De nouvelles sanctions américaines contre la Russie et la Chine en préparation avec de graves conséquences pour l’UE. Un rapport présenté dans ces grandes lignes ici témoigne de la manière dont les Etats-Unis sont en train de créer les conditions d’une répression très dure (équivalente à ce qui est imposé à l’Iran, au Venezuela et à Cuba) à leurs “alliés” européens et à l’Allemagne en particulier. Il y a eu l’ère inaugurée à partir de 1973 où les Etats-Unis ont imposé aux peuples du Tiers-monde un échange inégal, la destruction de leurs Etats, le pillage et le tout dans un assaut contre l’URSS, nous sommes dans une autre phase où est reproduite l’offensive mais cette fois ce sont les alliés eux-mêmes qui vont subir le traitement imposé au Tiers-monde, dans l’espoir que cette stratégie va avoir les mêmes effets que sur l’URSS (note et traduction de Danielle Bleitrach).
26/07/2020
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9 juil.2020
BERLIN / WASHINGTON(rapport) – Un groupe de réflexion sur la politique étrangère européenne met en garde contre une expansion spectaculaire de la guerre économique américaine aux dépens de l’Allemagne et de l’UE. Selon une analyse actuelle du Conseil européen des relations extérieures (ECFR), le récent projet de loi américain sur les sanctions contre Nord Stream 2 ne laisse aucun doute sur le fait que pour Washington, il n’y a plus de «tabous» dans sa guerre économique. La loi qui pourrait être promulguée dans quelques mois prévoirait également des mesures coercitives contre les fonctionnaires allemands. L’ECFR attire l’attention sur des recommandations de sanctions, émanant notamment des républicains, qui affecteraient gravement l’économie allemande. Non seulement la Russie devrait être déclarée «État sponsor du terrorisme», mais elle devrait également être coupée de la société de messagerie financière SWIFT et des sanctions supplémentaires devraient être imposées à la Chine.
Ce n’est plus un tabou
Dans une analyse publiée hier, le Conseil européen des relations extérieures (ECFR) met en garde contre l’expansion considérable de la guerre économique américaine et ses répercussions considérables pour l’Allemagne et l’UE. Cet avertissement est basé sur un nouveau projet de loi américain sur les sanctions, le «Protecting Europe’s Energy Security Clarification Act» (PEESCA), récemment présenté à la Chambre des représentants, qui, selon son statut actuel, pourrait être promulgué avec le label de défense nationale Act (NDAA) et devenir effectif en quelques mois. PEESCA vise à empêcher l’achèvement du gazoduc Nord Stream 2, permettant, pour la première fois, l’imposition de sanctions aux fonctionnaires allemands (rapporte German-foreign-policy.com . [1]) Jusqu’à présent, il était “tout simplement inimaginable” que les États-Unis appliquent de telles mesures contre leurs alliés, note l’ECFR, mais maintenant «les États-Unis brisent les tabous les uns après les autres». [2] C’est d’autant plus alarmant qu’un groupe de républicains du Congrès vient de publier un rapport complet visant à aggraver la guerre économique. Le rapport comprend diverses demandes qui, directement ou indirectement, affecteraient gravement l’Allemagne et l’UE.
Coupé du système financier
Cela inclut, par exemple, l’exclusion de la Russie de la société de messagerie financière SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication) la coupant ainsi du système financier mondial. Etant donné qu’il est basé en Belgique, les États-Unis ne peuvent pas contrôler directement SWIFT, notent les républicains dans leur rapport. Washington pourrait cependant imposer à SWIFT des sanctions qui ne seraient levées que s’il expulse la Russie. Cette stratégie a été appliquée avec succès contre l’Iran. [3] SWIFT avait, en fait, exclu l’Iran en novembre 2018, en raison de la pression massive des États-Unis. Déjà l’année dernière, l’ECFR avait calculé le volume des échanges qui seraient perturbés entre l’UE et la Russie à environ 190 milliards d’euros. [4] L’ECFR a souligné que même si la Russie et la Chine avaient commencé à demander leur indépendance de SWIFT en 2014 et
Empêcher les exportations
L’ECFR craint en particulier que les États-Unis n’utilisent leur option de pouvoir resserrer les contrôles de leurs exportations. Celles-ci ont un effet extraterritorial: Washington se réserve le droit d’interdire l’exportation vers certains pays – même de produits étrangers – si 25% des composants du produit sont de fabrication américaine. Pour certains produits, le pourcentage de composants américains est encore moindre. L’ECFR souligne maintenant que Washington élargit la définition des produits qui pourraient, du moins en théorie, avoir une application militaire et, par conséquent, tomber sous les restrictions américaines à l’exportation. Selon le groupe de réflexion, l’extension la plus récente de la définition pertinente est entrée en vigueur la semaine dernière. L’administration Trump ajoute constamment de nouvelles entreprises étrangères à sa liste officielle de celles visées par des sanctions («liste d’entités»). En mai, 33 entreprises chinoises ont été ajoutées et «probablement d’autres suivront», prédit l’ECFR. Cela affecte directement les fabricants allemands utilisant des composants américains. En outre, les experts ont même du mal à comprendre le labyrinthe des sanctions américaines, qui, en particulier pour les petites entreprises, augmentent le risque – et les conduisent finalement à abandonner complètement les tentatives d’expéditions vers la Chine. L’ECFR souligne que l’autorité des sanctions américaines est hors de portée de l’influence des entreprises allemandes.
Résistance à la rupture
Le groupe des républicains du Congrès vise également Berlin et les tentatives de l’UE de protéger les entreprises des pays membres de l’Union contre les sanctions américaines. Pour effectuer des transactions commerciales avec l’Iran, malgré la portée extraterritoriale des sanctions américaines contre ce pays, l’UE a créé le véhicule financier de l’Instrument de soutien aux échanges commerciaux (INSTEX), qui effectue des transactions sur la base du système de troc et cherche à le rendre indépendant du système financier dominé par les États-Unis. [5] Jusqu’à présent, INSTEX a échoué. Une seule livraison d’aide dans la lutte contre la pandémie de Covid-19 a été effectuée qui n’aurait pas été soumise aux sanctions américaines. Néanmoins, les républicains planifient à l’avance. En février, un membre du groupe des républicains a déposé un projet de loi à la Chambre des représentants appelant à autoriser le secrétaire au Trésor à imposer des sanctions à toute institution financière effectuant une transaction «significative» en relation avec INSTEX. [6] Il s’agit avant tout de donner une leçon aux Européens, conclut l’ECFR.
Faire pression avec l’aide du FMI
Le groupe républicain du Congrès lance également un appel pour recruter l’aide du FMI pour mettre en œuvre les objectifs américains dans le monde. Par conséquent, Washington devrait demander au fonds monétaire d’annuler les moyens d’un prêt au Liban, tant que le Hezbollah a de l’influence. En janvier, des membres du groupe des républicains avaient présenté le projet de loi «Promoting Secure 5G Act» au Congrès, stipulant que les subventions financières du FMI et d’autres institutions financières ne seraient autorisées aux pays que si la technologie 5G de «sécurité» est utilisée – une référence à l’exclusion de la participation de la société chinoise Huawei. [7] Cela peut, dans certaines circonstances, également affecter considérablement les pays membres de l’UE.
Exercices financiers
L’ECFR souligne également que rien n’indique que les propositions de sanctions seront adoptées. Cela concerne également les appels à désigner la Russie comme «État commanditaire du terrorisme», à interdire aux membres du gouvernement chinois et à d’autres fonctionnaires, y compris à leurs familles, d’entrer aux États-Unis, et à exiger des «exercices financiers publics réguliers» qui «démontrent que les États-Unis et leurs alliés saisiraient et gèleraient les avoirs en cas d’agression [de la Russie]. »[8] Selon l’ECFR, ces mesures – et d’autres – dans la guerre économique américaine ne peuvent être exclues.
[1] Voir également Transatlantische Konflikte (II) .
[2] Zitate hier und im Folgenden: Jonathan Hackenbroich: Comment les États-Unis pourraient intensifier leur guerre économique contre la Chine. ecfr.eu 08.07.2020.
[3] La stratégie de sécurité nationale du RSC: renforcer l’Amérique et contrer les menaces mondiales.
[4] Mark Leonard, Jeremy Shapiro (ed): Souveraineté stratégique: comment l’Europe peut retrouver la capacité d’agir. Publié par le Conseil européen des relations extérieures. Berlin / Londres / Madrid / Paris / Rom / Sofia / Varsovie, juin 2019.
[5] Voir aussi Sanktionskrieg um Iran (II) .
[6] HR6015 – Loi de 2020 sur les sanctions contre l’évasion de l’Iran.
[7] HR5698 – Promouvoir la loi 5G sécurisée de 2020.
[8] La stratégie de sécurité nationale du RSC: renforcer l’Amérique et contrer les menaces mondiales.
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marsal
Ce texte m’inspire trois commentaires :
1) Au vu de la puissance du développement de la Chine, je ne crois pas que la guerre économique fasse sens, même du point de vue américain. L’économie chinoise a passé depuis au moins dix ans – depuis la crise de 2008 – son stade de dépendance le plus élevé aux exportations vers les USA. Elle a puissamment développé son économie et sa consommation interne et mise désormais prioritairement sur l’Asie, l’Asie centrale, l’Afrique … A ce stade, seuls les moyens militaires les plus puissants pourraient permettre aux USA d’arrêter la Chine (et la fenêtre de tir est très étroite, car la Chine développe en ce moment fortement sa marine de guerre, avec désormais deux porte avions actifs et deux en construction. En revanche, il est clair que pour faire la guerre, il faut d’abord couper les relations économiques et former des alliances, et je crains que ce soit ce que les USA de Trump (portées par le lobby militaro industriel) tentent de faire.
2) Il faudrait attacher davantage d’attention à l’Iran. Pour l’Iran, les sanctions économiques sont au plus haut, cependant, ce pays ne cède pas. Il continue sa route. Au contraire même, malgré une situation économique très difficile, il se développe techniquement de manière impressionnante. Il a franchi le palier de l’autosuffisance en matière de raffinage du pétrole, et devient exportateur dans son voisinage proche de carburants et produits pétrochimiques. Sa production minière croît de manière rtès importantes. Sa production (et ses exportations d’aciers) croissent malgré les sanctions. Il dispose d’universités et de chercheurs de tout premier plan et pas seulement sur les techniques à usage militaire comme les fusées. Malgré les efforts des USA pour l’isoler, sa diplomatie est très respectée, et il a franchi un pas très important dans l’aide au Vénézuela en envoyant “au nez et à la barbe” des américains des tankers chargés de produits pétroliers et chimiques pour briser le blocus et permettre au Vénézuela de relancer ses raffineries sabotées. Bref, il parvient à réussir un développement tout à fait original malgré les sanctions et cela mérite d’être étudié (avec un regard matérialiste), malgré le caractère religieux du régime politique (qui tend à nous rebuter). D’autant que dans le monde musulman lui-même, l’Iran, chiite et perse est atypique.
3) La troisième question que je me pose est : comment vont évoluer les structures sociales de la Chine dans ce nouveau contexte, et en particulier, que va devenir l’économie socialiste de marché. La Chine, pour ce que j’interprête de sa stratégie, a compris qu’elle devait construire son développement au sein de l’économie en voie de mondialisation (probablement l’a-t-elle compris avant même que nous nous familiarisions ici avec ce concept de mondialisation). Elle a accepté pour cela d’hybrider ses structures sociales et économiques, d’accepter une part importante et significative de capitalisme, pas seulement de petites entreprises, mais également de toute la structure bancaire et financière que requiert le capitalisme. “Peu importe que le chat soit blanc ou noir, pourvu qu’il attrape les souris”, disait Deng Xiaoping. Et la Chine a attrapé beaucoup de souris, elle fait désormais face au gros rat qui commande la bande, si j’ose dire .. Et celui-ci, voyant la partie difficile, cherche à changer les règles du jeu (c’est son habitude). Le libre commerce, hier adulé, est jeté aux orties. Et pas seulement par Donald Trump : les dirigeants européens qui ne disaient rien lorsque l’on a découvert que les entreprises de télécommunication américaines espionnaient ouvertement le monde, s’offusquent désormais de voir Huawei fournir des serveurs 5G. Les blocus économiques et les sanctions extraterritoriales contre Cuba, l’Iran, la Corée du Nord, la Russie (cf. l’effarant feuilleton de North Stream 2) et la Chine sont globalement appliquées. Donc, dans ce contexte de guerre économique, comment la Chine va adapter ses structures sociales et économiques ? Va -t-elle encore avoir besoin de maintenir des structures internes capitalistes aussi développées ? ne devra-t-elle pas se doter de formes de socialisations plus avancées et surtout plus aptes à un combat plus frontal ?
Danielle Bleitrach
Franck Marsal, tout à fait d’accord avec votre analyse, aujourd’hui même un éditorial de Global Times apporte confirmation, la Chine ne doit pas se fermer, avoir une mentalité d’assiégée, elle doit au contraire utiliser à plein la mondialisation, les intérêts gagnant – gagnant et probablement comme vous l’indiquez les rapports sud-sud. L’article ci dessus interpelle plutôt l’Europe et en particulier l’Allemagne qui à sa manière continue le go east inauguré par Hitler mais par le commerce qui est une autre manière dit-on de faire la guerre. Plus les Etats-Unis recourent à la répression, au chantage, mais aussi à des techniques de domination et de corruption des élites, plus ce qu’offre la Chine et tous les peuples qui continuent à se développer dans la résistance risquent d’apparaître comme des perspectives. D’où le renforcement des sanctions mais aussi des campagnes idéologiques dans lesquelles la social démocratie joue un rôle traditionnel. Ce rôle est le même depuis le début des grands conflits impérialistes à commencer par la première guerre mondiale.
Xuan
Bonjour,
On voit que pour perdurer l’hégémonisme US est conduit à s’isoler même de ses propres alliés.
La relation privilégiée entre les USA et l’Europe s’est dégradée, alors qu’elle avait été souhaitée par les USA eux-mêmes, en particulier pour contenir l’URSS. Et l’aiguisement de ces contradictions d’intérêt entraîne des divisions multiples dans l’OTAN et tout le camp impérialiste.
Même la Turquie d’Erdogan qui joue sur plusieurs tableaux, doit prendre parti dans la guerre hors limites des USA contre la Chine.
Il serait erroné de juger l’Europe de 2020 comme la simple continuation de celle du plan Marshall, et de voir l’Allemagne comme un agent atlantiste, alors qu’elle la plus affectée par les sanctions.
La Chine essaie de constituer un front uni mondial contre l’hégémonisme et d’y englober même des pays impérialistes du second monde, qui sont très hésitants et faibles, et cette situation n’est pas sans rappeler le front uni mondial anti-fasciste.
Je crois que les communistes ont intérêt à chercher dans les contradictions “ce qui se développe” et non s’accrocher à une interprétation figée et dépassée par les faits. Staline disait :
Danielle Bleitrach
ce que Marx a dit d’abord: c’est l’anatomie de l’homme qui explique celle du singe et non l’inverse…
Daniel Arias
La situation de l’UE est délicate, le pays le plus développé l’Allemagne subit les conséquences de la guerre impérialiste et comme lors des deux guerres mondiales se retrouve confronté à une limitation de son marché, hier par les empires Britanniques et Français aujourd’hui par l’empire américain.
Par ailleurs avec l’Euro l’Allemagne a accumulé des créances vis à vis de ces partenaires de la zone Euro, créant un déséquilibre TARGET2. Les pays du sud fragilisés par les créances et les réformes puis par la crise sanitaire, représentaient 8,6% des exportations de l’Allemagne exactement la même part que les USA 8,6%, la Chine elle représente 8,0% des exportations mais est le premier fournisseur de l’Allemagne 9,8% des importations.
La Russie a pour premiers fournisseurs la Chine 21,9% suivis de l’Allemagne 10,7%, des USA 5,3%, France 4% (pour exporter il faut avant produire !).
L’Allemagne n’a aucun intérêt à ce que ces clients sud européens s’effondrent, ni a perdre ces principaux partenaires commerciaux, de plus Chine, Asie, Afrique, Moyen Orient ont encore un potentiel de croissance réel pour les débouchés industriels Allemands.
Cette immense zone de croissance potentielle est aujourd’hui menacée par le gouvernement américain paranoïaque, qui au lieu de prendre sa part dans les échanges internationaux préfère détruire que de perdre sa domination sur le monde. Reconstruction du Moyen Orient détruit par l’OTAN et les mercenaires terroristes, développement avec des grands pays comme l’Iran où notre grand pétrolier national a laissé des plumes interdit par les USA.
USA qui ne présentent aucune garantie de croissance pour l’UE, pays en panne dont sa population est de plus en plus paupérisée, face à un pays immense qui se développe de façon stable politiquement, économiquement et constant dans les échanges commerciaux.
L’UE dans son ensemble a tout à perdre dans le suivisme des USA qui restent une menace mondiale, pays le plus guerrier au monde.
Sans les USA nous pourrions commercer avec notre grand voisin des Antilles Cuba, Venezuela, l’Iran 81 millions d’habitants, la RPDC qui ne demande qu’à rejoindre le commerce international, renouer avec la Russie bref des pays qui ne menacent pas notre souveraineté ce qui n’est pas le cas des USA avec leurs fonds de pensions destructeurs et parasites.
Nous avons cependant une dépendance très dangereuse aux USA dans le domaine informatique, la totalité des micro processeurs, le système Windows mauvais mais hégémonique. A moins qu’un jour l’entreprise Intel ne décide de déménager en Chine, il faudra trouver une alternative industrielle. L’architecture des processeurs ARM est libre de droits depuis 1976.
La décision devra être prise entre suivre les fous et devenir esclaves ou accepter le développement harmonieux sur des bases multipolaires.
La bourgeoisie industrielle Allemande a beaucoup à perdre.
Et sans exportations allemandes c’est le crédit en Europe qui disparaîtra avec éclatement de l’UE, voire de pays aux régionalismes forts Espagne, Italie. Éclatement qui n’apportera que plus de misère et de conflits.
Les travailleurs allemands ont eux déjà beaucoup perdu avec les réformes des sociaux démocrates, la guerre commerciale entraînera des millions de chômeurs.