelman, et lui a demandé si les conditions carcérales et les soins de santé aux États-Unis étaient bons, et si la peine était courte, cela entraînerait une modification de son opinion clinique. Kopelman a répondu que si ces facteurs étaient vrais, alors son opinion changerait, mais il doutait qu’ils soient vrais. Soudain, Baraitser a répété à haute voix la citation partielle selon laquelle si les conditions de détention aux États-Unis étaient bonnes et si la peine était courte, alors l’opinion clinique de Kopelman changerait, et l’a tapée ostensiblement sur son ordinateur portable, comme si cette phrase était très importante en effet.
C’est très inquiétant. Comme la juge vit dans un monde particulier où il n’est pas prouvé que quiconque ait jamais été torturé à Guantanamo Bay, je comprends que dans l’univers interne de Baraitser, les conditions de prison dans le Colorado ADX sont parfaitement humaines et les soins médicaux sont excellents. J’ai pu constater que Baraitser s’est soudainement rendu compte de la façon dont elle allait répondre au professeur Kopelman dans son jugement. Je ne pouvais pas m’empêcher de penser que Julian était la dernière personne de cette cour à avoir besoin d’un psychiatre.
Lewis demandait maintenant, dans son meilleur style rhétorique et sarcastique, si la maladie mentale avait empêché Julian Assange d’obtenir et de publier des centaines de milliers de documents classifiés qui étaient la propriété des États-Unis ? Il a demandé comment, s’il souffrait de dépression sévère, Julian Assange avait pu diriger Wikileaks, écrire des livres, faire des discours et animer un programme télévisé ?Je vous avoue qu’à ce stade, j’ai ressenti une profonde colère. Le fait que Lewis n’ait pas compris la nature épisodique de la dépression sévère, même après que le professeur l’ait expliquée à plusieurs reprises, était intellectuellement pathétique. C’est également une attitude et un manque de respect d’un autre âge de suggérer que le fait d’être atteint d’une maladie dépressive grave pourrait vous empêcher d’écrire un livre ou de diriger une organisation. C’était tout simplement stigmatiser les personnes souffrant de troubles mentaux. J’avoue que j’ai pris cela personnellement. Comme mes lecteurs de longue date le savent, j’ai lutté toute ma vie contre une maladie dépressive et je n’ai jamais caché le fait que j’ai été hospitalisé par le passé pour cette maladie, sous surveillance comme en danger de suicide. Pourtant, j’ai réussi brillamment les examens de la fonction publique, je suis devenu le plus jeune ambassadeur de Grande-Bretagne, j’ai présidé un certain nombre d’entreprises, j’ai été recteur d’une université, j’ai écrit plusieurs livres et je fais des discours au pied levé. Le fait que Lewis qualifie les dépressifs d’incapables permanents n’est pas seulement grossièrement irresponsable, c’est une forme de discours de haine et ne devrait pas être acceptable devant un tribunal (je suis partisan de la liberté d’expression, et si Lewis veut se ridiculiser en affichant son ignorance des maladies mentales en public, je n’ai aucun problème. Mais au tribunal, non). En outre, Lewis ne représentait pas ses propres opinions mais s’exprimait sur les instructions directes du gouvernement des États-Unis d’Amérique. Pendant quatre heures complètes, Lewis, au nom du gouvernement des États-Unis, a non seulement montré qu’il n’avait aucune compréhension des maladies mentales, mais il n’a jamais, pas une seule seconde, montré un seul signe que la maladie mentale est un sujet pris au sérieux ou pour lequel il existe le plus petit élément de sympathie et de préoccupation humaine. Pas seulement pour Julian, mais pour n’importe quel malade. La maladie mentale, selon eux, c’est soit de la simulation ou alors c’est quelque chose qui vous disqualifie entièrement de tout rôle dans la société ; aucun autre point de vue n’a été exprimé. Il a par exemple déclaré au nom du gouvernement américain que les antécédents de maladie mentale de Julian en Australie ne seront pas pris en compte parce que les dossiers médicaux [d’Australie] n’ont pas été préservés. La seule conclusion possible du témoignage d’hier [mardi 22] est que la performance du représentant du gouvernement des États-Unis était, en soi, une preuve complète et suffisante qu’il n’y a aucune possibilité que Julian Assange reçoive une considération et un traitement équitables de ses problèmes de santé mentale au sein du système américain. Le gouvernement américain vient de nous le démontrer, en audience publique, à la perfection.
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