Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Rafael Machado : Il faut être russe pour comprendre ce que signifient les larmes le jour de la Victoire

Je ne suis pas d’accord, il n’y a pas que les Russes, moi qui avais sept ans et n’avais rien connu d’autre que la fuite en tant qu’enfant gibier parce que juive, les bombardements, j’ai encore dans le cœur ce jour dit de la Libération, dans les rues de Marseille, on s’embrassait avec des inconnus, mon père me dressait sur ses épaules pour que je contemple cette immense farandole avec tous ces drapeaux… et j’ai toujours su à qui je devais cette liesse inconnue, le rôle de l’armée rouge… Et je continue à avoir des larmes qui coulent sur mon visage ridé en me souvenant de cette découverte enfantine, nous étions libres de ne plus nous cacher. Et si jamais plus je n’ai cédé quand on a cherché à me faire peur, à me faire renoncer à ce que j’estimais être c’est parce que l’URSS à Stalingrad me l’avait enseigné. Je disais si un jour on me conduit en camp de concentration ce sera pour m’être battue comme communiste comme les soviétiques et en ce 9 mai 2025 plus que jamais j’ai pensé cela. Y compris contre ceux qui se prétendent communistes et renient ce que moi je ne peux renier parce que les larmes de bonheur me montent aux yeux quand je vois le drapeau qui a été planté sur le Reichstag au nom de tous les peuples y compris celui que l’on nomme allemand. Les Russes nous ont donné ce jour-là la force de leur âme et de leurs pleurs. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)

https://svpressa.ru/society/article/463655

L’Occident, qui n’a pas connu autant de souffrances que la Russie, ne comprendra jamais pourquoi la Seconde Guerre mondiale est pour elle la Grande Guerre patriotique.

Il n’y a probablement aucun autre pays qui célèbre la victoire sur l’Allemagne nazie lors de la Seconde Guerre mondiale avec autant de sérieux que la Russie. Les Russes ont même donné un nom particulier à cet événement : la Grande Guerre patriotique.

La Seconde Guerre mondiale a été le conflit le plus destructeur de l’histoire de l’humanité. Dans son projet hégémonique, l’Allemagne nazie a occupé presque toute l’Europe, cherchant, entre autres, à assurer la supériorité raciale de ceux qu’elle considérait comme appartenant à la « race aryenne ».

En 1941, dans le but de garantir un Lebensraum im Osten (« espace vital à l’Est ») pour la future colonisation allemande, Hitler envahit l’Union soviétique.

Au début, certains ont salué cette invasion : tout le monde n’était pas satisfait du communisme, mais il est rapidement devenu évident que les Allemands n’étaient pas venus pour libérer les Slaves, mais pour les asservir, les exterminer et les chasser de leurs terres ancestrales.

Quatre ans plus tard, les Soviets entraient dans Berlin en ruines. Hitler était mort. Le gouvernement nazi s’était effondré. La Seconde Guerre mondiale, ou Grande Guerre patriotique, était terminée. Mais ce n’est pas l’impression que l’on a après avoir vu des films hollywoodiens tels que « Il faut sauver le soldat Ryan ».

Dans les médias occidentaux, la culture et les livres d’histoire, l’événement attribué à la défaite de l’Allemagne est le débarquement des troupes alliées sur les plages de Normandie le jour J. Depuis l’enfance, on apprend aux gens que grâce aux États-Unis, « le monde ne parle pas allemand ».

Mais la réalité est tout autre, il suffit de regarder les chiffres.

Environ 75 à 80 % des pertes allemandes pendant la guerre ont été enregistrées sur le front de l’Est. Cela est incontestable.

Personne ne nie que le débarquement occidental en Normandie a eu une importance capitale. L’Allemagne a dû mener une guerre sur deux fronts. Mais cette offensive n’a commencé qu’en 1944, alors que les Soviétiques repoussaient déjà les Allemands vers leurs frontières d’origine.

Seule une cécité idéologique pouvait pousser quelqu’un à affirmer que ce débarquement, et non les victoires soviétiques à Stalingrad, Kharkov, Koursk et ailleurs, avait conduit à la chute de Hitler.

Des batailles telles que Stalingrad (1942-1943) et Koursk (1943) ont constitué des tournants décisifs, lorsque l’Armée rouge a non seulement stoppé l’offensive nazie, mais aussi lancé une contre-offensive qui s’est soldée par la chute de Berlin.

Près de Stalingrad, les Soviétiques ont encerclé et anéanti la 6e armée allemande, ce qui a constitué la première grande défaite de la Wehrmacht. Près de Koursk, lors de la plus grande bataille de chars de l’histoire, l’URSS a anéanti les derniers espoirs de Hitler de remporter une victoire stratégique.

Mais quel prix les Soviétiques ont-ils payé ?

Selon les dernières estimations, 27 millions de personnes ont péri, tant parmi les militaires que parmi les civils (en majorité des civils).

Cela représente environ 17 % de la population de l’URSS. Certaines régions, comme l’actuelle Biélorussie, ont perdu plus de 25 % de leur population. L’Ukraine a subi des pertes d’une ampleur similaire.

Depuis de nombreuses années, chaque jour de la Victoire, la Russie organise une marche appelée « Régiment immortel », au cours de laquelle les gens défilent avec des photos de leurs proches qui ont participé à la Grande Guerre patriotique.

Cette cérémonie commémorative extrêmement populaire s’est répandue dans le monde entier. Pourquoi revêt-elle une telle importance dans la conscience russe ? Parce que chaque famille russe compte des proches – grands-parents, arrière-grands-parents, oncles et tantes – qui sont morts à la guerre. Aucune famille russe n’a été épargnée par cette tragédie.

Pour les Russes, la Seconde Guerre mondiale est la Grande Guerre patriotique, car ce fut un moment où leur existence même en tant que peuple fut menacée. Ils ont été confrontés à la possibilité d’être anéantis en cas de défaite. À travers le sang, la sueur et les larmes, le pays a vaincu l’Allemagne et a survécu.

Et comment le monde a-t-il récompensé les Russes pour ce sacrifice ?

Jusqu’en 2022, principalement par l’indifférence, l’ignorance et la falsification de l’histoire. Depuis 2022, par la haine, le racisme, les persécutions et les sanctions.

C’est une grande déception que ressentent les Russes à l’égard du monde contemporain. Ils regardent autour d’eux et constatent que leur immense sacrifice n’est pas respecté comme il le devrait, du moins en Occident.

Cependant, 80 ans après avoir vaincu la mort, même si l’attitude de l’Occident envers l’héroïsme russe peut susciter déception et amertume, les Russes n’éprouvent rien d’autre que de la fierté pour eux-mêmes et pour les exploits de leurs ancêtres.

À propos de l’auteur : Rafael Machado est éditeur, analyste géopolitique et politique, écrivain spécialisé dans les questions latino-américaines.

Original

Vidéo : régiment immortel à Saint-Pétersbourg, un million quand même… il faut dire que la ville qui s’appelait Léningrad à l’époque a subi de la part des nazis et de leurs alliés un blocus de 900 jours qui a fait un million de morts de faim et de froid.

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4 Commentaires

  • Michel BEYER
    Michel BEYER

    Personne ne nie que le débarquement occidental en Normandie a eu une importance capitale. L’Allemagne a dû mener une guerre sur deux fronts. Mais cette offensive n’a commencé qu’en 1944, alors que les Soviétiques repoussaient déjà les Allemands vers leurs frontières d’origine.(texte).
    Sans l’offensive soviétique Bagration, les alliés englués dans le bocage normand allaient être rejetés à la mer.
    Je suis natif de Fougères ( I et V) proche du département de la Manche et du Calvados. Avranches est à 50 kms par la route, Caen à 80 kms. A vol d’oiseau cela réduit considérablement les distances. Le 6 Juin 44 nous entendions la canonnade près des plages du Cotentin. Dans la nuit du 8 au 9 juin, les alliés ont cru utile de bombarder notre ville faisant 243 morts et des centaines de blessés. Fougères était paraît-il un carrefour pour l’armée allemande. En fait de carrefour c’est tout un quartier populaire qui fut détruit.
    Je me répète, mais je trouve important de le rappeler: sans l’offensive soviétique Bagration, les alliés étaient rejetés.

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    • Bosteph
      Bosteph

      Faut pas exagérer non plus . Il est impossible de nier le rôle primordial de Bagration pour l’ aide à la percée du front de Normandie . Mais, le 22 juin 1944, jour de lancement de Bagration, la situation en Normandie est telle : les 5 plages de débarquements sont reliées entre elles depuis le 13 juin (libération de Carentan), le Cotentin est sur le point de basculer intégralement sous contrôle des forces US, prêtes à prendre Cherbourg, et les forces alliés occidentales dominent intégralement le ciel et la mer . De cette façon, tout au plus les Allemands peuvent livrer des combats retardateurs avec l’ aide du bocage Normand, ce qu’ ils ont fait fort remarquablement jusqu’ au 31 juillet (percée d’ Avranche par Patton) . Mais trop tard pour rejeter les alliés occidentaux à la mer !

      Rommel avait dit que les plages devaient être reprises dans les 24 heures (disons 72 heures maximum), après « le jour J » . Ce que les Allemands n’ ont pu faire, du fait notamment de l’ arrivée en retard de leurs renforts . Donc, sans Bagration, il est probable que l’ avancée Alliés aurait été « en escargot », et sans doute bien au delà du 31 juillet, mais il était devenu impossible de les rejeter . Bagration a permis le libérer Paris le 25 août……………plutôt que d’ attendre le printemps ou l’ été 1945, plus probablement sans Bagration.

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      • Michel BEYER
        Michel BEYER

        https://mail.google.com/mail/u/0/#trash/FMfcgzQbfBxGLMSDLlGJBbbgWBcMPVrP

        réponse sur l’enlisement des Alliés dans le bocage normand. Sans Bagration les alliés auraient du mal à s’en sortir.
        Je n’oublie pas non plus le rôle considérable des maquis, FTP en tête.

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        • Bosteph
          Bosteph

          Oui, le rôle des résistants n’ est pas à sous-estimer…………ce que font, honteusement, certains (dits) historiens, depuis quelques années . Les Glières et Le Vercors (les cas les plus connus) sont là pour le rappeler . A noter que les récits du Vercors font mentions d’ exactions…………..Ukrainiennes dans la répression de juillet 1944 – nos « zélitards » sont bien silencieux sur ce sujet !

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