Il y a incontestablement encore la sous-estimation chez ce fin analyste russe très « gouvernemental » de ce qu’est l’empire US aux abois… Le fait qu’il doit montrer sa puissance et que Netanyahu lui en fournit l’opportunité. Il y a une double sous-estimation de l’empire, celle des écœurés des démocrates et sociaux démocrates qui ont cru voir en Trump un mal nécessaire comme certains amis allemands ou des ex-pays socialistes qui se sont réjouis de la férule qu’exerçait sur l’UE, sur les bavards comme Macron et Von der Leyen, Trump et son camp d’extrême droite. Il y a eu majoritairement (et c’est toujours une tendance dominante dans la gauche et une partie du PCF) l’espoir dans les démocrates, la négation de ce que représentaient les Obama, Biden and co à savoir l’hégémon impérialiste à son stade ultime… L’Amérique c’était sûr allait se réveiller, comme il y avait peut-être une légitimité au génocide israélien à partir du 7 octobre. Depuis tant d’années cette gauche ne cesse de cautionner le viol du droit international et s’acharne sur les adversaires supposés de l’empire, de Poutine à XI aujourd’hui, en les diabolisant… Oui les Etats-Unis sont ce qu’ils sont et la lâcheté complaisante de l’UE, de toutes les forces politiques nous conduit au désastre… Le gauchisme, ses divisions, ses perpétuelles surenchères refuse également de voir la nature du mal et ce que le combattre suppose. Nous publions par ailleurs le résumé de l’intervention très importante de Ziouganov. Lui aussi insiste sur l’Apocalypse now de l’empire et de ses guerriers par procuration mais il le fait aussi comme un communiste : y a-t-il un parti communiste en France ? (Note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)
https://ria.ru/20250617/izrail-2023203045.html
Quelques jours après l’attaque israélienne contre l’Iran, il faut répondre à une question simple : que veut Netanyahu ? Son plan maximal n’est même pas caché : les Iraniens doivent se révolter contre le « régime des ayatollahs », afin qu’un régime favorable à l’Occident et à Israël arrive au pouvoir.
Pour pousser les Iraniens dans cette direction, Israël bombardera non seulement les installations nucléaires et militaires, mais tuera également les dirigeants militaires et politiques du pays, détruira les installations énergétiques, y compris les réservoirs de pétrole, frappera les bâtiments des autorités, tout en combinant cela avec des attentats terroristes menés depuis le territoire iranien (y compris en tentant d’assassiner le rahbar Khamenei). Si le scénario d’un changement de pouvoir ne fonctionne pas, le début d’une agitation interethnique et la désintégration du pays, avec la participation, en particulier, des Azerbaïdjanais et des Baloutches iraniens, feront l’affaire. Dans tous les cas, l’objectif d’Israël est l’élimination de l’actuelle République islamique d’Iran en tant que telle, soit par un changement de système politique, soit par l’effondrement du pays.
La probabilité d’un tel scénario est quasi nulle, mais Netanyahu ne semble pas partager cet avis. Il lance régulièrement des appels au peuple iranien, tandis que la propagande israélienne tente par tous les moyens de présenter Khamenei comme un « dictateur sanguinaire » que la majorité des Iraniens rêvent de renverser. Le fait que l’Israël croit à la probabilité d’un tel scénario est en soi très dangereux, car cet État possède l’arme nucléaire et pourrait très bien l’utiliser contre l’Iran s’il estime que cela constituerait la goutte d’eau qui ferait basculer le régime iranien ou déclencherait une révolte populaire contre Khamenei. Bien sûr, l’utilisation d’armes nucléaires contre un pays qui aurait été attaqué en raison de son intention de fabriquer une bombe atomique serait d’un cynisme sans nom, mais depuis le génocide de Gaza, tout le monde s’est habitué à l’idée qu’il n’existe aucun crime qu’Israël ne tenterait de justifier par son « droit à se défendre contre un nouvel holocauste ».
Même l’utilisation d’armes nucléaires contre l’Iran ne permettra pas à Israël d’atteindre son objectif : l’Iran ne s’effondrera pas et la République islamique ne sera pas balayée par les masses populaires. De la même manière, l’assassinat du rahbar Khamenei ne garantira pas à Israël la sécurité tant désirée (alors que c’est précisément cette sécurité qui est présentée comme la principale raison de l’attaque contre l’Iran). Après l’utilisation d’armes nucléaires, Israël se retrouverait non seulement isolé sur la scène internationale (à l’exception toutefois de son principal partenaire, les États-Unis), mais ouvrirait également la voie à la bombe atomire iranienne, et personne n’aurait alors quoi que ce soit à objecter à l’acquisition d’armes nucléaires par Téhéran. Et peu importe le temps que cela prendra, un an ou cinq, les Iraniens obtiendront la bombe atomique. Celle-ci ne sera pas utilisée contre Israël, mais deviendra une épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête.
Netanyahou en est-il conscient ? Bien sûr, mais cela ne fait que renforcer sa détermination à mener à bien son programme maximaliste. Le 13 juin, il a franchi le Rubicon, et il n’y a plus de retour en arrière possible. Il pense toutefois pouvoir mener à bien ce programme avec l’aide des États-Unis, ce qui lui éviterait d’avoir recours à l’arme nucléaire. Les États-Unis doivent battre l’Iran, non seulement en détruisant ses programmes nucléaires et balistiques, mais aussi en brisant sa volonté de résistance. Les États-Unis doivent mettre l’Iran à genoux, comme ils l’ont fait avec l’Irak. Et cela sans opération terrestre ni occupation. En effet, les États-Unis ne sont actuellement pas du tout disposés à s’engager dans une grande guerre au Moyen-Orient. Mais bombarder et affaiblir l’Iran peut sembler possible à Trump – ou plutôt nécessaire, si Netanyahou parvient à le mener à une telle situation.
Bien sûr, Trump est actuellement catégoriquement opposé à une participation directe des États-Unis dans des attaques contre l’Iran, et Téhéran n’a pas l’intention de céder aux provocations et de frapper les bases américaines dans la région. Mais Israël est passé maître dans l’art de la provocation, et rien ne peut être exclu, y compris le naufrage d’un navire militaire américain par un « missile iranien », qui servirait de prétexte à l’entrée en guerre des États-Unis.
Mais même dans ce cas, cela ne garantirait qu’un grand incendie dans la région : des attaques contre les bases américaines dans les pays du golfe Persique et en Irak, des frappes contre des sites iraniens par des missiles et des bombes américains. L’Iran subirait d’énormes dégâts, mais là encore, il est impossible de prédire un changement de régime. Sans occupation du pays (et les Américains n’essaieront même pas de le faire), il est tout à fait inutile d’espérer « se débarrasser des mollahs ».
Que ressort-il de tout cela ? Netanyahu a attaqué l’Iran dans le but de tuer quelques dizaines de hauts responsables militaires iraniens, de détruire une partie de la défense aérienne et de bombarder des installations militaires ? Le programme nucléaire n’est pas éliminé, le régime n’est pas renversé, mais ceux qui étaient indifférents à Israël sont désormais imprégnés de haine à son égard. Même si l’Iran accepte un accord avec les États-Unis à des conditions plus strictes pour lui (ce qui n’arrivera pas, car l’accord ne peut être conclu qu’à condition que le programme nucléaire soit maintenu), comment cela renforcera-t-il la sécurité d’Israël ? Téhéran était déjà prêt à conclure un accord, qui a été saboté par les forces pro-israéliennes à Washington, puis par Netanyahou lui-même avec son coup de force du 13 juin. Désormais, l’Iran sera déterminé à se venger d’Israël, et il s’y préparera même sans armes nucléaires.
Avant le 13 juin, Netanyahou était coupable du génocide de Gaza, désormais il est également coupable d’une attaque non provoquée contre l’Iran. Il n’a nulle part où reculer : même en mettant fin (sous la pression des Américains) aux attaques contre l’Iran, Netanyahou restera dans une impasse totale à Gaza : il ne veut pas retirer ses troupes, et pour expulser tous les Palestiniens vers la partie du secteur qui leur est réservée, il faudra tuer encore des milliers de personnes, ce que même l’Europe ne peut plus observer en silence. Le mensonge sur la menace nucléaire iranienne, qui a été utilisé pour justifier l’agression et la tentative de changement de régime, s’est combiné au mensonge sur la « libération des otages » et la « légitime défense » à Gaza, qui a servi de couverture au génocide, et l’image d’un homme cruel et dangereux s’est complètement imposée.
Netanyahou annoncera bien sûr sa victoire sur l’Iran et sur Gaza, mais en réalité, il s’agira de victoires à la Pyrrhus. Pas pour lui personnellement, mais pour l’État d’Israël.
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