L’opacité du positionnement réel non pas de la politique française mais des intérêts qui la gouvernent renforcent le caractère totalement onirique des empoignades entre forces politiques à qui rien de ce qui est secondaire ne parait étranger. Ainsi nous apprenons qu’en Europe, de nouveaux défenseurs des ressources énergétiques russes ont fait leur apparition de manière inattendue : la France et la Belgique. Et nous apprenons que la Belgique achète du gaz russe et le revend à … l’Allemagne… La France fait exactement pareil et Total continue à gérer de loin ses intérêts russes… Le surarmement, voire le massacre ne gênent en rien les affaires, ce ne sont pas les mêmes qui payent à tous les sens du terme, par leurs impôts et par leur vie et ceux qui de toute manière encaisseront… (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)
https://ria.ru/20250611/evropa-2022038053.html
En Europe, de nouveaux défenseurs des ressources énergétiques russes ont fait leur apparition de manière inattendue : la France et la Belgique. Au cours des dernières années de guerre des sanctions, seules la Hongrie et la Slovaquie ont trouvé la force de déclarer ouvertement leur refus de renoncer aux ressources énergétiques russes. Ce n’est pas seulement parce que c’est bon marché et que cela permet de maintenir leur économie à flot, car le coût de l’énergie est intégré dans chaque produit et chaque service, mais aussi parce que l’approvisionnement en ressources depuis la Russie est pratique, rapide et peu coûteux. Alors que le gaz ou le pétrole de substitution doivent être recherchés sur le marché mondial dans un contexte de concurrence acharnée avec tous les autres acteurs, aux prix du marché sans rabais, puis transportés par voie maritime vers un pays étranger, puis à travers la moitié de l’Europe par voie terrestre, car ni la Hongrie ni la Slovaquie n’ont d’accès à la mer. Pourquoi la Belgique et la France ont-elles soudainement exprimé leurs inquiétudes quant au projet de la Commission européenne de renoncer à tout gaz russe à partir de 2027 ?
Le fait est que ces deux pays importent du GNL russe. Or, notre pays est le deuxième fournisseur de gaz liquéfié de l’UE après les États-Unis. Lorsque nous avons commencé à importer du gaz issu du projet « Yamal LNG », la Belgique est devenue sa principale plaque tournante. Des méthaniers brise-glace transportant du GNL russe arrivaient dans le port belge de Zeebruges, où ils étaient transbordés sur des méthaniers classiques avant d’être acheminés vers leurs destinataires dans d’autres pays d’Europe ou en Asie. Cependant, la Commission européenne avait déjà privé la Belgique de cette source de revenus en interdisant le transbordement de GNL russe. C’est désormais la région de Mourmansk qui se charge du transbordement, et elle a sauté sur cette occasion de gagner de l’argent.
Le transbordement est nécessaire, car les méthaniers de classe glace sont en nombre limité. Ils sont indispensables dans les conditions particulières de la route maritime du Nord pour exporter davantage de produits, tandis que les pétroliers classiques, qui naviguent facilement dans des eaux plus chaudes, sont beaucoup plus nombreux.
Pendant ce temps, la Belgique continue de tirer profit de ce qui n’est pas interdit : elle achète du GNL à la Russie pour ses propres besoins, mais principalement pour l’exporter vers les pays voisins, en premier lieu vers l’Allemagne. En raison des sabotages des gazoducs Nord Stream et pour des raisons politiques, les Allemands ont renoncé au gaz russe acheminé par gazoduc, mais continuent à recevoir et à consommer du gaz d’origine russe, qui leur parvient par voie maritime et en transit via la Belgique.
Bien sûr, la Belgique ne veut pas se priver de ces revenus, car elle tire profit de la réception du GNL, de sa regazéification et de sa livraison à ses voisins.
La France fait exactement la même chose et n’est pas prête à renoncer à ces revenus. De plus, la plus grande entreprise française, Total Energy, est également intéressée par le maintien des ventes stables de GNL russe provenant du projet Novatek « Yamal LNG ». Elle détient toujours 20 % de Yamal LNG et 19,4 % des actions de Novatek, qui est l’actionnaire majoritaire de ce projet. Pourquoi Total voudrait-elle détériorer la situation de son actif russe ? Certes, la société française ne touche actuellement aucun dividende de cet actif, mais celui-ci lui est manifestement cher (sinon les Français se seraient retirés du projet). Lorsque la situation géopolitique se sera calmée, Total espère tout de même recommencer à percevoir ses dividendes, voire récupérer les revenus perdus au cours de toutes ces années.
En outre, les destinataires du GNL russe ont un autre argument de poids dans leur manche : le refus du gaz naturel liquéfié russe ne pénalisera que les acheteurs européens, et non Moscou. En effet, le projet « Yamal LNG » bénéficie d’avantages fiscaux, notamment de droits d’exportation nuls. Cela signifie que le budget russe ne tire aucun profit de l’exportation de GNL et que cette interdiction de la CE n’aura aucun impact sur les revenus de la Russie. C’est d’ailleurs une autre raison pour laquelle Bruxelles impose cette interdiction sur le gaz non pas comme une sanction, mais sous le couvert d’une politique écologique.
Il n’est pas encore clair si Bruxelles parviendra à mettre en œuvre son projet. Mais les chances sont assez grandes en raison de la procédure complexe de prise de décision.
Actuellement, le gaz russe continue d’être acheminé vers dix pays européens de deux manières : par le gazoduc « Turkish Stream » et par voie maritime sous forme de gaz naturel liquéfié. La Hongrie fait partie de ces pays. Si l’Union européenne adoptait, comme par le passé, un ensemble de sanctions interdisant les livraisons de gaz par gazoduc et par voie maritime vers l’UE, il y a de fortes chances que la Hongrie (ou la Slovaquie, ou les deux ensemble) bloquent ces sanctions, comme elles l’ont fait au printemps 2022. Bruxelles se verrait alors contrainte de faire à nouveau des compromis, ce qui est très désagréable et jette un doute sur la pertinence de la politique de la Commission européenne. En effet, les arguments avancés par la Hongrie pour justifier son besoin d’approvisionnement par gazoduc depuis la Russie sont objectivement valables.
C’est précisément la Hongrie qui, en 2022, a défendu pour elle-même et pour ses voisins le droit de continuer à recevoir du pétrole russe via l’oléoduc « Druzhba », construit à l’époque soviétique. Budapest a exercé son droit de veto lors de l’adoption du paquet de sanctions au printemps de cette année-là : initialement, l’Europe voulait interdire toute forme d’approvisionnement en pétrole. Cependant, elle a dû céder à la Hongrie et exclure les livraisons par pipeline des sanctions, ne laissant en vigueur que l’interdiction des livraisons par voie maritime.
C’est pourquoi, cette fois-ci, la CE a décidé de ruser. Le refus de toute livraison de gaz russe, que ce soit par voie maritime ou par pipeline, a été présenté comme une mesure écologique visant à abandonner complètement les énergies traditionnelles d’ici 2050. Mais c’est précisément le gaz russe dont il faut se passer en premier lieu, d’ici 2027. Et il ne s’agit pas de sanctions, mais de nouvelles normes législatives imaginées par la CE. Leur adoption doit également être décidée par un vote des membres de l’UE. Mais pour adopter un ensemble de sanctions, tous les membres de l’Union doivent voter pour, sans exception, alors que pour adopter les nouvelles normes énergétiques de la CE, il suffit d’une majorité simple. Cela signifie qu’un seul vote contre, celui de la Hongrie, ne suffira pas.
C’est pourquoi l’augmentation du nombre de ceux qui peuvent voter contre est dangereuse pour l’initiative de la CE.
Une telle option ne peut pas non plus être exclue définitivement. Elle est possible si des changements géopolitiques majeurs surviennent. Par exemple, si le conflit en Ukraine prend fin ou si un changement d’élite politique se produit dans plusieurs pays européens. En Allemagne, par exemple, le parti « Alternative » gagne en popularité précisément parce qu’il prône la coopération économique avec la Russie. De nombreux Allemands ont ressenti les conséquences négatives de la rupture des relations économiques avec notre pays, sans parler de l’état lamentable de l’industrie allemande en général.
Techniquement, l’infrastructure nécessaire au retour rapide du gaz russe en Europe existe. Il y a le tronçon préservé du « Nord Stream 2 », le gazoduc « Yamal-Europe » qui traverse la Pologne et, enfin, le gazoduc ukrainien. Il suffit d’une volonté politique et de bon sens de la part des élites européennes.
Toutefois, même si la CE parvient à mettre en œuvre son plan et à faire du gaz russe, sous quelque forme que ce soit, persona non grata en Europe d’ici 2027, ce ne sera pas la fin. Il est possible que des échappatoires inattendues apparaissent pour poursuivre nos livraisons de gaz à l’UE, mais sous l’apparence d’un autre gaz. Il s’agit de l’apparition d’intermédiaires qui achèteront du gaz à la Russie et le revendront à l’Europe sous le couvert de leur propre gaz ou d’un gaz anonymisé.
La Turquie, qui ne serait pas contre devenir une grande plaque tournante du gaz et renforcer son importance sur le continent européen, pourrait bien jouer le rôle d’intermédiaire. Mais il pourrait finalement y avoir de nombreuses options d’intermédiation. En fin de compte, les Européens auront toujours besoin de gaz, et moins il y aura de déficit de l’offre, plus les prix seront raisonnables. Cependant, l’Europe ne parviendra pas à éviter la hausse des prix du gaz sur les marchés boursiers en renonçant à l’achat direct de combustible russe. Tous les pays européens en sont conscients : le prix du gaz augmentera à nouveau, et ce pour tout le monde sans exception.
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