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La Chine joue le jeu à long terme en Ukraine, un jeu d’équilibre que tente de décrypter l’occident

La Chine a adopté une politique d’ambiguïté stratégique à l’égard du conflit en Ukraine, permettant à Pékin de soutenir la Russie tout en évitant une confrontation directe avec l’Occident. La négociation entre l’Union européenne et la Chine en est une illustration, et au passage célèbre 50 ans de relations diplomatiques. L’UE avait des griefs : déséquilibres commerciaux, pratiques industrielles agressives, rôle de la Chine dans la guerre en Ukraine… La Chine a surtout rassuré, mais sans lâcher de lest en sachant que sur des points y compris l’Ukraine, le chantage des USA, l’UE n’était pas maître de sa politique et ne pouvait rien imposer, l’important était d’agir en ce sens sans pour autant lui faire perdre la face. D’où le terrain d’entente : la lutte contre le changement climatique qui a besoin des BRICS face à l’intransigeance des USA. Et un accord aux contours encore flous sur les terres rares. Il n’en demeure pas moins que l’essentiel est l’échange, donner du temps au temps. Il est probable que nous allons avoir de nombreuses interprétations d’une telle stratégie qui rompt par sa vision en longue durée et son aspect « collectif assumé » avec ce qui domine les relations internationales depuis deux ou trois siècles et plus encore avec celle des USA. Sur le fond, cette description parait pertinente, en disant assez bien le mélange d’attentes et d’inquiétudes qui caractérise le regard occidental sur cette manière de désamorcer les crises pour mieux poursuivre des objectifs à long terme. Cela devrait s’accompagner selon la logique occidentale d’interrogations assez vaines sur les changements du gouvernail. Le fait est que personne n’est en situation d’aller au-delà de ce que la Chine dit de sa propre stratégie. (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

9 juillet 2025

Par : Harrison Kass

La Chine a joué un jeu d’équilibre tout au long de plus de trois ans de guerre en Ukraine. Plutôt que de choisir son camp de manière évidente et définie – comme une grande partie de l’Occident – la Chine s’est calibrée de manière plus passive pour correspondre à ses intérêts politiques, économiques et stratégiques. Pékin a renforcé ses liens avec la Russie tout en évitant une confrontation directe avec l’Occident, en maintenant une neutralité formelle tout en marquant son soutien à Moscou.

Quelle est la stratégie stratégique de la Chine en matière d’ambiguïté ?

Au cœur de l’approche de la Chine à l’égard de la guerre en Ukraine se trouve l’ambiguïté stratégique. Sur le papier, la Chine prétend être un acteur neutre dans le conflit, appelant souvent à des pourparlers de paix ou à une résolution politique du conflit, soulignant la nécessité de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de toutes les nations. Cependant, le langage de la Chine apparaît souvent délibérément vague et non engageant. Tout au long de la guerre, la Chine s’est abstenue de critiquer la Russie pour l’invasion et, dans des forums comme les Nations Unies, s’est abstenue de voter sur des résolutions qui condamneraient le comportement de Moscou. Cet équilibre permet à la Chine de se présenter comme un acteur international responsable et rationnel sans s’aliéner la Russie, partenaire stratégique clé.

Cependant, malgré l’ambiguïté, les relations de la Chine avec la Russie se sont approfondies depuis le début du conflit en février 2022. Bien que la Chine n’ait jamais fourni d’assistance militaire directe à la Russie, car cela déclencherait probablement des sanctions occidentales, Pékin a établi d’importants liens économiques et diplomatiques avec la Russie, empêchant ainsi l’isolement économique de la Russie. Notamment, le commerce bilatéral entre la Chine et la Russie a augmenté, en particulier dans le secteur de l’énergie. La Chine a considérablement augmenté ses importations de pétrole, de gaz et de charbon russes, fournissant à Moscou des revenus dont elle avait désespérément besoin dans un contexte de sanctions occidentales étouffantes. En retour, la Chine a augmenté ses exportations d’appareils électroniques, de machines et de biens de consommation vers la Russie, remplaçant ainsi les nombreuses entreprises occidentales qui se sont retirées du marché russe après l’invasion de l’Ukraine par Poutine.

Les responsables chinois se sont fait l’écho des points de discussion russes

Sur le front diplomatique, la Chine s’est fait l’écho des points de discussion russes, tels que l’affirmation selon laquelle l’invasion de la Russie était une issue inévitable compte tenu de l’empiètement de l’OTAN en Europe de l’Est. Pendant ce temps, les médias et les responsables d’État chinois mettent souvent l’accent sur le rôle joué par les États-Unis dans l’escalade des tensions en Europe – un message conforme à la vision du monde plus large de la Chine, qui soutient que l’ordre libéral dirigé par les États-Unis est instable et conflictuel. En conséquence, la guerre en Ukraine n’est pas simplement considérée comme un conflit régional entre l’Ukraine et la Russie, mais comme un front dans la lutte plus large entre une unipolarité perçue comme dirigée par les États-Unis et une multipolarité dans laquelle la Chine est un acteur majeur.

La Chine a pris soin d’éviter les sanctions secondaires de l’Occident. Dans l’ensemble, Pékin a évité de franchir les lignes rouges qui entraîneraient des représailles de la part des États-Unis ou de l’Union européenne, soulignant ainsi le désir de la Chine de préserver son accès aux marchés occidentaux.

La stratégie de la Chine vis-à-vis de la guerre en Ukraine est très calculée et pragmatique. Pékin a maintenu une ambiguïté stratégique, renforcé ses liens avec la Russie et évité de provoquer une confrontation à grande échelle avec l’Occident. L’objectif ultime de la Chine est de maximiser son influence géopolitique tout en minimisant les risques pour ses intérêts nationaux fondamentaux. Pékin a réussi à préserver sa flexibilité géopolitique, à éviter les sanctions et à maintenir la stabilité économique. Cependant, l’Occident n’a guère été dupe de la stratégie chinoise, car la proximité de Pékin avec la Russie a affaibli les relations sino-européennes.

À propos de l’auteur : Harrison Kass

Harrison Kass est rédacteur principal pour la défense et la sécurité nationale à The National Interest. Kass est un avocat et un ancien candidat politique qui a rejoint l’armée de l’air américaine en tant que pilote stagiaire avant d’être libéré pour raisons médicales. Il se concentre sur la stratégie militaire, l’aérospatiale et les affaires de sécurité mondiale. Il est titulaire d’un doctorat en droit de l’Université de l’Oregon et d’une maîtrise en journalisme mondial et relations internationales de l’Université de New York.

Image : Wikimedia Commons.

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