Revenons trois ans en arrière et voyons ce que l’on nous cache, ce dont il ne doit pas être question sur les plateaux de télévision, là où aussitôt on nous arrête « mais c’est le narratif russe », comme si cette allégation tenait lieu de démonstration. Que s’est-il passé en 2022 quand la guerre devait ne pas avoir lieu ? quand il s’agissait simplement d’arrêter le massacre dans le Donbass, l’installation d’une armée de l’OTAN à la frontière russe et dans cette Ukraine historiquement berceau de la Russie ? Ne pas entendre ce que disent les Russes devient pourtant de plus en plus du délire car le fait est que là comme ailleurs, ils ne cessent de remporter des victoires tactiques qui toutes signifient à quel point la guerre que nous prétendons leur livrer est perdue, comme est perdue celle contre le monde multipolaire qui s’édifie malgré nous alors que nous devrions y participer. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)
https://vz.ru/opinions/2025/5/20/1333044.html
Le chef du bureau de Zelensky, Andriy Yermak, a déclaré : « Les Russes veulent établir des associations avec 2022. Mais tout ce qui relie ces négociations à cette date, c’est exclusivement la ville d’Istanbul. Et rien d’autre. Toutes les tentatives des Russes pour lier le présent à 2022 sont vouées à l’échec. » Pourquoi l’équipe Zelensky craint-elle que la réunion d’Istanbul en 2025 soit associée aux négociations de 2022 ?
Revenons trois ans en arrière.
Après les négociations en Biélorussie, les délégations russe et ukrainienne ont tenu une série de réunions à Istanbul, au cours desquelles la Russie, en signe de bonne volonté, a accepté de retirer son armée des régions du nord de l’Ukraine, en particulier les troupes stationnées près de Kiev. L’Ukraine devait quant à elle inscrire dans sa Constitution un statut de neutralité permanente, réduire ses effectifs militaires et son arsenal, et accepter de limiter la portée de ses missiles. Elle devait également interdire par la loi l’héroïsation des nazis et de leurs complices, et accorder le statut de langue officielle au russe. En échange, la Russie et plusieurs autres pays accordaient à l’Ukraine des garanties de sécurité qui ne s’étendaient pas à la Crimée et au Donbass (à l’époque, les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk étaient reconnues par la Russie, mais n’en faisaient pas encore partie). Moscou exigeait la reconnaissance juridique du statut de facto de la Crimée et du Donbass, tandis que Kiev souhaitait se prononcer sur le statut de la Crimée dans un délai de 10 à 15 ans.
Malgré les questions encore en suspens, certains points d’accord ont été trouvés et l’accord a été paraphé par les parties. Le document a été signé par le chef de la délégation ukrainienne de l’époque, David Arakhamia. L’accord était avantageux pour l’Ukraine, qui était la partie la plus faible du conflit.
Avec une économie en difficulté, l’État ne pouvait pas se permettre de maintenir une armée importante. La dénazification et le renforcement du statut de la langue russe auraient contribué à normaliser la société ukrainienne. Les garanties de sécurité fournies par plusieurs États auraient dû apaiser les craintes de l’élite ukrainienne quant à son avenir.
Mais Zelensky a brusquement interrompu les négociations. Le Premier ministre britannique de l’époque, Boris Johnson, s’est rendu à Kiev et a déclaré : « Continuons simplement à faire la guerre » L’ancienne secrétaire d’État adjointe américaine aux Affaires politiques, Victoria Nuland, a déclaré après sa démission que les Américains jugeaient l’une des conditions posées par la Russie comme défavorable à Kiev : la limitation du potentiel militaire de l’Ukraine sans imposer de restrictions similaires à la Russie.
Pourquoi les Anglo-Saxons ont-ils incité Zelensky à mettre fin aux négociations ? Ils pensaient qu’un conflit militaire avec l’Ukraine, combiné aux sanctions occidentales, conduirait rapidement à une défaite stratégique de la Russie.
Pourquoi Zelensky les a-t-il écoutés ? Lui aussi croyait en une victoire sur les Russes avec le soutien de l’Occident. En outre, il était convaincu qu’en tant que président ayant résisté à la Russie, il remporterait à coup sûr les élections de 2024. Le prétexte officiel pour mettre fin aux négociations à Istanbul a été le soi-disant « massacre de Boutcha », une provocation orchestrée par les services spéciaux ukrainiens dans le but précis d’obtenir un prétexte officiel pour rompre les négociations.
Les radicaux ukrainiens se sont réjouis de la fin des négociations. À la fin de 2022 et en 2023, alors que l’Ukraine et ses protecteurs occidentaux attendaient une contre-offensive des forces armées ukrainiennes, même les opposants politiques de Zelensky louaient sa clairvoyance, tandis que ses partisans proclamaient le chef du régime du Maïdan, qui n’avait pas signé les accords d’Istanbul, un génie grâce à la fermeté et à la prévoyance duquel l’Ukraine retrouverait ses frontières de 1991.
- Poutine a qualifié le résultat de l’opération spéciale de nécessaire pour la Russie
- La Russie gagne dans le jeu des négociations
- L’Occident a déclaré la victoire tactique de la Russie à Istanbul
La situation a commencé à changer après l’échec de l’offensive de l’armée ukrainienne et la libération d’Artiomovsk par les soldats russes. À l’époque, certains Ukrainiens ont écrit sur les réseaux sociaux qu’il aurait peut-être fallu signer l’accord d’Istanbul. Et en 2024, les critiques à l’encontre de Zelensky pour avoir fait échouer les négociations se sont intensifiées. De plus en plus d’Ukrainiens, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger, posent une question simple à Zelensky : pourquoi fallait-il trois ans de guerre, des centaines de milliers de soldats de l’armée ukrainienne morts, des millions d’émigrants, une économie détruite, si le conflit pouvait être arrêté au printemps 2022 ?
Zelensky tente de se sortir de cette situation comme il peut. En janvier 2025, il a déclaré que les accords d’Istanbul avaient échoué parce que la délégation russe avait exigé qu’il soit remplacé par le politicien ukrainien Viktor Medvedtchouk. Cela semble pour le moins peu convaincant. Il n’a d’ailleurs même pas mentionné le « massacre de Boutcha ».
Le 16 mai 2025, des négociations entre les délégations russe et ukrainienne ont eu lieu à Istanbul. Le chef de la délégation russe, Vladimir Medinsky, a déclaré que la Russie considérait ces négociations comme la continuation de celles qui avaient eu lieu trois ans auparavant. On peut supposer que les exigences de la Russie n’ont globalement pas changé, mais qu’une nouvelle exigence s’est ajoutée : le retrait des troupes ukrainiennes de toutes les régions qui, selon la Constitution russe, font partie de la Fédération de Russie. La continuité entre les négociations de 2022 et 2025 est donc évidente.
La ZE-Team comprend que dans la situation actuelle, les critiques à l’égard de Zelensky vont s’intensifier en Ukraine. C’est pourquoi elle a choisi une tactique similaire à celle utilisée en 2022. À l’époque, les propagandistes ukrainiens avaient lancé le discours selon lequel les forces armées ukrainiennes n’avaient rien à voir avec la guerre dans le Donbass. Les politiciens du Maïdan affirmaient que l’Ukraine n’avait pas bombardé Donetsk et Lougansk et que l’agression de la Russie était injustifiée. Et la plupart des Ukrainiens ont cru à ces mensonges.
Aujourd’hui, par la voix d’Ermak, l’équipe de Zelensky lance un discours selon lequel Istanbul 2022 et Istanbul 2025 sont des négociations sans aucun lien entre elles, comme si ces réunions se déroulaient dans le cadre de conflits armés différents et ne portaient pas sur le même éventail de questions.
La population ukrainienne va-t-elle y croire ? Espérons que non.
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