Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

« Quand la France s’éveillera à la Chine » invité à France Culture

Notre travail collectif, autour du blog Histoire et Société et notre livre commun « Quand la France s’éveillera à la Chine », m’a valu d’être invité ce mardi sur France Culture, dans l’émission « Question du soir », pour évoquer la société Shein, qui est en train de prendre la première place mondiale du commerce en ligne de vêtements.
Cette émission, que nous avons préparée ensemble, avec le soutien également de Georges Rodi permet d’entrer dans la réalité et la complexité de la Chine et de son développement. Mais le temps est limité dans une émission de radio et grâce au travail de préparation important, je vais essayer d’apporter un certain nombre de compléments à l’enregistrement, que voici tout d’abord.

Question du soir

L’intérêt de l’émission fut d’aller un peu plus loin que le regard très approximatif et plein de certitudes que les médias habituels portent sur la Chine. Dans ce sens, il y avait un point de départ commun avec notre livre. Mais pour les grands médias en France, soumis aux pressions soit des groupes capitalistes, soit de l’état et du gouvernement, il est difficile de ne pas payer son obole à la propagande dominante, et c’est pour ça qu’en toute fin d’émission, de manière totalement tirée par les cheveux, il fut fait l’inévitable rappel de la propagande habituelle sur le Xianjiang, à laquelle, dans les quelques dizaines de secondes qu’il restait, j’ai essayé d’apporter un peu de rationalité et de questionnement.

Mais revenons donc sur la Chine et sur Shein, cette entreprise qui bouscule les leaders occidentaux du commerce de textile à bas prix. Il est intéressant d’ajouter d’abord que, si l’hyper-discount, le textile à bas prix, ou dans d’autres domaines les LIDL, Aldi, Action sont si présents, se développent si rapidement, c’est précisément du fait que la crise du capitalisme occidental ne permet plus que la baisse du niveau de vie, le développement inouïe de la pauvreté sous toutes ses formes. La grande différence entre la Chine et la France (par exemple), c’est qu’en Chine, le salaire moyen progresse très rapidement, plus vite que l’inflation (qui est faible là-bas). En 2013, le salaire moyen en Chine est de 52400 yuans, en 2018, il s’élève à 84 700 yuans et en 2023 à 121 000 yans, il a plus que doublé en 10 ans.

Cela explique peut-être en partie pourquoi Shein ne distribue pas en Chine : Shein, nous dit Isabelle Thireau, vient de la concurrence que les grandes firmes textiles chinoises font aux petits ateliers installés dans les villages urbains du Guangdong qui perdent peu à peu le marché intérieur. On peut donc que la clientèle chinoise se détourne de cette production à bas prix pour des vêtements de qualité. Comme cela est souligné dans l’émission, c’est alors que la technologie du commerce en ligne et les capacités logistiques apporté par Shein aident ces ateliers à se reconvertir vers de nouveaux marchés, avides de prix bas et de mauvaise qualité faute de mieux : l’occident. Ce que nous évoquons à peine, c’est : que va-t-il se passer ensuite ?

Comme cela a été souligné dans l’échange, le développement et le succès de Shein a un effet retour sur les ateliers eux-mêmes : il faut produire des volumes croissants, avec une pression toujours forte sur les délais et les prix. La seule réponse possible, c’est la modernisation et l’automatisation de la production, l’investissement dans la technologie. Nous avons à peine eu le temps de l’évoquer, mais la modernisation complète du quartier de Kangle est déjà lancée par les autorités chinoises. Nous voyons donc plusieurs contradictions de différents niveaux qui se combinent sur une même situation. Dans un premier temps, le développement de Shein permet de maintenir une petite production, dépassée par le développement technique de l’industrie textile chinoise dans son ensemble en lui ouvrant des marchés mondiaux où on recherche de la consommation rapide à bas prix. Cette petite production est réalisée dans les « villages urbains », des zones où la propriété foncière est appropriée par les habitants historiques, qui en profitent pour installer des petits ateliers où viennent travailler des migrants venant d’autres zones, souvent réellement rurales. Les habitants exploitent en coopératives des travailleurs venus de zones plus pauvres, mais les travailleurs ne sont pas coopérateurs, ils sont salariés. Ces travailleurs sont parfois durement exploités, avec des conditions de travail qui ne respectent pas comme dans les grandes entreprises, les lois chinoises. Les lois chinoises sont, du point de vue des standards internationaux protectrices des droits des travailleurs : obligation d’un contrat de travail (ce n’est pas le cas aux USA), temps de travail limité à « 40 h par semaine et 36 h maxi par mois rémunérées à au moins 150 %, 98 jours de congé maternité pour les femmes (idem, le congé maternité n’existe pas aux USA, si ce n’est 15 jours sans solde). Les travailleurs de Shein n’ont pas totalement accès à ces droits, mais ils trouvent dans les salaires offerts une amélioration de leur niveau de vie, par rapport à des zones rurales où le développement n’a pas encore amélioré suffisamment les conditions sociales. Shein lui-même, concentre ses propres contradictions : ses fondateurs sont chinois, mais son développement a été financé par plusieurs fonds de capital-risque des USA, son siège social a été placé à Singapour et son fondateur aurait les nationalités chinoise, sigapourienne et états-unienne. Enfin, comme nous l’avons évoqué, les états occidentaux dénoncent le commerce à bas prix de Shein mais ce commerce a l’avantage de rendre temporairement plus acceptables les baisses de niveau de vie que ces états infligent à leur propre population pour réhausser le teux de profit.

Comment résoudre ces contradictions ? Du point de vue de la Chine socialiste, c’est par le développement et la modernisation.

Le textile est une industrie de main d’oeuvre. La stratégie historique des industriels du textile a toujours été de chercher à déplacer l’industrie vers des zones peu développée à main d’oeuvre bon marché. C’est ainsi que la France à largement délocalisé son industrie textile, presque totalement disparue ici. La Chine, se développe et continue à gagner des parts de marché. Parce qu’elle investit dans l’automatisation, l’intelligence artificielle, la chimie et globalement la recherche scientifique.

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