Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La longue marche d’un livre et la nécessité de se réveiller

Très beau succès affirment les camarades organisateurs, avant hier soir pour le livre « Quand la France s’éveillera à la Chine », préfacé par Fabien Roussel, Secrétaire national du PCF, qui vient d’être publié aux Éditions Delga, en présence d’un des auteurs Franck Marsal économiste, agrégé de mathématiques et membre du PCF. Véritable plaidoyer pour l’amitié entre les peuples, l’ouvrage se débarrasse du futile pour aller à l’essentiel : le déplacement du centre de gravité mondial. Une « longue marche vers un monde multipolaire ». Un grand merci à Livres En Luttes pour cette belle soirée et à Franck pour son travail quotidien au service de nos combats communs pour l’avènement du socialisme…

Franck s’attaque à une forteresse, une tâche de grande ampleur, celle non pas de réveiller le PCF mais d’inciter à le recréer en construisant un projet communiste…

Personnellement, aujourd’hui j’éprouve un peu de découragement, la confusion est telle que plus personne ne perçoit la spécificité et l’intérêt de la lutte idéologique, de la contrepropagande. En revanche, rien de ce qui divise et qui détourne d’une issue politique ne parait étranger à la vie politique française… entre les banquets républicains électoraux, l’art et la manière de bloquer le peu qui se fait au nom de fatwas et de visées concurrentielles, il m’arrive de céder à un certain découragement, plus de trente ans à subir la médiocrité, l’étroitesse on peut comprendre…

Franck Marsal et Edmond Jansen, notre éditeur Delga… lors de la signature du livre à Vitry…

Il m’arrive de perdre patience devant la lenteur à envisager un projet des communistes français ? S’il n’y en pas, il n’y a aucune raison pour échapper à la logique qui est celle de la classe impérialiste dominante… Et la proposition de se retrouver à chaque échéance électorale autour d’un « banquet républicain » comme unique forme d’autonomie du parti, ne nous sort pas de cette absence de perspective.

En quoi le projet communiste, le socialisme à la française que porte en particulier mais pas seulement Franck Marsal dans notre livre ne peut pas ignorer ce que représente ne serait-ce que pour la paix, le refus du surarmement, de l’austérité et plus pour les travailleurs, le contexte géopolitique. C’est la seule question que nous posons dans notre livre et il y a mille et une manière de l’éviter… Parce que c’est dans le rétrécissement du champ de son action que chacun trouve cette logique des apparences : il ne s’agit pas de savoir les Faits, d’en déduire des choix logiques, non il s’agit de se vendre et donc de se construire l’apparence de l’illustration de la force. Chacun se construit alors un monde à sa mesure dans lequel il s’agit de paraître détenir la raison sans raisonnement mais par affirmation et exclusion.

Si l’on prend le non événement qu’a été la décision de quelques individus, ne représentant qu’eux-mêmes vu l’état de leurs « partis », de proposer un serment de la gauche en vue de primaires pour la présidentielle, il y a là la construction d’un espace « non politique » (qui en fait exclut toutes les questions politiques ayant une incidence réelle sur la vie des gens) il illustre assez bien cette capacité que Marx attribue en priorité aux Français de s’agiter en vain. Nous y reviendrons.

Ce que je voudrais dire ici est une évidence pour les gens qui ont été formés au matérialisme dialectique et historique : la logique dominante est celle de la classe dominante et il ne suffit pas de se déclarer communiste ou de gauche pour y échapper.

Une amie me racontait comment un jeune adhérent de sa section, pas plus pro-capitaliste qu’un autre et qui dans toutes les manifs se baladait couvert de badges vantant le Che et l’URSS, avait voté au dernier congrès pour un amendement de dénonciation du génocide ouïghour. Elle l’avait interrogé : pourquoi tu as voté pour cet amendement ? Qu’est-ce que tu sais des Ouïghours – l’avait-elle interrogé ? le jeune adhérent lui avait répondu : il y avait dans la résolution une phrase qui vantait l’indépendance du PCF par rapport au parti communiste chinois, le refus de tout modèle, il avait trouvé que cette dénonciation illustrait parfaitement la position. L’important n’était pas que le fait soit vrai ou faux mais qu’il illustre le rapport…

Le fait est que ce « vide » politique n’est que le prolongement, au prix d’accommodements, de ce qu’impose l’impérialisme dominant, Trump dont nous verrons qu’il est de moins en moins en situation d’avoir la « frime » crédible. Il faut à tout prix éviter les enjeux politiques réels pour leur substituer ceux susceptibles d’entretenir des « collectifs » qui ne mènent nulle part.

C’est fascinant, rien n’échappe à cette étroitesse y compris le fait que ceux qui ont résisté depuis trente ans se sont construits « contre » et s’avèrent incapables de construire « pour ». Comment faire comprendre à des gens qui n’ont jamais connu rien d’autre que la contrerévolution qu’il y a des moments où l’on peut considérer le positif, l’apport ?

Mais revenons-en à la proposition de primaires à gauche qui ne repose que sur le constat qu’il n’y aurait qu’une élection qui compterait, ce serait (comme aux USA) la présidentielle engendrant un spoil system qui déterminerait toutes les autres places dans les élections subordonnées. Notons que Mélenchon et Glucksmann ont refusé en fonction de la même logique en estimant que leur position de favoris les dispense de toute coalition et renvoie à l’électeur. Notons que ce qui est valable pour une majorité à un tour comme aux USA risque d’avoir des résultats différents avec deux tours et que le problème actuel est bien qu’à force de jouer avec le système la surprise peut intervenir comme pour Trump dès le premier tour. Il est évident que tous ces jeux entrainent un certain découragement de l’électorat tant ils fonctionnent à usage interne.

Nous sommes dans le triomphe de l’évitement du politique.

Je dois dire que le rassemblement qui s’est opéré autour de l’idée des « primaires » à gauche relève de cet art typiquement français d’éviter les enjeux politiques réels en leur substituant une activité quelconque du type les banquets républicains.Il faut relire la correspondance de Marx et Engels et la manière dont en février 1851, les deux révolutionnaires ne supportent plus l’art et la manière des « Français » de se trouver des enjeux à leur portée.

Ainsi Marx écrit à Engels : « la société de la Church street se faisait passer pour une société philanthropique destinée à venir en aide aux réfugiés politiques français. Ledru-Rollin, Louis Blanc,Adam, bref tout le monde participait à l’activité de cette société sous ce prétexte. La politique en était statutairement exclue. mais voilà que la perspective du 24 févier se rapproche. Tu sais que, lorsqu’existe une occasion de se donner de l’importance, les Français s’y préparent avec autant de solennité et aussi longtemps à l’avance qu’une femme enceinte le fait pour son accouchement » Ledru Rollin et Blanc étaient tous deux présents ce soir là. Ce dernier fit un discours de jésuite, longuement préparé et habilement tourné, dans lequel il essayait de prouver qu’un banquet politique allait à l’encontre des statuts de la société, qu’il ne ferait que montrer à la France leurs discordes, etc. (…) on lui répondit. Mais on décida, malgré son discours que personne n’admira autant que lui, de tenir ce banquet ».. (p.145)

et il poursuit sa description en expliquant comment un de leurs amis s’est trouvé pris dans un tel paroxysme de grands sentiments, se fait l’instrument d’une vulgaire intrigue contre celui chez qui il dinera demain. Il y aura même, ajoute Marx moqueur, l’entrée en lice des « ouvriers parisiens » qui ne sont rien d’autres que les 25 délégués du palais du Luxembourg devenus la risée des autres ouvriers. A qui le grand homme assure qu’ils sont les plus authentiques socialistes du monde. p.147

La gauche est dans un bien triste état mais il est celui d’un déclin politique plus général, celui de l’Empire :

Un signe évident d’un empire, d’une société en déclin est leur incapacité à fanfaronner d’une manière convaincante.

De ce point de vue, on peut considérer que la chute de l’URSS a fait s’effondrer également la crédibilité des USA, ce qui entraîne bien d’autres institutions, y compris dans l’opposition dans la mesure où les dites oppositions ne sont plus depuis des décennies que des appareils de la dite hégémonie.

Ronald Reagan qui était un as de frime a réussi en dépit de toute logique à faire croire aux Soviétiques engorbatchivés qu’ils s’effondreraient en matière d’armement face sa « guerre des étoiles » un bidonnage manifeste avec quelques complices bien placés mais favorisé par la manière dont avaient été travaillée l’opinion. Reagan était encore assez crédible pour que Menahem Begin reste dans les limites de ce que l’opinion, qui lui était acquise, puisse supporter. L’avantage de la situation était que quand l’UE faisait partie de ce système où il était plus prudent de feindre de croire, elle en tirait des bénéfices secondaires de moins en moins évidents d’ailleurs.

La Chine, si l’on en s’en réfère aux chiffres du PIB, a complétement bousculé les « totems ». Les USA ont conservé un avantage évident mais reposant de moins en moins sur des productions matérielles, et comme l’ensemble de l’occident perdait pied et que la Chine et d’autres pays émergents montaient même si cette montée était encore sous-estimée, logiquement ceux qui en faisaient les frais étaient non seulement des pays qui s’enfonçaient dans le sous développement mais l’UE elle-même, et d’autres alliés vassaux. C’est dans le cadre de cet écroulement que la propagande sur la toute puissance marche de moins en moins bien.

C’est de cette situation que nous sommes partis dans notre livre et sa proposition de nous intéresser à ce que dit et fait la Chine, en partant de nos intérêts spécifiques et non de la propagande habituelle.

Les faits sont indubitables, déjà l’effondrement de l’URSS a accordé un sursis mais la crise n’a pas été résolue… mais la situation s’est encore aggravée pour l’empire. Trump tente en vain de nous vendre à la mode de Reagan, de plus en plus effrontément, son escroquerie à la toute puissance. Il y a mis le paquet au plan interne. Aujourd’hui, Donald Trump a le contrôle total de son parti et des trois branches du gouvernement. À tel point qu’il est capable d’intimider le Congrès pour qu’il adopte le budget le plus stupide et le plus impopulaire de mémoire récente. Mais dès qu’il met le nez hors de chez lui, il a du mal à imposer l’image de la toute puissance.

Vladimir Poutine, malgré ou à cause du cirque sur l’Iran, a refusé de renoncer aux positions chèrement acquises contre l’OTAN et les roquets européens. Dis à ton Zelensky qu’il se rende compte de la situation, tout le reste est du pipeau de propagande à laquelle plus personne de sensé ne croit. Macron, le landerneau européen est prêt à assumer 5% du PIB pour défendre l’OTAN sous commandement américain et 10% de frais de douane le plus vite possible selon les mots de Merz et de Macron, tant il sait risquer 25 et plus.

Les Chinois qui voient bien la situation n’ont pas de raison de se montrer plus royalistes que le roi face à des gens qui sont prêts à se faire plumer avec tant d’enthousiasme simplement parce que leurs chefs comme Zelensky ont peur pour leur carrière et le magot placé dans les paradis fiscaux.

Celui que l’on peut considérer comme le client le plus cher des USA même face à l’Ukraine, Benjamin Netanyahu, continue à massacrer avec entre autres une société de service américaine, qui mieux que ce pays mêle aussi bien l’humanitaire et le militaire.

Comme le soulignait un commentateur cynique : les successeurs de Reagan ont fait passer la diplomatie pour rien de plus qu’un simple contrôle des dégâts. C’est Henry Kissinger, le grand imprésario, qui a traduit le pouvoir et l’influence diplomatiques en argent d’une manière qui n’avait jamais été tout à fait auparavant, ou pas à un tel point. Il avait une bonne formule : monter un bureau boutique, embaucher vos lieutenants et scribes préférés, charmer des poignées de PDG et collectionner. L’exemple de Kissinger a permis à une centaine de fleurs, appelées « associés » ou « groupes », de s’épanouir. Les responsables de l’administration Joe Biden ont trouvé des sinécures heureuses, mais ne font pas visiblement la promotion de « Blinken Associates » ou de « The Sullivan Group ». Quoi qu’il en soit, ils sont déjà passés par là, ils l’ont fait. Ils se tiennent occupés à écrire des commentaires énergiques ou à remuer leurs doigts (doucement). Par exemple, Jake Sullivan est passé à la télévision la semaine dernière en affirmant que lui et son administration ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour contenir les Israéliens, mais qu’ils ne pouvaient pas cesser de leur donner la plupart des armements parce que cela aurait laissé Israël sans défense contre le Hezbollah et les Houthis. Pendant ce temps, « nous avons évité une famine » à Gaza. Il a également écrit un essai pour le New York Times, « Trump joue un jeu cynique avec l’Ukraine ».

En ce moment le monde entier, les BRICS à Rio de Janeiro, les absents comme les présents, le Japon mais aussi les Européens et même Macron à sa manière s’interrogent sur ce qui va être décidé le 9 juillet par l’atrabilaire pseudo-maitre du monde, le vrai problème est que personne n’a le courage de proposer un choix, une rupture… pourtant…

Qui peut croire à de telle âneries ? Et surtout qui a le loisir de feindre d’y croire ?

Face à cela, la Chine défend des formes de rationalité qui apparaissent comme un facteur de stabilité et imposent une différence de traitement à eux qui n’ont cessé d’être les victimes de ces mafieux pleins de gloriole. Quel est ce monde multipolaire face auquel notre monde se débat et dans lequel il semble que le seul rendez-vous qui ait un sens est celui du 9 juillet où Trump va nous imposer ou non sa loi, banquet républicain ou pas…

Enfin peut-être une bonne nouvelle, il y aura un Congrès du PCF l’été prochain peut-être que …

Danielle Bleitrach

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