Histoire et société

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3 100 milliards de dollars : en lâchant l’Ukraine, Donald Trump pousserait l’Europe vers sa ruine

A bon entendeur salut. Cet article n’est pas celui d’un pacifiste, on l’aura compris. Mais il a l’avantage de présenter une vision lucide de la situation. Alors, stop ou encore ? (Note histoire et société)

Thomas Burgel 

Les États-Unis et Donald Trump semblent vouloir accélérer des négociations de paix qui placeraient la Russie dans une position favorable. Ce qui ferait reposer sur les épaules européennes l’entièreté du coût de leur défense face à Vladimir Poutine. Un tel « lâchage » américain pourrait mener le Vieux continent à la ruine, calcule Bloomberg.

La confirmation par le Sénat américain de la nomination de la très russophile Tulsi Gabbard à la tête du renseignement du pays (Le Monde), l’appel soudain de Donald Trump à Vladimir Poutine et à Volodymyr Zelensky pour les pousser à entamer des discussions immédiates, le chantage aux terres rares ukrainiennes du président américain, la mise en pause de l’aide militaire à Kiev (Reuters), la volonté américaine de faire reposer la sécurité de l’Europe sur ses seules épaules (Toute l’Europe)…

Peu à peu, les éléments se mettent en place pour un bouleversement majeur de l’équilibre géopolitique. En particulier de la table des négociations, pour une « paix » qui pourrait coûter cher à l’Ukraine comme à l’Europe. Selon les savants calculs de Bloomberg, le plan de Trump pour le conflit qui oppose la Russie à son voisin, tel qu’actuellement dessiné, représenterait ainsi pour le Vieux continent un coût colossal d’un peu plus de 3 000 milliards de dollars sur 10 ans.

Pour sa défense, l’Europe ne peut plus compter sur les États-Unis

Baignés dans une philosophie isolationniste et protectionniste, Donald Trump et son administration sont clairs : dans les prochaines années, l’Europe devra faire face seule à une Russie que l’on sait menaçante.

Une menace existentielle pour le continent : « Certains leaders et de nombreux officiels de la sécurité préviennent que si les Européens ne réussissent pas à monter une dissuasion convaincante face à Vladimir Poutine, alors celui-ci ne fera que pousser ses tentatives pour affaiblir et peut-être finalement faire exploser à la fois l’Union Européenne et l’Otan« , écrivent Alberto Nardelli et Jennifer Welch pour Bloomberg.

Et cette dissuasion a un coût. Donald Trump exige que les États européens consacrent 5 % de leur PIB à leur défense, un niveau impossible à atteindre, précise un rapport relayé par L’Express. Si son économie souffre derrière des chiffres de croissance qui caracolent, la Russie, elle, s’est déjà mise sur le pied de guerre pour envahir l’Ukraine.

Ses usines tournent à plein régime pour fournir obus et munitions à son artillerie ou armes à ses soldats. Bien que sa production de blindés reste largement insuffisante pour combler les pertes dantesques subies sur le front ukrainien, celle-ci se redresse. L’Europe, de son côté, peine à relancer ses chaînes de production et dépend fortement des importations d’armements.

Notamment aux États-Unis, dont le nouveau secrétaire d’État à la défense, Peter Hegseth, a déclaré qu’un plan de paix durable et la survie de l’Otan nécessitaient que « nos alliés européens entrent dans l’arène et prennent en main leur sécurité conventionnelle sur le continent ». C’est ce que l’on appelle communément un lâchage en règle.

Le plan de Trump pour l’Ukraine, une « facture » de 3 100 milliards de dollars pour l’Europe

Un lâchage en règle qui peut se traduire en sommes sonnantes et trébuchantes. C’est justement ce qu’ont essayé de calculer les journalistes économiques de Bloomberg, en prenant en compte la reconstruction nécessaire de l’Ukraine, la constitution d’une solide défense pour assurer sa sécurité sur le long terme, et la nécessité suscitée pour l’Europe de bâtir une dissuasion militaire crédible pour freiner les éventuelles ardeurs expansionnistes de la Russie de Vladimir Poutine.

Selon Alberto Nardelli et Jennifer Welch, rebâtir une Ukraine ravagée par la guerre coûterait 175 milliards de dollars sur 10 ans. S’il était envisagé d’envoyer un corps de 40 000 militaires sur le terrain, pour sécuriser le pays, cela coûterait 30 milliards de dollars supplémentaires sur la même période – mais bien plus de soldats pourraient être nécessaires pour dissuader la Russie, a prévenu le président ukrainien.

Pourquoi, alors, ce total édifiant de 3 100 milliards de dollars ? Car le reste de la somme correspond à ce que l’Europe devrait dépenser pour solidifier sa défense, constituer d’amples stocks d’armes et de munitions, recruter et entraîner (beaucoup) plus de soldats face à la masse russe, mieux équiper ses forces aériennes ; bref, faire de son flanc Est un bloc suffisamment bien défendu pour que Vladimir Poutine ne soit pas tenté de s’y frotter. « Il y a un océan entre eux et nous », a expliqué Donald Trump le 3 février, en parlant des États-Unis et de la Russie. « Ce n’est pas le cas pour eux », ajoutait-il à propos de l’Europe.

Si la cible des 5 % du PIB dépensés dans la défense semble impossible à atteindre en l’état, les discussions européennes actuelles tournent autour d’un objectif de 3,5 %. C’est à peine plus raisonnable : sur une décennie et selon les calculs de Bloomberg, cela coûterait 2 700 milliards de dollars à l’Europe. Un montant énorme, que les économies déjà exsangues des États qui la composent devraient financer par de la dette – et par ses intérêts.

Et alors que le populisme gagne du terrain dans toute l’Europe, de telles dépenses pour faire face à la Russie contraindraient les gouvernements européens à couper ailleurs dans les budgets. L’éducation ou la santé, notamment, pourraient être les douloureuses victimes de ces rééquilibrages forcés par l’agressivité russe et le nouveau repli américain.

Ce qui risque d’exacerber des tensions sociales déjà vives sur tout le continent que le Kremlin ne manquerait pas d’utiliser à son avantage comme il le fait depuis des années, dans une guerre froide et hybride qui ne dit pas son nom.

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