OUi, je trouve ce débat utile et je sais, les chiffres en font foi à quel point il est suivi et donne lieu à des débats après avoir été partagé. C’est bien nous avons besoin de ce remue meninges après tant de censure, de désinformation et de bigoterie intellectuelle… L’analyse proposée ici par Jean Claude Delaunay et qui part de ma critique du parlementarisme du PCF, me parait présenter un problème, celui de la définition de “l’alliance”. Ce qui est confondu c’est l’alliance électorale du parlementarisme et l’alliance entre par exemple la paysannerie et la classe ouvrière qu’une stratégie révolutionnaire ne peut pas ignorer. Le problème que je pose est justement celui de l’inadéquation grandissante entre l’alliance sociale et l’alliance électorale, que traduit l’abstention. Cesont les forces politiques qui sont attachées à l’UE, forces politiques avec lesquelles il est proposé de nouer une “alliance électorale” alpha et omega de la stratégie du PCF, mais pas nécessairement les couches sociales. A cette réserve près je suis totalement d’accord sur le blocage parallèle à celui sur le socialisme, sur l’Europe. Comme je suis d’accord avec l’importance de la Nation. Cela dit je ne l’attribue pas à la section économique qui est toujours boukharinienne et joue souvent le groupe tampon de ce fait avec ceux qui ont choisi l’alignement social démocrate sur le capital, mais n’est pas liquidatrice. Dire sa filiation avec Boukharine, l’inventeur du CME, c’est insister sur la méfiance face à l’Etat et la dictature du prolétariat et lui substituer au contraire une très grande attention aux conditions de l’alliance sociale. (note de Danielle Bleitrach)
Ce débat est très utile. Il faut le poursuivre. Je souhaite dans mon commentaire du moment : 1) Donner une explication de la raison pour laquelle le parlementarisme est devenu, comme le dit Danièle Bleitrach, le nec plus ultra de nos propositions politiques; 2) insister sur un élément qui, à mon avis, est encore trop absent de notre discussion, à savoir :l’élément “nation”.
1) Pourquoi les communistes français sont-ils prisonniers des formes et de l’esprit de la démocratie bourgeoise?
La réponse à cette question doit être cherchée, à mon avis, dans un pays capitaliste développé comme le nôtre, dans l’évolution des structures de la population active. Je vais décrire cette évolution à très grands traits.
Son point de départ est l’apparition claire, à la fin du 19ème siècle, du Capital financier, c’est-à-dire, au sein de la bourgeoisie, d’une fraction que l’on a appelé par la suite “la grande bourgeoisie”. Cette fraction dirigeante s’est efforcée de trouver des solutions, acceptables pour elle, aux contradictions du capitalisme industriel de l’époque.
Celle solution fut d’abord le Capitalisme monopoliste d’Etat. Je simplifie considérablement et me contente de dire que cette invention structurelle a eu pour conséquence de créer, aux côtés de la classe ouvrière classique, de nouvelles catégories sociales de fonctionnaires et d’employés. Les grandes entreprises elles-mêmes ont évolué et ont créé de semblables catégories. Je crois que ces évolutions ont eu une conséquence très importantes au plan politique. Elles ont changé en profondeur la stratégie du PCF. Tout cela serait à vérifier, évidemment.
La raison d’être de ce dernier était de révolutionner directement la société. Avec l’apparition de ces nouvelles catégories sociales, qui n’étaient pas des catégories ouvrières quoique sociologiquement proches du prolétariat, la stratégie du PCF est passée d’une stratégie de révolution directe à une stratégie d’alliance électorale pour cette révolution.
Après 1945, le CME lui-même a évolué. Cette structure était totalement centrée sur la guerre. Elle a accordé une place aux besoins populaires collectifs, non pas pour la raison que la grande bourgeoisie avait bon coeur mais parce que le peuple français avait pris une part active à la libération de son pays. La stratégie d’alliance est devenue le moyen principal sinon unique grâce auquel le PCF a continué de penser la révolution de la société.
Autour des années 1970, le Capitalisme monopoliste d’Etat est entré en crise et a été remplacé, sous la direction des grandes bourgeoisies du monde, par le Capitalisme monopoliste financier mondialisé. Ce nouveau système a engendré de nouvelles populations actives. Mais deux évolutions se sont produites. La CMFM a touché de plein fouet les populations engendrées par le Capitalisme monopoliste d’Etat (population étatique) ou qui existaient en son sein (population ouvrière déclassée par la migration des capitaux productifs). Les migrations des populations de pays sous-développés vers les anciennes métropoles se sont amplifiées.
Il faudrait analyser de plus près comment ces chocs démographiques se sont entrecroisés. Ce qui paraît clair est que la stratégie d’alliance électorale poursuivie par le PCF non seulement n’a pas marché mais a placé le PCF sous la dépendance directe du PS, qui est devenu, à la fin du 20ème siècle, le maître-d’oeuvre principal de l’électoralisme dans lequel s’était depuis bien longtemps engagé le PCF.
Ce qu’il y avait d’intention révolutionnaire dans la stratégie d’alliance du PCF inaugurée pendant les années 1930 a été complètement châtré par le PS au cours des années 1980 et suivantes. La stratégie d’alliance du PCF est devenue une coquille vide. Comment se fait-il que cette stratégie n’ait pas été abandonnée par les communistes?
2) Le rôle de l’idéologie européenne incarnée dans l’UE et l’abandon corrélatif de toute référence à la nation
Il me paraît clair, rétrospectivement, qu’à un moment donné il s’est produit, au niveau de la direction du PCF, un glissement en faveur de l’Union européenne. Il est sans doute apparu impossible de satisfaire simultanément l’alliance électorale (qui était désormais inscrite dans les gènes communistes) avec la population ouvrière, minoritaire, de plus en plus pénétrée par la nouvelle immigration et numériquement en déclin, et l’alliance électorale avec la population étatique, en voie de radicalisation, toujours en place et numériquement plus importante que celle des ouvriers.
Il y avait sans doute la conscience que l’UE était aux mains du grand capital. Mais d’une part la sous-estimation de l’incidence directe de la monnaie unique sur l’économie française et le sort du prolétariat, et d’autre part la sur-estimation des possibilités révolutionnaires, ou plus simplement transformatrices, de l’Etat européen en Etat keynésien bis. Il faudrait analyser l’influence des idées social-démocrates sur la formation de cette idéologie européenne de substitution.
La prégnance de cette idéologie, si mon analyse est exacte, a eu trois conséquences : 1) la classe ouvrière française a été sacrifiée. En effet, son sort ne dépendait pas uniquement de l’euro. Il dépendait du Capital financier dont l’horizon était beaucoup plus large que l’Europe. 2) Ce tropisme européen avait pour complément implicite, au plan national français, l’idée d’une stratégie d’alliance avec la population étatique, en voie de radicalisation, mais d’une part pénétrée par l’idéologie social-démocrate et ses pulsions sociétales, d’autre part mise en concurrence avec de nouvelles couches salariées directement impliquées dans la mondialisation capitaliste. 3) l’abandon de toute référence nationale au combat communiste.
Je crois que nous sommes toujours et encore en train de patauger dans cette merde. Je crois devoir souligner au passage la responsabilité directe de certains instances du PCF dans cette situation. Je pense en particulier à la Section économique du PCF, ouvertement favorable à la construction européenne, même s’il s’agit d’une autre Europe, et par conséquent véhicule fervent des illusions à ce propos. Le socialisme n’est certainement pas évoqué par cette équipe. Ce à quoi fait référence Frédéric Boccara dans l’éditorial du dernier numéro d’Economie et Politique, est la refondation de la gauche.
Le combat pour les stratégies électorales a progressivement transformé la pensée révolutionnaire communiste en une pensée arithmétique. On additionne des morceaux et on se dit que si tout ce monde était uni, ça serait la victoire. Oui, et même cela peut se produire. Mais c’est une victoire arithmétique, fragile, et non une victoire de classe, infiniment plus solide.
3) Conclusions personnelles
Pour terminer, je vais chercher à résumer ma compréhension des choses, aussi modeste soit-elle. Je formule 7 conclusions.
1) Le PCF doit faire retour à sa stratégie de transformation révolutionnaire initiale de sa fondation, car celle-ci s’est noyée et perdu dans la stratégie électorale.
2) Cela n’empêche pas de tirer positivement leçon de cette stratégie d’alliance électorale. Elle a produit des effets importants. Mais comment éviter de subordonner la première à la seconde?
3) Le socialisme, conçu comme la rupture avec le capitalisme et la construction progressive d’une société au service du peuple, doit être le véhicule politique de cette reconversion. Ce n’est pas l’arithmétique qui doit déterminer le rythme et l’intensité de l’action révolutionnaire. C’est cette action qui doit progresser à son rythme. L’arithmétique doit suivre même si elle est moins généreuse que dans le cas contraire. Cela dit, la générosité du cas contraire est une illusion surtout si le capital financier mondialisé est toujours en place.
4) Le Capital financier se combat sur le plan national. L’Union européenne, est une machine au service du grand capital et des grandes bourgeoisie européennes. Elle n’a aucune compétence pour combattre ses créateurs.
5) Un combat résolu, national, socialiste, au sens léniniste du terme, contre le Capital financier est le seul moyen de mobiliser et d’unifier la classe ouvrière française pour la construction d’une société nouvelle.
6) Les classes étatiques, engendrées par le Capitalisme monopoliste d’Etat et la socialisation qui en a accompagné le développement, classes qui sont aujourd’hui déclassées, vaporisées, humiliées, ont évidemment leur place dans cette société nouvelle, au lieu qu’elles espèrent encore en l’Europe.
7) Le salariat engendré par la mondialisation capitaliste a aussi sa place dans cette évolution à la condition de bien voir que l’insertion de l’économie socialiste de la France dans l’économie mondiale ne poursuivra pas du tout les mêmes objectifs que le Capital financier mondialisé, ce qui n’est quand même pas très difficile à comprendre.
Jean-Claude Delaunay
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Michel BEYER
C’est clair, la stratégie d’alliance sous toutes ses formes:(unité de la C.O, union de la gauche, parlementarisme etc…) est la cause principale des “timidités” des communistes pour appeler un chat un chat.
J’y ajouterais, la fidélité au Parti sous une forme, je me risque, “stalinienne”: “le Parti a toujours raison”. Ce raisonnement est valable pour les vieux camarades. Ceux que je connais dans mon entourage, sont souvent d’accord avec moi notamment sur l’UE, mais ont une certaine gêne dès qu’il s’agit de mettre en cause la direction du Parti.
Je crois aussi que le rapport Khroutchev de 1956, resté secret pendant de nombreuses années, a mis sur le reculoir de nombreux camarades à la fin des années 1960. Les effets se font encore sentir. Pour reprendre après Annie Lacroix-Riz, l’historiographie professée par Courtois-Furet-Werth, relayée maintenant par M.Onfray n’est pas sans influencer y compris les communistes. Le mot “socialiste” fait peur, que dire du mot “communiste”. Mais là, j’enfonce une porte ouverte.
Heureusement, Danielle me rassure un peu, l’appétence de jeunes la sollicitant pour en savoir plus donne espoir.
Je passe sur 1968. Clouscard a très bien expliqué le contenu. La C.O et le PCF ont subi un échec sur les idées.
Je ne vais pas me cacher: je fus enthousiasmé lors de la signature du Programme Commun en juin 1972. Notre cellule d’entreprise avait un quartier populaire de Brest à prospecter pour placer le petit bouquin. Eh! oui, jeunes camarades, à l’époque le PCF fonctionnait en cellules. L’abandon des cellules n’a pas été une erreur. Ce fut un choix stratégique signifiant que la PCF n’était plus un parti révolutionnaire.
L’accueil réservé nous confortait dans l’idée que nous avions raison.Pour mémoire, il me semble que le PCF fut le seul des organisations signataires à se battre pour faire connaître le contenu du Programme: 1million de livres placés côté PCF, 40000 pour les autres. Nous étions unitaires pour 2. Il me revient une anecdote; lors de l’intervention finale du représentant du Bureau Politique, a notre conférence fédérale Raymond GUYOT je crois, nous conseilla de ne pas hésiter à traverser la rue pour saluer un ” camarade” socialiste sur le trottoir d’en face. J’en rigole maintenant. Nous étions unitaires pour 2 ou 3. Dans le même temps, le “camarade” Mitterrand en visite en Allemagne rassurait les dirigeants de l’OTAN et les USA sur la future présence de ministres communistes dans le gouvernement de la France; “je prendrais 3 millions de voix au PCF” déclarait-il. Il a fait pire!!!
Je ne me souviens pas d’une réaction de la direction du PCF après cette déclaration. A moins que la bataille de réactualisation du Programme Commun incomprise par la population fut cette réaction.
Arrive 1981 et la victoire de Mitterrand. Fallait-il aller au gouvernement? Maintenant je dis non, mais à l’époque ce n’était pas ma position, bien que n’ayant pas voter pour Mitterrand au 2 ième tour. Certains vieux camarades de l’époque regrettaient la non-présence de ministres communistes au moment du Front Populaire. D’autre part’ ils signalaient l’immense apport des ministres communistes à la Libération. Un ministre Communiste, c’est autre chose pour le Peuple. Même MG.Buffet avec la gauche plurielle a apporté autre chose comme ministre des sports. C’est reconnu par toute la communauté sportive.
Dans les entreprises, la CGT, y compris, nous conseillait de ne pas trop en faire! On a appelé cela l'”Etat de grâce”Résultat, les ministres communistes ont été obligés de quitter. Apparemment, certains avaient pris goût. Je dois quand même dire qu’ils ont fait du bon travail. Je ne crois pas que les fonctionnaires ont à se plaindre du passage d’Anicet Le Pors. La santé n’a pas à se plaindre de Jack Ralite.
J’ai cité MG.Buffet au moment de la Gauche plurielle. Faut-il évoquer l’apport de JC Gayssot. Pour moi il ne fait pas partie des ministres différents. Alors qu’il était ministre des Transports je me souviens d’une de ces déclarations: “je ne serais jamais ministre de la privatisation”. La 1ière entreprise publique attaquée dépendait de son ministère, Air-France. Qu’a fait JC.Gayssot?
Je décernerai quand même un mauvais point à MG.Buffet. Alors qu’elle était candidate à l’Election présidentielle, elle est passée dans une émission sur France-Culture. Sa réflexion sur Cuba ne fut pas des plus heureuses.
Je ne voudrais pas terminer sans revenir sur l’UE. Certains vont me reprocher de tenir des propos passéistes. Ils ont raison. Mais , à mon avis, il faut remonter loin pour trouver les racines du mal.
Nous avons appelé à voter “NON” à Mastricht en 1992. C’était tout à l’honneur du PCF. En 2005, le “Non” l’a emporté. Le PCF a appelé à voter “NON”. Mais on ne peut pas dire qu’il ce soit engagé à fond. On va me parler d’indépendance syndicale, je veux bien, mais il me revient en mémoire la bataille de chiens entre la section des retraités CGT du Finistère contre le sécrétaire de l’UD, membre aussi du PCF. Il s’opposait à notre appel à voter NON.
En 1999, la confédération CGT a quitté la FSM pour intégrer la CES, je ne souviens pas d’une réaction du PCF. Là encore, il ne s’agit pas d’une erreur, mais d’un choix politique. Avec maintenant Laurent Berger, de la CFDT’ comme sécrétaire général, la CGT est pieds et poings liés à cet organisme courroie de transmission des directives européennes.
Les membres du PCF favorables à l’UE espèrent toujours qu’ils imposeront la question sociale aux instances de l’UE. Si le réve est parfois permis, dans certaines circonstances, là il s’agit d’une faute regrettable.
Un argument revient souvent concernant la mondialisation, incluant l’UE; “regardez, la faim dans le monde a reculé, l’alphabétisation a progressé”. C’est oublié bien vite dans quel pays ces progrès ont principalement eu lieu: La Chine, le Vietnam, Cuba, le Vénézuela, Pourquoi l’Inde ne manifeste pas de progrès notables, sauf dans la région du Kerala, comme par hasard dirigé par les communistes. La Bolivie et le Brésil avaient jusqu’à présent progresser. Malheureusement, je crains un certain recul sans tarder. De plus, c’est un alibi pour les entreprises qui délocalisent.
Voila les réflexions d’un vieux camarade, qui ne peut plus grand’chose sur le terrain, mais qui utilise un outil moderne pour dire un peu ce qu’il a sur le coeur.
A l’instar de Danielle, j’ai confiance dans la jeunesse. Il y aura bien un jour des Maurice Thorez, Ambroise Croisat, Marcel Paul, etc…qui pousseront la porte et diront; C’EST L’HEURE DU SOCIALISME!!!