Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Comment l’humanité domptera-t-elle l’intelligence artificielle ?Le problème des deux corps par Danielle Bleitrach

A la suite de l’incursion de jean Jullien (Xuan) dans l’univers de deep seek sur le seul sujet de la diffusion de notre livre dans la France telle qu’elle est aujourd’hui nous avons eu ci et là quelques remarques pertinentes à force d’être impertinentes… je retiendrai l’enthousiasme de ce militant du PCF qui a enfin trouvé un cadre compétent pour divers secteurs du PCF qui ont du mal à trouver les individualités aptes à la tâche, en particulier orientés vers l’action: voilà un excellent secrétaire à l’organisation ou à la commission internationale… Il y a eu encore ce communiste vivant en Chine et ayant découvert son engagement envers le socialisme à la chinoise qui fait état d’une tendance de la « robotique » chinoise visant à développer les qualités d’empathie envers les êtres affaiblis, les vieux en particulier, que la société chinoise en proie à l’accélération a tendance comme la nôtre à larguer … les femmes qui travaillent, font carrière ont tendance à ne plus être les brus dévouées de jadis… Quant aux jeunes de l’ère du numérique, au positif on peut se dire qu’ils ont envie de tout sauf de partir sur le front patriotique, mais que leur passion pour les peluches et autres objets de tendresse révèlent un isolement préoccupant. Et voici à ce propos la remarque de notre Français communiste en Chine : Nous voilà en 2030…
Les performances de DeepSeek (il y en d’autres) auront progressé exponentiellement. S’y ajouteront la compréhension de nos expressions faciales, l’interprétation de nos attitudes, de nos mouvements, du rythme de nos intonations. Seront analysées en temps réel des informations plus intimes : rythme cardiaque, respiration, et toutes les ondes que nous émettons…
Tout cela emballé dans une forme humanoïde.
Vous aurez un compagnon compréhensif, complice, pourvoyant à tout moment un infatigable soutien.
Le compagnon parfait ? Beaucoup le prendront ainsi.
Les implications sont difficiles à cerner, la jeunesse de l’humanité fera avec.

L’animal domestique, chat, chien et sympathies plus bizarres remplit déjà la case… en France…

Deepseek a proposé à chacun des membres de notre équipe un rôle spécifique : moi je suis redevenue la sociologue du travail que j’ai été jadis… Et le défi m’a amusé…

Un jour j’ai rencontré un Chinois très sage, il s’appelait Wang comme chez nous on s’appelle Durand ou Martin, et Popov en Russie, il tenait un restaurant du côté du Prado à Marseille, à quelques centaines de mètres du consulat chinois à Marseille et il m’a tenu les propos suivants.: « Savez-vous quel est le principal défi de la Chine? » J’ai énuméré tout ce qui me passait par la tête depuis l’hostilité déjà manifeste d’un occident qui pourtant paraissait alors si attirant jusqu’au défi climatique qui risquait d’assècher la source des grands fleuves asiatiques dans l’Himalaya… Il secouait la tête négativement à chacune de mes hypothèses et à la fin il m’a expliqué: « tout cela est dit et ce qui est dit a déjà une solution. Non ce qui n’est pas dit est ce que sont les enfants chinois, de petits empereurs capricieux. Auront-ils la force d’affronter ce que le peuple chinois a toujours su surmonter ? C’est cette révolution là que nous devons accomplir…  » Xi Jinping n’était pas encore au pouvoir et la révolution culturelle maitrisée que selon Jean Jullien il a entamé à l’intérieur du parti porte là-dessus aussi. On ne peut pas parler des effets de l’intelligence artificielle sans partir de là, ce ce facteur humain de l’avenir.

C’est de cela que nous parle aussi notre Français devenu communiste chinois… Mais comme je suis une indécrottable optimiste, j’ai tenté de voir le ou les facteurs humains qui pourraient utiliser la machine sans se faire engloutir par ses séductions fallacieuses, en obéissant à l’intelligence artificielle qui me conseillait un retour vers mon métier de sociologue…

Il y a au moins deux supériorités incontestables de l’être humain sur la machine… outre le fait qu’elle est fabriquée et programmée à l’intérieur de rapports de production… qui gouvernent son usage et aussi les conditions de « la reproduction » de leurs utilisateurs. Il est à noter que le modèle est le prolétariat mais aussi à travers ses supposées qualités d’empathie, la prolétaire du prolétaire la femme… Mais voici que l’aspect symbolique est une autre étape, celle que l’on nous présente comme l’ultime concurrence, partons de là…

La première est évidente, je pense à quelqu’un comme Aragon… j’imagine comment quelqu’un aussi « doué », qui a su mobiliser sur son propre modèle les forces de l’intelligence française qui sur le modèle des Encyclopédistes, des savants, rassemblant leurs frères en peinture et le peuple soulevé dans une perspective extraordinaire à la création artistique. Balayant ce que la réaction avait ramené en France avec l’aide des armées étrangères, tous les parasites et les insolences des leur valetaille. Ces gens là se sont habillés d’oripeaux du conformisme qui ont fait oublier la réalité française… Aragon c’est le travail, le travail encore le travail jusqu’à ce que surgisse le juste, ce qui ne peut pas être autrement.

Si l’on prend les créations de l’intelligence artificielle en matière de peinture, on peut se casser le nez sur la reproduction dont tous les éléments matériels paraissent authentiques mais il manque une chose la vie, le personnage de Rembrandt n’a pas vécu, il est vide. Mais en revanche, l’intelligence artificielle peut nous apprendre à comprendre autrement la création, en suivant l’acte créatif lui-même comme une danse virtuose, des mouvements de la gymnastique chinoise, l’invite non intellectuelle à chacune des parties et la remontée de la forme en contenu de connaissances nouvelles. La base de données de la connaissance se multiplie à l’infini et augmente les possibles de l’humanité si elle accepte ce travail …

En mesurant cela, je suis prise d’un immense regret pour ces potentialités inexplorées… Elles vont avec la conscience chinoise que la terre est notre unique vaisseau spatial pour aller vers cet univers. Il y a eu à la renaissance le moment galiléen où l’humanité a perdu sa centralité à l’image du dieu qu’elle s’était créé puisque le soleil ne tournait pas autour de la terre, l’humanité a pris peur et à combiné cette connaissance déstabilisatrice avec tous les obscurantismes et pourtant elle a fini par acquérir une nouvelle centralité, celle de la connaissance prière spinoziste… Nous sommes à un moment semblable…

Et maintenant après cet envol vers l’infini, il reste à accepter cette autre face irréductible peut-être de l’humanité. celle que résumait Thomas Mann en déclarant qu’il y avait mille sortes d’intelligence dont la bêtise n’était pas la moindre. Si l’intelligence est l’adaptation des buts et des moyens, il ne faut pas sous-estimer la bêtise : il suffit d’avoir été la proie du sadisme ordinaire d’un employé d’une bureaucratie quelconque pour en subodorer l’efficacité…

Ou encore dans le virtuel français dans lequel la démolition systématique de l’hôpital s’accompagne du rêve d’un robot bienfaisant : Faire entrer la robotique dans l’air de l’enchantement et lui donner une véritable histoire. C’est le but de la société Enchanted Tools qui a créé un robot tout droit sorti d’un dessin animé, mais qui veut être avant tout une aide. Imaginez-vous dans une chambre d’hôpital toujours un peu froide et austère. Voici qu’arrive pour l’égayer et vous amener votre repas un étrange robot sur roulette géante. C’est Miroki, « l’aide-hospitalière ». Son rôle: déplacer des objets pour épauler les soignants.

C’est là qu’on se dit qu’il y a comme un problème dans le capitalisme entre la destruction systématique et le jouet du robot bienveillant. En revanche, on se souvient des hôpitaux de Wuhan construits en dix jours, il y a toute l’accélération du socialisme chinois en matière d’infrastructure, de formation et l’appel à des robots bienveillants qui changent la donne. Mais à ceux qui osent parler de ça comme notre livre, il y a toujours un imbécile pour faire de Staline et de Mao des croquemitaines. Ou comme Claude Gindin dans le XIII arrondissement (le Chinatown de Paris) refuser un débat autour de ce livre de la part de la section en expliquant que deux des auteurs sont des nostalgiques de l’Union soviétique. Il se trompe d’ailleurs nous sommes quatre nostalgiques plus notre éditeur. Mais où est le problème? Sinon dans la redoutable efficacité des excommunications imbéciles.

Ce sont les propositions de deep seek concernant la diffusion de notre livre qui m’ont incitée à voir à quel point l’intelligence artificielle ne mesurait pas le caractère totalement absurde et efficace de la bêtise. Notre societe tout entière est la proie d’une bêtise grotesque, vaniteuse, inculte… et les interdits y sont imperméables à tout raisonnement logique, ils sont bigots… Il suffit d’aller sur un plateau de LCI. le consensus atlantiste atteint des niveaux ubuesques… et il faut avoir la mémoire d’un poisson rouge pour accepter de prendre pour de l’information ce qui est affirmé comme la base de données sur laquelle on nous invite quotidiennement à exercer notre raisonnement.

Cela ne serait rien s’il n’y avait pas des relais. J’ai dit le rôle d’Aragon et du PCF dans l’art de lier les diverses avant garde de la science, de l’art avec un peuple soulevé dans une perspective humaniste véritable qui en fait est le seul à donner sens à la création. Comme le souligne encore Aragon, c’est Figaro devenu sans culotte du Faubourg saint Antoine qui a rendu Beaumarchais éternel.. On retrouve chez Brecht et d’autres la même reconnaissance… Celle de la longue marche du prolétaire chinois dont nous parlons dans notre livre.

Il n’y a pas d’autre voie que celle-là mais ne croyez pas qu’elle soit exempte de cette autre dimension spécifique de l’intelligence humaine, la bêtise et sa redoutable efficacité. Depuis toujours je suis fascinée et partagée devant ce que peut un parti communiste et la manière dont la fédération des Bouches du Rhône dans laquelle le sort m’a jeté exerce l’art et la manière d’étouffer toute réflexion en alourdissant le poids de l’action. Cette fédération comme l’ensemble de la vie politique locale obéit à un mode de fonctionnement dont personne ne sait plus à quoi il correspond. J’ai tendance à penser qu’il s’agit de la méditerranée avec son génie et son univers clanique, le poids conjugué des Corses, italiens, maltais, espagnols, grecs et maintenant algériens, syriens, etc… . Le clan, ce monde qui engendre de fait des mafias, des bandits soutenant les formes les plus aliénées, les plus réactionnaires, accumule d’inextricables vendetta sur des générations. Chaque défi des temps est confronté non seulement à la force de la classe dominante, de ses armées et gendarmes, tribunaux, mais à des rebellions mafieuses qui les confortent par des lois du silence et des bannissements incompréhensibles.

L’intelligence artificielle, qui a répondu à Jean Jullien en ce qui concerne la diffusion de notre livre n’a pas la moindre idée de l’efficace bêtise des vengeances et des complicités qui se nouent autour de la censure de mes livres dans cette fédération. Effectivement en tant que sociologue, j’ai jadis étudié ce système marseillais et qui a ses prolongements diversifiés dans la région PACA. Trois livres en particulier (3) et j’ai parfois envie d’en commettre un autre avec COMAGUER, Bernard Genet qui nous a reçus à radio Galère. Les municipales sont un terrain idéal… Je puis vous assurer que s’attaquer à cette forteresse de complicités stupides mais redoutablement efficace n’est pas encore à la portée de l’intelligence artificielle… Comprendre pourquoi il est interdit de parler de notre livre dans la Marseillaise, dans la fête qui est intervenue samedi dernier est passionnant pour un sociologue… même si ces gens là m’horripilent à un point tel que j’ai renoncé à être membre du parti à cause d’eux… Comment vous expliquer le niveau ? avez vous tenté un jour de faire entendre raison à un gendarme corse décidé à dresser un procès verbal au comble de la mauvaise foi ?

J’ai fini par éprouver une sorte de passion d’entomologiste à suivre les méandres de ce qui conduit à la bonne conscience généralisée de l’interdit de mes livres dans la fédération des Bouches du Rhône et je constate avec intérêt que la préface de Fabien Roussel aurait plutôt aggravé les choses. Comme paradoxalement cela ne nuit pas à leur relative excellente diffusion le cas suscite parfois chez moi un intérêt de sociologue. En effet, le livre a une deuxième édition, la première est épuisée et Marianne me signale que la couverture de la seconde édition a été malgré notre avis « améliorée » par notre cher éditeur qui a ses propres obsessions. Mineures mais incontournables…

Il y a l’équivalent de cette humaine propension à des efficacités parallèles, au niveau national, je pense à certains individus dans la presse, les revues, les commissions mais ce n’est rien par rapport à la mentalité clanique des Bouches du Rhône qui se double d’un certain art juridique du procès. Que l’on se rassure même si le centre de gravité de la stupidité humaine s’est déplacé, l’intelligence artificielle aura du mal à se dépatouiller dans la mosaïque vindicative et avide des Etats-dits Unis… José Marti, l’apôtre cubain a écrit des choses inoubliables là-dessus, sur des yankees qui ne voient que les tâches du soleil… Vouloir chasser les Mexicains de la Californie qu’ils leur ont piquée il y a peu et par la même occasion virer les Chinois venus construire lors de la ruée vers l’or les grands chemins vers le Pacifique c’est donner à Rantanplan et aux Dalton le soin d’user de la bombe d’Hiroshima. Nous y sommes et ceux qui ne veulent pas que notre livre soit lu mettent tous leurs espoirs dans le sémillant gouverneur de la Californie qui ne vaut pas mieux que ceux qui nous ont conduits là… C’est dire…

Donc je me résume… Nos enfants sont effrayés et ils ne veulent pas aller combattre les Russes dont on ne cesse de leur faire un portrait horrifique, on les comprend… pour le moment, il sont avec leurs jeux vidéo leur peluche comme moi avec mon chat… Que va-t-on faire de ça ?

L’intelligence artificielle est une technologie qui peut accroitre les potentialités humaines encore faut-il que celles-ci soient travaillées et on voit mal la réaction actuelle, ses dirigeants, ses élites en capacité de favoriser un tel travail…

Fort heureusement il reste l’insondable connerie humaine et sa redoutable efficacité pour introduire l’aléatoire dans toutes les opérations de la classe dominante comme d’ailleurs de ceux qui tentent de la combattre. Ne croyez pas que cette ultime réflexion soit aussi désabusée que ce qu’elle en a l’air. Dans le fond elle se rapproche du constat d’Einstein « Il y a deux choses infinies, l’univers et la bêtise humaine et encore je ne suis sûr que de la seconde proposition » mais surtout ma référence est chinoise. C’est l’unité des contraires, pour la maitriser mal, l’occident et l’éditeur (le très réactionnaire acte sud) a très mal compris le roman de sciences fiction de Liu Cixin le problème à trois corps, ce qu’il tire de la révolution culturelle. On a perçu qu’il développe une réflexion sur les limites de la morale dans un monde où règne la nécessité de survivre, une espèce humaine au sein d’un cosmos dépassant ses capacités de compréhension. Sa vision pessimiste des relations entre civilisations interstellaires qui lui fait entrevoir un autre mode du vivant supérieur qui ne nous considère pas plus que les conquistadors et les conquérants impérialistes ont considéré l’humanité des peuples qu’ils envahissaient. Ce qui ne l’empêche pas de célébrer dans le même temps la beauté de la science et de l’Univers, en particulier à travers des descriptions mêlant langage artistique et technique et en finissant par montrer qu’à cause même de son insignifiance, l’espèce humaine était comme les insectes, les parasites, indestructibles, une autre version de l’homme qui marche, le prolétaire.

Danielle Bleitrach

(1) L’usine et la vie : luttes régionales, Marseille et Fos, avec Alain Chenu, Maspero éditeur, 1979 :

Il s’agissait à partir d’une enquête concernant plus de 5 000 ouvriers de la zone de Fos-sur-Mer et de nombreuses entreprises (sidérurgiepétrolemétallurgie, etc.) de comprendre comment les modes de vie contribuaient à créer des types différenciés d’ouvriers ;

  • Classe ouvrière et social démocratie : Lille et Marseille, avec Jean Lojkine, Ernst Oary (Alain Chenu), Christian Delacroix et Alain Maheu, Éditions sociales, 1981 :

Étude comparative de deux modes de gestion municipale ouvrière. Dans les deux cas il s’agit d’analyser les modes d’hégémonie ouvrière, comment l’organisation, son idéologie a réussi à développer des formes originales de solidarité ;

  • Défaite ouvrière et exclusion, avec Mustapha El Miri, L’Harmattan, 2000 :

En partant de l’étude des trajectoires de 500 RMIstes marseillais, il s’agit d’une remise en cause de la notion d’exclusion. Pour les auteurs, l’exclusion manifeste la défaite ouvrière du milieu des années 1980 et elle correspond à la mondialisation qui accroît les inégalités non seulement dans le Tiers monde mais dans les pays industriels avancés car elle pèse sur les salaires en particulier ceux des travailleurs non qualifiés. Chassés de leur pays d’origine, une main-d’œuvre immigrée, souvent d’origine rurale, se heurte à cette situation et la classe ouvrière est défaite, mais aussi se défait, elle est de moins en moins collective : chômage, précarité, l’informel urbain s’étend.

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