Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Sans leurs armes nucléaires, la Russie et la Biélorussie seraient bombardées comme l’Iran, par Alexandre Nossovitch

Toutes les tentatives de renverser les régimes considérés par les Etats-Unis et leurs vassaux comme « non démocratiques », régimes le plus souvent créés pour empêcher l’accès des communistes proches de l’URSS durant la guerre froide et pour leur substituer des « démocraties » à la mode « occidentale », ont débouché sur des catastrophes. C’est la leçon de la fameuse lutte contre le terrorisme à la chute de l’URSS. Israël prétend rejouer un nouvel épisode de cet échec manifeste, parce que pour Netanyahou, comme pour Zelensky et les autres guerriers par procuration une fois de plus cet échec pourrait se traduire par une demande de comptes de la part de leur propre peuple autant que dévoiler la réalité de leur isolement et de leur manque de moyens réels y compris démographique (toute la population d’Israël équivaut à peine à celle de Téhéran) et de leur dépendance aux fournisseurs US et européens. Inventer qu’Israël est le rempart face au terrorisme islamiste alors que celui-ci n’existe que par la volonté de la CIA et des autres services secrets d’Israël et des occidentaux est déjà un paradoxe, mais le plus évident de la démonstration est que le « terrorisme » israélien, loin d’en finir avec le nucléaire, entraine une réponse évidente ; la prolifération outre la folie de bombarder des centrales nucléaires civiles (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop).

https://ria.ru/20250615/oruzhie-2022827209.html

L’attaque israélienne contre l’Iran le 13 juin avait pour objectif de renverser le régime de Téhéran. Ce n’était un secret pour personne : le Premier ministre israélien Netanyahou, dans son discours adressé au peuple iranien (et non israélien), a déclaré aux Iraniens que les Perses et les Juifs étaient de bons voisins depuis l’époque de Cyrus le Grand, et que les Iraniens devaient donc renverser leurs ayatollahs afin que des relations fraternelles puissent à nouveau s’établir entre eux et Israël. Ce ne sont que des paroles, mais les actions concrètes confirment les motivations réelles de Tel-Aviv. La destruction de l’élite militaire iranienne va bien au-delà de l’objectif de détruire le programme nucléaire iranien. Elle va encore plus loin que l’objectif de contraindre Téhéran à négocier sur ce programme. Comme l’a justement fait remarquer Donald Trump : comment conclure un accord maintenant, alors que tous ceux avec qui j’avais négocié ont été tués ?

En revanche, l’assassinat des dirigeants militaires confirme indirectement l’ampleur des divisions et des hésitations internes à Téhéran. Ce qui a été souligné à maintes reprises tant à Tel Aviv qu’en Occident : Israël n’aurait pas pu mener une telle opération sans un réseau d’agents infiltrés dans le camp ennemi, et si les Iraniens sont prêts à livrer les coordonnées de leurs opposants internes aux services secrets ennemis, c’est que le régime des ayatollahs a perdu tout soutien et est pourri jusqu’à la moelle : il suffit de le toucher du doigt (ou d’un missile) pour qu’il s’effondre. Dans le même ordre d’idées, on trouve les appels lancés à Elon Musk pour qu’il active Starlink au-dessus de l’Iran afin d’accélérer la révolution démocratique, et la promesse de Musk lui-même de le faire immédiatement.

Laissons aux spécialistes de l’Iran le soin de juger de la situation réelle dans ce pays. Ce qui nous importe, c’est la tendance. L’idée selon laquelle les objectifs de politique étrangère peuvent être atteints par un changement de régime dans le pays visé est dans l’air du temps en politique internationale. Si le régime ne change pas de lui-même, il faut l’y aider. Pour commencer, par des manipulations informationnelles et psychologiques et des opérations de recrutement au sein de l’élite dirigeante (les fameuses « révolutions colorées »). Si cela ne fonctionne pas, par des pressions économiques (sanctions). Si les sanctions ne suffisent pas, alors par la force.

Pour une raison quelconque, contrairement à toute la réalité des dernières décennies, les décideurs de nombreux pays continuent de croire que les régimes politiques s’effondrent sous la pression extérieure. Y compris par la force. Or, la seule manière qui ait jamais permis de renverser un régime par la force est d’occuper le pays, comme l’ont fait les États-Unis en Irak en renversant Saddam Hussein. Et si l’on déclare la guerre à un pays et que l’on bombarde ses villes en espérant que le peuple se soulève et renverse le pouvoir, l’effet est inverse. Cet effet s’appelle « le rassemblement autour du drapeau ». Le peuple bombardé se sent appartenir à une nation et se rallie à ses dirigeants, quelle que soit l’opinion qu’il avait d’eux avant la guerre.

Netanyahou lui-même aurait dû comprendre, par son propre exemple, que la pression extérieure ne détruit pas les régimes, mais les renforce. Avant l’attaque du Hamas en octobre 2023, le gouvernement Netanyahu était en compte à rebours : les bookmakers prenaient des paris sur sa durée de vie et sur le temps que Netanyahu resterait en liberté après sa démission. Aujourd’hui, la ligne de Bibi en Israël est sans alternative et monopolistique, ce qui a conduit à l’attaque contre l’Iran.

Les gouvernements inventent parfois eux-mêmes une pression extérieure afin d’inverser la tendance à la désintégration interne. Nous en avons un exemple frappant sous nos yeux : l’Union européenne et les pays qui la composent. Le spectre de la « menace russe » est devenu pour eux une panacée qui leur permet de freiner quelque peu la crise de l’intégration européenne et l’effondrement de la popularité des gouvernements européens. Sans la « terrible Russie », les pays baltes auraient tout simplement perdu leur raison d’être.

Dans les cas où l’attaque n’est pas une menace politique, mais une menace réelle et une perspective, l’arme nucléaire est la meilleure garantie contre les tentatives de « stimulation » des processus internes par la force militaire extérieure. Les malheurs de l’Iran sont dus au fait qu’il ne possède pas d’armes nucléaires (et qu’il est bombardé pour qu’il n’en ait pas). La Russie, en observant ce qui se passe en Iran, aurait tout intérêt à se reconnaître dans cette situation. En 2022, notre pays a également été déclaré en guerre – une guerre économique – et a également été bombardé – par des sanctions. Et là aussi, le calcul était stupide : le peuple, exaspéré par les privations, se soulèverait et renverserait Poutine.

Si la Russie n’était pas une superpuissance nucléaire, les Russes seraient bombardés avec des bombes plutôt qu’avec des sanctions.

La triade nucléaire a la propriété de modérer l’aventurisme et de ramener à la raison les esprits échauffés des politiciens. La République de Biélorussie, où il y a deux ans, la marche des nationalistes biélorusses – le régiment Kalinovsky – se préparait presque ouvertement, en est un excellent exemple. Les responsables de ce projet à Varsovie et Kiev partaient du principe qu’après l’invasion de l’opposition en fuite, des millions de Biélorusses descendraient dans les rues pour accueillir les « libérateurs » avec des fleurs et renverser Loukachenko. Le déploiement d’armes nucléaires russes en Biélorussie a mis fin à ce projet avec fracas. Depuis lors, la Pologne se comporte de manière calme et docile. Le statut nucléaire est le meilleur argument dans les relations avec ceux qui espèrent résoudre leurs problèmes de politique étrangère en s’ingérant dans vos affaires intérieures.

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